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18/05/2022 | FRANCE | N°19/02569

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 mai 2022, 19/02569


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 MAI 2022



N° RG 19/02569 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TISM



AFFAIRE :



[O] [P]





C/

SAS ELRES Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de N

ANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 17/02153



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELEURL SOLAW - Société d'Avocats



la SELARL ACTANCE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 MAI 2022

N° RG 19/02569 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TISM

AFFAIRE :

[O] [P]

C/

SAS ELRES Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 17/02153

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL SOLAW - Société d'Avocats

la SELARL ACTANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [P]

né le 15 Septembre 1982 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Sophie ETCHEGOYEN de la SELEURL SOLAW - Société d'Avocats, Déposant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1227

APPELANT

****************

SAS ELRES Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 025 196

[Adresse 7],

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 substitué à l'audience par Me Assia CHAFAÏ, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

M. [O] [P] a été embauché, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2014, par la société ELRES, spécialisée dans la restauration collective à destination des établissements scolaires et de santé, en qualité responsable de secteur (statut de cadre), rattaché au directeur régional Île-de-France pour les marchés des établissements de santé.

Une convention de forfait annuel de 210 jours, avec un plafond de 1 890 heures annuelles, a été incluse dans le contrat de travail.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités.

Par lettre du 24 novembre 2016, la société ELRES a convoqué M. [P] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 9 décembre 2016, la société ELRES a notifié à M. [P] son licenciement pour faute grave.

Le 1er août 2017, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester le bien-fondé de son licenciement ainsi que sa convention de forfait annuel en jours et demander la condamnation de la société ELRES à lui payer notamment des indemnités de rupture, un rappel de salaire pour heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts.

Par jugement du 6 mai 2019, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- condamné la société ELRES à payer à M. [P] les sommes suivantes :

* 3 166,87 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire et 316,68 euros au titre des congés payés afférents ;

* 16 338,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 633,84 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 885,07 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du bureau de conciliation pour les créances salariales, soit le 4 août 2017 ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit et fixé à 7 221 euros brut la moyenne mensuelle des salaires ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société ELRES aux dépens.

Le 17 juin 2019, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 12 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [P] demande à la cour de :

- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- à titre principal, condamner la société ELRES à lui payer les sommes suivantes :

* 3 166,87 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et 316,68 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 244,84 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

* 138 834 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 27 766,80 euros à titre de dommages-intérêts pour les circonstances de la rupture ;

* 27 766,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2 776,68 euros au titre des congés payés afférents ;

* 533,03 euros à titre de rappel de prime de treizième mois et 53,30 euros au titre des congés payés afférents ;

- à titre subsidiaire, condamner la société ELRES à lui payer les sommes suivantes :

* 3 166,87 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et 316,68 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 885,07 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

* 81 692 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 16 338,42 euros à titre de dommages-intérêts pour les circonstances de la rupture ;

* 16 338,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 633,84 euros au titre des congés payés afférents ;

* 533,03 euros à titre de rappel de prime de treizième mois et 53,30 euros au titre des congés payés afférents ;

- en tout état de cause, condamner la société ELRES à lui payer les sommes suivantes :

* 55 533,60 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 25 231,29 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 2 523,12 euros au titre des congés payés afférents ;

* 12 822,74 euros à titre d'indemnité pour les repos compensateurs non pris et 1 282,27 euros pour les congés payés afférents ;

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

- dire que les intérêts légaux courront à compter de la saisine.

Aux termes de ses conclusions du 10 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société ELRES demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur le débouté des demandes de M. [P] ;

- infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, dire que le licenciement de M. [P] est fondé sur une faute grave et débouter ce dernier de ses demandes ;

- condamner M. [P] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 23 mars 2022.

SUR CE :

Sur la nullité et l'inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours, le rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'indemnité pour les repos compensateurs non pris et l'indemnité pour travail dissimulé :

Considérant que M. [P] soutient que sa convention de forfait annuel en jours est nulle ou à tout le moins inopposable aux motifs que :

- aucun contrôle du nombre de jours travaillés par le biais d'un document rempli par ses soins ou par l'employeur faisant apparaître le nombre et la date des journéee et demi-journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos n'a été mis en place par l'employeur ;

- aucun suivi régulier par son supérieur hiérarchique de l'organisation du travail et de la charge de travail n'était mis en place ;

- aucun entretien annuel relatif à la charge de travail et à l'amplitude des journées n'a été organisé ;

Qu'il réclame en conséquence l'application de la durée légale du travail et le paiement de la somme de 25 231,29 euros, outre les congés payés afférents, à titre de rappel de salaire, pour une période qu'il ne précise pas, en se référant au nombre d'heures travaillées apparaissant sur ses bulletins de salaire ; qu'il réclame de plus de manière subséquente une indemnité pour les repos compensateurs non pris et une indemnité pour travail dissimulé ;

Considérant que la société ELRES conclut au débouté ;

Considérant en l'espèce que les moyens soulevés par M. [P], qui ont manifestement trait aux conditions d'application de la convention de forfait annuel en jours incluse dans son contrat de travail, soulèvent une question d'inopposabilité de la convention et non de nullité ;

Que par ailleurs, les deux premiers moyens sont dénués de fondement puisque le contrat de travail prévoit que le salarié doit établir un suivi et un décompte mensuel de ses jours de travail, des jours de repos et que les bulletins de salaire dont se prévaut M. [P] lui-même mentionnent pour chaque mois le nombre d'heures de travail réalisées et les jours de congés ; qu'il s'en déduit que le suivi en litige a été mis en place par l'employeur ;

Qu'enfin, la société ELRES justifie par la production de documents d'évaluation annuelle de M. [P] avoir organisé les entretiens annuels relatifs à la charge de travail en litige prévus par les dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

Qu'en conséquence, M. [P] n'est pas fondé à soulever l'inopposabilité de sa convention de forfait annuel en jours et à réclamer le paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, d'indemnités au titre des repos compensateurs non pris et les congés payés afférents et d'une indemnité pour travail dissimulé ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [P] lui reproche d'avoir organisé, sans autorisation de sa hiérarchie, une opération de relation publique, consistant en la fourniture d'un repas, avec les moyens humains et matériels de l'entreprise, à l'occasion d'une manifestation sportive organisée par la commune dont il est conseiller municipal ([Localité 5] dans l'Essonne), sans intérêt commercial pour l'entreprise, et d'avoir tenté d'en dissimuler la réalisation par une manipulation comptable, entraînant un préjudice pour l'entreprise de 2 385,80 euros ;

Considérant que M. [P] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que l'organisation de l'opération en cause rentrait dans ses attributions contractuelles, n'a pas été dissimulée à l'employeur et était destinée à promouvoir la société ELRES auprès de la commune de [Localité 5] et de potentiels clients ; qu'il ajoute que son licenciement est en réalité fondé sur un motif économique visant à écarter les salariés bénéficiant des plus gros salaires ; qu'il réclame en conséquence des indemnités de rupture et un rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire outre les congés payés afférents ;

Considérant que la société ELRES soutient que les faits reprochés sont établis et constitutifs d'une faute grave ; qu'elle conclut au débouté de l'ensemble des demandes ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment du contrat de travail et de la fiche de poste de responsable commercial, que M. [P] n'avait pas, contrairement à qu'il prétend et à ce qu'ont retenu les premiers juges, de mission de prospection de nouvelle clientèle, notamment par l'organisation d'opérations de relations publiques et que de surcroît la commune de [Localité 5] ne faisait pas partie de son périmètre d'action ; que l'organisation de l'opération de relation publique avec les moyens de l'entreprise nécessitait donc bien l'autorisation de sa hiérarchie ; que M. [P] avait de plus parfaitement conscience de sortir de ses attributions puisqu'il a initialement proposé au salarié de la société ELRES compétent pour en connaître d'organiser l'opération en cause, sans avoir jamais obtenu de réponse de sa part ;

Qu'il ressort également d'attestations de cadres de la société ELRES que l'opération de relation publique en cause ne présentait aucun intérêt commercial pour l'entreprise ;

Que par ailleurs, et en tout état de cause, il ressort de courriels envoyés par M. [P] à une autre salariée de la société ELRES que l'opération en cause a été dissimulée à l'employeur par une manipulation comptable consistant à en imputer les frais sur le compte d'un autre client de l'entreprise ;

Qu'enfin, M. [P] ne conteste pas que les frais résultant de l'opération en cause n'ont jamais été payés par quiconque et qu'il en est donc résulté un préjudice pour l'employeur ;

Que ces faits, notamment en ce qu'ils constituent un manquement patent à l'obligation de loyauté attendue d'un cadre supérieur, empêchaient la poursuite du contrat de travail ;

Que la faute grave est donc établie, contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes, étant précisé qu'aucun élément ne vient démontrer que le réel motif de licenciement est économique ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de débouter M. [P] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement ainsi que de rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire et les congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ; que par ailleurs, le débouté de la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé ;

Sur les dommages-intérêts pour circonstances vexatoires entourant le licenciement :

Considérant en l'espèce que M. [P] se borne à invoquer à ce titre la mise à pied à titre conservatoire dont il a fait l'objet ainsi que les motifs du licenciement mettant en cause sa probité ;

Que toutefois, il résulte de ce qui est dit ci-dessus au titre du bien-fondé du licenciement, que cette mise à pied à titre conservatoire était fondée, tout comme les motifs du licenciement ; que de surcroît, M. [P] ne verse aucun élément venant établir l'existence d'un préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur le rappel de treizième mois :

Considérant que M. [P] soutient que la société ELRES ne lui a pas payé l'intégralité du treizième mois pour l'année 2016 mois prévu par son contrat de travail et réclame un rappel d'un montant de 553,03 euros à ce titre, outre les congés payés afférents, sans expliquer le détail du calcul fondant une telle demande ; que pour sa part, la société intimée justifie avoir rempli M. [P] de ses droits à ce titre à raison notamment du paiement d'une somme de 1 972,62 euros avec le salaire du mois de novembre et d'une somme de 119,25 euros (2 091,87-1 972,62) au mois de décembre 2016, que M. [P] ne mentionne pas dans ses écritures ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ces deux points ; que M. [P], partie succombante, sera condamné à payer à la société ELRES une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il déboute M. [O] [P] de ses demandes,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [O] [P] est fondé sur une faute grave,

Déboute M. [O] [P] de ses demandes,

Condamne M. [O] [P] à payer à la société ELRES une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne M. [O] [P] aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02569
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.02569 ?
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