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25/05/2022 | FRANCE | N°19/03013

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 25 mai 2022, 19/03013


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2022



N° RG 19/03013 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TLK2



AFFAIRE :



[B] [P] épouse [F]





C/

SAS EURO DEFENSE SERVICE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Commerce
>N° RG : 17/01998



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Larbi BELHEDI



Me Jacques LAROUSSE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2022

N° RG 19/03013 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TLK2

AFFAIRE :

[B] [P] épouse [F]

C/

SAS EURO DEFENSE SERVICE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Commerce

N° RG : 17/01998

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Larbi BELHEDI

Me Jacques LAROUSSE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [B] [P] épouse [F]

née le 28 Juillet 1962 à [Localité 6] (MAROC)

de nationalité marocaine

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Mohamed LOUKIL de la SCP LOUKIL RENARD ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J069 - Représentant : Me Larbi BELHEDI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 314

APPELANTE

****************

SAS EURO DEFENSE SERVICE

N° SIRET : 324 095 884

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jacques LAROUSSE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1019

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

EXPOSE DU LITIGE

[B] [P] épouse [F] a été engagée par la société Onet suivant un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 19 juin 2009 en qualité d'agent de service, échelon 1A, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté, les relations contractuelles s'étant poursuivies ensuite pour une durée indéterminée.

A compter du 1er novembre 2010, le contrat de travail a été transféré à la société Euro Défense Service qui a succédé à la société Onet dans l'exécution du marché sur lequel était affecté la salariée. 

A compter du 1er janvier 2013, la salariée a été affectée sur le chantier '[7]', puis à compter du 1er septembre 2015 sur le chantier 'Foyer de [Localité 5]'.

Par lettre datée du 27 novembre 2015, l'employeur a notifié à la salariée sa convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave, fixé au 8 décembre suivant.

A compter du 2 décembre 2015, la salariée a été placée en arrêt de travail, régulièrement prolongé jusqu'au 12 janvier 2017. 

Par lettre datée du 7 décembre 2015, la salariée a indiqué à l'employeur ne pas être en mesure d'honorer l'entretien fixé au 8 décembre 2015 en dénonçant une situation de harcèlement moral et sexuel subie de la part de son chef de service.

Par lettre datée du 14 décembre 2015, l'employeur a notifié un avertissement à la salariée sanctionnant un 'manquement dans l'ensemble des prestations que vous devez réaliser quotidiennement dans les chambres et les parties communes du Foyer de [Localité 5]'.

Le 13 janvier 2017, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : 'Inapte à tous postes. 2ème visite dans le cadre de l'inaptitude relativement à l'article R. 4624-31 du code du travail. 1ère visite réalisée le 20/12/2016. Etude de poste réalisée le 11/01/2017".

Par lettre datée du 16 février 2017, la société Euro Défense Service a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 20 juillet 2017, [B] [P] épouse [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en invoquant un harcèlement moral et sexuel afin d'obtenir l'annulation de l'avertissement et du licenciement ainsi que la condamnation de la société Euro Défense Service à lui payer diverses indemnités. 

Par jugement mis à disposition le 14 juin 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges :

- ont dit que le licenciement est justifié, 

- ont fixé le salaire moyen à 1 398,16 euros, 

- ont débouté [B] [P] épouse [F] de toutes ses demandes, 

- n'ont pas fait droit à la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par la société Euro Défense Service,

- ont mis les dépens à la charge de [B] [P] épouse [F].

Le 23 juillet 2019, [B] [P] épouse [F] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 7 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [B] [P] épouse [F] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de juger nul l'avertissement et le licenciement, subsidiairement de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société Euro Défense Service aux sommes suivantes, après avoir fixé le salaire moyen des trois derniers mois à 1 649 euros :

* 36 000 euros à titre de réparation de trois années de harcèlement moral et sexuel, 

* 83 362 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 

* 6 596 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis,

* 659,60 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 981,50 euros à titre de rappel de l'indemnité de licenciement,

* 993,25 euros à titre de rappel de salaire pour la période de septembre, octobre et novembre 2015,

* 99,32 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 336,40 euros à titre d'indemnité de transport,

* 18 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité,

avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2017, date de la saisine de la juridiction prud'homale,

* 6 000 euros au titre des frais irrépétibles,

et aux dépens. 

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 19 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Euro Défense Service demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de ses demandes formées en cause d'appel, de condamner celle-ci à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens. 

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 12 avril 2022.

MOTIVATION

Sur le harcèlement moral et sexuel

La salariée fait valoir qu'elle a subi un harcèlement moral et sexuel de la part de ses supérieurs hiérarchiques successifs, ayant dégradé sa santé physique et mentale, à savoir :

- M. [A] lorsqu'elle était affectée sur le site de la [7] entre le 1er janvier 2013 et le 1er septembre 2015, se matérialisant par une surcharge de travail en lui affectant le travail d'autres salariés, des insultes à son égard, le refus de l'indemnité de transport et de journées de congés ;

- M. [K] sur le site du Foyer de [Localité 5] à compter du 1er septembre 2015, se matérialisant par une surcharge de travail, des insultes notamment le 2 décembre 2015, des discriminations injustifiées, des pressions exercées avec M. [A] pour signer un avenant 'qui ne correspondait pas au Foyer de [Localité 5]' qu'elle a finalement signé, l'obligation faite de débuter son travail à 6 heures au lieu de l'horaire contractuel de 6h15, les propos suivants tenus à la fin de novembre 2015 : 'si je lui faisais du bien, il me ferait du bien' et une 'tape sur les fesses'. Elle invoque en outre l'avertissement notifié le 14 décembre 2015 de manière injustifié selon elle.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;

Aux termes de l'article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétée qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits précis et concordants qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de l'article L. 1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l'article L. 1153-4, toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 1153-1 à L. 1153-3, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l'article L. 1333-1 du code du travail, le salarié peut demander au juge l'annulation d'une sanction disciplinaire prise à son encontre par son employeur. Le juge forme sa conviction au vu des éléments apportés par les deux parties. Toutefois, l'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre cette sanction qui sera annulée si elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.

S'agissant du comportement de M. [A] sur le chantier '[7]', la salariée allègue de manière générale et vague une surcharge de travail par l'affectation du travail d'autres salariés, des insultes, des refus de l'indemnité de transport et de journées de congés, sans cependant citer de faits précis. Aucune pièce ne vient matérialiser des agissements susceptibles de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

S'agissant des faits relatifs au comportement de M. [K] sur le chantier du Foyer de [Localité 5] à compter du 1er septembre 2015 jusqu'au 2 décembre 2015

Il ressort du compte-rendu d'entretien professionnel de la salariée tenu le 16 novembre 2015, signé par la salariée et sa hiérarchie, que celle-ci a exprimé la demande d'un changement de site.

Par ailleurs, il ressort d'une déclaration de la salariée aux services de police de [Localité 8] effectuée le 4 décembre 2015 et d'une plainte pénale auprès des mêmes services formalisée le 7 décembre 2015 que la salariée a dénoncé le comportement irrespectueux et insultant adopté de manière régulière par [L] [K], son supérieur hiérarchique, à son égard, se matérialisant par une surcharge de travail, des insultes notamment le 2 décembre 2015, des discriminations injustifiées comme par exemple le refus de l'usage de la cuisine pendant quinze jours l'obligeant à manger son repas froid, des pressions exercées pour signer un avenant 'qui ne correspondait pas au Foyer de [Localité 5]' qu'elle a fini par signer, les propos suivants tenus à la fin de novembre 2015 : 'si je lui faisais du bien, il me ferait du bien' en lui donnant une 'tape sur les fesses'.

Ces dernières allégations, seuls faits cités au soutien du harcèlement sexuel allégué, ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées pour établir des faits laissant présumer un harcèlement sexuel.

Les autres allégations de la salariée relatives au harcèlement moral sont corroborées par les témoignages de ses anciennes collègues de travail, [R] [X] et [U] [M], cette dernière ayant recueilli ses plaintes, ainsi que ceux de sa fille, [D] [F] et son époux, [O] [F] qui ont constaté l'état d'épuisement physique et nerveux de la salariée qui ne parvenait plus à assumer les tâches domestiques en rentrant de son travail et ses plaintes récurrentes au sujet du comportement harcelant de son supérieur hiérarchique à son égard.

S'agissant de l'avertissement notifié le 14 décembre 2015

L'employeur a reproché à la salariée d'avoir refusé de nettoyer des sanitaires le 23 novembre 2015 en prétextant les avoir déjà nettoyés et de manière générale de ne pas suivre les consignes qui lui sont données, d'avoir refusé le 2 décembre 2015 de désinfecter son chiffon et d'avoir effectué un début de prestation allant à l'encontre du travail déjà effectué par ses collègues de travail, ce qui a contraint M. [K] à l'écarter de son travail le 2 décembre 2015.

La salariée produit un écrit daté du 18 janvier 2016 établi par [Z] [S], présidente du Foyer de [Localité 5], indiquant que la salariée 'a toujours travaillé sérieusement sans que nous ayions à subir quelconques difficultés de sa part'.

La salariée produit encore un écrit daté du 7 décembre 2015, signé par [T] [W] en sa qualité de gérant de la société Seg en charge de la sécurité du Foyer de [Localité 5] indiquant que [G] [N], un des agents de sécurité de la société, appelé par M. [K] vers 6h20 le 2 décembre 2015 pour l'assister afin de faire partir la salariée qui se trouvait dans l'une des salles de classe de l'école, avait trouvé celle-ci en pleurs et lui avait dit que son supérieur lui reprochait de ne pas faire son travail et qu'elle voulait continuer à travailler, que M. [N] lui avait rapporté avoir été témoin des insultes en français et en arabe proférées par M. [K] à l'encontre de la salariée, en notamment disant 'dégage là', 'vas-y vas-y : sors de la! Que je ne revois plus ici!', que M. [N] avait ouvert le portillon d'entrée afin qu'elle puisse sortir, M. [K] les suivant en s'adressant en français et en arabe à la salariée.

S'agissant des pièces de nature médicale, les certificats médicaux produits par la salariée mentionnent un syndrôme anxio-dépressif dont celle-ci a souffert.

Il résulte de tout ce qui précède que la salariée présente des éléments de faits suffisamment précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral subi entre septembre et le 2 décembre 2015 et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant du comportement harcelant de M. [K] à l'égard de la salariée, la société ne produit pas d'élément venant contredire les allégations et témoignages produits par celle-ci dans le cadre de son travail au Foyer de [Localité 5].

S'agissant de l'avertissement notifié le 14 décembre 2015, la société ne produit strictement aucune pièce établissant de manière objective que la salariée n'aurait pas exécuté les prestations qu'elle devait accomplir quotidiennement de manière générale et encore moins le 23 novembre 2015, et qu'elle aurait fait preuve d'un comportement insubordonné, comme mentionné dans la lettre notifiant la sanction.

S'agissant des faits du 2 décembre 2015, la société produit un écrit manuscrit attribué à M. [K] daté du 2 décembre 2015, aux termes duquel celui-ci indique s'être rendu le même jour sur le poste de la salariée pour lui donner des instructions et que celle-ci lui avait reproché de 'ne pas la laisser tranquille', d'avoir 'le double de travail par rapport à ses collègues' et que M. [A] et lui-même 'faisions tout pour la maltraiter' et qu'elle comptait porter plainte à leur encontre pour 'harcèlement sexuel', 'propos qui m'ont été répétés par le gardien du site ([G]) lors de son accompagnement jusque la sortie car je me suis vu dans l'obligation de mettre fin à son travail vu les propos tenus et le refus de faire son travail'.

Alors que la salariée a, par lettre datée du 7 décembre 2015, porté à la connaissance de l'employeur la situation de harcèlement moral et sexuel qu'elle estimait subir de la part de M. [K], et au vu des constatations qui précèdent qui n'établissent pas la mauvaise exécution de ses prestations et l'insubordination reprochées à la salariée, il s'ensuit que l'avertissement notifié le 14 décembre 2015 n'est pas justifié et doit être annulé.

Il résulte de tout ce qui précède que le harcèlement moral est établi.

Ce harcèlement moral subi par la salariée dans le cadre des relations de travail lui a causé un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros qui seront mis à la charge de la société Euro Défense Service. Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la validité du licenciement

La salariée conclut à la nullité du licenciement au motif que son inaptitude serait le résultat de la dégradation de son état physique par une surcharge de travail pendant trois ans et de la dégradation de son état psychique par les mauvais traitements et actes de harcèlement moral et sexuel.

Cependant, les éléments de nature médicale produits devant la cour n'établissent pas de lien entre son inaptitude et un harcèlement moral et sexuel au travail. Les certificats médiaux produits ne mentionnent en tout état de cause aucune constatation des conditions de travail de la salariée, les praticiens s'étant bornés à rapporter les dires de celle-ci.

Le lien entre l'inaptitude et le harcèlement moral retenu n'étant pas établi, ni d'ailleurs une origine professionnelle de l'inaptitude, il convient de débouter la salariée de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes consécutives (dommages et intérêts pour licenciement nul, indemnité de préavis et congés payés afférents, rappel d'indemnité de licenciement). Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La salariée conclut subsidiairement à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, sans cependant articuler aucun moyen au soutien de cette prétention. Elle en sera déboutée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

La salariée fait valoir que la société ne justifie pas des mesures prises pour prévenir les faits de harcèlement moral et a failli en conséquence à son obligation de sécurité et demande des dommages et intérêts à ce titre.

La société conclut au débouté de la demande de ce chef.

La salariée n'articule aucun moyen de fait précis au soutien de sa demande d'indemnisation formulée de manière générale et de surcroît n'allègue ni ne justifie pas d'un préjudice causé par le manquement allégué. Elle sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre du rappel de salaire pour la période de septembre à novembre 2015

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La salariée forme une demande de rappel de salaire au titre d'heures travaillées et non payées en septembre, octobre et novembre 2015, en faisant valoir que M. [K] lui imposait de commencer le travail à 6 heures et non 6 heures 15 et de quitter le travail à 14h30, qu'elle effectuait donc 7h30 de travail par jour, soit 37,5 heures de travail hebdomadaires et que de plus son salaire a été amputé de fausses heures d'absence en octobre et novembre 2015.

Si la salariée ne fournit pas d'élément suffisamment précis quant aux fausses heures d'absence alléguées, celle-ci produit un calcul dans le corps de ses écritures sur les heures effectuées non rémunérées, ce qui permet de retenir qu'elle présente ainsi à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à la société de répondre en produisant ses propres éléments.

La société conclut au débouté de cette demande et produit le compte-rendu d'entretien professionnel de la salariée tenu le 16 novembre 2015 signé par celle-ci mentionnant les horaires suivants correspondant aux dispositions contractuelles : 6h15 à 12h45 du lundi au vendredi, qui ont été validés par la salariée.

Il en résulte que l'ensemble des heures effectuées par la salariée ont été rémunérées.

La salariée sera déboutée sera déboutée de sa demande de rappel de salaire et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'indemnité de transport

La salariée fait valoir qu'elle n'a pas perçu l'indemnité de transport sur les années 2013 et 2014 et sur sept mois de l'année 2015 en méconnaissance des dispositions des articles L. 3261-2 et R. 3261-2 du code du travail.

La société réplique que la demande est mal fondée, la salariée ne justifiant pas de l'existence et de la remise des justificatifs correspondants.

Alors que l'article R. 3261-5 du code du travail subordonne la prise en charge des frais de transport par l'employeur à la remise ou à défaut la présentation des titres par le salarié, force est de constater que la salariée ne produit aucune pièce justifiant l'existence et la remise des justificatifs des frais de transport demandés. La salariée sera par conséquent déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Euro Défense Service qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à [B] [P] épouse [F] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté [B] [P] épouse [F] de ses demandes de nullité de l'avertissement et au titre du harcèlement moral et des frais irrépétibles, et en ce qu'il a condamné celle-ci aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

PRONONCE la nullité de l'avertissement notifié le 14 décembre 2015,

CONDAMNE la société Euro Défense Service à payer à [B] [P] épouse [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral subi, cette somme portant des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Euro Défense Service à payer à [B] [P] épouse [F] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONDAMNE la société Euro Défense Service aux entiers dépens,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03013
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;19.03013 ?
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