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11/05/2022 | FRANCE | N°19/04273

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 11 mai 2022, 19/04273


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MAI 2022



N° RG 19/04273 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TS7I



AFFAIRE :



[L] [V]





C/

Société PJB & ASSOCIÉS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

RG : F 15/00043



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sofiane KECHIT



Me Clément ROUYER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2022

N° RG 19/04273 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TS7I

AFFAIRE :

[L] [V]

C/

Société PJB & ASSOCIÉS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : F 15/00043

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sofiane KECHIT

Me Clément ROUYER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [L] [V]

né le 30 Janvier 1974 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sofiane KECHIT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K168

substitué à l'audience par Me Joséphine BERÇOT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 290

APPELANT

****************

Société PJB & ASSOCIÉS

N° SIRET : 479 783 441

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Clément ROUYER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0427

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

EXPOSE DU LITIGE

[L] [V] a été embauché par la société Pjb et Associés suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 novembre 2012 en qualité de directeur du 'business development', statut cadre.

Les relations contractuelles étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale de la publicité.

Par lettre datée du 23 septembre 2014, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Par lettre datée du 30 septembre 2014, l'employeur a dispensé le salarié de l'exécution, à compter du 1er octobre 2014, du préavis de trois mois qui lui a été rémunéré.

Par lettre datée du 2 décembre 2014, le salarié a contesté son licenciement.

Le 12 janvier 2015, [L] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Pjb et Associés à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement mis à disposition le 29 octobre 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes des parties, les premiers juges ont :

- dit que le licenciement repose sur un motif réel et sérieux,

- débouté [L] [V] de toutes ses demandes,

- débouté la société Pjb et Associés de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les éventuels dépens seront à la charge des parties.

Le 29 novembre 2019, [L] [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par ordonnance du 28 juin 2021, le conseiller de la mise en état, statuant sur l'incident formé par la société Pjb et Associés, a rejeté les moyens de nullité et d'irrecevabilité développés par ladite société, dit les conclusions du 27 février 2020 de [L] [V] recevables, dit n'y avoir lieu à caducité sur le fondement de l'article 908 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les éventuels dépens de l'incident suivront le sort de l'instance au fond.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 6 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [L] [V] demande à la cour d'infirmer le jugement, de :

- juger le licenciement abusif,

- condamner la société Pjb et Associés à lui verser les sommes de :

* 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à rembourser les indemnités Pôle emploi dans la limite de six mois conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes, sous astreinte de 150 euros par document et par jour de retard,

- ordonner l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement,

- condamner la société Pjb et Associés aux dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 27 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Pjb et Associés demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter l'appelant de toutes ses demandes, à titre subsidiaire, de débouter l'appelant de sa demande de dommages et intérêts à défaut de justifier d'un préjudice et de condamner celui-ci à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 29 mars 2022.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifiée à [L] [V], signée par [C] [T], vice-président France, aux termes de six pages, indique :

'(...)

En dépit de points faits avec notre Directeur Europe (en particulier au mois de décembre dernier) ou plus régulièrement, avec moi-même, depuis mon arrivée en avril 2014, nous constatons que vous demeurez défaillant dans l'accomplissement de la mission confiée en sorte que les résultats obtenus restent très insuffisants.

Vos défaillances concernent les principaux axes de votre mission, à savoir : l'identification des opportunités de prospection, le pilotage des réponses aux appels d'offres, le marketing de l'offre de l'agence, le management de l'équipe Business Development.

(...)

Ces nombreuses déficiences dans l'accomplissement de vos fonctions de Directeur Business Development ont pour conséquence des résultats très nettement insuffisants, ce dont vous êtes d'ailleurs convenu lors de notre entretien du 16 septembre 2014.

Je vous rappelle à cet égard qu'un objectif personnel de marge brute sur les affaires nouvelles ('New Business') avait été contractuellement fixé lors de votre embauche, à un montant annuel minimum de 700 000 euros.

En 2013, cet objectif est loin d'avoir été atteint. Il ne le sera pas davantage en 2014 puisqu'après plus de huit mois d'exercice, il apparaît que vos réalisations depuis le début de l'exercice ne représentent qu'un montant de l'ordre de 90 000 euros, chiffre que vous avez admis lors de notre entretien du 16 septembre, ce qui est très insuffisant.

Vous m'avez indiqué que cet objectif contractuel annuel de 700 000 euros vous était apparu difficile à atteindre et que celui de 400 000 euros de marge brute vous semblait plus réaliste et avait d'ailleurs été évoqué avec notre Directeur Europe lors de votre réunion avec lui au mois de décembre 2013. Vos réalisations actuelles demeurent significativement inférieures à cet objectif que vous nous avez indiqué pourtant juger raisonnable (...)'.

[L] [V] conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en invoquant d'une part, un licenciement verbal au regard d'échanges avec l'employeur entre les 8 et 10 septembre 2014 et d'une procédure d'embauche de son remplaçant initiée antérieurement à son licenciement et d'autre part, l'absence de production de pièces appuyant les faits de la lettre de licenciement, relevant que la société ne lui a pas donné les moyens nécessaires pour exercer ses missions dans des conditions normales.

La société Pjb et Associés conclut au débouté de la demande, en faisant valoir d'une part que si les parties ont engagé des discussions au début du mois de septembre 2014 en vue d'une rupture conventionnelle, rien ne permet de retenir que le salarié aurait été informé de sa décision de rompre le contrat de travail antérieurement à la procédure, d'autre part que les résultats du salarié nettement insuffisants étaient liés principalement à des déficiences dans la détection des opportunités de développement, ce qui constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle procède, soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié.

S'agissant de l'allégation de licenciement verbal, il ne ressort pas de la lecture des échanges de courriels entre le salarié et [C] [T] produits devant la cour que la société avait décidé de licencier le salarié avant l'engagement de toute procédure, seule la possibilité d'une rupture conventionnelle ayant été évoquée entre les parties. Par ailleurs, la seule capture d'écran d'un site de recrutement produite devant la cour, datée du 23 septembre 2014, mentionnant un poste de 'business development manager [Localité 4]' est insuffisante à établir, à défaut d'indications plus précises, que le recrutement envisagé concernait le poste de directeur du 'business development' occupé par [L] [V]. L'allégation de licenciement verbal n'est donc pas démontrée.

S'agissant du bien-fondé du licenciement, la cour relève tout d'abord que pour démontrer que le salarié n'aurait pas atteint les résultats qui lui auraient été assignés, la société Pja et Associés ne produit qu'un tableau mentionnant une liste de dossiers conclus par le salarié avec pour chacun une date et un montant associés, sans indication de l'origine de ces données et sans qu'il ne soit précisé à quoi ces montants se rapportent et comment ils ont été calculés, ce qui ne permet donc pas de vérifier cette allégation.

Si le contrat de travail stipule que la rémunération variable est composée de bonus annuels, déclenchés à partir des objectifs de 'new business' définis en début d'année avec pour 2013 un objectif minimum de 700 000 euros, ainsi que de commissions sur le 'new business', force est cependant de constater que ni les objectifs assignés au salarié pour l'année 2013 ni ceux pour l'année 2014 ne sont produits devant la cour.

En outre, il n'est produit aucune pièce au soutien des défaillances du salarié relatives à 'l'identification des opportunités de prospection', 'le pilotage des réponses aux appels d'offres', 'le marketing de l'offre de l'agence', 'le management de l'équipe Business Development' alors que le salarié, aux termes de sa lettre de contestation du licenciement datée du 2 décembre 2014 longue de seize pages, a fourni des explications précises et détaillées sur chacun des points de la lettre de licenciement afin de démontrer que les insuffisances qui lui étaient reprochées dans les domaines sus-visés n'étaient pas justifiées.

Enfin, il ne résulte pas des pièces produites devant la cour que l'attention du salarié a été appelée durant toute la période de la relation contractuelle sur des insuffisances professionnelles dans les domaines mentionnés par la lettre de licenciement, étant de surcroît relevé qu'il n'est pas même allégué que son activité aurait fait l'objet d'une évaluation de la part de sa hiérarchie depuis son embauche.

Il en résulte que le licenciement n'est pas justifié par une cause réelle et sérieuse.

Au regard de la date du licenciement du 23 septembre 2014, le salarié, embauché le 12 novembre 2012, présentait une ancienneté de moins de deux ans au sein de la société Pja et Associés.

Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié peut prétendre au regard du licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

La moyenne des trois derniers mois de salaire, plus avantageuse, s'est élevée à 7 069 euros bruts.

Au regard du salaire moyen et de l'absence de toute indication ni justification sur sa situation au regard de l'emploi postérieurement au licenciement, le préjudice causé au salarié par le licenciement abusif sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 20 000 euros. La société Pja et Associés sera condamnée au paiement de la somme sus-mentionnée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la remise de documents

La société Pja et Associés devra remettre au salarié un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à prononcé d'une astreinte. Le jugement sera donc infirmé sur ce point sauf en son débouté de la demande d'astreinte.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

Les dispositions del'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, n'étant pas applicables au regard de l'ancienneté de moins de deux ans, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.

Sur la demande d'exécution provisoire

La décision n'étant susceptible que d'un pourvoi en cassation, recours qui est dépourvu d'effet suspensif, il n y a pas lieu à assortir les condamnations prononcées de l'exécution provisoire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Pja et Associés sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en appel ainsi qu'à payer à [L] [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement sauf en ses déboutés des demandes de remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi et d'astreinte,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement n'est pas justifié par une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Pja et Associés à payer à [L] [V] la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

ORDONNE à la société Pja et Associés la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt,

CONDAMNE la société Pja et Associés à payer à [L] [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONDAMNE la société Pja et Associés aux entiers dépens,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04273
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;19.04273 ?
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