COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 19/03355 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TNMS
AFFAIRE :
[P] [L]
C/
SAS INSIGHT TECHNOLOGY SOLUTIONS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° Section : E
N° RG : 17/00241
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Judith BOUHANA
Me Mathieu BONARDI
le : 13 Mai 2022
Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 13 Mai 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [P] [L]
né le 27 Mars 1980 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par : Me Judith BOUHANA de la SELEURL BOUHANA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0656,substituée par Me CONRATTE Anne-Sophie,avocate au barreau de Paris.
APPELANT
****************
SAS INSIGHT TECHNOLOGY SOLUTIONS
N° SIRET : 397 888 330
[Adresse 3]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par : Me Mathieu BONARDI de la SELAS SELAS CS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2149,substitué par Me BERARD Marine,avocate au barreau de Paris.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2022, devant la cour composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Insight Technology Solutions est spécialisée dans le secteur d'activité de l'informatique et des technologies intelligentes. Elle emploie plus de dix salariés.
La convention collective nationale applicable est celle des commerces de gros du 23 juin 1970.
M. [P] [L], né le 27 mars 1981, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée par la société Insight Technology Solutions le 4 novembre 2014 en qualité d''avant ventes spécialiste Microsoft Azure', ce afin principalement de supporter les offres relatives à la gamme de produits Microsoft Azure.
Dans le cadre d'une harmonisation des intitulés de poste au sein de la société , il est devenu 'solution sales specialist' en avril 2015.
Le 17 janvier 2017, M. [L] a été placé en arrêt de travail.
Par requête du 27 mars 2017, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Par courrier du 24 septembre 2018, la société Insight Technology Solutions a convoqué M. [L] à un entretien préalable fixé au 3 octobre 2018.
Par courrier du 8 octobre 2018, la société Insight Technology Solutions a notifié à M. [L] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement dans les termes suivants :
" Nous vous rappelons que, lors de votre visite médicale de reprise du 14 septembre 2018, le Docteur [A] [V], Médecin du Travail, vous a déclaré inapte aux fonctions de Technico-Commercial que vous exerciez précédemment, dans les termes suivants :
« Inapte (art. R.4624-42) ».
Dans ses préconisations, le Médecin du Travail a expressément coché le cas de dispense de l'obligation de reclassement suivant :
« L 'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Par ailleurs, dans ses indications relatives au reclassement, le Médecin du Travail a pris le soin de préciser :
« Compte tenu de la dispense d'obligation de reclassement, il n'y a pas lieu d'indiquer les capacités du salarié à bénéficier d'une formation ».
Après consultation des représentants du personnel, au cours de leur réunion du 18 septembre 2018, et examen de ces préconisations médicales, nous vous avons informé, par courrier recommandé AR du 19 septembre 2018, de l'impossibilité de vous reclasser dans l'entreprise, en vertu des dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail.
Dans ces circonstances, nous sommes contraints de mettre fin au contrat de travail qui nous lie en vous notifiant, par la présente, votre licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle, et impossibilité de vous reclasser."
Par jugement rendu le 22 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Versailles, section encadrement, a :
- dit que l'affaire est recevable,
- dit que la clause de forfait jours est valable,
- débouté M. [L] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur,
- débouté M. [L] de sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral,
- dit que le licenciement de M. [L] repose sur une inaptitude d'origine non professionnelle,
- constaté l'absence de manquements imputables à la SAS Insight Technology Solutions,
- débouté M. [L] du reste de ses demandes,
- condamné M. [L] à verser à la SAS Insight Technology Solutions la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [L] aux dépens.
M. [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 août 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 20 janvier 2022, M. [L] demande à la cour de :
- juger son appel recevable et bien fondé,
Ce faisant,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables ses demandes,
Et ce faisant,
- débouter la société Insight Technology Solutions de toutes ses demandes principales, subsidiaires, reconventionnelles dont le règlement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et ce faisant,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [L] de toutes ses demandes,
Et statuant de nouveau,
- le réformer pour le surplus et :
- prononcer la nullité du forfait jours de M. [L],
Et ce faisant,
- condamner la société Insight Technology Solutions au paiement des sommes suivantes :
' 16 481,15 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur 2015 et 2016,
' 1 648,11 euros à titre de congés payés afférents sur rappel d'heures supplémentaires en 2015 et 2016,
- fixer le salaire mensuel brut moyen réactualisé de M. [L] à la somme de 8 113,43 euros,
Vu les dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile,
- juger recevable en appel les demandes nouvelles de M. [L] pour travail dissimulé,
- condamner en conséquence la société Insight Technology Solutions France à la somme de 48 680,58 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé (article L.8221-1 du code du travail),
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts de la société Insight Technology Solutions,
- condamner la société Insight Technology Solutions au paiement des sommes suivantes :
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle ni sérieuse (ancien article L.1235-3 et suivants du code du travail) :
' 97 361,16 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 90 036,24 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours
* l'indemnité de licenciement (article 4 de la convention collective nationale des commerces de gros) :
' 932,88 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 444,55 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours,
* l'indemnité compensatrice de préavis (article 35 de la convention collective nationale des commerces de gros) :
' 24 340,29 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 22 509,06 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours,
* l'indemnité (de) compensatrice de congés payés afférents sur préavis :
' 2 434,02 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 2 250,90 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours,
A défaut de prononcer la résiliation judiciaire,
- prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude de M. [L],
- condamner en conséquence la société Insight Technology Solutions aux sommes suivantes :
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (ancien article L.1235-3 et suivants du code du travail et L.1152-3 du code du travail) :
' 97 361,16 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 90 036,24 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours,
* l'indemnité de licenciement (article 4 de la convention collective nationale des commerces de gros) :
' 932,88 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 444,55 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours,
* l'indemnité compensatrice de préavis (article 35 de la convention collective nationale des commerces de gros) :
' 24 340,29 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 22 509,06 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours,
* l'indemnité compensatrice de congés payés afférents sur préavis :
' 2 434,02 euros à titre principal si le conseil de prud'hommes prononce la nullité du forfait jours,
' 2 250,90 euros à titre subsidiaire à défaut d'annulation du forfait jours,
- condamner en tout état de cause la société Insight Technology Solutions aux sommes suivantes :
' 4 471,23 euros à titre de rappel de primes d'objectifs 2015 et 2016,
' 447,12 euros à titre de rappel de congés payés sur primes d'objectifs 2015 et 2016 afférents,
' 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral (article L.1154 du code du travail),
' 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral (article L.1152-1 du code du travail),
- ordonner à la société Insight Technology Solutions la remise des documents légaux, solde de tout compte, certificat de travail, bulletin de salaire et attestation d'employeur conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se déclarant compétente pour liquider l'astreinte,
- condamner la société Insight Technology Solutions à verser la somme de 9 480 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- prononcer l'intérêt au taux légal sur toutes les sommes fixées dans le jugement à intervenir,
- prononcer la capitalisation sur les intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner la société Insight Technology Solutions aux entiers dépens,
- dire que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par la SELARL Jbouhana Avocat représentée par Maître Judith Bouhana, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions adressées par voie électronique le 24 novembre 2020, la société Insight Technology Solutions demande à la cour de :
A titre liminaire,
- déclarer irrecevable la demande formulée par M. [L] au titre du travail dissimulé,
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 22 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Versailles en ce qu'il a :
* constaté l'absence de manquements imputables à la société Insight,
* débouté M. [L] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur,
* débouté M. [L] de l'intégralité de ses demandes,
Et statuant pour la première fois en cause d'appel,
- débouter M. [L] de sa demande relative à l'octroi de dommages et intérêts pour travail dissimulé
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement rendu le 22 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Versailles en ce qu'il a :
* jugé que le licenciement de M. [L] repose sur une inaptitude d'origine non professionnelle, * débouté M. [L] de sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral,
* débouté M. [L] de l'intégralité de ses demandes,
A titre reconventionnel,
- condamner M. [L] à payer à la société Insight la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- condamner M. [L] aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 16 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 mars 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
- Sur la recevabilité de la demande au titre du travail dissimulé
La société Insight Technology Solutions fait ici observer que M. [L] a formulé pour la première fois en cause d'appel et à l'occasion de la communication de ses troisièmes conclusions d'appelant, une demande de condamnation de l'employeur au versement de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé.
Elle sollicite de voir constater l'irrecevabilité de cette demande du fait qu'elle n'a pas été formulée à l'occasion des premières conclusions d'appelant de M. [L] et en raison de sa nouveauté.
M. [L] rétorque que la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé découle de celle au titre des heures supplémentaires.
Il est ici rappelé qu'en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il se déduit des pièces de la procédure que M. [L] n'a pas présenté de prétentions au titre du travail dissimulé dans ses conclusions d'appelant du 14 octobre 2019, celles ci n'étant formulées que dans son troisième jeu de conclusions communiqué le 18 mai 2020.
Il s'en déduit l'irrecevabilité d'une telle demande laquelle n'est pas destinée à répliquer aux conclusions et pièces adverses et n'est pas relative à une question née, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
- sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
En l'espèce, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 27 mars 2017 soit avant son licenciement du 8 octobre 2018.
Il convient donc d'examiner en premier lieu cette demande.
Il appartient dans ce cadre au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués, le juge appréciant si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat étant rappelé que le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat et qu'il résulte de l'article L. 1152-3 du code du travail qu'est nulle toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions prohibant les faits de harcèlement moral.
En l'espèce, au soutien de sa demande , M. [L] invoque le harcèlement moral qu'il a subi. Il fait également état de la tardiveté, du caractère irréaliste de sa prime 2016, de la dégradation profonde de son état de santé consécutive au harcèlement subi et de la nullité de son forfait jours.
La société Insight Technology Solutions fait au contraire valoir qu'à l'issue de l'année 2015, M. [L] a commencé à s'octroyer une très grande liberté dans la gestion de son planning, se dispensant de mettre à jour son agenda, laissant ses supérieurs dans l'ignorance de ses activités, travaillant depuis son domicile sans délai de prévenance ce qui a obligé son supérieur hiérarchique à l'inviter régulièrement à mettre à jour son agenda puis à lui notifier deux avertissements le 12 juillet 2016 et le 14 décembre 2016, ses performances professionnelles étant par ailleurs insuffisantes. L'employeur ajoute que c'est uniquement dans le cadre de la présente instance qu'elle a découvert que M. [L] invoquait un prétendu harcèlement moral.
Les griefs déclinés par M. [L] au soutien de sa demande de résiliation judiciaire seront examinés successivement :
- sur le harcèlement moral
Il est rappelé ici qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à celui ci.
En l'espèce, le salarié se plaint du management harcelant de son supérieur hiérarchique M [G] en ce que ce dernier ne répondait pas ou très tardivement à ses demandes professionnelles ce qui le mettait en difficulté, que ce supérieur l'écartait des informations nécessaires à son activité , le harcelait sur son emploi du temps , ne le soumettait pas aux mêmes règles que ses collègues de travail, M. [L] visant également sa surcharge de travail avec notamment la prise en charge sans évolution de poste de plus de neuf salariés mi décembre 2016, la formation d'un salarié junior tandis que M. [G] bâclait ses évaluations annuelles, n'établissait aucun plan de soutien ou développement de carrière et a exercé des pressions afin d'obtenir la signature de sa lettre d'objectifs 2016.
S'agissant du management de M. [G], la cour observe ici que s'agissant de l'offre insight Underscor Azure reporting, élaborée par l'intéressé en collaboration avec M. [J], il ressort des courriels produits que le salarié a fait part de cette offre à son supérieur le 30 mai 2016 et lui a adressé des mails pour connaitre sa position y compris le 28 juillet 2016.
Cependant, il est justifié que M. [G] explicite le 28 juillet 2016 son défaut de réponse en ce
qu' il lui 'faudrait un vrai plan d'action' de la part de l'intéressé , la cour observant que le courriel du 30 mai 2016 de M. [L] reste en effet évasif sur le coût interne du projet ('j'imagine qu'ildoit être autour de 500 euros') ce qui ne permet pas de retenir un retard du supérieur à lui répondre.
S'agissant de l'offre Azure, la cour relève que M. [G] répond au courriel du salarié du 19 juillet 2016, le 27 juillet 2016 en lui indiquant avoir quelques remarques sur la forme du projet présenté et en relevant que M. [L] n'a pas indiqué de tarif ou de point de contact pour relayer l'offre , le supérieur devant sur ce point relancer l'appelant le 28 juillet en lui demandant de vérifier la marge existante sur la base d'un tarif de 3900 euros et de sélectionner un partenaire.
S'agissant de l'offre Insight Masao, la cour observe également qu'il n'est pas justifié d'une saisine de M [G] avant le 15 décembre 2016 sur ce projet ce que le supérieur regrette dans son mail du 16 décembre 2016 tandis qu'il prend contact avec le client le 11 janvier 2017 en en informant le salarié ( pièce 44 de ce dernier).
S'agissant de l'offre ABC Systems , il ressort des courriels échangés que la remarque de M. [G] ainsi formulée le 29 juin 2016 : ' Bonjour [X], je comprends ta volonté de bien faire, malgré tout, je n'ai pas de jugement de valeur à recevoir de ta part. J'aimerais que tu sois plus engagé et plus en harmonie avec les valeurs d'Insight avant de te permettre ce genre de mail. Merci d'en prendre compte à l'avenir. Cordialement' fait suite à un courriel de l'intéressé interpellant son supérieur sur son prétendu retard à lui répondre et lui posant la question : 'que proposes tu pour remédier à ce problème''
Ces éléments ne permettent pas de retenir un management inadapté de M. [G] ni une volonté de sa part de nuire à l'activité professionnelle de M. [L] .
S'agissant des informations que le supérieur n'aurait pas communiquées à l'intéressé et tandis que M. [L] fait état du dossier Equinix , la cour observe cependant que dans les termes de son courriel du 8 novembre 2016, le salarié indique à son supérieur le 'laisser avancer sur ce partenariat s'il lui semble pertinent'ce qui est en contradiction avec son argument selon lequel il aurait manqué d'informations dessus.
S'agissant des faits de harcèlement dont M. [L] fait part relativement à la gestion de son emploi du temps, il est produit aux débats les courriels de M [G] en date du 31 mars 2016, 12 avril 2016, 7 juin 2016, 21 juin 2016, 28 juin 2016, 4 juillet 2016 , 13 septembre 2016 demandant au salarié de mettre à jour son agenda et sa feuille de temps. Il est aussi communiqué l'avertissement du 12 juillet 2016 aux termes duquel l'employeur retient que 'malgré les nombreuses communications verbales et écrites de M. [D] [G] qui rappelle de tenir à jour votre agenda, d'y reporter vos rendez-vous et notamment de l'informer et d'ajouter vos plages de télétravail occasionnel, vous persistez à ne pas respecter les consignes. En outre, en date du 12 avril, 21 juin et 28 juin 2016 au matin vous êtes absent de votre poste de travail et malgré les demandes écrites et successives de M . [D] [G] vous ne justifiez d'aucune explication précise sur votre emploi du temps. Le 4 juillet dernier, nous ne pouvons que déplorer une fois de plus que vous ne répondez pas au message de M. [D] [G] qui réitère des explications à cet égard.'
La cour observe ici que la seule réitération d'observations par M. [G] sur le défaut de renseignements de son agenda par le salarié ne saurait laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral sauf à ce que soit justifiée leur absence de fondement . Or, celle-ci ne ressort pas des pièces produites alors même que, répondant à certains mails lui demandant de mettre à jour son agenda , le salarié énonce qu'il a obtempéré (sa pièce 52).
Il ressort par ailleurs des courriels communiqués que M. [L] n'est pas le seul destinataire des messages de rappel de M. [G] visant la nécessité pour les salariés de remplir les documents relatifs à leur agenda , le supérieur leur adressant notamment un courriel commun le 12 septembre 2016 afin que ces derniers veillent à remplir leurs feuilles de temps dans l'application Clarizen ( pièce 64 de M. [L] ), M. [G] devant encore rappeler à M. [L] le lendemain 13 septembre à 18h20 : 'ce n'est pas une alternative, c'est une nécessité. Il suffit de te connecter au portail et remplir ta feuille de temps. Cela ne prend pas des heures mais quelques minutes'après que celui ci a énoncé à 18h18 : ' Bonsoir, pas possible pour moi, j'ai reçu les accés ce matin et je suis en déplacement demain toute la journée' .
Il doit être observé par ailleurs que le fait pour le salarié d'être cadre au forfait ne le dispense pas ainsi qu'il l'énonce d'informer son employeur sur ses rendez vous et de remplir les documents nécessaires au suivi même de son travail et de sa charge en la matière .
S'agissant de l'argument développé par M. [L] selon lequel il n'a pas été soumis aux mêmes règles que ses collègues de travail en ce qu'il n'aurait pas eu de droits d'accès à la base Clarizen , il doit être relevé que le simple fait pour M [W], dont le salarié n'énonce pas la qualité dans ses écritures ( pièce 50 de M. [L] ), d'indiquer à l'appelant le 13 septembre 2016 qu'il a commis une erreur concernant l'adresse mail qu'il utilisait pour s'adresser à M. [L] ne saurait suffire à établir un traitement inégalitaire du salarié par sa hiérarchie.
S'agissant de la surcharge de travail de M. [L] , ce dernier relève que tandis qu'il était en charge au sein du Business Unit Solutions du Département Hybrid Cloud, qu'il était autonome et sans équipe à manager, il s'est retrouvé soudainement, à compter du mois de décembre 2016 et janvier 2017, en surcharge de travail compte tenu de sa prise en charge, sans son accord ni évolution de poste, de plus de neuf salariés à l'issue du Focus Day sur Azure organisé le 12 décembre 2016, qu'il a dû former un salarié junior, M [E] et s'est trouvé soumis à des évaluations annuelles baclées, sans plan de soutien ni développement de carrière.
Il se déduit cependant du courriel de M. [M] ( de Microsoft) en date du 13 décembre 2016 que le projet Azure qui mobilise 40 collaborateurs et environ 4100 clients a donné lieu à une journée spécifique de travail le 12 décembre 2016 à laquelle tous les membres des équipes marketing et commerciale ( SMB, Corporate et Hosting) et P-Sellers d'Insight ont participé. Il ne saurait en être déduit une surcharge régulière et individuelle de travail de M. [L].
Il ne ressort pas ensuite des pièces communiquées que M. [L] a exercé une autre fonction que celle d'un support dans le cadre du développement du projet Azure ainsi qu'en justifient les courriels de M . Spament des 3,9 et 10 janvier 2017 .
Sa direction d'une équipe de commerciaux ne ressort pas des pièces produites non plus que le fait d'avoir été assailli de questions concernant ce projet.
La seule circonstance que M . [E] figure sur l'organigramme produit par M. [L] signifie uniquement que ce salarié lui était rattaché hiérarchiquement.
Les parties mentionnent d'ailleurs toutes les deux dans leurs écritures que M [E] a travaillé au sein du département S3 à compter de janvier 2017 ce qui permet de retenir qu'engagé à compter du 1er septembre 2016 dans la société ainsi qu'en justifie son contrat de travail ( pièce 62 de la société), M. [E] avait déjà bénéficié d'une formation au sein de la société avant de rejoindre le département S3.
S'agissant des évaluations, la cour relève ici que les entretiens annuels d'évaluation de M. [L] de 2015 et 2016 sont intégralement renseignés s'agissant de la comparaison entre les objectifs souhaités et ceux atteints, ( pièces 8 et 9 de l'employeur) et que des commentaires circonstanciés sur le travail de M. [L] y sont mentionnés en dernière page.
Le fait pour Mme [C] de demander à M. [L] le 12 janvier 2017 de 'compléter son évaluation de performance au titre de l'année 2016" ne saurait s'assimiler à une pression pour le voir signer son entretien d'évaluation ce alors qu'il se déduit du document relatif à cette évaluation 2016 que le salarié y a mentionné ses observations le 5 mai 2017 ce dont il se déduit le respect d'un calendrier suffisamment étendu pour voir respecter les droits de l'intéressé.
Si M. [L] fonde son argument relatif au défaut de plan de performance à son bénéfice, il convient d'observer qu'il se réfère ici au procès-verbal de réunion DUP du 30 octobre 2015 lequel vise le caractère uniquement temporaire de ces plans sans qu'ils ne soient obligatoires.
Il ressort par ailleurs du courriel de M . [S], directeur des Alliances et des Solutions, en date du 4 janvier 2017 qu'un 'Plan to make a plan' a été confirmé à M. [L] à cette date.
S'agissant des pressions dont M. [L] se plaint afin d'obtenir la signature de sa lettre d'objectifs 2016, il ressort des pièces communiquées que le salarié a sollicité un rendez-vous auprès de sa hiérarchie le 7 juin 2016 et le 6 juillet 2016 afin d'obtenir des explications sur son plan de commissions après que M. [G] l'ait questionné le 18 mai 2016 sur son défaut de réponse aux objectifs . Le salarié fait valoir que les pressions à son encontre se sont alors intensifiées et se réfère ici à l'avertissement du 12 juillet 2016 et au rendez-vous le 22 juillet 2016 avec des membres des ressources humaines France et Europe, Mmes [T], [B] et [O].
Cependant, le fait pour M. [G] de demander au salarié le 18 mai 2016 de se positionner sur un plan de commissionnement ne saurait en soi caractériser une pression.
L'avertissement du 12 juillet 2016 est fondé uniquement sur des éléments objectifs tenant plus particulièrement au défaut de mise à jour par le salarié de son agenda sans présenter de lien avec le plan de commissionnement.
Le fait pour l'employeur d'avoir souhaité aborder de nouveau avec le salarié le 22 juillet 2016 la difficulté relative à son défaut de signature d'un plan de commissionnement ne caractérise pas non plus une pression à cet égard, le mail adressé par le salarié lui même à cette date afin de récapituler les termes de cette réunion (sa pièce 80) ne faisant apparaitre aucune pression subie.
Il s'ensuit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer, dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée , la justification d'un lien entre les pièces médicales produites aux débats à compter de l'arrêt de travail du 17 janvier 2017 et les conditions de travail ne se déduisant ainsi pas des éléments en présence .
Les demandes de M. [L] au titre du harcèlement moral seront donc rejetées par confirmation du jugement entrepris et celui ci ne sera pas retenu au nombre des griefs invoqués par le salarié au soutien de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
- sur la tardiveté et le caractère irréaliste de la prime d'objectif
M. [L] fait ici remarquer qu'il a reçu son plan de commissionnement plusieurs mois après le début de l'exercice que ce soit en 2014, 2015 et 2016. Il observe que son objectif 2017 a été augmenté de 200 % et était d'autant plus irréalisable qu'il intervenait dans un contexte de décroissance des investissements logiciels et du résultat financier de la société. Il ajoute que les objectifs à réaliser n'ont pas été précisés, les conditions de calcul de la prime étant incompréhensibles, que ses questions ont abouti à sa convocation par trois personnes du service des ressources humaines le 22 juillet 2016 . Il ajoute que, parmi les objectifs qui lui ont été fixés, figurent des produits non commercialisables, que des offres sur lesquelles il a travaillé pendant plusieurs mois n'ont pas été prises en compte par son employeur .
La société Insight Technology Solutions relève que les objectifs ont été portés à la connaissance du salarié le 1er avril de chaque année mais qu'en 2017 M. [L] a refusé de les signer. Elle souligne leur caractère réalisable.
Aux termes de son contrat de travail et de son avenant du 1er avril 2015, M. [L] percevait une rémunération annuelle brute de 65'000 € outre une rémunération variable exprimée en pourcentage de la base de salaire annuel soit de 24 % , les objectifs étant fixés annuellement et divisés en quatre trimestres sur la base du pourcentage de réalisation trimestrielle et annuelle des objectifs fixés par l'entreprise sous réserve d'un seuil d'atteinte de performance de 65 %
Il est précisé que le montant du variable versé trimestriellement est déterminé conformément aux modalités du plan de commission et d'une procédure jointe en annexe de l'avenant .
S'agissant des objectifs 2015 , les pièces produites justifient d'une lettre de rémunération et d'objectifs en date du 1er avril 2015. Cette lettre précise les quatre tranches d'objectifs à réaliser par trimestre par M. [L] .
Elle comporte également en annexe un plan de commissionnement précisant l'existence d'un 'objectif de GP', 80 % de l'objectif étant calculé sur la GP des ventes de produits supportés directement par le service S3 Solutions Sales Specialists et 20 % de l'objectif calculé sur la GP des ventes cloud et Modern Workplace de l'ensemble de l'équipe S3 à laquelle M. [L] était rattaché.
S'agissant des objectifs 2016 ( 125 590 Keuros), la cour observe que, comme le relève le salarié dans son courriel du 22 juillet 2016, le courrier du 1er avril 2016 ( sa pièce 8) visant ses objectifs ne précise pas les produits concernés par le plan de commissionnement , qu'en outre il est signé par M. [L] en septembre 2016, la date à laquelle le salarié a connaissance du document 'Gain Share & Relevance in Market' produit par la société Insight Technology Solutions n'étant pas, quant à elle précisée par l'employeur , Mme [O] , senior manager HR& Legal SER, n'énonçant lui transmettre la répartition des catégories affectées au titre du plan GTM8 lié à sa fonction que par courriel du 28 juillet 2016.
Le fait que M. [L] perçoive des primes au titre de l'année 2016 en avril , juillet et octobre 2016 ne peut venir suppléer sa connaissance tardive des objectifs qui lui ont été fixés et dont il demande le détail en juillet 2016 alors qu'une incertitude demeure à cette date sur le fait de savoir si les produits VmWare Vcloud Air et IBM Softlayer sont ou non inclus parmi ceux servant de base au calcul de la rémunération variable, Mme [O] répondant par la négative dans son courriel du 28 juillet 2016 ce qui est démenti au moins partiellement par la mention du produit vmware V cloud dans le document 71 du salarié visant ses commissions ('synthèse').
S'agissant des objectifs 2017, si l'examen des documents 71 communiqué par M. [L] et 67 de la société permet de relever que M. [L] partage des objectifs communs avec M [E] à hauteur de 383'119 K€ (produits + services), ces objectifs n'en ont pas moins fait l'objet d'une augmentation notable entre 2016 et 2017 ( 125 590 K euros en 2016/ 383 119 K euros en 2017), une part 'Business services' y figurant qui n'existait pas en 2016.
Or, l'employeur ne justifie pas de normes transparentes de référence permettant de retenir le caractère réalisable de ces objectifs.
Les griefs opposés par M. [L] ont donc lieu d'être retenus et le solde des primes d'objectifs devra lui être versé dans ces conditions pour un montant total de 4471,23 euros et 447,12 euros au titre des congés payés dans les termes du décompte du salarié ici validé par la cour.
- sur la nullité du forfait jours
S'agissant du forfait jours, M. [L] en invoque la nullité alors que la durée de 215 jours mentionnée à son contrat est contraire au maximum de 214 jours, qu'il n'a pas reçu de note d'information sur la convention de forfait précisant entre autres les conditions de contrôle de son application, les modalités de suivi et l'organisation de son travail ainsi que l'amplitude de ses journées de travail, la clause du contrat de travail ne constituant pas une convention individuelle de forfait requise par la loi, aucune modalité de suivi de l'amplitude et sa charge de travail n'étant précisée, le salarié n'ayant pas de plus bénéficié d'une revalorisation du salaire au regard des sujétions liées à ses horaires de travail ni d'aucun entretien avec son supérieur hiérarchique pour évoquer l'organisation de sa charge de travail.
La société Insight Technology Solutions oppose au contraire la validité de la clause de forfait jours étant notamment relevé qu'elle a mis en place un système de contrôle du temps de travail du salarié par l'établissement de feuilles de temps que les salariés avaient l'obligation de remplir chaque semaine et de remettre à leurs managers , un décompte des jours RTT de chacun de ses cadres au forfait étant par ailleurs opéré.
Sur ce,
Le contrat de travail de M. [L] mentionne que la durée collective du temps de travail au sein de la société est fixée à 215 jours par an et que dans le cadre de l'annualisation du temps de travail, le salarié bénéficie de jours de repos et de congés payés conformément aux règles conventionnelles ou légales applicables auxquelles les parties se réfèrent.
Or, il est rappelé que les conventions individuelles de forfait doivent être passées par écrit et que ne constitue pas l'écrit requis le seul renvoi général fait dans le contrat de travail à l'accord conventionnel relatif à l'aménagement du temps de travail.
En outre, la cour rappelle que le §3.3.2 de l'article 44 de la convention collective nationale des commerces de gros énonce les éléments suivants s'agissant des conventions de forfait annuelles en jours :
'A Salariés concernés
Salariés cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils disposent dans l'organisation de leur emploi du temps. Ce sont les cadres dont le rythme de travail ne peut pas épouser, en raison de la mission générale qui leur est confiée, celui de l'horaire collectif applicable dans le service qu'ils dirigent ou auxquels ils sont affectés.
Un avenant au contrat de travail formalisera le dispositif.
B Modalités
Ces cadres bénéficient d'une réduction effective du temps de travail selon les modalités spécifiques prévues par le présent article.
Leur temps de travail fait l'objet d'un décompte annuel en jours ou demi-journées de travail effectif.
Le nombre de jours travaillés pour ces cadres est fixé à 214 jours par an.
Ils bénéficient d'une rémunération forfaitaire en contrepartie de l'exercice de leur mission.
Une note d'information mettant en 'uvre une convention de forfait en jours doit également préciser les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, les conditions de contrôle de son application, ainsi que les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés et de l'amplitude de leurs journées d'activité.
(....)
Le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. L'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.
En outre le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité'.
Or, si la durée de travail à laquelle était astreint M. [L] comptait 215 jours au regard de l'intégration de la journée de solidarité , il convient de relever que la clause susvisée du contrat de travail se limite à régir les règles régissant la durée collective du temps de travail dans le cadre de son annualisation sans précisément se référer à la durée du travail spécifique des cadres autonomes visée au §3.3.2.
En outre, il n'est pas justifié par la société Insight Technology Solutions de la diffusion d'une note d'information au salarié précisant les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, les conditions de contrôle de son application, ainsi que les modalités de suivi de l'organisation du travail et de l'amplitude de la journée d'activité, note d'autant plus indispensable que la clause du contrat ne fait que se référer aux dispositions conventionnelles applicables .
Ces seuls éléments conduiront à constater la nullité de la clause contractuelle relative au forfait jours.
Cette nullité implique d'examiner les demandes de M. [L] au titre des heures supplémentaires.
A cet égard, il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, aux termes de la fiche de poste produite aux débats, la mission de M. [L] a consisté à supporter les offres pour la gamme de produits Microsoft Azure, être responsable de ces offres, du reporting et du' forecast' de façon hebdomadaire, accompagner les commerciaux chez les clients pour promouvoir les offres, trouver et développer l'outsourcing sur certaines offres sous la responsabilité du directeur des services, le développement du chiffre d'affaires autour des offres, le salarié devant, au titre des tâches relevant de sa mission, faire la promotion des offres en interne et former les commerciaux , accompagner ces derniers chez leurs clients et présenter les offres de service en avant vente, répondre et participer aux appels d'offres, formaliser et garantir les engagements avec les critères d'exploitabilité, d'évolutivité et la fiabilité du projet.
M. [L] communique ici aux débats deux tableaux récapitulatifs d'heures supplémentaires du 5 janvier 2015 au 31 décembre 2016 ainsi que des courriels professionnels sur l'ensemble de cette période et quelques feuilles de temps, la société Insight Technology Solutions produisant pour sa part des extraits des agendas du salarié .
Compte tenu de la nullité de la convention de forfait, des quelques horaires tardifs de travail se déduisant des pièces produites mais étant relevé les jours de RTT dont le salarié a bénéficié et les extraits d'agendas produits par l'employeur , la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 7481,43 euros les heures supplémentaires devant être rémunérées outre congés payés afférents.
- sur le grief portant sur la dégradation de la santé imputable à l'employeur et le manquement à l'obligation de sécurité
M. [L] fait état ici de ses arrêts maladie et son hospitalisation pendant deux mois dans une maison de santé , de son suivi par un psychiatre depuis avril 2017 et de sa rechute à compter du 13 novembre 2018. Il verse aux débats diverses pièces médicales.
Il est rappelé ici qu'il n'a pas été relevé par la cour de faits de harcèlement moral à l'encontre du salarié.
Les avis d'arrêt de travail à compter du 17 janvier 2017 dont les volets 1 ici communiqués visent un épisode dépressif de M. [L] tandis que l'avis de prolongation du 14 novembre 2017 mentionne un syndrome anxio-dépressif sévère avec une décompensation schizoide, le bulletin de situation justifiant d'un séjour en maison de santé du 21 septembre 2017 au 14 novembre 2017.
Le certificat médical du 1er août 2018 du centre médico psychologique de [Localité 7] relève le suivi de M. [L] depuis avril 2017 dans le cadre 'd'une dépression sévère émaillant l'évolution d'un trouble grave de la personnalité ( sensitif)', le médecin énonçant que 'cette dépression est apparue dans le contexte d'une souffrance au travail et d'un stress lié à son environnement professionnel' et ajoutant 'bien qu'actuellement mieux, M. [L] reste très fragile au niveau psychologique et l'anticipation anxieuse dans l'idée d'une reprise est toujours très importante'
M. [L] communique par ailleurs l'avis d'inaptitude dont il a fait l'objet le 14 septembre 2018 visant que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Il produit le rapport du service du contrôle médical destiné au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles Île-de-France en date du 29 mars 2018 relatant 'un état anxio-dépressif sans, semble-t-il, d'antécédent psychiatrique. L'assuré présente, de manière importante, tous les signes de la dépression sur fond anxieux très nets : troubles de l'humeur, désinvestissement quasi total, crises d'angoisse avec insomnies rebelles, perte totale des repères. Tableau psychiatrique montrant un regard fixe, peu d'expression du faciès et élocution un peu saccadée. Totalement inapte à court ou moyen terme'.
La cour relève ici que si ces pièces médicales font état d'un état dépressif sévère de M. [L] , les pièces du dossier qui n'ont notamment pas conduit à retenir un harcèlement managérial dont le salarié aurait fait l'objet, sont insuffisantes pour établir un lien entre l'état de santé du salarié et des agissements de l'employeur.
Cependant, s'agissant cette fois de l'obligation de sécurité, il doit être observé que les entretiens d'évaluation de M. [L] ne justifient pas d'un échange avec le salarié sur l'organisation et la charge de son travail ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité, l'existence d'une charte du droit à la déconnexion au sein de la société n'étant pas suffisante pour justifier d'un respect par l'employeur de ses obligations induites par la convention de forfait jours qu'il avait souhaité mettre en place à l'égard du salarié.
Il s'en déduit un manquement à l'obligation de prévention en matière de sécurité qui conduira à condamner La société Insight Technology Solutions à payer à M. [L] la somme de 2000 euros à titre indemnitaire.
Sachant que la cour a retenu des manquements graves de l'employeur tant en ce qui concerne la définition des objectifs du salarié que l'organisation et sa charge de travail, la résiliation du contrat de travail sera prononcée à ses torts à la date du 8 octobre 2018 , ses effets étant ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- sur les demandes en paiement du fait de la rupture
Sur la base d'un salaire mensuel moyen d'un montant de 7780, 11 euros et eu égard à l'ancienneté du salarié à la date de la rupture , la société Insight Technology Solutions sera condamnée à lui régler la somme de 38 900 euros à titre indemnitaire du fait de la rupture du contrat de travail à ses torts dans les termes de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 .
Il convient en outre d'ordonner le remboursement par la société Insight Technology Solutions aux organismes concernés des indemnités de chômage effectivement versées à M. [L] dans la limite de trois mois conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.
Sur la base de l'article 4 de l'avenant I Cadres de la convention collective des commerces de gros il reste dû à M. [L] une somme de 666,22 euros au titre de l'indemnité de licenciement
L'indemnité compensatrice de préavis désormais due est d'un montant de 23340,33 euros outre congés payés afférents.
Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
La capitalisation des intérêts sollicitée sera ordonnée dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du code civil.
La société Insight Technology Solutions devra remettre à M. [L] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes à la présente décision, les circonstances de l'espèce ne nécessitant pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
DECLARE la demande au titre du travail dissimulé irrecevable ;
INFIRME le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [P] [L] aux torts de l'employeur;
DIT que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 8 octobre 2018 ;
PRONONCE la nullité du forfait jours de M. [P] [L] ;
FIXE le salaire mensuel moyen brut de M. [P] [L] au montant de 7780,11 euros ;
CONDAMNE la société Insight Technology Solutions à payer à M. [P] [L] les sommes suivantes :
-7491,43 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur 2015 et 2016,
-748,14 euros au titre des congés payés afférents,
-38'900 €au titre du défaut de cause réelle et sérieuse de la rupture,
-666,22 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement
-23'340,33 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-2334,03 euros au titre des congés payés afférents
-4471,23 euros à titre de rappel de prime d'objectifs 2015 et 2016,
-447,12 euros à titre de rappel de congés payés sur prime d'objectifs 2015 et 2016,
-2000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de respect de l'obligation de prévention en matière de sécurité,
ORDONNE le remboursement par la société Insight Technology Solutions à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de M. [P] [L] dans la limite de trois mois et dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail;
ORDONNE à La société Insight Technology Solutions de remettre à M. [P] [L] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes à la présente décision,
DIT n'y avoir lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte,
DIT que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision ,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du code civil,
REJETTE les autres demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Insight Technology Solutions à payer à M. [P] [L] la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
DÉBOUTE la société Insight Technology Solutions de sa demande de ce chef,
CONDAMNE la société Insight Technology Solutions aux dépens
DIT qu'ils pourront être recouvrés par la SELARL Jbouhana Avocat représentée par Maître Judith Bouhana, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,