COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 19/02800 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TJ52
AFFAIRE :
EARL CEPY (CENTRE EQUESTRE DU PERRAY EN YVELINES)
C/
[Y] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° Section : A
N° RG : F18/00860
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU
Me Carine COHEN de la SELEURL CARINE COHEN AVOCAT
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
EARL CEPY (CENTRE EQUESTRE DU PERRAY EN YVELINES)
N° SIRET : 804 131 068
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 - Représentant : Me Michaël BELLEE, Déposant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Théo RENAUDIE, avocat au barreau de VERSAILLES
APPELANTE
****************
Mademoiselle [Y] [R]
née le 22 Mars 1988 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Carine COHEN de la SELEURL CARINE COHEN AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1839
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Du 1er juillet au 17 août 2016, Mme [Y] [R] était embauchée par l'EARL Centre Equestre du Perray en Yvelines, ci-après dénommée l'EARL CEPY, en qualité de monitrice, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée. La relation de travail se poursuivait dans le cadre d'un second contrat de travail à durée déterminée conclu, à temps partiel, pour la période courant du 15 septembre 2016 au 31 juillet 2017. Toutefois, sans attendre le terme de ce contrat, les parties concluaient un contrat à durée indéterminée à temps plein par avenant du 1er novembre 2016.
Le contrat de travail était régi par la convention collective des centres équestres.
Le 9 février 2018, les parties signaient une convention de rupture conventionnelle que la Direccte refusait d'homologuer.
Le 26 mars 2018, Mme [R] prenait acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant des faits de harcèlement moral. Elle réitérait cette prise d'acte le 17 avril 2018.
Le 30 novembre 2018, Mme [R] saisissait le conseil des prud'hommes de Versailles afin de faire produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement nul.
Vu le jugement du 28 juin 2019 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Versailles qui a':
- Dit que l'affaire est recevable ;
- Fixé à 1'689,60 euros le salaire brut mensuel de Mme [R] ;
- Dit et Jugé que la prise d'acte de Mme [R] produit les effets d'un licenciement nul ;
- Condamné l'EARL CEPY à verser à Mme [R] les sommes suivantes :
- 1'689,60 euros net au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1'858,56 euros brut au titre de l'indemnité de préavis et congés payés,
- 10'137,60 euros net au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- 10'137,60 euros net au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 5'068,80 euros net au titre de l'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 77,21 euros brut au titre de rappel de salaire pour jours fériés travailles non majorés,
- 7,72euros brut au titre des congés payés afférents,
- 261,90 euros au titre de l'indemnité de précarité non versée à l'issu du premier contrat à durée déterminée,
- 1 689,60 euros net au titre de l'indemnité de requalfication du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- 2'859,44 euros net au titre du paiement de salaires arrières dus pour 2017 et congés payés,
- 495,67 euros brut au titre de salaire pour mars 2018 et congés payés,
- 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit que ces sommes seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter du 29 mars 2019 ;
- Ordonné à l'EARL CEPY de remettre les documents de fin de contrat, à la date du 26 mars 2018 ;
- Dit que l'exécution provisoire est de droit et non forcée ;
- Débouté Mme [R] du surplus de ses demandes ;
- Débouté l'EARL CEPY de l'ensemble de ses demandes ;
- Mis les éventuels dépens a la charge exclusive de l'EARL CEPY.
Vu l'appel régulièrement interjeté par l'EARL CEPY le 4 juillet 2019.
Vu les conclusions de l'appelante, l'EARL CEPY, notifiées le 11 mars 2020 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- Déclarer l'EARL CEPY recevable et bien fondée en son appel principal,
- Déclarer Mme [R] mal fondée en son appel incident.
En conséquence,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit que la prise d'acte de la rupture est intervenue le 26 mars 2018;
- Dit que le site Internet appartient à l'EARL CEPY;
- Infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions;
- Dire que Mme [R] n'était pas fondée à invoquer à l'encontre de l'EARL CEPY des faits antérieurs à la date du 26 février 2018 au soutien de sa prise d'acte;
Par conséquent de:
- Dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission;
- Condamner Mme [R] à verser à l'EARL CEPY la somme de 58'938,11 euros au titre du préjudice subi du fait du manquement de cette dernière à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur;
- Débouter Mme [R] de |'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
- Condamner Mme [R] à la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les écritures de l'intimée, Mme [R], notifiées le 8 novembre 2021 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de':
- Débouter l'EARL CEPY de l'ensemble de ses demandes,
En conséquence de :
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Versailles du 28 juin 2019 en ce qu'il a :
- Fixé à 1'689,60 euros le salaire brut mensuel de Mme [R];
- Dit et jugé que la prise d'acte de Mme [R] produit les effets d'un licenciement nul en raison du harcèlement moral subi par cette dernière;
- Condamné I'EARL CEPY à verser à Mme [R] les sommes suivantes :
- 1'689,60 euros net au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1'858,56 euros brut au titre de l'indemnité de préavis et congés payés,
- 10'137,60 euros net au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- 10'137,60 euros net au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 5'068,80 euros net au titre de l'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 77,21 euros brut au titre de rappel de salaire pour jours fériés travailles non majorés,
- 7,72euros brut au titre des congés payés afférents,
- 261,90 euros au titre de l'indemnité de précarité non versée à l'issu du premier contrat à durée déterminée,
- 1 689,60 euros net au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- 2'859,44 euros net au titre du paiement de salaires arrières dus pour 2017 et congés payés,
- 495,67 euros brut au titre de salaire pour mars 2018 et congés payés,
- 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit que ces sommes seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter du 29 mars 2019 ;
- Ordonné à I'EARL CEPY de remettre les documents de fin de contrat, à la date du 26 mars 2018,
- Débouté I'EARL CEPY de l'ensemble de ses demandes ;
- Mis les éventuels dépens à la charge exclusive de I'EARL CEPY
- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en ce qu'il a débouté Mme [R] de ses demandes :
- De paiement d'une indemnité en raison de la violation par son employeur de son obligation de sécurité (2 mois de salaire) : 3'379,20 euros nets ;
- De paiement d'un rappel d'heures supplémentaires pour la période courant du mois de novembre 2016 à mars 2018 :
Pour l'année 2016 :
- 881,92 euros bruts au titre des huit premières heures majorées à 25% soit 970,11 euros bruts incluant les congés payés,
- 2'249,44 euros bruts au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %, soit 2'474,38 euros bruts incluant les congés payés.
Pour l'année 2017 :
- 5'540 euros bruts au titre des huit premières heures majorées à 25% soit 6'094 euros bruts incluant les congés payés,
- 14'131,25 euros bruts au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %, soit 15'544,37 euros bruts incluant les congés payés.
Pour l'année 2018 :
- 890,88 euros bruts au titre des huit premières heures majorées à 25% soit 979,96 euros bruts incluant les congés payés,
- 2'272,56 euros bruts au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %, soit 2'499,81 euros bruts incluant les congés payés.
- De paiement d'un rappel de repos compensateur au titre de l'année 2017 :
- 5'680,45 euros bruts au titre du repos compensateur pour le premier semestre 2017, sur la base d'un taux horaire de 11,03 euros, et à 568,04 euros de congés payes y afférents, soit 6'248,50 euros bruts au total ;
- 5'737,10 euros au titre du repos compensateur pour le second semestre 2017, sur la base d'un taux horaire de 11,14 euros, et a 573,71 euros de congés payes y afférents,
- De paiement de 3'000 euros de dommages et intérêts en raison de l'utilisation frauduleuse par l'EARL CEPY du site internet créé par la demanderesse.
En conséquence, et statuant à nouveau,
- Dire et juger que l'EARL CEPY a violé son obligation de sécurité,
- La condamner à verser à Mme [R] une indemnité de 3'379,20 euros nets (2 mois de salaire) ;
- Dire et juger que Mme [R] a accompli des heures supplémentaires conséquentes dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et prononcer sur cette base le paiement des sommes suivantes :
- rappel d'heures supplémentaires pour la période courant du mois de novembre 2016 à mars 2018 :
Pour l'année 2016 :
- 881,92 euros bruts au titre des huit premières heures majorées à 25% soit 970,11 euros bruts incluant les congés payés,
- 2'249,44 euros bruts au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %, soit 2'474,38 euros bruts incluant les congés payés.
Pour l'année 2017 :
- 5'540 euros bruts au titre des huit premières heures majorées à 25% soit 6'094 euros bruts incluant les congés payés,
- 14'131,25 euros bruts au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %, soit 15'544,37 euros bruts incluant les congés payés.
Pour l'année 2018 :
- 890,88 euros bruts au titre des huit premières heures majorées à 25% soit 979,96 euros bruts incluant les congés payés,
- 2'272,56 euros bruts au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %, soit 2'499,81 euros bruts incluant les congés payés.
- rappel de repos compensateur au titre de l'année 2017 :
- 5'680,45 euros bruts au titre du repos compensateur pour le premier semestre 2017, sur la base d'un taux horaire de 11,03 euros, et à 568,04 euros de congés payés y afférents, soit 6'248,50 euros bruts au total ;
- 5'737,10 euros au titre du repos compensateur pour le second semestre 2017, sur la base d'un taux horaire de 11,14 euros, et à 5'73,71 euros de congés payés y afférents,
- Constater l'absence de toute cession des droits de propriété intellectuelle que Mme [R] détient sur le site internet de l'EARL CEPY,
- Condamner l'EARL CEPY à lui verser 3'000 euros de dommages et intérêts en raison de l'utilisation frauduleuse par l'EARL CEPY du site internet créé par l'intimée.
- Condamner l'EARL CEPY à lui verser :
- 478,15 euros au titre des frais exposés par elle afin d'obtenir le recouvrement des sommes dues au titre de l'exécution provisoire,
- 1'800 euros au titre des honoraires d'avocat exposés dans le cadre de la demande de radiation formulée auprès du conseiller de la mise en état compte tenu de l'absence d'exécution provisoire,
- 4'000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la délivrance tardive des documents de fin de contrat et de l'absence de perception de l'allocation chômage pendant l'année 2019 et 2020 ;
- Condamner l'EARL CEPY à verser à Mme [R] 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 14 février 2022.
SUR CE,
Sur l'exécution du contrat de travail':
Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et l'indemnité de précarité
Mme [R] fait valoir qu'aucun contrat de travail écrit ne lui a été remis dans le cadre de son premier contrat à durée déterminée.
Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
Il ressort de l'attestation Pôle emploi établie par l'employeur le 30 août 2016 que Mme [R] a été engagée par l'EARL CEPY dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 1er juillet au 17 août 2016.
Or, l'employeur ne justifie pas avoir remis de contrat écrit à la salariée.
En conséquence, ce contrat est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée.
Par ailleurs, aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. L'indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction.
En conséquence et au regard des bulletins de paie communiqués, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [R] une somme de 1'689,60 euros à titre d'indemnité de requalification.
Enfin, selon l'article L.1243-8 du code du travail, lorsqu'à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation égale à 10 % de la rémunération totale brute qui lui a été versée et qui s'ajoute à cette rémunération.
L'EARL CEPY ne justifie pas avoir versé cette indemnité à la salariée, alors que le contrat à durée déterminée du 1er juillet 2016 ne s'est pas poursuivi par un contrat à durée indéterminée.
En conséquence et au regard des bulletins de paie communiqués, le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 261,90 euros au titre de l'indemnité de précarité.
Sur le rappel de salaire au titre du jour férié travaillé
Mme [R] sollicite la confirmation du jugement de ce chef.
L'employeur ne conclut pas sur cette demande.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont alloué un rappel de salaire de 77,21 euros au titre du 1er mai 2017 travaillé, outre les congés payés afférents.
Sur le harcèlement moral
L'article L.1152-1 du code du travail dispose que : «'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'».
Par ailleurs, l'article L.1154-1 du même code précise que : «'Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'».
Mme [R] invoque des propos déplacés, agressifs et un comportement humiliant de la part de M. [K] pendant de nombreux mois. Elle se prévaut de nombreux SMS que ce dernier lui a adressés, en dehors des heures de travail et de ses déplacements jusqu'à son domicile. Elle explique que son état de santé s'est dégradé.
Au soutien de ses dires, Mme [R] produit':
- de très nombreux échanges de SMS intervenus avec M. [K] entre les mois de septembre 2017 et de mars 2018'; toutefois, la cour constate que de très nombreux messages sont sans lien avec le contrat de travail de Mme [R], dès lors qu'ils concernent la rupture de la relation amoureuse entretenue par les intéressés et la difficulté de M. [K] à l'accepter'; les messages à caractère professionnels sont beaucoup moins nombreux et leur lecture ne permet de relever aucun propos inadaptés';
- plusieurs attestations :
- l'attestation de M. [S], un client du centre équestre, qui explique que': «''Quelque mois avant son départ en mars 2018 ('), [Y] a subi régulièrement dans les allées du club insultes, harcèlement et dénigrement sur son travail par son employeur qui lui hurlait dessus. Particulièrement, début mars où un matin alors qu'elle arrivait aux écuries, M. [K] criait déjà sur elle. [Y] [R] se défendait en disant « qu'aucun planning n'est fait dans ton club ». Il lui a répondu « connasse casse toi ». Il avait un balai menaçant vers elle ' »';
- l'attestation de Mme [N], une cliente du centre équestre, qui relate que': «''Il est arrivé que [Y] [R] n'assure pas ses cours auprès de ses élèves, M. [K] lui ayant demandé pour des raisons que je ne connais pas de quitter ses écuries sur le champ ! Il disait ensuite à ses élèves que [Y] était souffrante. Lors de l'épisode de neige en Ile de France, les abreuvoirs des chevaux ont gelé. Inquiète de cette situation, je suis venue aux écuries abreuver les chevaux avec des seaux. C'était un lundi, jour de repos de [Y]. Je l'ai trouvée à l'écurie prenant soin de la cavalerie, inquiète comme moi de l'attitude désinvolte de M. [K] vis-à-vis des animaux qui lui sont confiés. Ce fut le début d'une semaine de « mauvaise humeur » pour M. [K] envers [Y]. Il lui supprimait des cours, lui indiquait qu'elle n'emmènerait pas ses élèves en concours le dimanche suivant ' A plusieurs reprises, j'ai entendu M. [K] dire qu'il ne supportait plus [Y] et il était de plus en plus dur dans ses propos la concernant. ''»';
- l'attestation de Mme [G], une cliente du centre équestre, qui indique que': «'Ma fille cavalière et moi-même avons assisté à des échanges très tendus entre M. [K] et [Y] [R]. M. [K] utilisait un ton et un vocabulaire inapproprié vis-à-vis d'une employée'»';
- l'attestation de Mme [P], une cliente du centre équestre, qui confirme que «'les relations entre M. [K] et [Y] [R] étaient tendues et les échanges étaient bruyants. J'ai vu [Y] [R] perdre sa confiance, s'étioler physiquement et moralement »';
- l'attestation de Mme [C], ancienne salariée de l'EARL CEPY qui précise avoir été témoin d'un « comportement inapproprié de M. [K] [J], gérant et propriétaire du CEPY envers [Y] [R] à plusieurs reprises. En effet, je me rappelle particulièrement c'était un dimanche matin, j'étais en train de mettre le foin aux chevaux dans les écuries lorsqu'il est arrivé en hurlant et disant que tu n'avais rien à faire dans les écuries et qu'il fallait que « tu dégages » ([Y] [R]) tout en essayant de lui mettre une feuille dans la poche de force. J'ai réussi à voir la feuille et c'était une demande de rupture conventionnelle. Ce n'était pas la première fois qu'il se comportait avec ses employés. En effet, régulièrement des cris, des menaces résonnaient dans les écuries contre mes collègues et moi-même ...'»';
- l'attestation de Mme [A], une cliente du centre équestre, qui relate avoir vu M. [K] descendre de son bureau en furie, lui interdire de remplacer le fumier dans les box et la renvoyer chez elle. Elle précise que Mme [R] n'avait pas souhaité porter plainte à l'encontre de son patron car elle était « désorientée et inquiète » de perdre son emploi. Elle précise que des situations similaires se sont produites de façon régulière : « je n'avais jamais vu de directeur insulter ses salariés devant des clients ou bien même leur parler sur le ton avec lequel le patron de [Y] lui parlait »';
- une lettre de M. [K] du 10 octobre 2017 dans laquelle il écrit': «'Je soussigné [J] [K], gérant de l'EARL CEPY, demande à Mme [Y] [R] monitrice de ne pas se rendre à son travail à partir du 10 octobre 13h jusqu'au dimanche 15. Pendant cette période l'ensemble de son salaire sera versé. Le motif étant ''incompatibilité d'humeur avec le gérant''. J'assume entièrement la responsabilité de ce choix'».
Au regard de ces différentes pièces, le fait relatif aux propos et comportement agressifs et humiliants de M. [K] est établi.
- un certificat médical du docteur [H] du 18 février 2019 qui explique «'avoir constaté depuis septembre 2017 une perte de poids de 8 kg (de 60 kg à 52 kg) ainsi que des symptômes qui pouvaient faire penser à un syndrome dépressif tels que des pleurs répétitifs'», ainsi que plusieurs SMS dans lesquels elle indique qu'elle ne va pas bien, qu'elle se sent épuisée et les attestations de Mmes [A] et [U] exprimant leur inquiétude face à la dégradation de l'état de santé de Mme [R]. Le fait est établi.
Mme [R] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
En réponse, l'employeur fait valoir que les attestations produites par la salariée ne revêtent pas de caractère probant, compte tenu de leur manque d'objectivité et de sérieux. Il communique plusieurs attestations remettant en cause ces témoignages. Il souligne que Mme [R] ne justifie d'un quelconque préjudice sur le plan psychologique.
Il produit une ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Versailles le 27 septembre 2016 attestant de l'existence d'un contentieux judiciaire entre les époux [S] et l'EARL CEPY. Néanmoins, la cour constate que le témoignage de M. [S] concernant le comportement agressif de M. [K] à l'égard de Mme [R] est confirmé par plusieurs autres témoignages communiqués par la salariée. De surcroît, le fait pour M. [S] de s'être plaint de Mme [R] conforte le caractère probant de son témoignage qui ne peut être taxé de complaisance.
L'employeur se prévaut par ailleurs de la conclusion d'une rupture conventionnelle avec Mme [C], ancienne salariée du centre équestre. Cependant, cette circonstance n'est pas de nature à altérer la valeur de son témoignage. L'employeur soutient que Mme [C] a été aperçue le 16 mars 2018 par Mme [Z], palefrenière au centre équestre, en train de fouiller le local administratif, dans lequel ont été dérobés une enceinte sono, des papiers d'identification de chevaux et les dossiers administratifs de Mmes [C] et [R] et des dossiers de chevaux de clients récupérés par Mme [R]. Cependant, aucun élément de preuve ne permet de corroborer ces dires, Mme [Z] n'y faisant pas référence dans son attestation.
Concernant Mme [N], l'EARL CEPY fait valoir qu'elle est, avec Mme [R], co-dirigeante de la société concurrente Les Petites Ecuries que la salariée a créée. L'employeur ajoute qu'elle n'a pas réglé une dette de 3'700 euros. Toutefois, aucun élément probant ne permet de justifier ces affirmations.
L'employeur communique 18 attestations de clients et collaborateurs qui expliquent, de manière concordante et circonstanciée, que Mme [R] se montrait agressive et insultante à l'égard de M. [K], qu'elle refusait parfois d'assurer les cours et qu'elle fumait du cannabis dans le centre équestre.
Cependant, ces attestations ne sont pas de nature à justifier le comportement agressif de M. [K] à l'égard de sa salariée, vis à vis laquelle il n'a engagé aucune procédure disciplinaire afin de sanctionner les griefs dénoncés par ses témoins. Le fait que ces derniers indiquent ne jamais avoir constaté de comportement agressif de la part de M. [K] à l'encontre de Mme [R], ne permet pas de remettre en cause les attestations produites par cette dernière quant aux faits auxquels les autres témoins certifient avoir assisté.
L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [R] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est établi.
Sur le harcèlement sexuel
Aux termes de l'article L.1153-1 du code du travail, les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits.
Par ailleurs, L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié ou le candidat concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [R] invoque l'envoi de SMS tardifs afin d'entretenir à nouveau des liens intimes alors qu'elle avait fait part de sa volonté de cesser toute relation et de quitter l'entreprise. Elle ajoute qu'il s'est déplacé à son domicile, a dormi devant sa porte et lui a proposé de façon incessante des déjeuners, dîners ou autres rendez-vous.
Au soutien de ses affirmations, elle produit':
- de très nombreux échanges de SMS intervenus avec M. [K] entre les mois de septembre 2017 et de mars 2018'; dans certains messages, M. [K] propose à Mme [R] de boire un verre ensemble, de déjeuner ou de dîner'; toutefois, la cour constate que de très nombreux messages sont sans lien avec le contrat de travail de Mme [R], dès lors qu'ils concernent la rupture de la relation amoureuse entretenue par les intéressés et la difficulté de M. [K] à l'accepter';
- le témoignage de Mme [M] chez laquelle Mme [R] était hébergée et qui relate que': «'' Leur « histoire d'amour » n'était plus au beau fixe, [Y] lui a alors demandé de ne plus venir « squatter » chez elle. Rien n'y a fait !! Il était posté quasi tous les soirs devant la maison, la suppliant de le laisser entrer' Il pleurait même ' A même dormi devant la porte ! (') Sont arrivés les SMS incessants de la part de M. [K] suppliant [Y] de l'aimer ! ''»' et l'attestation de Mme [A] confirmant avoir vu le véhicule de M. [K] devant le domicile de Mme [R], alors que cette dernière était partie dormir chez ses parents pour ne pas le rencontrer'; cependant, les déclarations des témoins relèvent, comme la grande majorité des SMS, de la sphère privée des relations intimes entre M. [K] et Mme [R]';
- le certificat médical précité du docteur [H] du 18 février 2019, les SMS dans lesquels elle indique qu'elle ne va pas bien'et les attestations de Mmes [A] et [U] exprimant leur inquiétude face à la dégradation de l'état de santé de Mme [R] ; si ces pièces attestent de la dégradation de l'état de santé de Mme [R], elles ne suffisent pas à rapporter la preuve de la matérialité d'éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement sexuel. Les demandes relatives au harcèlement sexuel doivent par conséquent être rejetées.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Selon l'article L 3171-4 du code du travail, «'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'».
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Mme [R] soutient qu'elle travaillait tous les jours de la semaine, à raison de 60 heures par semaine, y compris le dimanche et parfois en horaires de nuit. Elle se prévaut des pièces suivantes :
- l'avenant du 1er novembre 2016 à son contrat de travail ne laissant aucun jour de repos'; cependant, la cour constate que le contrat prévoyait que Mme [R] devait travailler le lundi de 14 heures à 19 heures, le mardi de 11 heures à 13 heures et de 15 heures à 21 heures, le mercredi de 14 heures à 20 heures, le vendredi de 14 heures à 20 heures, le samedi de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures et le dimanche de 9 heures à 12 heures'; il apparaît donc la salariée disposait d'un jour de repos le jeudi'respectant le temps de repos hebdomadaire ;
- les attestations de plusieurs clients du centre équestre évoquant la présence de Mme [R] au centre équestre tous les jours, y compris tard le soir pour les balades nocturnes';
- l'attestation de Mme [C], ancienne salariée du centre équestre, qui explique que': «'' En ce qui concerne les heures de travail, celles-ci non plus n'étaient pas respectées. Nous faisions 60 heures par semaine moi et mon équipe dont [Y] [R] qui elle n'avait aucun jour de repos car vivant sur place, je pouvais le voir. [Y] [R] ne disait jamais rien, faisait son travail et n'était pas payée en temps ou en heure ou rarement et pourtant elle faisait des sorties équines de nuit et tôt le matin en plus de ses heures ».
- l'attestation de Mme [M] qui l'héberge': « [Y] vit dans un studio indépendant dans l'enceinte de ma maison et j'ai pu rapidement constater le rythme de travail de [Y] : très tôt le matin (6h30) et très tard le soir (21h30) », ce qui correspond davantage à 70 heures de travail par semaine !'»
- un courriel de M. [K] du 14 novembre 2017 dans lequel, en réponse au mécontentement d'un client, il indique que Mme [R] travaillait 60 heures par semaine';
- un SMS échangé avec M. [K] le 15 septembre 2017 dans lequel elle précise avoir terminé de travailler à 2 heures du matin,
- un échange de SMS intervenu avec M. [K] le 14 octobre 2017, dont il ressort que la salariée était encore en train de travailler à 23 heures.
La salariée présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies permettant à l'employeur d'y répondre utilement.
L'employeur répond que Mme [R] avait deux jours de congés par semaine le lundi et jeudi, le dimanche servait à la récupération des heures. Cependant, aucun élément probant ne permet de corroborer ces dires qui sont contredits par les éléments produits par la salariée tels que précités.
En revanche, l'employeur produit plusieurs attestations de clients qui tendent à remettre en cause le volume horaire de travail invoqué par la salariée :
- Mme [O], propriétaire de chevaux au sein du centre équestre, explique que': «'' Mon jour de congé étant le lundi, je peux attester y avoir très peu souvent vu Mme [R] ou alors rarement monter ses propres chevaux en balade ou en carrière et repartir. Je ne l'ai jamais vu participer aux travaux d'écurie ''»';
- Mme [T], en tant que monitrice collègue de Mme [R] à partir du mois de septembre 2017, relate que': «'Nous avons réparti les heures des cours d'équitation, elle effectuait 10 heures par semaine et n'effectuait pas d'heures supplémentaires. Elle disposait de deux jours de repos, le lundi et le jeudi. Le dimanche était notre jour pour les animations, auquel cas il s'agissait d'un jour de récupération si besoin. Mme [R] avait 2 boxes à disposition pour ses chevaux, elle sortait régulièrement en concours avec M. [K] et prenait souvent du temps pour monter sur ses heures de travail ' Elle refusait toute demande hiérarchique. Elle a plusieurs fois refusé d'effectuer ses heures de cours ''».
Mme [Z], responsable d'écurie indique que «'' Mme [Y] [R] effectuait essentiellement des cours et participait de façon très épisodique au travail d'écurie. De plus, je l'ai vue refuser d'effectuer certains cours et aller monter ses chevaux et ceux de ses clients favoris à la place, pétard au bec ''».
Mme [I], monitrice d'atelier et collègue de Mme [R], et Mme [V], cliente du centre équestre, confirment que la salariée montait ses chevaux durant les heures de travail.
Si Mme [R] conteste le caractère probant des attestations rédigées par les salariés du centre équestre, il doit être rappelé que les témoignages, contenus dans les attestations fournies par l'employeur au soutien de ses griefs, ne peuvent être considérés comme étant faits par complaisance au seul motif qu'ils émanent de personnes ayant des liens avec l'employeur, sans éléments objectifs de nature à pouvoir suspecter leur sincérité.
Par ailleurs, l'employeur établit, par la production en pièce n°18 de résultats de concours s'étant déroulé pendant la relation de travail et en dehors de toute période de dispense d'activité, de l'exercice par Mme [R] d'une seconde activité en tant que coach au sein du club Brimbo Sport.
En conséquence,'la cour dispose des éléments suffisants permettant d'établir que Mme [R] a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées et d'évaluer le rappel de salaire dû à ce titre à la somme de 8'290 euros, outre les congés payés afférents, soit 829 euros.
Sur la demande au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires
Mme [R] rappelle que le contingent d'heures supplémentaires fixé par le code du travail et la Convention collective est de 220 heures par an et que l'article L.3121-30 du même code précise que chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent ouvre droit, en plus de son paiement au taux majoré habituel, à une contrepartie en repos qui ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent dans les entreprises de moins de vingt salariés. Elle soutient avoir travaillé 1 030 heures supplémentaires au-delà du contingent en 2017.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, a droit à l'indemnisation du préjudice subi ; celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
Si Mme [R] sollicite une somme de 12'559,31 euros au titre du repos compensateur, il apparaît que le contingent annuel conventionnel d'heures supplémentaires n'a pas été dépassé, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande.
Sur la demande au titre du travail dissimulé
L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, il ressort des pièces produites, notamment des SMS échangés entre M. [K] et Mme [R], ainsi que du courriel que le gérant du centre équestre a adressé à un client mécontent le 14 novembre 2017 que l'employeur avait conscience de l'accomplissement par la salariée d'heures supplémentaires, dont le paiement ne figure pourtant pas sur les bulletins de paie. En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'EARL CEPY au paiement de la somme de 10'137,60 euros de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de la violation de l'obligation de sécurité
Mme [R] expose que le rythme de travail intensif et les conditions dans lesquelles elle a été contrainte de travailler avec M. [K] ont eu un impact très important sur son état de santé physique et psychologique.
L'article L.4121-1 du code du travail dispose que :
«'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes'».
Par ailleurs, l'article L.4121-2 du même code précise que :
«'L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs'».
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L.1222-1 du même code, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par les parties.
Pour les motifs précités, le harcèlement moral de la salariée, l'accomplissement d'heures supplémentaires et l'absence de paiement de la majoration due pendant les jours fériés sont établis.
Comme indiqué supra, Mme [R] démontre que cette situation a généré une dégradation de son état de santé s'étant manifestée par une perte de poids importante de 8 kg et des symptômes évoquant un syndrome dépressif, notamment la perte de sommeil et des pleurs répétitifs.
Il ressort des SMS communiqués que M. [K] était informé de l'état d'épuisement de Mme [R] qui lui en a fait part à plusieurs reprises. Par ailleurs, l'attestation de Mme [U] établit que la perte de poids anormale de la salariée était parfaitement visible.
En revanche, la salariée ne justifie pas d'un préjudice distinct du seul retard de paiement des salaires déjà indemnisé par les intérêts.
Compte tenu de ces manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de loyauté, l'EARL CEPY sera condamnée à payer à la salariée':
- une somme de 3'068,80 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,
- une somme de 2 000 euros de dommages et intérêts de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
Sur la rupture du contrat de travail':
Au soutien de la prise d'acte, Mme [R] invoque plusieurs manquements qu'il convient d'examiner.
Cependant, à titre liminaire, l'employeur fait valoir que la salariée ne pouvait prendre acte de la rupture du contrat que pour des manquements survenus, ou dont elle avait eu connaissance, postérieurement à la date d'expiration du délai de rétractation.
Toutefois, comme le souligne la salariée, la rupture conventionnelle n'a jamais été homologuée par la Direccte, de sorte que Mme [R] était libre de prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits antérieurs et postérieurs au délai de rétractation.
Par ailleurs, l'employeur relève que la salariée ne justifie d'aucune mise en demeure préalable d'avoir à régulariser la situation dans un délai raisonnable conformément aux dispositions de l'article 1226 du code civil.
Cependant, la prise d'acte n'a pas à être précédée d'une mise en demeure préalable de l'employeur de mettre fin, dans un délai raisonnable, aux manquements qui lui sont reprochés, étant rappelé que la prise d'acte du contrat de travail, comme toutes les autres modes de rupture du contrat de travail, sont régies des règles particulières et ne sont donc pas soumises aux dispositions de l'article 1226 du code civil.
Les manquements dont se prévaut la salariée sont les suivants :
- le harcèlement moral et sexuel': pour les motifs précités, seul le harcèlement moral est caractérisé.
- le non-paiement des heures supplémentaires': pour les motifs précités, le manquement est établi.
- un comportement déloyal dans la gestion de la procédure de rupture conventionnelle': il ressort effectivement des éléments de la procédure que par courrier du 20 mars 2018, l'employeur a informé la salariée de ce que la Dirrecte avait rejeté la demande d'homologation'; il lui demandait de reprendre son «'travail interrompu sans justificatif par votre souhait le 9 mars 2018'», alors que par courrier du 27 mars 2018, la Dirrecte a avisé Mme [R] de la réception de la demande d'homologation le 22 mars 2018 et de son refus d'homologation. Dans ce courrier, la Direccte ne fait pas référence au mail du 23 février 2018 invoqué par l'employeur et la cour constate qu'il ne justifie pas du refus que l'administration lui aurait notifié le 20 mars 2018. En outre, cette demande était manifestement incomplète puisque M. [K] n'avait pas renseigné les salaires versés au cours des 12 derniers mois. Enfin, il ressort du courrier du gérant du centre équestre du 4 mars 2018 qu'il avait dispensé Mme [R] de toute activité jusqu'à l'homologation de la rupture conventionnelle. Le manquement est établi.
- le défaut de paiement régulier et complet de son salaire': il ressort de la confrontation des bulletins de paie de Mme [R] à ses relevés de compte que ses salaires ne lui ont pas été réglés régulièrement et intégralement. L'employeur soutient avoir vendu à Mme [R] pour un euro une jument valant 7'800 euros en compensation des salaires impayés, la cour constate que l'acte ne fait nulle mention de la compensation invoquée et qu'aucun élément probant ne démontre la valeur alléguée de la jument. Les bulletins de paie de Mme [R] et ses relevés de compte justifient la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'EARL CEPY au paiement d'un rappel de salaire d'un montant total de 3'355,11 euros (2 859,44 + 495,67) outre les congés payés afférents. Si Mme [R], en page 6 de ses écritures, sollicite une somme totale de 4'160,49 euros outre les congés payés afférents, la cour constate qu'aux termes de son dispositif, elle se limite à demander la confirmation du jugement de ce chef.
L'employeur considère que les faits invoqués sont anciens et ne peuvent justifier une prise d'acte. Cependant l'essentiel des manquements relatifs au harcèlement moral et au défaut de paiement des salaires invoqués par la salariée datent de moins d'un an avant la prise d'acte. Par ailleurs, la déloyauté dont l'employeur a fait preuve dans la gestion de la procédure de rupture conventionnelle est concomitante à rupture par Mme [R] de son contrat de travail. Enfin, pour les motifs précités, Mme [R] justifie de préjudices résultant à la fois du harcèlement moral subi et des heures supplémentaires accomplies sans repos compensateur.
L'employeur se prévaut également de fautes lourdes commises par Mme [R] dans le cadre de l'exécution du contrat de travail. Il invoque également un manquement de la salariée à l'obligation de loyauté. Cependant, les manquements dont se prévaut l'EARL CEPY, à les supposer établis, ne sont pas de nature à justifier ceux qui lui sont imputables, étant observé que l'employeur ne justifie pas de la moindre sanction disciplinaire notifiée à la salariée.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte de Mme [R] doit produire les effets d'un licenciement nul.
Au regard des bulletins de paie communiqués par Mme [R], de son ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail et dans la limite de la demande, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'EARL CEPY au paiement des indemnités suivantes':
- 1'689,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1'858,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 185,86 euros au titre des congés payés afférents,
- 10'137,60 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement nul en application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail.
Sur les autres demandes
Sur la demande au titre des droits d'auteur sur le site internet CEPY.fr
Mme [R] soutient avoir créé le site internet de l'EARL CEPY. Elle réclame une somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'utilisation illicite, frauduleuse par l'EARL CEPY du site internet qu'elle a créé.
L'employeur dénie tout droit d'auteur de Mme [R] sur le site internet du centre équestre, expliquant que Mme [R] ne justifie d'aucune 'uvre de création, alors que le site a été créé via l'éditeur de site web Wix.com contraignant les contenus, limitant leur forme et leur emplacement sur la page.
Aux termes de l'article L111-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle :
« L'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »
Les missions confiées à Mme [R] dans le cadre de son contrat de travail ne comprenaient pas la création du site internet de l'entreprise.
Mme [A] confirme aux termes de son attestation que ce site a été créé par Mme [R].
Cependant, au regard des pièces produites, la salariée ne rapporte pas la preuve d'une recherche esthétique conférant au site une physionomie particulière le distinguant d'autres sites relevant du même secteur d'activité et révélant un effort créatif qui caractérise l'originalité de ce site éligible à la protection par le droit d'auteur instituée au livre I du code de la propriété intellectuelle.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande indemnitaire.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait des fautes lourdes commises par sa salariée et du manquement de cette dernière à son obligation de loyauté
L'employeur soutient que la salariée a ouvert un centre équestre à quelques kilomètres et qu'elle a détourné une partie de sa clientèle. Il ajoute qu'elle a interrompu le site internet pendant 3 mois justifiant la condamnation de la salariée au paiement de la somme de 58'938,11 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait des fautes lourdes envers son employeur.
Mme [R] rappelle qu'elle n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire durant la relation de travail. Elle précise avoir démarré une activité professionnelle concurrente après la rupture de son contrat de travail. Elle souligne que son centre équestre se situe à 16 kilomètre de celui de l'employeur. Elle estime enfin que l'employeur ne justifie pas de son préjudice.
La cour constate que pour justifier de son préjudice, l'EARL Cepy communique en pièces n°20 et 21 deux tableaux intitulés «'Balance'» pour les années 2017 et 2018 qui ne sont pas établis par un comptable, qui ne précisent pas le nom de l'entreprise et portent tous deux la mention «'provisoire'». Par ailleurs, aucun élément probant ne permet de caractériser un détournement de clientèle et Mme [R] justifie de l'immatriculation de sa société et de sa prise d'activité au mois de mai 2018 soit postérieurement à sa prise d'acte.
En l'absence de justification par l'employeur de l'existence de son préjudice, sa demande indemnitaire ne peut prospérer.
Sur la demande de dommages et intérêts en raison de la remise tardive des documents de fin de contrat
Mme [R] sollicite une somme de 4'000 euros en réparation du préjudice consécutif à la remise tardive des documents de fin de contrat et notamment de l'attestation Pôle emploi qui l'a privée d'indemnisation pendant l'année 2019-2020.
La salariée justifie avoir mis l'employeur en demeure d'avoir à exécuter le jugement déféré concernant la remise des documents de fin de contrat par courrier du 6 février 2020. Or, l'employeur ne s'est exécuté qu'au cours mois de janvier 2021, privant ainsi la salariée de la possibilité de faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi au cours du second semestre 2019 et de l'année 2020.
En conséquence, l'EARL CEPY sera condamnée à payer à Mme [R] une somme de 1'500 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.
S'agissant des condamnations de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées.
Sur le remboursement par l'employeur à l'organisme des indemnités de chômage
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de deux mois d'indemnités .
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de l'EARL CEPY. Ils comprendront la somme de 478,15 euros que la salariée justifie avoir exposés pour obtenir l'exécution du jugement déféré.
La demande formée par Mme [R] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 000 euros.
En revanche, Mme [R] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure engagée devant le conseiller de la mise en état. En effet, quand bien même il n'a pas été statué sur cette demande, la cour ne peut allouer des frais irrépétibles se rapportant à une procédure d'incident.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris'sauf en celles de ses dispositions relatives au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, aux demandes indemnitaires au titre du manquement à l'obligation de sécurité et de l'exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne l'EARL CEPY à payer à Mme [R] les sommes suivantes':
- 8'290 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
- 829 euros au titre des congés payés afférents,
- 3'068,80 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,
- 2 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
-'1500 euros de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat,
Ordonne le remboursement par l'EARL CEPY société, aux organismes concernés, des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [Y] [R] dans la limite de 2 mois d'indemnités en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail';
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant allouées';
Condamne l'EARL CEPY aux dépens d'appel, qui comprendront la somme de de 478,15 euros au titre des frais d'exécution du jugement déféré';
Condamne l'EARL CEPY à payer à Mme [Y] [R] la somme de 1'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et M. Ronan GABILLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT