COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 MAI 2022
N° RG 21/02843 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UPHR
AFFAIRE :
Mme [C] [W]
C/
S.A. VALOPHIS LA CHAUMIERE DE L'ILE DE FRANCE VALOPHIS LA CHAUMIERE DE L'ILE DE FRANCE.
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2021 par le Juridiction de proximité de Pontoise
N° RG : 11-21-0050
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 10/05/22
à :
Me Julie GASPARRI
Me Sabrina DOURLEN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [C] [W]
née le 26 Février 1967 à MARTIN
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Maître Julie GASPARRI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13 - N° du dossier 21924
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/008061 du 15/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
S.A. VALOPHIS LA CHAUMIERE DE L'ILE DE FRANCE VALOPHIS LA CHAUMIERE DE L'ILE DE FRANCE
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Sabrina DOURLEN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 453
Représentant : Maître Maxime TONDI de la SELARL TONDI MAXIME, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 145 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2022, Madame Gwenael COUGARD, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 10 octobre 2000 et avenant du 18 février 2002, la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France a consenti à Mme [C] [W] un bail portant sur un logement et un emplacement de parking situés à l'[Localité 4] (95) au [Adresse 1].
Le bailleur a fait délivrer à Mme [W] le 6 janvier 2020, un commandement d'avoir à payer la somme de 739,42 euros s'appuyant sur la clause résolutoire du bail ainsi que sur l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et l'article 6 de la loi du 31 mai 1990.
Par acte d'huissier de justice délivré le 9 novembre 2020, la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France a assigné Mme [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pontoise aux fins de :
- constater la résiliation du bail par l'acquisition de la clause résolutoire,
- ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec en cas de besoin, le concours de la force publique,
- la condamner au paiement de la somme de 2 088,44 euros au titre des loyers échus au 5 octobre 2020 inclus, d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges, jusqu'à la libération définitive des lieux,
- autoriser le transfert et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués dans tel garde-meuble au choix du propriétaire aux frais, risques et périls de la partie expulsée,
- la condamner à lui payer la somme de 450 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 23 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pontoise a :
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail portant sur le logement et l'emplacement situés [Adresse 1] à l'[Localité 4] (95) étaient réunies à la date du 7 mars 2020,
- ordonné l'expulsion de Mme [W] et celle de tous occupants de son chef, sans qu'il y ait lieu de supprimer le délai de deux mois fixé à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin,
- condamné Mme [W] à payer à la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés contre récépissé ou procès-verbal d'expulsion,
- dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux serait alors réglé conformément aux articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné Mme [W] à payer à la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France la somme de 2 088,44 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 5 octobre 2020 avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2020 sur la somme de 739 euros et à compter du 9 novembre 2020 pour le surplus,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné Mme [W] aux dépens qui comprendraient le coût du commandement de payer,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration reçue au greffe le 30 avril 2021, Mme [W] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 décembre 2021, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 23 mars 2021 par le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise en toutes ses dispositions,
- juger qu'elle a réglé l'intégralité de sa dette de loyers entre les mains de la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France,
- juger que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail portant sur le logement et l'emplacement de parking sis [Adresse 1] à l'[Localité 4] ne sont pas réunies,
- condamner la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700, alinéa 2 du code de procédure civile,
- condamner la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France aux entiers dépens de l'instance lesquels seront recouvrés par Maître Julie Gasparri.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 janvier 2022, la société Valophis La Chaumière d'Île-de-France demande à la cour de :
- débouter purement et simplement Mme [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer la décision entreprise notamment en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire du bail étaient réunies à la date du 7 mars 2020,
- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de Mme [W] ainsi que celle de tous occupants de son chef, sans qu'il y ait lieu de supprimer le délai de deux mois fixé à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin,
-fixer et condamner Mme [W] à lui payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à la libération effective des lieux, caractérisée par la remise des clés contre récépissé ou procès-verbal d'expulsion,
- dire que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé conformément aux articles L433-1 et suivants du code des procédures civils d'exécution,
- actualisant la dette locative, condamner Mme [W] à lui payer la somme de 168, 24 euros représentant le montant des loyers et charges arriérés au 29 décembre 2021 (quittancement novembre 2021 inclus), avec intérêts de droit à compter du commandement de payer délivré, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 alinéa 1 du code civil, ainsi qu'au paiement des loyers et charges échus à la date de la décision à intervenir,
- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de
l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [W] en tous les dépens d'appel, et ce en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 janvier 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Mme [W] expose avoir connu des difficultés financières du fait d'un congé maladie de longue durée et, débitrice de bonne foi, elle a entrepris les démarches nécessaires pour apurer sa dette. Elle souligne l'opposition de la société bailleresse, empêchant la mise en place du plan d'apurement par la CAF. Elle a toujours effectué des paiements partiels des loyers, mais le versement de l'APL a été suspendu. Elle affirme que sa situation permet l'octroi de délais de paiement, d'autant que l'APL pourra être versée à la reprise du loyer courant. Elle indique avoir demandé le renvoi de l'affaire devant le premier juge, au motif de sa contamination par le virus Covid-19, mais que le jugement n'évoque pas sa demande.
Elle fait état de la reprise du loyer courant et le versement des APL qui avait été suspendu, pour un montant de 2 586 euros, ajoutant qu'elle a soldé la dette restant, de sorte qu'elle est à jour des loyers. Elle conteste le décompte produit par la bailleresse, lequel inclut des frais de justice, et des charges, alors qu'après régularisation, c'est la bailleresse qui est débitrice à son égard. Elle souligne qu'en raison de ce décompte inexact, son allocation logement a à nouveau été suspendue, ce alors même que la dette invoquée par la bailleresse n'est pas une dette locative, mais une dette de frais.
En réponse, la société Valophis la Chaumière de l'Ile de France estime que la situation de Mme [W] justifie la confirmation du jugement, que le compte de la locataire reste débiteur pour un montant de 168,24 euros au 29 décembre 2021. Elle relève que le compte est constamment débiteur depuis plus quatre ans, que plusieurs mois sont restés impayés pendant de nombreux mois, qu'elle est difficilement en mesure de procéder au remboursement de la dette locative malgré les délais de procédure. Elle réfute les critiques opposées par Mme [W], affirmant que la régularisation de charges a été prise en compte, qu'elle est constamment débitrice, qu'elle a été condamnée aux dépens, et que le bailleur n'est pas responsable des décisions prises par la CAF.
Sur ce,
' sur la demande de constatation de la résiliation du bail
Dans l'hypothèse où le bail contient une clause résolutoire, le bailleur est autorisé, en cas de défaut de paiement d'un seul loyer, à faire délivrer au locataire un commandement de payer. Si, à l'issue du délai de deux mois qui suit la délivrance de cet acte, le locataire ne s'est pas acquitté de sa dette, le bail est de plein droit résolu et le bailleur peut saisir le juge d'instance en vue de faire constater cette résolution et ordonner l'expulsion du locataire.
Il ressort des pièces de la procédure que, par acte d'huissier de justice délivré le 6 janvier 2020, rappelant expressément la clause résolutoire stipulée au contrat de bail, la bailleresse a fait commandement à la locataire de lui régler la somme de 739,42 euros en principal représentant le montant des loyers et des charges demeurant impayés.
Ce commandement de payer est demeuré infructueux, ses causes n'ayant pas été réglées dans les deux mois de sa délivrance.
Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement dans le délai imparti, prévu au contrat de bail, le preneur ne peut contester l'acquisition de la clause résolutoire, sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer ou à démontrer l'irrégularité du commandement de payer qui lui a été délivré.
En l'espèce, Mme [W] n'a pas réglé les causes du commandement dans le délai imparti et les paiements intervenus n'ont pas permis de solder la dette, ni de régler les loyers courants en totalité.
L'assignation a été régulièrement notifiée au représentant de l'Etat dans le département avant la première audience, la CCAPEX a été régulièrement saisie et le commandement de payer du 6 janvier 2020 est régulier.
Par conséquent, les effets de la clause résolutoire sont acquis.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition des effets de la clause résolutoire et ordonné l'expulsion de la locataire.
Cependant, en appel, il est clairement justifié que le preneur a réglé les loyers visés au commandement et procède au paiement du loyer courant, seule une dette modique de charges subsistant.
La locataire est donc fondée à solliciter des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire en raison du fait qu'elle est de bonne foi et que la dette a été presque intégralement soldée au jour où la cour statue, ainsi qu'il sera examiné ci-après.
' sur la dette locative
Mme [W] prétend qu'elle est à jour des loyers échus et qu'elle n'a plus aucune dette à l'égard de la bailleresse, à l'exclusion d'une dette modique au titre des régularisations de charges.
Il est établi en effet, à la lecture du décompte actualisé au 29 décembre 2021, que Mme [W] est à jour de ses loyers, les sommes dues au titre des échéances impayées ayant été réglées plus de deux mois après la délivrance du commandement de payer. Le décompte produit au cours du délibéré fait état d'une dette de 168,24 euros. Il est à relever que les frais de poursuite qui avaient été portés au débit du compte de Mme [W] pour un montant de 358,18 euros ont été recrédités pour la somme de 264,70 euros. Aucune explication n'est donnée sur le montant résiduel des frais de poursuite, pour 93,48 euros, et cette somme sera en conséquence déduite du solde locatif, qui s'élève en conséquence à 74,76 euros.
A la date du 29 décembre 2021, Mme [W] est condamnée à payer la somme de 74,76 euros, échéance de novembre 2021 incluse.
Cette situation permet à la cour d'envisager de suspendre les effets de la clause résolutoire.
' sur la suspension des effets de la clause résolutoire
L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 permet au juge, même d'office, d'accorder des délais de paiement dans la limite de trois années au locataire en situation de régler sa dette locative, les effets de la clause de résiliation étant suspendus durant le cours des délais ainsi accordés. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
Il est justifié que la presque totalité de la dette locative a été réglée, ainsi qu'il résulte du décompte versé devant la cour daté du 29 décembre 2021.
Eu égard au très faible montant de la dette, et des efforts importants réalisés par la locataire pour diminuer de façon conséquente sa dette locative, il convient de suspendre les effets de la clause résolutoire et d'accorder à Mme [W] des délais de paiement pour s'acquitter de la dette locative dans les conditions précisées au dispositif de l'arrêt en précisant que si la locataire se libère dans les conditions fixées au dispositif la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué.
' sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'indemnité de procédure.
L'équité commande de dire que chaque partie conservera la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.
Mme [W], qui a réglé la dette locative seulement au cours de l'instance, supportera la charge des dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [C] [W] à payer à la sociétéValophis la somme de 74,76 euros au titre des loyers et charges impayés au 29 décembre 2021, loyer de novembre 2021 inclus,
Autorise Mme [C] [W] à se libérer de sa dette par 2 versements de 37 euros, en sus du loyer et des charges en cours, payable le 15 du mois suivant la signification de la présente décision, le solde de la dette étant réglé à la dernière échéance,
Rappelle que pendant le cours du délai accordé, les effets de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties sont suspendus et que, si les modalités du paiement précitées sont intégralement respectées par les locataires, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué,
Dit qu'à défaut de paiement de cette mensualité ou du loyer et des charges courantes, la clause résolutoire reprendra son plein effet,
Si la clause résolutoire reprend effet :
- Ordonne l'expulsion de Mme [C] [W] ainsi que celle de tous occupants de son chef, des lieux sis [Adresse 1] - [Localité 4], avec si besoin est, le concours de la force publique et d'un serrurier, dans les formes légales et notamment dans le délai de deux mois à compter de la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux,
- Dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L 433-1 et L 433-2 du Code des procédures civiles d'exécution,
- Condamne Mme [C] [W] à verser à la sociétéValophis une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer contractuellement dû, si le bail s'était poursuivi, augmenté des charges, jusqu'à la libération effective des lieux se matérialisant soit par la remise des clés, soit par l'expulsion,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,
Déboute la sociétéValophis de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [C] [W] aux dépens exposés en appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions concernant l'aide juridictionnelle.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,