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25/05/2022 | FRANCE | N°20/01191

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 25 mai 2022, 20/01191


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2022



N° RG 20/01191 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T4TO



AFFAIRE :



[Z] [S]





C/

S.A.S. CARGO LINES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 19

/00188



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nicolas COLLET-THIRY



la SELARL MONOD - TALLENT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2022

N° RG 20/01191 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T4TO

AFFAIRE :

[Z] [S]

C/

S.A.S. CARGO LINES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 19/00188

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicolas COLLET-THIRY

la SELARL MONOD - TALLENT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [S]

née le 31 Janvier 1977 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Nicolas COLLET-THIRY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0215

substitué à l'audience par Me Nicolas CHARAGEAT Nicolas, avocat au barreau de PARIS, vestiaire TE1630

APPELANTE

****************

S.A.S. CARGO LINES

[Adresse 1]

CIT

[Localité 2]

Représentant : Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD - TALLENT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 730

Représentant : Me Michel TALLENT, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

Mme [Z] [S] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 30 mai 2007, en qualité de 'business devlopment manager' (statut de cadre) par la société Cargo Lines.

Au début de l'année 2018, M. [T], nommé dans l'emploi de directeur, est devenu le supérieur hiérarchique de Mme [S].

Par avenant à effet au 1er mai 2018, Mme [S] a été nommée dans l'emploi de 'trade lane manager' et une partie variable de rémunération a été ajoutée à sa rémunération fixe.

Par lettre du 21 septembre 2018, la société Cargo Lines a notifié à Mme [S] un avertissement pour avoir tenu des propos inacceptables envers ses collègues et son supérieur hiérarchique et pour avoir 'pris l'habitude de refuser les instructions de travail' de ce dernier.

Par lettre du 4 octobre 2018, la société Cargo Lines a convoqué Mme [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 29 octobre 2018, la société Cargo Lines a notifié à Mme [S] son licenciement pour faute grave.

Le 22 mars 2019, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société Cargo Lines à lui payer notamment des indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour harcèlement moral, un rappel de salaire pour heures supplémentaires, un rappel de rémunération variable et un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.

Par jugement du 25 mars 2020, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave ;

- fixé le salaire moyen à 4 950 euros ;

- condamné la société Cargo Lines à payer à Mme [S] les sommes suivantes :

* 13 707 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 370 euros au titre des congés payés afférents ;

* 20 865,10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 3 373,88 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 337,38 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 142,37 euros à titre de rappel de prorata sur le treizième mois ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sommes allouées à Mme [S] porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter de la mise à disposition de la décision pour les créances indemnitaires ;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Cargo Lines de sa demande reconventionnelle ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 19 juin 2020, Mme [S] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 25 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [S] demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement et, statuant à nouveau, de :

- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Cargo Lines à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance et capitalisation des intérêts :

* 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et harcèlement moral ;

* 57 220,65 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 5 722,06 euros au titre des congés payés afférents ;

* 13 707 euros à titre de rappel de rémunération variable et 1 370,70 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 166,31 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 80 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Cargo Lines à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 17 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Cargo Lines demande à la cour de confirmer le jugement attaqué sur les déboutés des demandes de Mme [S], de l'infirmer sur le licenciement et les condamnations prononcées à son encontre ainsi que sur le débouté de sa propre demande de restitution d'un indû de treizième mois et, statuant à nouveau, de :

- dire le licenciement de Mme [S] fondé sur une faute grave ;

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [S] à lui rembourser une somme de 3 326 euros à titre d'indû de treizième mois et à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 mars 2022.

SUR CE :

Sur les dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et harcèlement moral :

Considérant que Mme [S] soutient qu'elle a été victime d'une exécution de mauvaise foi du contrat de travail et d'un harcèlement moral constitués par :

- un courriel vexatoire du président de la société Cargo Lines envoyé le 23 janvier 2018 ;

- des avances, des reproches injustifiés, une ingérence dans la gestion de ses dossiers, l'annulation de déplacements professionnels, un retrait progressif de ses missions contractuelles, l'attribution de tâches extérieures à ses responsabilités de la part de M. [T] ;

- un avertissement injustifié notifié le 21 septembre 2018 ;

Qu'elle soutient également que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne réagissant pas à sa dénonciation de harcèlement moral ;

Qu'elle réclame une somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par ces manquements ;

Considérant que la société Cargo Lines conclut au débouté ;

Considérant, sur le harcèlement moral, qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en l'espèce, s'agissant du courriel adressé par le président de la société Cargo Lines le 23 janvier 2018, il ressort de cette pièce que son auteur indique à Mme [S] 'vous avez des médicaments ''' puis 'je n'apporterai pas de commentaire à votre délires' ;

Que s'agissant de l'avertissement, la réalité de ce fait n'est pas contestée ;

Que s'agissant en revanche du comportement imputé à son supérieur direct, M. [T], Mme [S] verse aux débats des échanges de SMS, manifestement incomplets et dont il ressort seulement qu'ils se tutoyaient et entretenaient une relation amicale jusqu'en mai 2018, ainsi que des courriels dans lesquels elle l'accuse subitement à compter de cette date, en utilisant le vouvoiement, des griefs mentionnés ci-dessus, sans que ne soient apportés d'éléments objectifs venant corroborer ses allégations ;

Que dans ces conditions, Mme [S] présente deux éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral ;

Que pour sa part, la société Cargo Lines fait justement valoir qu'il ressort de l'échange de courriels du 23 janvier 2018 qu'il s'agit d'une réponse du président à un courriel émanant de Mme [S] dans lequel elle accuse subitement ce dernier de la désigner comme responsable de l'échec de négociations commerciales, sans qu'elle ne démontre la véracité de ses accusations ; que le président de la société Cargo Lines n'a donc fait que répondre à des propos diffamatoires de la salariée ;

Qu'ensuite, la société Cargo Lines verse aux débats divers échanges de courriels, notamment entre Mme [S] et M. [T], dont il ressort qu'elle a effectivement refusé d'exécuter ses instructions et a remis en cause, sur un ton déplacé, son autorité ; que l'avertissement prononcé le 21 septembre 2018 est donc justifié ;

Que ces deux faits ne sont donc pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant, sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, que Mme [S] invoque les mêmes éléments que ceux présentés au soutien du harcèlement moral ; que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus, aucune faute ne peut être relevée à ce titre ;

Considérant, sur le manquement à l'obligation de sécurité, que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ;

Qu'en l'espèce, Mme [S] se borne à invoquer un courriel du 22 août 2018 adressé à l'actionnaire de la société Cargo Lines dans lequel elle indique que sa collaboration avec M. [T] n'est plus possible et demande une rupture conventionnelle sans dénoncer de harcèlement moral ; que de plus et en tout état de cause, aucun harcèlement moral de la part de M. [T] n'est établi ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité ne ressort donc des débats ;

Considérant enfin et en toutes hypothèses que pour les trois manquements en litige mentionnés ci-dessus, Mme [S] se borne à invoquer à ce titre un préjudice, sans justifier de son existence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de débouter Mme [S] de sa demande de dommages-intérêts ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires :

Considérant que Mme [S] soutient que ses bulletins de salaire font abusivement état d'une convention de forfait annuel en jours, alors que son contrat de travail n'en prévoit pas ; qu'étant ainsi soumise à une convention de forfait nulle et par suite à la durée légale du travail, elle réclame un rappel de salaire pour heures supplémentaires depuis l'année 2016 ;

Considérant que la société Cargo Lines, qui reconnaît l'inexistence d'une convention de forfait annuel en jours, conclut au débouté en faisant valoir que Mme [S] n'apporte aucun élément propre à étayer sa demande ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ; que selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'administration du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié et que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire ; que selon l'article L. 3171-4 du code du travail : 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable' ; qu'il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Qu'en l'espèce, au soutien de sa demande, Mme [S] verse aux débats notamment un décompte indiquant pour chaque journée en cause les horaires de travail qu'elle prétend avoir accomplis et le nombre d'heures ainsi accomplies de manière hebdomadaire sur toute la période en litige ;

Que dans ces conditions, Mme [S] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Que pour sa part, la société Cargo Lines ne produit pas le moindre élément sur les heures de travail effectuées par l'appelante ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande et d'allouer à Mme [S] la somme de 57 220,65 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 5 722,06 euros au titre des congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur le rappel de rémunération variable :

Considérant qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ;

Qu'en l'espèce, la société Cargo Lines se borne à verser aux débats un tableau, dont l'origine est inconnue et qui est dépourvu de signature, et qui est donc impropre à démontrer que Mme [S] n'a pas atteint son objectif de marge brute pour le premier semestre courant à compter du 1er avril 2018 ; que la pièce n°24, intitulée 'comptes d'exploitation progressif', composée de quatorze pages de tableaux chiffrés, est incompréhensible et insuffisante à démontrer elle aussi la non atteinte des objectifs en cause ;

Que dans ces conditions, il y a lieu d'allouer à Mme [S] la somme de 13 707 euros qu'elle réclame à ce titre qui correspond au commissionnement du premier semestre dans la limite du plafond de trois fois la rémunération de base mensuelle, comme prévu par le contrat de travail, outre 1 370,70 euros au titre des congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur le bien fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à Mme [S] lui reproche les faits suivants :

- ne pas avoir respecté les instructions et demandes de son supérieur, ce fait étant constitutif d'une insubordination et d'un comportement déloyal, en citant une absence de réponse à des demandes réitérées de transmission de l'historique des relations avec un client (la société Troy) faites par courriels des 1er et 4 octobre 2018, ainsi que des absences de réponse à des demandes faites par courriels des 9 août et 18 septembre 2018 ;

- 'des envois d'information d'exploitation d'activité à vos collègues [qui] sont tellement laconiques qu'ils sont difficilement compréhensibles et exploitables' ;

Considérant que Mme [S] soutient que les faits reprochés ne sont pas établis et que les absences de réponse aux courriels des 9 août et 18 septembre 2018 se heurtent en tout état de cause à l'épuisement du pouvoir disciplinaire à raison du prononcé de l'avertissement du 21 septembre 2018 ; qu'elle ajoute que certains faits reprochés par la société Cargo Lines dans ses conclusions ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'elle conclut que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu'il convient de lui allouer des indemnités de rupture et un rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;

Considérant que la société Cargo Lines soutient que les faits sont établis et constitutifs d'une faute grave, notamment à raison de la persistance d'une insubordination après un avertissement pour des faits de même nature ; qu'elle conclut donc au débouté de l'ensemble des demandes ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées et notamment d'un échange de courriels des 1er et 4 octobre 2018 entre Mme [S] et M. [T] que la salariée n'a pas, en dépit de demandes réitérées de son supérieur, fourni les informations relatives à l'historique de ses échanges avec la société Cargo Lines Troy ; qu'il s'agit là d'une insubordination comme le reproche à juste titre l'employeur, laquelle survient de surcroît quelques jours après la notification de l'avertissement du 21 septembre 2018 pour des faits de même nature ;

Que ces faits, qui remettent en cause le lien de subordination de la salariée envers son employeur, empêchaient la poursuite du contrat de travail ; que la faute grave reprochée à Mme [S] est donc établie, sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des griefs ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de la débouter de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de rappel de prorata de treizième mois sur la période de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et de congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ; que le débouté de la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera quant à lui confirmé ;

Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés :

Considérant en l'espèce que, comme le soutient à juste titre Mme [S], son bulletin de salaire du mois de juin 2018 fait état d'un solde de 98,08 jours de congés payés, tandis que son bulletin de salaire du mois de juillet suivant ne mentionne plus qu'un solde 47,17 jours de congés payés ; que la société Cargo Lines, qui reconnaît seulement la non prise en compte de 25 jours de congés payés au moment de l'établissement du solde de tout compte, ne justifie pas, alors que la charge de la preuve lui revient, du paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés calculée à partir du solde mentionné sur le bulletin de salaire du mois de juin 2018, le tableau qu'elle verse aux débats étant incompréhensible ; qu'il convient donc de faire droit à la demande et d'allouer à Mme [S] une somme de 5 166,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, étant précisé que la société ne produit pas non plus de calcul compréhensible justifiant l'allocation d'une somme moindre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur les intérêts légaux sur les sommes allouées à Mme [S] et la capitalisation :

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que les sommes allouées ci-dessus à Mme [S], qui ont une nature salariale, portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Cargo Lines de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes ; que la capitalisation des intérêts sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur la demande de remboursement du treizième mois formée par la société Cargo Lines intimée :

Considérant que l'avenant au contrat de travail applicable au 1er mai 2018 stipule que Mme [S] 'au 31 décembre de chaque année (...), percevra une gratification dite de 13e mois calculée sur la base du salaire mensuel brut forfaitaire du mois précédent selon les modalités en vigueur. Toutefois cette gratification ne sera attribuée qu'au salarié ayant un minimum de six mois d'ancienneté effective dans l'entreprise et présent à la date du 31 décembre' ;

Qu'à raison de son licenciement pour faute grave du 29 octobre 2018, qui est bien-fondé ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme [S] n'était plus présente dans l'entreprise au 31 décembre suivant ; que la gratification de treizième mois n'était donc pas due, comme le soutient à juste titre l'employeur qui est ainsi fondé à en demander la répétition, étant précisé que Mme [S] n'établit en rien l'existence d'une 'pratique constante' consistant à payer cette gratification prorata temporis ;

Que Mme [S] sera ainsi condamnée à payer à la société Cargo Lines la somme de 3 326,60 euros à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'infirmer en ce qu'il statue sur les dépens ; que la société Cargo Lines, partie succombante, sera condamnée à payer à Mme [S] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [Z] [S] est fondé sur une faute grave,

Condamne la société Cargo Lines à payer à Mme [Z] [S] les sommes suivantes :

- 57 220,65 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 5 722,06 euros au titre des congés payés afférents,

- 13 707 euros à titre de rappel de rémunération variable et 1 370,70 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 166,31 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

Rappelle que les sommes allouées ci-dessus à Mme [Z] [S] portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Cargo Lines de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne Mme [Z] [S] à payer à la société Cargo Lines une somme de 3 326,60 euros à titre de remboursement d'un indû de treizième mois,

Condamne la société Cargo Lines à payer à Mme [Z] [S] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Cargo Lines aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01191
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;20.01191 ?
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