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11/05/2022 | FRANCE | N°21/00723

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 11 mai 2022, 21/00723


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MAI 2022



N° RG 21/00723 - N° Portalis DBV3-V-B7F-ULIV



AFFAIRE :



[I] [H]





C/

S.A.R.L. SOFITRANS INTERNATIONAL HOLDING & CO

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section :



N° RG : F 15/00729



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Franck LAFON

Me Magali LAUBIES

Me Sébastien CAP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2022

N° RG 21/00723 - N° Portalis DBV3-V-B7F-ULIV

AFFAIRE :

[I] [H]

C/

S.A.R.L. SOFITRANS INTERNATIONAL HOLDING & CO

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : F 15/00729

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Franck LAFON

Me Magali LAUBIES

Me Sébastien CAP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (n° 165 FD) du 3 février 2021cassant partiellement l'arrêt rendu par la 15ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 23 janvier 2019.

Monsieur [I] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

assisté de Me Magali LAUBIES, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 390

Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.R.L. SOFITRANS INTERNATIONAL HOLDING & CO

N° SIRET : 412 468 811

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien CAP, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1460

S.A.S. FLASH TRANSPORTS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien CAP, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1460

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

EXPOSE DU LITIGE

[I] [H] a été engagé le 26 juin 2005 par la société Sofitrans International Holding and Co qui détient comme filiale la société Flash Transports. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de parc.

Le 4 mars 2015, il a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant divers manquements et l'absence de paiement d'heures supplémentaires et a formé diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

A la suite d'un avis d'inaptitude du médecin du travail du 16 juin 2015, la société Sofitrans International Holding and Co a, par lettre datée du 29 juillet 2015, notifié au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement mis à disposition le 23 mars 2016 auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, ont débouté [I] [H] de l'ensemble de ses demandes et ont laissé les dépens à la charge des parties.

Statuant sur l'appel de [I] [H] formé le 16 avril 2016 à l'encontre de ce jugement, la cour d'appel de Versailles en sa 15ème chambre a, par arrêt du 23 janvier 2019 :

- dit que la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co ont été co-employeurs de [I] [H] après le transfert du contrat de celui-ci au sein de la société Flash Transports,

- dit que [I] [H] n'a pas relevé du statut de cadre dirigeant salarié,

- dit que le contrat de travail relève de la convention collective des transports routiers,

- confirmé le jugement en ce qu'il a débouté [I] [H] de ses demandes autres que celles relatives au manquement de l'employeur pendant l'arrêt maladie de janvier 2015 et à la demande en paiement du rappel de rémunération de l'arrêt maladie,

- infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la totalité de ses demandes de dommages et intérêts,

- statuant à nouveau, dit que la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co ont causé un préjudice pendant l'arrêt maladie du 20 janvier 2015 au 30 mai 2015,

- condamné solidairement la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co à payer à [I] [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef,

- dit que [I] [H] est fondé à se prévaloir de l'article 21 de la convention collective des transports routiers pour sa rémunération à 100 % pendant l'arrêt maladie ordonné le 20 janvier 2015,

- sur le montant de la condamnation à ce titre, ordonné la production par [I] [H] d'un décompte actualisé de sa créance à ce titre tenant compte des termes du présent arrêt dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et sa communication concomitante à la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co,

- ordonné la disjonction des demandes relatives à ce chef de demande,

- dit que les parties devront en tant que de besoin, et faute d'accord sur le montant et son règlement, conclure sur ce chef de demande avant le 30 avril 2019 et comparaître à l'audience de plaidoirie du 21 mai 2019 à 9 heures salle 2, l'ordonnance de clôture étant fixée au 14 mai 2019,

- confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes des deux sociétés,

- infirmé le jugement sur les frais irrépétibles et dépens,

- statuant à nouveau et ajoutant, condamné solidairement la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co à payer à [I] [H] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamné solidairement les deux sociétés aux dépens,

- rappelé l'obligation solidaire pour la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co de remettre au salarié, au terme du présent litige un bulletin de salaire actualisé tenant compte des termes du présent arrêt et une attestation Pôle emploi.

Statuant sur le pourvoi formé par [I] [H] à l'encontre de cet arrêt, la cour de cassation a, par arrêt du 3 février 2021, cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déboute [I] [H] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute [I] [H] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis et de rupture, de reprise de versement du salaire et de dommages et intérêts pour déloyauté, harcèlement moral et non-respect de son obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 23 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, a remis sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Le 2 mars 2021, [I] [H] a saisi la cour d'appel de Versailles, cour de renvoi en exécution de l'arrêt de la cour de cassation du 3 février 2021.

Par conclusions visées par le greffier, remises et soutenues oralement sans ajout ni retrait à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [I] [H] demande à la cour de réformer le jugement et de :

- condamner solidairement la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co à lui verser les sommes suivantes :

* 244 947,02 euros bruts à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires sur la période de mars 2010 à juillet 2015,

* 24 494,70 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 54 055,62 euros pour indemnisation du préjudice subi au titre du travail dissimulé,

* 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour déloyauté, harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- à titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 30 juillet 2015 et aux torts exclusifs des employeurs et condamner solidairement la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co à lui verser les sommes suivantes :

* 27 027,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 702,78 euros à titre de congés payés afférents,

* 59 441,41 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 2 274,36 euros à titre de reprise du versement de salaire pour la période courant du 17 au 30 juillet 2015,

* 227,44 euros à titre de congés payés afférents,

* 180 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire, déclarer le licenciement nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner solidairement la société Flash Transports et la société Sofitrans International Holding and Co à lui verser les sommes suivantes :

* 27 027,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 702,78 euros à titre de congés payés afférents,

* 59 441,41 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 2 274,36 euros à titre de reprise du versement de salaire pour la période courant du 17 au 30 juillet 2015,

* 227,44 euros à titre de congés payés afférents,

* 180 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner solidairement les mêmes sociétés à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à lui remettre les bulletins de paie rectifiés, l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte régularisés,

- débouter lesdites sociétés de l'intégralité de leurs demandes,

- statuer ce que de droit quant aux dépens dont distraction, pour ceux le concernant, au profit de maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier, remises et soutenues oralement sans ajout ni retrait à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Sofitrans International Holding and Co et la société Flash Transports demandent à la cour de confirmer le jugement, de débouter [I] [H] de l'intégralité de ses demandes, de condamner celui-ci à payer à la société Sofitrans la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

MOTIVATION

Sur la portée de la cassation

Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Ainsi, devant la cour d'appel de renvoi, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation comme prévu par l'article 638 du code de procédure civile.

L'arrêt de la cour de cassation du 3 février 2021 a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 23 janvier 2019, 'mais seulement en ce qu'il déboute M. [H] de ses demandes en paiement au titre d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute M. [H] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis et de rupture, de reprise du versement du salaire et de dommages-intérêts pour déloyauté, harcèlement moral et non-respect de son obligation de sécurité'.

Il sera par conséquent statué par la présente cour seulement sur les demandes d'heures supplémentaires et congés payés incident, d'indemnité pour travail dissimulé, de résiliation judiciaire du contrat de travail, de nullité du licenciement et d'indemnités consécutives, de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour déloyauté, harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande, [I] [H] fait valoir qu'il travaillait chaque jour ouvré de 7 heures du matin à 19 heures 30 le soir avec une pause déjeuner d'une durée d'une heure maximum ; qu'il n'y avait pas d'autre réceptionnaire, ses collègues arrivant au travail plus tard, entre 8h30 et 8h50 ; que cette amplitude de travail correspondait aux nécessités du service ; que sa durée du travail effectif du lundi au vendredi atteignait 57 heures 50, soit 22 heures 50 supplémentaires dont 4 heures supplémentaires seulement lui étaient rémunérées hebdomadairement.

Il produit des attestations établies par [S] [X], [W] [A], [K] [D] et [N] [U], qui ont travaillé avec lui et témoignent de son amplitude horaire journalière de travail dans la société, ainsi qu'une lettre de l'employeur du 21 novembre 2014 aux termes de laquelle selon lui le gérant reconnaît la réalité de ses amplitudes horaires mais explique qu'il ne lui aurait jamais demandé d'arriver à 7 heures et relève des absences à son poste de travail ainsi qu'un courriel de l'employeur du 15 janvier 2015 lui imposant de limiter désormais son temps de travail à 7,80 heures par jour, ce dont il déduit que l'employeur a reconnu implicitement l'existence d'heures supplémentaires avant cette date.

Il produit dans ses écritures un calcul d'heures supplémentaires, basé sur une amplitude de 11 heures 30 de travail journalière, représentant 22 heures 30 supplémentaires hebdomadaires sur une période comprise entre mars 2010 et juillet 2015.

[I] [H] présente ainsi des éléments suffisamment précis sur les heures de travail qu'il prétend avoir effectuées pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.

Les sociétés, co-employeurs du salarié, répondent que :

- le chiffrage des heures supplémentaires effectué par le salarié repose sur une évaluation forfaitaire, sans que celui-ci fournisse un décompte précis des heures de travail effectif qu'il prétend avoir accomplies, celui-ci ne précisant d'ailleurs pas à combien d'heures supplémentaires se rapporte la somme qu'il réclame ;

- alors que le salarié s'est plaint pour la première fois de l'amplitude horaire de son travail le 13 novembre 2014, la société Sofitrans lui a proposé de réduire son temps de travail de 39 heures à 35 heures hebdomadaires, ce qu'il a refusé par lettre du 19 décembre 2014 en estimant que ses amplitudes horaires étaient causées par ses contraintes professionnelles alors qu'il ne lui a jamais été demandé de se rendre dès 7 heures du matin sur son lieu de travail ;

- par lettre du 21 novembre 2014, la société Sofitrans lui a rappelé qu'il disposait des clés et 'bips' pour entrer dans l'entreprise et qu'il s'absentait tous les lundis après-midi pour aller jouer au golf et s'était rendu durant de nombreux mois à [Localité 5] pour des soins dentaires durant son temps de travail, ces absences ne donnant pas lieu à réduction de salaire et lui a proposé de réduire son horaire hebdomadaire de 39 heures à 35 heures ;

- par lettre du 15 janvier 2015, la société Sofitrans lui a demandé de respecter ses horaires de travail de 7,80 heures par jour ;

- ses fonctions sur le site ne nécessitaient pas sa présence dès 7 heures du matin, alors que M. [V] a travaillé comme cariste du 25 juin 2007 au 7 janvier 2014 et que M. [M] a été embauché pour remplacer M. [V] le 3 avril 2014 ;

- en réalité, [I] [H], après le rachat en 2005 par la société Sofitrans de la société Mt Trans, dont il était alors le gérant, a continué à venir sur le site à des horaires similaires à ses anciens horaires, mais ne menait aucune activité professionnelle entre 7 heures et 8 heures du matin.

Les sociétés co-employeurs produisent des attestations établies par M. [L], responsable technique et M. [U], directeur adjoint, estimant qu'au regard du travail à effectuer, la présence de [I] [H] sur le site à 7 heures n'était pas nécessaire.

Si les sociétés co-employeurs critiquent les documents produits par le salarié, elles ne produisent de fait aucun élément susceptible de justifier des horaires accomplis par le salarié sur la période objet du litige. Les témoignages produits par le salarié confirment l'ampleur de la tâche qui lui avait été confiée. S'ils peuvent révéler une amplitude de travail, toutefois ils ne permettent pas d'en déduire que l'intégralité de cette amplitude correspond à du temps de travail effectif.

Au vu des éléments soumis à l'examen de la cour par l'une et l'autre parties, la cour retient que [I] [H] a bien accompli des heures supplémentaires mais dans une proportion inférieure à celle qu'il allègue. La créance qui en résulte sera fixée à 70 000 euros bruts, outre 7 000 euros bruts au titre des congés payés afférents. La société Sofitrans International Holding and Co et la société Flash Transports seront condamnées in solidum au paiement des sommes sus-mentionnées. Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur l'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé

[I] [H] fait valoir qu'outre le fait que la société Flash Transports, son co-employeur, ne l'a jamais compté à ses effectifs, ni déclaré, ni rémunéré, la société Sofitrans a volontairement mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, ce qui caractérise un travail dissimulé.

Les sociétés co-employeurs répliquent qu'à compter du rachat par la société Sofitrans de la société Mt Trans dont [I] [H] était le gérant, celui-ci a conservé son activité au sein de la société pour y assurer des fonctions de responsable de parc salarié au sein des différentes filiales, en dernier lieu de la société Flash Transports, la société Mt Transports lui ayant donné à bail son fonds de commerce à compter du 1er janvier 2007, ce qui ne caractérise pas une situation de travail dissimulé.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

En l'espèce, le caractère intentionnel de l'omission de porter sur les bulletins de paie le nombre exact des heures exécutées par le salarié n'est pas démontré, pas plus que le caractère intentionnel d'une dissimulation de son emploi pour la société Flash Transports, de sorte que [I] [H] sera débouté de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Au soutien de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux tort de l'employeur, [I] [H] fait valoir qu'il a été l'objet d'une déloyauté, d'un harcèlement moral et d'un non-respect de l'obligation de sécurité de la part de l'employeur, en invoquant les faits suivants :

- sa charge de travail et ses horaires l'ont conduit à l'épuisement ;

- il a subi à plusieurs reprises en octobre et novembre 2014 l'insubordination et des propos insultants et menaçants au travail de la part de M. [M], cariste au sein de la société Flash Transports, sans que l'employeur, en la personne de M. [B], président des deux sociétés, pourtant informé, intervienne ;

- s'étant trouvé dans l'impossibilité de prendre tous ses congés payés, il lui a été retiré unilatéralement 23,08 jours de congés payés des bulletins de paie entre les mois de mai et juin 2013 ;

- sa ligne téléphonique qu'il utilisait tant à titre professionnel que personnel lui a été retirée le 22 janvier 2015, ce qu'il a fait constater par un huissier qui a dressé un procès-verbal ;

- la direction a tenté de lui retirer le véhicule de fonction mis à sa disposition en février 2015 sans lui proposer de contrepartie ;

- ses compléments d'indemnités journalières de sécurité sociale ne lui ont pas été spontanément versés.

Il sollicite en conséquence des dommages et intérêts pour 'déloyauté, harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité', des dommages et intérêts pour licenciement nul ou licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis et congés payés incidents.

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.

Il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement dans la rédaction applicable au litige, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant de la charge de travail et l'épuisement professionnel, si le salarié a accompli des heures supplémentaires pour la période comprise entre mars 2010 jusqu'à son arrêt de travail à compter du 20 janvier 2015, celui-ci ne produit pas d'élément permettant de retenir un lien entre les heures de travail effectuées et des répercussions sur son état de santé. En effet, les seules pièces produites au soutien de cette allégation à savoir des pièces d'origine médicale, que ce soient les arrêts de travail pour maladie à compter du 20 janvier 2015 ou les extraits de son dossier de la médecine du travail n'établissent pas de lien entre sa charge de travail et son état de santé.

S'agissant de l'absence de réaction de l'employeur à la suite des menaces subies de la part de M. [M] en octobre et novembre 2014, le salarié produit une déclaration de main-courante aux services de police du 10 novembre 2014, son courrier à l'employeur du 13 novembre 2014, des attestations de [T] [E] et [P] [Y], témoins des faits du 7 novembre 2014 ainsi qu'un certificat du docteur [C] [F], établissant qu'il a subi des menaces de la part de M. [M] le 7 novembre 2014 sur le lieu de travail ; cependant les sociétés co-employeurs ont mené une enquête à la suite de ces faits, M. [M] ayant été convoqué à un entretien fixé au 17 novembre 2014 puis contradictoirement avec [I] [H] le 24 novembre suivant et ont notifié un avertissement à M. [M] le 24 novembre 2014 ; il s'ensuit que les sociétés ne sont pas restées sans réaction et ont pris des mesures disciplinaires adaptées à l'encontre du salarié, auteur des menaces à l'encontre de [I] [H].

S'agissant du retrait unilatéral de 23 jours de congés payés par l'employeur, il ressort du bulletin de paie de septembre 2013 que [I] [H] a bénéficié des 23 jours de congés payés au mois de septembre 2013 dans le cadre d'une régularisation portant sur sa rémunération pour un montant de 3 520,76 euros, ce dont il s'ensuit que ce manquement n'est pas établi.

S'agissant du retrait de sa ligne téléphonique personnelle par l'employeur, il n'est pas contesté que l'employeur a procédé au retrait pendant l'arrêt de travail pour maladie du salarié de la ligne téléphonique professionnelle, qui était aussi sa ligne personnelle.

S'agissant de la tentative de retrait de son véhicule de fonction sans contrepartie, les deux courriers de l'employeur produits par le salarié n'établissent pas la réalité d'un manquement de l'employeur alors que rien ne permet d'établir que le véhicule utilisé par le salarié était affecté exclusivement à ses fonctions professionnelles.

S'agissant de l'absence de versement spontané des compléments d'indemnités journalières de sécurité sociale, le salarié se contente d'indiquer que les sociétés ont été condamnées par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 septembre 2019 à lui régler des compléments d'indemnité journalières de sécurité sociale ; le fait qu'il invoque ne constitue pas un agissement susceptible de dégrader ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de tout ce qui précède qu'un seul fait est établi, à savoir la suppression de la ligne téléphonique pendant l'arrêt de travail pour maladie. Ce fait unique ne permet pas d'établir un harcèlement moral, étant relevé qu'aux termes des dispositions non frappées par la cassation de l'arrêt du 23 janvier 2019, la cour d'appel de Versailles a indemnisé le préjudice résultant de la déloyauté résultant de ce fait à hauteur de 5 000 euros.

Le harcèlement moral n'est pas établi pas plus qu'un manquement à l'obligation de sécurité. [I] [H] sera débouté de ses demandes de ces chefs ainsi que de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés incidents. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la validité et le bien-fondé du licenciement

A titre subsidiaire, [I] [H] fait valoir que son inaptitude est la conséquence directe de l'agression, des surmenages et surcharges professionnels, harcèlement moral et manquements imputables aux employeurs, dont le non-paiement des heures supplémentaires et le travail dissimulé et que le licenciement doit être déclaré nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral n'est pas établi pas plus que le travail dissimulé.

Les pièces médicales produites déjà citées n'établissent pas de lien entre les insultes et menaces subies par le salarié sur le lieu de travail de la part d'un collègue en octobre et novembre 2014 et l'inaptitude prononcée par le médecin du travail le 16 juin 2015. Comme indiqué précédemment le lien entre la charge de travail et son état de santé n'est pas non plus établi, et rien ne permet d'affirmer que l'inaptitude résulterait d'une surcharge de travail.

Il convient de débouter [I] [H] de ses demandes au titre de la nullité du licenciement et au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ainsi que des demandes de dommages et intérêts consécutives et de la demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés incidents.

Sur la demande de complément d'indemnité de licenciement

[I] [H] forme une demande de complément d'indemnité de licenciement prenant en compte son salaire reconstitué après prise en compte des heures supplémentaires.

Au regard de ce qui précède et du salaire de référence reconstitué prenant en compte les heures supplémentaires retenues, de 6 341,34 euros, il y a lieu, en prenant sa méthode de calcul relative à l'indemnité conventionnelle de licenciement, plus favorable que l'indemnité légale de licenciement qui lui a été versée à hauteur de 38 147 euros, non contestée, de faire droit à sa demande à hauteur de la somme de 30 542,39 euros. L'arrêt sera par conséquent infirmé sur ce point et les sociétés co-employeurs seront condamnées in solidum au paiement de la somme sus-mentionnée.

Sur la demande de reprise de versement du salaire pour la période comprise entre le 17 et le 30 juillet 2015

[I] [H] forme une demande de rappel de salaire au titre de la reprise de versement du salaire pour la période comprise entre le 17 et le 30 juillet 2015 sur le fondement de l'article L. 1226-4 du code du travail, calculée sur la base de son salaire reconstitué prenant en compte ses heures supplémentaires.

Au regard de ce qui précède et du salaire de référence reconstitué prenant en compte les heures supplémentaires retenues, de 6 341,34 euros, il y a lieu, en prenant la méthode de calcul de [I] [H], non contestée, de faire droit à sa demande à hauteur des sommes de 1 069,49 euros à titre de rappel de salaire et de 106,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents. Le jugement sera par conséquent infirmé sur ces points et les sociétés co-employeurs seront condamnées in solidum au paiement des sommes sus-mentionnées.

Sur la remise de documents

Il y lieu d'ordonner la remise par les sociétés d'un bulletin de salaire récapitulatif, conforme aux dispositions du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les sociétés Sofitrans International Holding and Co et Flash Transports seront condamnées in solidum aux dépens, qui pourront être recouvrés par maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à [I] [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant sur renvoi après cassation et dans les limites de celle-ci, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté [I] [H] de ses demandes d'heures supplémentaires et de congés payés incidents, au titre du complément d'indemnité de licenciement et au titre de la reprise du versement du salaire pour la période comprise entre le 17 et le 30 juillet 2015 et des congés payés incidents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société Sofitrans International Holding and Co et la société Flash Transports à payer à [I] [H] les sommes suivantes :

* 70 000 euros bruts à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires pour la période comprise en mars 2010 et juillet 2015,

* 7 000 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés incidents,

* 30 542,39 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 1 069,49 euros au titre de la reprise du versement du salaire pour la période comprise entre le 17 et le 30 juillet 2015,

* 106,94 euros à titre d'indemnité de congés payés incidents,

ORDONNE à la société Sofitrans International Holding and Co et à la société Flash Transports la remise à [I] [H] d'un bulletin de paie récapitulatif conforme aux dispositions du présent arrêt,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

CONDAMNE in solidum la société Sofitrans International Holding and Co et la société Flash Transports à payer à [I] [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONDAMNE in solidum la société Sofitrans International Holding and Co et la société Flash Transports aux dépens, qui pourront être recouvrés par maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00723
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;21.00723 ?
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