COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 19/02064 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TCSW
AFFAIRE :
SAS DELOITTE CONSEIL FINANCE
C/
SA MONEGASQUE DE PROMOTION IMMOBILIERE (SAMPI)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Décembre 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° RG : 2015F00793
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Claire RICARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS DELOITTE CONSEIL FINANCE
N° SIRET : 495 375 537
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1961444 - Représentant : Me Dominique BORDES de la SELEURL DB AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0341 substitué par Me DE MAUSSION
APPELANTE
****************
SA MONEGASQUE DE PROMOTION IMMOBILIERE
(SAMPI)
Immatriculée au répertoire du commerce et de l'industrie de Monaco sous le n° 77S 015 97
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2190604
Représentant : Me Cathy LELLOUCHE, Plaidant, avocat au barreau de
NICE
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
La Société Anonyme Monégasque de Promotion Immobilière (ci-dessous, la société SAMPI) a sollicité, par lettre de mission du 12 novembre 2013, l'assistance de la société Deloitte Conseil Finance (ci-dessous, la société Deloitte) pour la recherche du financement nécessaire à la réalisation de l'acquisition de nouvelles parts de propriété de l'immeuble 'Aigue Marine' situé à [Localité 3] et à l'exécution de travaux.
Aux termes de cette lettre, il a été convenu que la société Deloitte percevrait, outre une rémunération fixe, une rémunération au succès correspondant à 1% du montant des financements obtenus par la société SAMPI, à la signature effective des contrats de prêts.
En application des termes de la lettre de mission, la société Deloitte indique avoir approché de nombreux prêteurs sans pour autant parvenir à conclure.
Les factures relatives à la rémunération fixe convenue ont été établies par la société Deloitte et honorées par la société SAMPI.
Au mois d'octobre 2014, la société Deloitte a appris que la société SAMPI avait conclu des contrats de financement avec un établissement bancaire, SAFRA, sans en avoir informé son cocontractant.
Par lettre du 6 janvier 2015, la société Deloitte indiquait à la société SAMPI que les honoraires de succès convenus étaient dus et lui demandait de lui transmettre les éléments permettant de calculer le montant des honoraires afin d'établir la facture correspondante. Cette demande est restée vaine.
Aussi, par acte extrajudiciaire du 17 février 2015, la société Deloitte a assigné la société SAMPI devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté la société SAMPI de sa demande de sursis à statuer ;
- dit que la lettre de mission en date du 12 novembre 2013 est valable ;
- débouté la société Deloitte de sa demande du paiement par la société SAMPI des honoraires de succès ;
- débouté la société Deloitte de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive;
- condamné la société Deloitte à payer à la société SAMPI la somme de 7.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande d'exécution provisoire ;
- condamné la société Deloitte aux entiers dépens.
Par déclaration du 21 mars 2019, la société Deloitte a interjeté appel du jugement.
Par arrêt du 26 novembre 2020, la cour d'appel de Versailles a :
- confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 19 décembre 2018 en ce qu'il a :
/ rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société SAMPI,
/ dit que la lettre de mission du 12 novembre 2013 est valable et rejeté les demandes de nullité de la lettre de mission et de son article 7 relatif au droit de suite,
- dit que la créance d'honoraires de la société Deloitte à l'encontre de la société SAMPI, en application de l'article 7 de la lettre de mission du 12 novembre 2013, est fondée en son principe,
- donné injonction à la société SAMPI de produire aux débats la copie du contrat de financement conclu avec la banque Safra, ou à tout le moins la copie de l'accord donné par cette banque quant au financement de l'opération immobilière relative à l'immeuble Aigue Marine à [Localité 3], et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard qui commencera à courir 1 mois après la signification du présent arrêt pour une durée de 3 mois,
- débouté la société SAMPI de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement de la société Deloitte à ses obligations contractuelles,
- sursis à statuer sur les demandes suivantes jusqu'à production par la société Safra des documents sollicités :
/ demandes de la société Deloitte : demande en paiement des honoraires de succès, demande en réparation du préjudice subi pour résistance abusive, demande au titre des frais irrépétibles et des dépens,
/ demandes de la société SAMPI :demande de réduction des honoraires de la société Deloitte sur le fondement de l'article 1152 ancien du code civil, demande en réparation du préjudice subi pour résistance abusive, demande au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 8 avril 2021 pour vérification de la production des pièces par la société SAMPI, et pour régularisation de nouvelles conclusions de la société Deloitte au regard de ces pièces,
- réservé les dépens.
Par ordonnance d'incident du 1er juillet 2021, le conseiller de la mise en état a :
- condamné la société SAMPI à payer à la société Deloitte la somme de 200.000 € à titre de provision ;
- rejeté toute autre demande ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens exposés dans le cadre de l'incident.
Par requête du 16 juillet 2021, la SAMPI a déféré l'ordonnance.
Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour d'appel de Versailles a :
- Rejeté le déféré ;
Y ajoutant,
- Débouté les parties de leurs autres demandes ;
- Condamné la société SAMPI au paiement à la société Deloitte de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société SAMPI aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2022, la société Deloitte demande à la cour de :
Sur la liquidation de l'astreinte prononcée aux termes de l'arrêt du 26 novembre 2020,
- Liquider l'astreinte prononcée aux termes de l'arrêt du 26 novembre 2020 à hauteur de 500 euros par jour ;
En conséquence,
- Condamner la société SAMPI à payer à la société Deloitte la somme de 45.000 euros au titre de l'astreinte liquidée ;
Sur le paiement des honoraires de la société Deloitte,
- Juger que les honoraires de succès de la société Deloitte contractuellement prévus et définis aux termes de la lettre de mission du 12 novembre 2013 se montent à 540.000 euros TTC ;
- Juger que les articles 6 et 7 la lettre de mission du 12 novembre 2013 ne constituent pas une clause pénale et qu'en tout état de cause, le montant de la pénalité ne serait pas manifestement excessif ;
En conséquence,
- Débouter la société SAMPI de toutes ses demandes ;
- Condamner la société SAMPI à régler à la société Deloitte la somme de 540.000 euros TTC, déduction faite de toute éventuelle somme réglée en exécution de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er juillet 2021 (soit 0 euros à ce jour) ;
- Assortir cette condamnation des intérêts équivalents au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage en application de l'article L 441-10 du Code de commerce à compter du 6 janvier 2015, date de la lettre de mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1343-2 du code civil, à parfaire ;
Sur la résistance abusive et les frais irrépétibles,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Deloitte de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
En conséquence,
- Condamner la société SAMPI à verser à la société Deloitte une somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice né de sa résistance abusive ;
- Condamner la société SAMPI à verser à la société Deloitte une somme de 80.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et de ses suites.
Par dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2022, la société SAMPI demande à la cour de :
- Rejeter la demande de liquidation d'astreinte formée par la société Deloitte ou en tout état de cause, la minorer de façon importante ;
- Faire application des dispositions de l'article 1152 ancien du code civil et en conséquence ;
- Rapporter à de plus justes proportions les sommes réclamées par la société Deloitte soit au moins à hauteur de la moitié ;
En tout état de cause,
- Rejeter l'ensemble des demandes de la société Deloitte ;
- Rejeter les demandes de dommages intérêts pour une prétendue résistance abusive en ce que la société SAMPI n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses droits à se défendre devant une juridiction ;
- Rejeter les demandes tendant à l'application d'un taux d'intérêt majoré de 10 points ainsi qu'à la capitalisation des intérêts échus ;
- Dire n'y avoir lieu à article 700 ou en tous cas, ramener à de plus justes proportions sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Deloitte à la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers dépens distraits au profit de Me Claire Ricard sous sa due affirmation ;
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la liquidation de l'astreinte prononcée aux termes de l'arrêt du 26 novembre 2020
La cour par arrêt du 26 novembre 2020 a, notamment, 'Donné injonction à la société SAMPI de produire aux débats la copie du contrat de financement conclu avec la banque Safra, ou à tout le moins la copie de l'accord donné par cette banque quant au financement de l'opération immobilière relative à l'immeuble Aigue Marine à [Localité 3], et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard qui commencera à courir 1 mois après la signification du présent arrêt pour une durée de 3 mois.'.
*
L'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que : 'L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.'.
L'article L. 131-4 du même code précise que : 'Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.'
*
La société Deloitte fait valoir, au visa des articles L. 131-3 et L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution que la société SAMPI s'est refusée, malgré ses demandes réitérées, à la communication de la copie du contrat de financement avant et pendant la procédure pour interdire à Deloitte Conseil Finance de déterminer le montant de sa créance et retarder toute condamnation à ce titre. Elle expose avoir signifié l'arrêt du 26 novembre 2020 à avocat le 30 novembre suivant, et à partie le 7 janvier 2021.Toutefois, la société SAMPI a persisté à s'opposer à toute communication du contrat de financement au motif fallacieux de l'exercice d'un pourvoi formé, au demeurant, plus de 4 mois après l'arrêt de la cour du 26 novembre 2020 et concomittamment à la saisine du conseiller de la mise en état par ses conclusions du 25 mars 2021. Elle rappelle que la société SAMPI a produit le 26 avril 2021 une attestation notariée au lieu du contrat de financement, que le 16 juin 2021 la société SAMPI a produit un extrait de l'acte de prêt et que ce n'est que le 1er octobre 2021 qu'elle a communiqué le contrat de financement dans son intégralité.La société Deloitte sollicite ainsi la liquidation pour une durée de 3 mois à hauteur de 500 euros par jour, soit 45.000 €.
La société SAMPI fait valoir que la société Deloitte ne l'a jamais sommée de communiquer le contrat de financement ou introduit un incident aux fins de communication de cette pièce durant la procédure tant devant le tribunal que devant la cour d'appel, qu'avant de statuer sur le montant de la commission de 1%, de nombreux points de droit devaient être tranchés et la juridiction de première instance a rejeté le principe même de cette commission de succès, qu'ayant formé pourvoi formé le 26 mars 2021, il lui semblait logique de surseoir à cette communication dans l'attente d'une décision de la Cour de cassation sur des questions de principe telles que la nature juridique réelle de la lettre de mission du 12 novembre 2013 au regard des dispositions d'ordre public du code monétaire et financier, que la société Deloitte n'a pas eu besoin de disposer de ce document pour justifier sa demande de provision auprès du conseiller de la mise en état. Elle expose, en conséquence, que la demande de liquidation d'astreinte apparaît totalement disproportionnée, alors qu'elle a communiqué le 27 avril 2021une attestation notariée circonstanciée permettant de connaître le montant du prêt accordé par la société Safra et donc à la société Deloitte de chiffrer avec précision sa demande de paiement d'honoraires au titre du droit de suite, déférant à la décision de la cour d'appel. Elle indique que, compte tenu de l'attitude suspicieuse de la société Deloitte, et pour éviter toute difficulté, elle a produit devant la cour d'appel le 16 juin 2021 l'acte de prêt notarié conforme à l'attestation notariée. Enfin, elle fait valoir qu'elle a produit, le 1er octobre 2021, l'acte de vente dans son intégralité, ce qu'elle n'était absolument pas obligée de faire, afin de mettre un terme à la suspicion de la société Deloitte dont l'objet est uniquement de porter atteinte à sa notoriété et à sa crédibilité. La demande de liquidation d'astreinte devra en conséquence être rejetée ou en tout état de cause, diminuée de façon importante.
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Il y a lieu à liquidation de l'astreinte dès que l'injonction assortie de l'astreinte a été exécutée avec retard, peu important que l'injonction ait été exécutée au moment où le juge statue.
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La demande de la cour, assortie d'une astreinte, était circonscrite à la production d'une copie du contrat de financement conclu avec la banque Safra, ou 'à tout le moins' la copie de l'accord donné par cette banque quant au financement de l'opération immobilière relative à l'immeuble Aigue Marine à [Localité 3].
Il n'est pas contesté que le contrat de financement n'a été communiqué dans son intégralité par la société SAMPI que le 1er octobre 2021, cette dernière n'ayant jamais proposé la solution avancée par la cour de communiquer, à tout le moins, copie de l'accord donné par la banque Safra relatif au financement de l'opération immobilière de l'immeuble Aigue Marine à [Localité 3].
La société SAMPI ne fait pas état d'une cause étrangère qui l'aurait empêchée de produire plus tôt que le 1er octobre 2021 le document demandé par la cour avec astreinte commençant à courir à compter d'un mois après la signification de son arrêt effectuée en l'espèce à partir du 7 janvier 2021.
Il importe peu que la société Deloitte ait sommé ou non la société SAMPI de fournir le document litigieux, ni que la société Deloitte disposait d'informations considérées par la société SAMPI comme suffisantes pour solliciter l'honoraire de résultat au titre de son droit de suite dès lors qu'il existait une décision judiciaire assortissant d'une astreinte sa demande claire et précise de communication de pièce.
Le pourvoi en cassation, au demeurant non suspensif d'exécution, que la société SAMPI a formé contre l'arrêt de la cour du 26 novembre 2020 n'est pas une cause étrangère susceptible d'exonérer la société SAMPI de son obligation de communication de pièce.
Il n'appartenait pas à la société SAMPI d'interpréter la décision judiciaire en considérant comme suffisante une information distillée et partielle (attestation puis acte notarié), permettant selon elle de satisfaire la société Deloitte dès lors que la demande documentaire précise était assortie d'une astreinte.
Au regard du comportement de la société SAMPI qui a résisté à l'injonction de communication, produisant des documents qui n'étaient pas demandés dans l'espoir d'éviter de produire celui qu'attendait la cour, qui ne justifie pas de difficultés particulières à obtenir le document sollicité, retardant ainsi l'issue judiciaire, l'astreinte sera liquidée définitivement à la somme de 45.000 €, la société SAMPI ayant remis le document demandé plus de 8 mois après la signification de l'arrêt ayant prononcé l'astreinte provisoire de 500 € par jour de retard dans la limite de 3 mois (500 € x 30 jours x 3 mois).
Sur les honoraires de la société Deloitte
La cour dans son arrêt du 26 novembre 2020 a dit que la créance d'honoraires de la société Deloitte à l'encontre de la société SAMPI, en application de l'article 7 de la lettre de mission du 12 novembre 2013, était fondée en son principe, le quantum devant être fixé au vu des documents de la société SAMPI dont la cour a demandé production sous astreinte.
La société Deloitte réclame, sur la base des documents produits par la société SAMPI, un honoraire de 540.000 € TTC par application d'un pourcentage de1% à l'assiette de 52.000.000 € , montant du financement obtenu par la société SAMPI auprès de la banque Safra, soit 520.000 € HT duquel il faut déduire l'acompte de 70.000 € qui conduit à un montant de 540.000 € TTC [520.000 € - 70.000 €x1,2 (TVA)].
La société SAMPI fait valoir, au visa de l'article 1152 ancien du code civil, que la clause 'droit de suite' invoquée par la société Deloitte pour justifier du montant demandé doit être requalifiée en clause pénale dont elle estime les conséquences excessives de sorte qu'elle en demande la modération au moins pour moitié.
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Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Il résulte des dispositions de l'article 1226 ancien du code civil alors applicable, la lettre de mission ayant été signée avant le 1er octobre 2016, que la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.
L'article 1152 ancien du code civil alors en vigueur dispose que : 'Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.'.
*
Il résulte de l'acte de prêt du 18 août 2014 communiqué sur injonction par la société SAMPI que le prêt consenti par la banque J.Safra Sarasin à la société SAMPI s'elève à 52.000.000 €, ce qui n'est pas contesté par cette dernière.
La cour, dans son arrêt du 26 novembre 2020, a précisé, dans sa motivation, que l'honoraire issu de l'application du 'droit de suite' prévu à l'article 7 de la lettre de mission du 12 novembre 2013, trouvait sa contrepartie dans les prestatations effectives réalisées par la société Deloitte, de sorte que cet honoraire était dû quand bien même le prêt avait été octroyé par un établissement financier qui n'avait pas été présenté par la société Deloitte.
Il s'en déduit que cet honoraire 'au succès' ne répare pas le préjudice consécutif à une inexécution commise par la société SAMPI mais rétribue le travail accompli par la société Deloitte ainsi que les parties en sont convenues en application de l'article 7 précité.
Dès lors, la société SAMPI ne peut solliciter une réduction des honoraires de la société Deloitte sur le fondement de l'article 1152 ancien du code civil.
La société SAMPI sera condamnée à payer à la société Deloitte la somme de 540.000 € TTC,selon le décompte de la société Deloitte non contesté par la société SAMPI [520.000 € - 70.000 € x1,2 (TVA)].
Il sera fait droit à la demande de la société Deloitte d'assortir cette condamnation des intérêts équivalents au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage en application de l'article L 441-10 du code de commerce à compter du 6 janvier 2015, date de la lettre de mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1343-2 du code civil. La société SAMPI ne soutenant pas sa demande de rejet de l'application de cet intérêt selon les modalités exposés précédemment.
Sur la résistance abusive
L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.
La société Deloitte ne démontre pas le caractère abusif de l'exercice par la société SAMPI de ses droits et des voies de recours alors que les premiers juges avaient donné tort à la société Deloitte.Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société SAMPI.
Sur les frais irrépétibles et des dépens
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société SAMPI sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
La société SAMPI sera condamnée à une indemnité de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande de condamnation présentée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt du 26 novembre 2020 de la cour d'appel de Versailles
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 19 décembre 2018 en ce qu'il a débouté la société Deloitte de sa demande en paiement des honoraires de succès et condamné la société Deloitte aux dépens et à une indemnité de 7.500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau des chefs infirmés,
CONDAMNE la société SAMPI à verser à la société Deloitte la somme de 540.000€ TTC à titre d'honoraires, avec application des intérêts équivalents au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage en application de l'article L.441-10 du code de commerce à compter du 6 janvier 2015, avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
REJETTE toute autre demande,
Y ajoutant
CONDAMNE la société SAMPI à verser à la société Deloitte la somme de 45.000€ au titre de la liquidation de l'astreinte,
CONDAMNE la société SAMPI aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la société SAMPI à verser à la société Deloitte la somme de 20.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur Hugo BELLANCOURT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,