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18/05/2022 | FRANCE | N°19/02122

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 mai 2022, 19/02122


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 MAI 2022



N° RG 19/02122 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TF5Q



AFFAIRE :



[C] [J]





C/

SASU BUREAU VERITAS CONSTRUCTION









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Mars 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 1

7/02028



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Blandine SIBENALER



la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 MAI 2022

N° RG 19/02122 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TF5Q

AFFAIRE :

[C] [J]

C/

SASU BUREAU VERITAS CONSTRUCTION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Mars 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 17/02028

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Blandine SIBENALER

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [J]

né le 22 Juillet 1969 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Blandine SIBENALER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R286

APPELANT

****************

SASU BUREAU VERITAS CONSTRUCTION

N° SIRET : 790 182 786

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 8

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

EXPOSE DU LITIGE

[C] [J] a été embauché par la société Bureau Véritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Véritas Construction, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 septembre 2001 en qualité de 'généraliste Btp', statut cadre, position II, indice 100, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

A compter du 1er janvier 2006, le salarié est devenu responsable d'opérations. A compter du 1er avril 2009, il a été muté dans l'agence d'[Localité 4] puis à compter du 1er octobre 2014, il a été muté dans l'agence de [Localité 3].

Par lettre datée du 12 juin 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 juin 2017, qui s'est tenu le 20 juin 2017 à la demande du salarié, puis par lettre datée du 23 juin 2017, lui a notifié son licenciement, en le dispensant d'exécution du préavis de trois mois qui lui a été rémunéré.

Le 24 juillet 2017, [C] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Bureau Véritas Construction à lui payer une indemnité au titre du licenciement qu'il estime dénué de cause réelle et sérieuse.

Par jugement mis à disposition le 8 mars 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté [C] [J] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Bureau Véritas Construction de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [C] [J] aux dépens.

Le 8 mai 2019, [C] [J] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 28 juillet 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [C] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Bureau Véritas Construction à lui verser les sommes suivantes :

* 86 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 25 octobre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Bureau Véritas Construction demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement, débouter en conséquence [C] [J] de l'intégralité de ses demandes et condamner celui-ci à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- à titre subsidiaire, réduire les éventuelles condamnations prononcées à de plus justes proportions.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 16 juin 2021.

MOTIVATION

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement datée du 23 juin 2017 notifiée à [C] [J] est ainsi rédigée :

'(...)A plusieurs reprises depuis plusieurs mois, nous avons été amenés à vous faire part de notre insatisfaction quant à la réalisation de vos missions, et tout particulièrement pour ce qui concerne le délai de transmission de documents ou de réponses aux clients.

Face à votre manque de réactivité au regard de nos précédentes mises en garde, nous avons finalement été contraints de formaliser notre demande de vous ressaisir, notamment par nos courriers des 22 novembre 2016 et 10 mai 2017, précédés d'un échange.

Or, il apparaît que vous ne tenez manifestement pas compte de nos précédentes demandes puisque, encore récemment, nous avons eu connaissance de réclamations de clients insatisfaits et dans l'attente de réponses de votre part :

Le 5 mai dernier, nous découvrons par un mail de notre client Cushman & Wakefield, son insatisfaction motivée, une nouvelle fois, par l'absence de réponse de votre part, suite à une demande formulée le 21 avril et une précédente relance du 28 avril concernant l'affaire [E].

En lieu et place d'une réponse adaptée à l'égard de ce client insatisfait, vous finissez - certes par lui répondre - mais en jugeant manifestement opportun d'ajouter un commentaire inapproprié :

'Je viens de vous adresser notre avis sur les documents que vous m'avez envoyés par mail le 21/04/2017, soit 15 jours après réception. Dans le cadre d'une mission de contrôle technique, nous sommes tout à fait dans les délais moyens de réponse''

Ce qui a conduit à ce que notre client conclut, par retour, sous une rédaction courtoise mais explicite :

'Je prends bonne note de votre commentaire' je saurai désormais que si je retiens Véritas, il faut prévoir un délai de 15 jours (sans aucune réponse par mail ou par téléphone) pour avoir un commentaire sur un dossier en cours. Je ne manquerai pas de tenir compte de ce paramètre important dans mes prochains projets. Je n'ai pas beaucoup de dossiers pour lesquels je pourrai accepter ce délai'.

En complément, notre client s'est adressé à votre chef de service en indiquant 'je reste sur mes commentaires précédents' et a demandé à ce que nous justifiions 'le nombre de visites sur le terrain, les échanges de documents et les délais de réponse' et nos 'propositions et commentaires'. Ce qui confirme, si besoin, son mécontentement au regard de votre prestation.

Le 18 mai 2017, notre client Kaufman & Broad vous relance pour obtenir de votre part des attestations et un rapport final concernant une opération livrée depuis plus d'un mois, en précisant que l'absence de transmission de ces documents le met en difficulté.

Là encore, en lieu et place d'une réponse adaptée envers un client insatisfait, vous répondez dans des termes manifestement agacés, finalement de manière arrogante et totalement inadaptée à des relations commerciales en indiquant : 'Je suis très étonné de recevoir un tel mail de votre part alors que nous avons eu une conversation à ce sujet hier'.

Par votre réaction, vous démontrez, au surplus que vous êtes manifestement 'contrarié' par le fait que votre hiérarchie soit mise en copie du mail. Effectivement c'est par l'intermédiaire des mails de nos clients qui - manifestement excédés par vos manquements - finissent par informer la hiérarchie dans l'espoir de voir leurs demandes enfin traitées.

Le 24 mai 2017, là encore parce que notre client Cushman & Wakefield vous relance en mettant en copie un chef de service, nous constatons une nouvelle insatisfaction de notre client qui s'étonne 'que vous ne soyez pas passé' sur les chantiers de Boulogne et de [Adresse 5], faisant référence à un engagement de votre part manifestement non tenu. Il vous relance donc pour obtenir les rapports finaux. Vous avez attendu le 30 mai pour envoyer finalement les rapports au client.

C'est à l'occasion de ce mail que votre chef de service constate que la relance du client du 24 mai fait suite à une précédente relance de sa part remontant au 8 février dernier, ce qui est totalement inacceptable s'agissant d'un délai de 2,5 mois.

Le 09 juin 2017, notre client Suez s'adresse directement à votre chef de service pour formaliser son mécontentement suite à votre absence de visites et transmission de documents depuis que vous avez repris la mission.

Face à ce constat, il engage des discussions d'ordre commercial en demandant à ce que nous lui proposions 'une moins-value pour cette mission écoulée'.

Nous avions d'ailleurs évoqué ce dossier lors de l'entretien du 28 avril 2017.

Le 13 juin 2017 : manifestement lassé de voir ses précédents mails restés sans obtenir de traitement, notre client Kaufman & Broad finit par mettre votre hiérarchie en copie de sa nouvelle relance, ce qui conduit à ce que vous répondiez le jour même en adressant l'attestation demandée par le client depuis 2 mois !

Pour mémoire, la demande initiale de notre client date du 14 avril dernier, demande à laquelle vous n'avez pas répondu.

Ce n'est que le 8 juin, lors d'une précédente relance du client, que vous lui précisez qu'il doit vous transmettre des éléments complémentaires sans aucune excuse quant à l'absence de traitement de votre part depuis près de 2 mois. De plus, le ton de votre réponse laisse à penser que c'est presque le client qui a empêché le traitement car vous aviez besoin de documents de sa part, ce dont il n'avait pas la connaissance (...)'.

[C] [J] fait valoir que le licenciement n'est pas motivé par une cause réelle et sérieuse ; que ses tâches étaient multiples et qu'il devait répondre à de nombreuses sollicitations alors que les effectifs de son service diminuaient ; qu'il a apporté des réponses aux demandes des clients ; qu'au regard de son ancienneté, les reproches mentionnés dans la lettre de licenciement sont dénués de caractère sérieux ou ne sont pas justifiés.

La société Bureau Véritas Construction, rappelant le contexte de la mutation du salarié sur le site d'[Localité 4] en 2009 compte tenu de contre-performances passées et ses alertes en novembre 2016 et mai 2017 suite à des plaintes de clients sur des dossiers qu'il gérait, expose que celui-ci a accumulé des manquements à ses obligations contractuelles à l'égard de trois clients sur cinq dossiers en moins de deux mois, ce qui a justifié son licenciement.

Il ressort des échanges de courriels professionnels entre le salarié et les clients Cushman and Wakefield, Kaufman and Broad et Suez en mai et juin 2017, produits aux débats, que les cinq faits énumérés par la lettre de licenciement consistant en des réponses du salarié effectuées au-delà d'un délai raisonnable s'agissant des relations commerciales en cause, ou exprimées en des termes inadaptés aux trois clients en question sur chacun des dossiers cités, entraînant des plaintes de ces clients, sont établis.

Ces faits s'inscrivent dans un contexte de travail où le salarié avait déjà été rappelé à ses obligations professionnelles par l'employeur à la suite d'incidents de même nature, tant par lettre datée du 22 novembre 2016 aux termes de laquelle l'employeur lui a expressément indiqué que le client Nexity s'était plaint de difficultés à obtenir de sa part des documents, préjudiciables au bon déroulement des opérations de construction de plusieurs chantiers, que par lettre datée du 10 mai 2017 aux termes de laquelle l'employeur lui a à nouveau fait part de son insatisfaction quant à la réalisation de ses missions concernant les délais de transmissions de documents aux clients Adp, Aviso et Suez. Par ailleurs, aux termes de son entretien annuel de performance du 12 janvier 2017, son manager, [Y] [R], a indiqué que le salarié 'a pâti de réorganisations internes et de changement de CB depuis plusieurs années ce qui l'a amené à une certaine lassitude et démotivation' et qu'il lui a été 'demandé depuis l'arrivée du nouveau chef de service en septembre 2016 plus d'implication et de dynamisme dans les revues d'affaires et le suivi des dossiers de production'.

Alors que le salarié invoque en défense une surcharge de travail et un sous-effectif, force est de constater que dans le cadre de son entretien annuel de performance du 12 janvier 2017, celui-ci a indiqué que sa charge de travail était également répartie, avec quelques semaines particulièrement chargées mais qu'elle était 'globalement stable' depuis le dernier entretien annuel de performance, celui-ci ayant estimé lors de l'entretien du 17 mars 2015 que sa charge de travail était 'normale', et qu'il ne produit aucun élément corroborant ses allégations quant à des conditions de travail dégradées.

Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits énumérés dans la lettre de licenciement est établie, que le salarié a été à plusieurs reprises alerté par écrit sur des manquements à ses obligations professionnelles, que la réitération de manquements de même nature est constitutive d'une mauvaise volonté délibérée ou d'une abstention volontaire de sa part. Il s'ensuit que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.

[C] [J] sera par conséquent débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Au regard de la solution du litige, [C] [J] sera condamné aux dépens d'appel.

La société Bureau Véritas Construction sera déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE la société Bureau Véritas Construction de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [C] [J] aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02122
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.02122 ?
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