COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 19/02899 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TKRM
AFFAIRE :
SAS ASSYSTEM ENGINEERING AND OPERATION SERVICES
C/
[H] [U]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 18/00528
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Aude SERRES VAN GAVER
Me Bertrand MERVILLE
le : 13 Mai 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 17 Mars 2022,puis prorogé au 12 Mai 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
SAS ASSYSTEM ENGINEERING AND OPERATION SERVICES
N° SIRET : 444 159 164
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par : Me Bertrand MERVILLE de la SCP LA GARANDERIE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0487,substitué par Me PERLAUT Nadia,avocate au barreau de Paris.
APPELANTE
****************
Madame [H] [U]
née le 04 Septembre 1973 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me Aude SERRES VAN GAVER de la SELEURL ASVG AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 697,substituée par Me FREÇON-KAROUT Marine,avocate au barreau de Versailles.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Janvier 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Assystem Engineering and Operation Services (ci-après Assystem EOS) exerce une activité d'ingénierie d'infrastructures complexes. Elle emploie plus de mille salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 15 octobre 2014, Mme [H] [U], née le 4 septembre 1973, a été engagée par la société Assystem EOS, à compter du 18 novembre 2014, en qualité de responsable juridique, position 3.1, coefficient 170 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (Syntec).
Elle percevait en dernier lieu un salaire brut mensuel forfaitaire de 5 888 euros.
Par courrier en date du 16 juillet 2018, Mme [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête reçue au greffe le 17 août 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de voir requalifier cette prise d'acte aux torts exclusifs de son employeur en licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement rendu le 17 juin 2019, le conseil de prud'hommes a :
- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'ana1yse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixé le salaire de référence à la somme de 5 918,96 euros,
- condamné la société Assystem Engineering and Operation Services à verser à Mme [U] les sommes de :
* 17 664 euros au titre de l'indemnité de préavis,
* 1 766,40 euros au titre des conges payés sur préavis,
* 7 509 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 60 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 565,21 euros au titre du solde de1'indemnité de licenciement,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire sur la base de l'article 515 du code de procédure civile ainsi que la capitalisation des intérêts légaux,
- dit et jugé que Mme [U] est fondée dans sa demande sur1'article 700 du code de procédure civile et à cet effet condamné la société Assystem Engineering and Operation Services à lui verser la somme de 1 000 euros à ce titre,
- débouté la société Assystem Engineering and Operation Services de sa demande 'reconventionnelle' au titre de1'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Assystem Engineering and Operation Services aux dépens.
La société Assystem Engineering and Operation Services a interjeté appel de la décision par déclaration du 12 juillet 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 25 janvier 2022, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la société Assystem EOS à verser à Mme [U] les sommes de :
' 17 664 euros au titre de l'indemnité de préavis,
' 1 766,40 euros au titre des congés payés sur préavis,
' 7 509 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
' 60 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 565,21 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,
' 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté la société Assystem EOS de sa demande de 17 664 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* débouté la société Assystem EOS de sa demande de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en conséquence,
- condamner Mme [U] à payer à la société Assystem EOS la somme de 17 664 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- condamner Mme [U] à rembourser à la société Assystem EOS la somme de 74 716,15 euros qui lui a été versée au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris,
- condamner Mme [U] à payer à la société Assystem EOS la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses autres demandes à savoir :
' 75 000 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement (à titre principal),
' 815 euros au titre de la contestation du solde de tout compte,
' 76 286 euros à titre de rappels de salaire (heures supplémentaires pour remise en cause du forfait en jours),
' 7 628,60 euros au titre des congés payés afférents,
' 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,
A titre subsidiaire, sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la rémunération de référence de Mme [U] à hauteur de 5 918,96 euros bruts,
- fixer l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 17 756,88 euros.
Par conclusions adressées par voie électronique le 11 janvier 2022, Mme [U] demande à la cour de :
A titre principal
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne devait pas s'analyser en un licenciement nul et en ce qu'il a jugé que les faits invoqués n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le salaire de référence à hauteur de 5 918,96 euros,
en conséquence et statuant à nouveau,
- juger que Mme [U] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, la société Assystem EOS,
- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [U] doit s'analyser en un licenciement nul,
- fixer le salaire de référence de Mme [U] à la somme de 6 138 euros,
- condamner la société Assystem EOS à verser à Mme [U] les sommes suivantes :
* indemnité conventionnelle de licenciement : 7 836,18 euros,
* indemnité compensatrice de préavis : 17 664 euros,
* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 766,40 euros,
* indemnité pour licenciement nul : 75 000 euros,
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [U] ne devait pas s'analyser en un licenciement nul,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
' dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de Mme [U] s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' condamné la société Assystem EOS à verser à Mme [U] les sommes de :
* 17 664 euros au titre de l'indemnité de préavis,
* 1 766,40 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 7 509 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 60 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 562,21 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,
À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [U] ne doit pas s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- juger que la société Assystem EOS n'a pas respecté ses obligations contractuelles ni son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [U],
- condamner à ce titre la société Assystem EOS à verser à Mme [U] la somme de 20 000 euros,
En tout état de cause,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
' débouté Mme [U] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires au titre de la nullité de la convention de forfait annuel en jours,
' débouté Mme [U] de sa demande au titre de son solde tout compte (comptes CP et CET erronés),
en conséquence, statuant à nouveau,
- constater la nullité de la convention de forfait annuel en jours de Mme [U],
- condamner la société Assystem EOS à verser à Mme [U] les sommes suivantes,
* indemnité au titre de rappels de salaire (heures supplémentaires pour remise en cause de la convention annuelle de forfait en jours) : 76 286 euros,
* congés payés afférents : 7 628,60 euros,
* contestation solde de tout compte (comptes CP et CET erronés : 3 jours) : 815 euros,
En tout état de cause,
- condamner la société Assystem EOS à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Assystem EOS aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 26 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 janvier 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur la durée du travail
Mme [U] soutient que la convention individuelle de forfait annuel en jours à laquelle elle a été soumise durant la relation de travail est nulle dès lors que la société Assystem EOS n'a pas satisfait aux exigences requises pour assurer l'effectivité de cette convention. Elle fait ainsi valoir qu'à aucun moment l'employeur ne s'est assuré de manière régulière et effective de la charge de travail de sa salariée, et ce alors qu'elle supportait une surcharge de travail manifeste.
Elle revendique le paiement d'une somme de 76 286 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au cours des deux dernières années de sa collaboration, outre les congés payés afférents.
La société Assystem EOS réplique que la convention de forfait en jours mise en place est parfaitement valide, que l'ensemble des mécanismes de contrôle de suivi du travail a été respecté, de sorte que ladite convention doit produire tous ses effets.
Elle s'oppose à la demande en paiement d'heures supplémentaires.
Sur ce, il sera rappelé qu'en vertu des dispositions des articles L. 3121-58 et suivants du code du travail, la conclusion d'une convention de forfait, pour être valable, doit être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement et, à défaut, par une convention ou un accord de branche ; elle requiert l'accord du salarié et elle est établie par écrit ; un entretien annuel portant sur l'organisation du travail dans l'entreprise, la charge de travail du salarié, sa rémunération et l'articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée doit être organisé annuellement par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait.
Ces conditions sont cumulatives. Par conséquent, si l'une d'entre elles fait défaut, le forfait annuel en jours encourt la nullité ou n'est pas opposable au salarié qui peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires.
En l'espèce, l'article IV (Rémunération - Temps de travail) du contrat de travail conclu le 15 octobre 2014 comprend un paragraphe intitulé 'Convention indidividuelle de forfait annuel en jours' ainsi rédigé :
« Madame [U] exerce les fonctions suivantes : vous disposerez d'une large autonomie pour diriger et gérer les dossiers qui vous seront confiés, dans le respect des valeurs de la société et la législation en vigueur. Pour ce faire, vous disposerez d'une indépendance dans l'organisation de votre travail et la gestion de votre temps de travail.
Compte tenu de la nature des fonctions ci-dessus décrites, des responsabilités et du degré d'autonomie pour l'organisation du travail et la gestion du temps de travail, la durée du travail de Madame [U] ne peut être prédéterminée.
En conséquence, Madame [U] bénéficie d'une convention individuelle de forfait annuel en jours.
Cette convention est soumise aux règles relatives aux forfaits jours issues de l'accord d'entreprise du 18 mai 201 et aux dispositions de l'article L. 3121-43 du code du travail.
De ce fait, le temps de travail de Madame [U] sera décompté en nombres de jours de travail (hors congés légaux et jours fériés). Le nombre, fixé par l'Accord d'entreprise, est de 214 jours par année complète d'activité, auxquels s'ajoute la journée de solidarité prévue par la loi. Ce nombre de jours ne tient pas compte des éventuels jours d'ancienneté conventionnels.
Madame [U] disposera d'une totale autonomie dans l'organisation de son temps de travail à l'intérieur de ce forfait annuel, sous réserve de respecter les dispositions légales relatives au repos quotidien de 11 heures minimum et au repos hebdomadaire de 35 heures consécutives.
Madame [U] doit organiser sa charge de travail et respecter ses temps de repos en veillant à se déconnecter des outils de communication à distance mis à sa disposition par la société pendant les périodes de repos.
Compte tenu de son emploi et de sa classification, Madame [U] percevra une rémunération mensuelle brute de 5 417,00 euros, versée sur 12 mois.
Cette rémunération est forfaitaire et indépendante du nombre d'heures de travail réellement effectuées. Elle rémunère l'exercice des missions confiées dans la limite du nombre de jours travaillés. »
Comme le fait valoir l'employeur et contrairement à ce que soutient la salariée, un dispositif de suivi de la charge de travail a effectivement été mis en place. Ainsi, Mme [U], tout comme l'ensemble des collaborateurs de la société Assystem EOS, était tenue de renseigner, chaque mois, une feuille de temps, soumise à son supérieur hiérarchique, sur laquelle figurait la phrase suivante : « Les 11h de repos quotidien consécutives et les 35h consécutives de repos hebdomadaire ont bien été respectées : Oui/Non ». Dans l'hypothèse où le salarié n'aurait pas pu bénéficier des durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire, ou aurait travaillé au-delà de la durée maximale quotidienne et/ou de la durée maximale hebdomadaire de travail, il était prévu qu'une alerte soit envoyée au manager et au responsable des ressources humaines dédié et que le salarié soit reçu pour faire le point sur sa situation, ainsi qu'en justifie l'employeur.
En outre, Mme [U] a bénéficié d'entretiens annuels d'évaluation au cours duquel étaient abordées les questions suivantes : « Considérez-vous que vous avez la possibilité de concilier votre activité professionnelle et votre vie personnelle ' », « Comment appréciez-vous votre niveau de charge de travail et les moyens dont vous disposez ' », « Comment appréciez-vous l'organisation du travail dans l'entreprise », « Comment appréciez-vous les possibilités de concilier l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ' ».
Cependant, si lors des entretiens du 13 février et du 14 décembre 2015, la salariée n'a pas signalé de difficulté particulière quant à sa charge de travail, la cour constate que le compte-rendu de l'entretien annuel d'évaluation qui s'est tenu le 5 janvier 2017 n'a donné lieu à aucune mention sur ce point, l'employeur ne pouvant se limiter comme il le fait dans ses écritures à indiquer que Mme [U] avait la possibilité de remplir elle-même cette partie du document et qu'elle pouvait également, par le biais de la rubrique commentaire, alerter son manager sur sa charge de travail et un éventuel déséquilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle, ce qu'elle n'a pas fait.
Il convient dès lors de constater que l'employeur a été défaillant dans le suivi effectif de la charge de travail de sa salariée, et ce alors que celle-ci se plaint justement d'un alourdissement de cette charge à cette période.
Il en résulte que la convention de forfait en jours à laquelle Mme [U] a été soumise durant la relation de travail est privée d'effet. La salariée est donc en droit de se prévaloir de l'application de la durée légale du travail de 35 heures par semaine et de réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Mme [U] affirme qu'elle accomplissait régulièrement plus de 50 heures hebdomadaires de travail, soit 3 heures supplémentaires par jour et donc 15 heures par semaine.
Au soutien de sa demande de rappel de salaire, elle se contente de verser aux débats quelques échanges de mails dans le but de démontrer qu'elle recevait et devait traiter de nombreux mails avant 9 heures du matin et après 19 heures.
La salariée ne produit cependant pas d'éléments suffisamment précis, et en particulier pas de décompte, pour permettre à l'employeur d'y répondre.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressée de sa demande de rappel de salaire.
Sur la prise d'acte
Mme [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 16 juillet 2018 ainsi rédigée :
« Je suis dans l'obligation de vous écrire car la situation qui est la mienne depuis plus de 10 mois désormais ne peut plus perdurer.
Je suis à nouveau contrainte de solliciter une prolongation de mon arrêt de travail car mon état de santé ne s'améliore pas, et que toute perspective de retour à mon poste dans les conditions antérieures ne me semble nullement envisageable.
Afin de préserver ma santé, je suis donc contrainte par la présente de prendre l'initiative de la rupture de mon contrat de travail mais je vous précise d'emblée que je n'entends nullement en supporter la responsabilité tant mes conditions de travail se sont dégradées par les multiples brimades et les humiliations que m'ont causé les décisions successives de ma hiérarchie.
Si certaines personnes en interne ont essayé de m'aider à supporter au mieux la situation, l'attitude humiliante notamment de mes responsables hiérarchiques directs, la rétrogradation de fait que j'ai subie par la suppression brutale et sans concertation de toutes mes fonctions d'encadrement et le climat délétère qui s'est instauré depuis plusieurs mois, m'oblige désormais à réagir pour me protéger.
Je suis donc contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts pour les motifs ci-après brièvement exposés.
Avant de vous rappeler le contexte qui me contraint à cette décision radicale, sachez que je regrette sincèrement d'avoir à prendre une telle initiative mais malheureusement les derniers échanges que j'ai eus avec ma hiérarchie me convainquent que c'est désormais la seule solution pour moi et que je n'ai plus d'autres alternatives.
Certains auraient très certainement préféré obtenir ma démission, mais je ne saurais assumer seule la responsabilité de la fin de ma collaboration au sein d'Assystem Engineering & Operation Services (EOS).
Exerçant mes fonctions de responsable juridique au sein d'Assystem EOS depuis le mois de novembre 2014, j'étais pendant les 2 premières années parfaitement satisfaite de mes fonctions et de notre collaboration, et manifestement vous aussi si j'en crois les évaluations élogieuses, les comptes rendus d'entretien annuels très satisfaisants ou encore l'attribution de primes annuelles régulières tant qualitatives que quantitatives.
Malheureusement, dès le mois de mai 2016, j'ai subi le courroux de mon responsable de l'époque alors que [M] [Y], Président d'Assystem EOS a voulu élargir mon périmètre d'intervention à des dossiers de dimension internationale. Je me dois de relater cet épisode car j'ai la conviction profonde que c'est à compter de cet événement que le directeur juridique d'alors, [M] [G], a tout mis en 'uvre pour me mettre des bâtons dans les roues.
Après avoir traité pendant 8 mois des dossiers à l'international sur un périmètre élargi, période pendant laquelle ma charge de travail s'est, de fait, considérablement accrue sans qu'aucune augmentation ou contrepartie ne m'ait été allouée, ce périmètre était finalement repris par son détenteur d'origine - [M] [G] - qui le considérait comme son 'pré-carré', et ce sans qu'aucune explication ne me soit apportée et alors que les opérationnels étaient satisfaits du travail que j'avais effectué.
La restructuration mise en 'uvre au sein du Groupe Assystem en 2017, a amené [M] [G] à évoluer et à quitter Assystem EOS pour se consacrer exclusivement à Assystem Technologies ; ce dernier a alors laissé vacant son poste de directeur juridique au sein d'Assystem EOS pendant de nombreux mois.
En tant que responsable juridique d'EOS, j'animais depuis près de 3 ans l'équipe de juristes et bien que son poste ne m'ait pas été proposé à l'époque, j'ai, de fait, hérité de la quasi-totalité de ses fonctions et de ses missions puisqu'à compter de l'automne 2017, il renvoyait systématiquement l'ensemble des interlocuteurs vers moi et mon équipe. Mes interventions couvraient alors un périmètre de plus de 400 personnes.
A l'occasion d'un point d'organisation à mon initiative compte tenu d'une charge de travail qui était devenue absolument excessive et difficilement supportable, ce dernier a eu un comportement inacceptable à mon égard et la violence de ces propos et son mépris m'ont conduit à 'craquer'.
J'ai dû être arrêtée par mon médecin traitant pendant près de 2 mois. J'ai tout mis en 'uvre pour trouver des solutions adaptées, j'ai alerté la médecine du travail ainsi que nos représentants du personnel afin qu'ils m'aident à trouver une solution pérenne et acceptable pour tous.
A mon retour en novembre 2017, alors que la médecine du travail avait fermement préconisé qu'un retour à mon poste devrait intervenir uniquement à périmètre de mission constant, j'ai à nouveau dû absorber une charge de travail supplémentaire liée à l'absence de directeur juridique sur cette période qui m'était annoncée comme provisoire ...
En février 2018, j'apprends le départ définitif de [M] [G] du Groupe Assystem.
Je tente de remplir au mieux mes fonctions en lien avec l'équipe dont je suis le manager.
Toutefois, des cas de plus en plus fréquents de désaveu de ma qualité de manager me mettent en difficulté vis-à-vis de mon équipe :
- refus de prime et augmentation minimale pour une des juristes à l'opposé de mes préconisations compte tenu du travail de qualité effectué par cette juriste dans un contexte éprouvant pour l'équipe,
- désaveu fréquent sur des sujets RH vis-à-vis de mon équipe,
- prise de décision sur certains membres de mon équipe sans m'en référer et sans concertation préalable,
- et, en parallèle, toujours pas la moindre augmentation me concernant alors que nous redoublions tous d'effort pour pallier l'absence d'encadrement au niveau de la Direction juridique ...
Je pensais légitimement que l'arrivée d'une nouvelle directrice juridique, enfin annoncée pour le mois d'avril/mai allait permettre d'apaiser les tensions et d'assainir la situation.
Malheureusement, j'ai très vite déchanté en constatant que cette dernière entendait me retirer toutes mes fonctions de management, tout lien hiérarchique avec les juristes puisqu'elle m'exposait à l'occasion d'une de nos premières rencontres : 'enfin, [H], tu vois bien que je n'ai pas besoin de responsable juridique'.
Lorsque je lui demandais de me le confirmer officiellement, elle m'a répondu avec mépris 'tu ne crois pas que je vais te donner des éléments pour ton dossier', me prêtant ainsi très peu de perspective au sein de la société ...
Ces propos se sont effectivement suivis d'effets : toutes mes fonctions de management m'étaient de facto retirées (instructions données aux juristes de ne plus me reporter directement, retrait des accès aux logiciels de validation (feuilles de temps, note de frais ...), et interdiction m'a été faite de tenir les réunions juridiques bi-mensuelles que j'animais jusqu'alors.
Vous savez, par l'observation des codes de pointages utilisés depuis de nombreuses années (50% code 123 / 50% code 132), que mes missions d'encadrement représentent la moitié de mes fonctions et de mon temps de travail au sein d'Assystem EOS.
Je considère, et je l'avais déjà exprimé, que cette suppression non concertée de toute cette partie de mon activité est une modification très substantielle de mon contrat de travail avec laquelle je ne suis pas d'accord, et qu'elle s'apparente à une rétrogradation qui est très vexatoire et qui n'est nullement justifiable.
Cette décision à mon égard intervient dans un contexte bien trop difficile à supporter et les renouvellements successifs de mes arrêts de travail m'imposent de tout mettre en 'uvre pour préserver ma santé et me contraignent à cette décision tant votre attitude à mon encontre ne laisse aucune perspective de retour serein à mes fonctions.
En conséquence, je vous remercie de bien vouloir mettre à ma disposition, dès que possible, mon solde de tout compte et les éléments de fin de contrat.
Bien évidemment, j'entends faire valoir mes droits devant les juridictions compétentes, et je ne manquerai pas de vous en tenir dument informés.
Sachez, une nouvelle fois que je déplore d'en arriver à cette mesure mais la situation l'impose. »
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, en sorte que d'autres manquements peuvent être invoqués, ne figurant pas dans cet écrit.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
En l'espèce, Mme [U] s'estime bien fondée à solliciter que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul du fait du harcèlement moral qu'elle prétend avoir subi et, à titre subsidiaire, qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard des manquements de l'employeur à son égard.
Elle prétend qu'à compter du mois de juin 2017, ses conditions de travail n'ont fait que se dégrader, notamment du fait du comportement de ses supérieurs hiérarchiques successifs, M. [M] [G] puis Mme [N] [L], qu'elle a subi de multiples brimades et humiliations liées aux décisions successives de sa hiérarchie, qu'elle a vu sa charge de travail augmenter de façon excessive, son périmètre étant élargi aux dossiers internationaux sans pour autant qu'une modification de son contrat de travail et/ou une revalorisation de sa rémunération n'intervienne à ce titre, que M. [G], qui considérait les dossiers internationaux comme son 'pré carré' n'a eu de cesse de lui 'mettre des bâtons dans les roues' en ne lui apportant aucune aide ni aucun support puis qu'il a, dans le but de la mettre en difficultés, finalement décidé de lui confier la quasi-totalité des dossiers internationaux, ce qui représentait une charge de travail supplémentaire bien trop importante qui venait s'ajouter aux multiples tâches qui lui étaient déjà affectées, qu'elle a mal vécu cet élargissement de fonctions sans aucune contrepartie pour la récompenser de cet effort d'investissement supplémentaire, qu'elle s'est sentie dévalorisée, qu'après huit mois de bons et loyaux services sur les dossiers internationaux, M. [G] a subitement décidé de reprendre l'ensemble du périmètre international à sa charge et il l'a écartée du jour au lendemain, sans aucune explication, qu'elle a perçu cette décision comme une sanction, qu'à la suite de la restructuration du groupe Assystem et de la cession d'une partie de l'activité, M. [G] a décidé de quitter Assystem EOS pour rejoindre la nouvelle entité, qu'une réunion s'est tenue le 14 septembre 2017, pour faire le point sur l'organisation qui serait adoptée dans le prolongement de son départ effectif prévu pour octobre 2017, réunion au cours de laquelle M. [G] a eu un comportement inacceptable à son égard en tenant des propos violents et méprisants, que ce comportement a été de 'trop' après plusieurs mois de conditions de travail difficiles, qu'elle a dû être arrêtée par son médecin traitant du 15 septembre au 7 novembre 2017 et a débuté un suivi psychologique, qu'à son retour d'arrêt maladie, elle n'avait plus aucun rattachement hiérarchique et a dû assumer le rôle de directeur juridique par intérim pendant plusieurs mois, qu'ainsi elle a dû absorber une charge de travail supplémentaire liée à l'absence de directeur juridique jusqu'en avril 2018, en méconnaissance des préconisations de la médecine du travail, qu'outre cette charge de travail excessive elle a été mise à l'écart et des cas de plus en plus fréquents de désaveu de sa qualité de manager l'ont mise en difficulté vis-à-vis de son équipe, qu'à aucun moment le poste de directeur juridique ne lui a été proposé, qu'à l'arrivée du nouveau directeur juridique, Mme [L], les conditions de travail de Mme [U] ont continué à se détériorer, que Mme [L] lui a retiré le management de l'équipe de juristes qui constituait plus de 50 % de son activité, sans que de nouvelles responsabilités lui soient données en contrepartie, que cette suppression de la moitié de son activité doit être considérée comme une modification substantielle de son contrat de travail pour laquelle elle n'a aucunement donné son accord, outre qu'elle constitue une rétrogradation vexatoire, qu'elle a subi de nouveaux arrêts maladie tant la situation lui était invivable.
La société Assystem EOS fait observer en réplique que le critère de proximité entre les manquements reprochés par Mme [U] et sa décision de rompre le contrat de travail n'est pas rempli puisque l'intéressée aurait, selon ses dires, supporté pendant plus de deux ans une situation dont elle prétend qu'elle était si intenable qu'elle justifiait un départ brutal. Elle fait valoir que les griefs invoqués par la salariée sont contradictoires et résident dans de prétendues difficultés relationnelles avec M. [G], son responsable hiérarchique, puis un accroissement de sa charge de travail qui n'aurait pas été justement rémunéré, suivis du retrait de ses responsabilités managériales qu'elle qualifie à tort de 'modification très substantielle' de son contrat de travail. La société soutient qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations à l'égard de Mme [U].
Sur ce, il sera rappelé que selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions, toute disposition ou tout acte contraire est nul, selon l'article L. 1152-3 du même code.
L'article L. 1154-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [U] a été engagée par la société Assystem EOS, à compter du 18 novembre 2014, en qualité de responsable juridique, position 3.1, coefficient 170 de la convention collective Syntec.
Ses comptes-rendus d'entretiens d'évaluation, rédigés par le directeur juridique, M. [G], contiennent des appréciations élogieuses sur son travail et la salariée n'y fait état d'aucune préoccupation particulière.
Les difficultés qu'elle invoque s'agissant de ses relations avec son supérieur hiérarchique, en particulier les 'multiples brimades et humiliations' qu'elle aurait subies, sans au demeurant en donner aucun exemple précis, ne sont pas utilement démontrées par les éléments versés aux débats et si, lors de la visite de reprise du 9 novembre 2017, qui a fait suite à son arrêt maladie du 15 septembre au 7 novembre 2017, le médecin du travail a estimé que Mme [U] pouvait reprendre son poste de responsable juridique mais qu'elle ne devait plus être rattachée à son ancienne hiérarchie, l'étude de poste à laquelle le médecin a procédé le 31 octobre 2017 n'apporte pas plus d'indications sur les faits de harcèlement allégués.
L'employeur justifie néanmoins s'être parfaitement conformé aux préconisations du médecin du travail en modifiant le rattachement hiérarchique de Mme [U] afin d'éviter les contacts avec M. [G], la surcharge de travail dont fait état la salariée n'étant aucunement justifiée.
La salariée ne démontre pas qu'elle a été empêchée de travailler sur des dossiers internationaux, ni qu'elle s'est vu attribuer, par mesure de rétorsion, la quasi-totalité des dossiers internationaux, pour se voir ensuite subitement écartée de l'ensemble du périmètre international, comme elle le prétend, les éléments produits par l'employeur justifiant au contraire que le 20 février 2017, elle soulignait elle-même avoir « entamé la prise en charge de dossiers avec des opérationnels tant saoudiens que dubaïotes ».
La cour relève en outre que Mme [U] a bénéficié d'une augmentation le 15 février 2017, sa rémunération étant portée de 5 607 euros à 5 888 euros brut à compter du 1er janvier 2017, qu'elle a en outre perçu une prime exceptionnelle de 3 000 euros.
Il résulte ensuite des explications concordantes des parties que la restructuration mise en oeuvre au sein du groupe Assystem a conduit en mai 2017 à la séparation juridique des deux pôles d'activités du groupe, à savoir les sociétés Assystem EOS et Assystem France (devenue ensuite Assystem Technologies puis Expleo), dont 65 % des parts ont été cédées à un fonds d'investissement ; que cette opération a entraîné une réorganisation de la direction juridique, M. [G], qui supervisait jusqu'alors les affaires juridiques des deux entités, rejoignant la société Assystem France, son départ initialement prévu le 1er octobre 2017 étant néanmoins retardé du fait de l'arrêt maladie de Mme [U], tandis qu'un nouveau directeur juridique était recruté pour la société Assystem France.
Mme [U] échoue à convaincre qu'elle a dû assumer le rôle de directeur juridique par intérim pendant plusieurs mois, jusqu'à l'arrivée, le 16 avril 2018, de la nouvelle directrice juridique, Mme [L]. Aucune pièce n'étaye non plus le grief tenant au fait qu'elle aurait été mise à l'écart.
A son arrivée, Mme [L] a rencontré les membres de l'équipe juridique, dont Mme [U]. Elle a informé cette dernière qu'elle souhaitait mettre en place une organisation efficace de la direction juridique, à présent réduite du fait de la restructuration, ce qui supposait pour la directrice juridique d'éviter de 'multiplier les strates managériales' et de reprendre le management en direct, ce qui relevait au demeurant du pouvoir de direction de l'employeur. S'il n'est pas discuté que dans les faits, Mme [U] encadrait trois juristes de son périmètre, sans cependant que soit démontré que cette partie de son activité occupait 50 % de son temps, il convient d'observer que son contrat de travail se limitait à mentionner qu'elle exerçait les fonctions de responsable juridique, aucune dimension managériale n'étant visée, ce dont il se déduit l'absence de modification d'un élément essentiel du contrat. Il ressort en outre des mails échangés que Mme [L] avait indiqué à Mme [U] que l'organisation de la direction juridique était amenée à évoluer et qu'elle se verrait confier d'autres fonctions afin qu'elle soit en mesure de contribuer à la hauteur de son expertise métier.
Le dernier courriel échangé avec Mme [L] date du mercredi 23 mai 2018. Le 25 mai 2018, Mme [U] était arrêtée pour maladie. Elle ne reprendra plus le travail jusqu'à sa prise d'acte le 16 juillet 2018. Aucune proposition n'a ainsi pu lui être faite compte tenu de son arrêt maladie.
Il s'ensuit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer, dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée, la justification d'un lien entre les pièces médicales produites aux débats et les conditions de travail ne se déduisant ainsi pas des éléments en présence.
Les demandes de Mme [U] au titre du harcèlement moral seront donc rejetées par confirmation du jugement entrepris et celui-ci ne sera pas retenu au nombre des griefs invoqués par la salariée au soutien de la prise d'acte, non plus que la modification unilatérale du contrat de travail.
La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [U] doit dès lors s'analyser comme une démission, ayant pris effet à la date d'envoi de la lettre, soit le 16 juillet 2018.
La salariée sera en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes indemnitaires, par infirmation du jugement entrepris.
Compte tenu de cette infirmation, la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision contestée est de droit sans avoir lieu de l'ordonner.
Mme [U] sera en revanche condamnée à verser à la société Assystem EOS la somme de 17 664 euros à titre d'indemnité du fait du non-respect du préavis de rupture du contrat de travail.
Sur l'obligation de sécurité
Mme [U] sollicite à titre infiniment subsidiaire de voir juger que la société Assystem EOS n'a pas respecté ses obligations contractuelles, notamment son obligation de sécurité, et elle réclame le versement de dommages-intérêts à hauteur de 20 000 euros.
Elle fait état de ses arrêts maladie du 15 septembre au 7 novembre 2017 puis à compter du 25 mai 2018 et de son suivi par un psychologue.
La cour relève ici que si les avis d'arrêt de travail font état d'une anxiété réactionnelle et d'un état dépressif de la salariée, les pièces du dossier qui n'ont notamment pas conduit à retenir un harcèlement managérial dont la salariée aurait fait l'objet, sont insuffisantes pour établir un lien entre son état de santé et des agissements de l'employeur, dont il a été précédemment relevé qu'il avait parfaitement respecté les préconisations de la médecine du travail.
Il s'en déduit l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la contestation du solde de tout compte
Mme [U] prétend que le décompte de son compte de congés payés et de son compte épargne temps est erroné. Elle sollicite le paiement de la somme de 815 euros au titre de :
- 2,08 jours de congés payés (CP1) non réglés,
- 1 jour placé sur son compte épargne temps non réglé.
Comme le fait cependant observer l'employeur, la salariée était en arrêt maladie à compter du 25 mai 2018 ; en outre elle ne bénéficiait plus du maintien de salaire à compter du 30 juin 2018. Elle n'a donc pu bénéficier de droits à congés payés durant cette période.
Le solde de ses congés s'élevait à 28 jours (25+3) qui lui ont été réglés dans le cadre de son solde de tout compte.
Par ailleurs, la dernière demande de versement de congés sur son compte épargne temps effectuée par Mme [U] le 15 mai 2018 à hauteur de 3 jours (congés d'ancienneté) a porté le solde de ce compte, qui était de 1, à 4 jours, qui lui ont été réglés dans le cadre de son solde de tout compte.
Il en résulte que Mme [U] a été remplie de ses droits, comme l'ont justement retenu les premiers juges qui l'ont déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles
Mme [U] supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Il n'apparait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 17 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Versailles en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [H] [U] s'ana1yse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société Assystem Engineering and Operation Services à verser à Mme [H] [U] les indemnités subséquentes et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la société Assystem Engineering and Operation Services aux dépens ;
LE CONFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [H] [U] produit les effets d'une démission ;
DÉBOUTE en conséquence Mme [H] [U] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement et indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE Mme [H] [U] à verser à la société Assystem Engineering and Operation Services la somme de 17 664 euros à titre d'indemnité pour non-respect du préavis de rupture du contrat de travail ;
DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [H] [U] aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,