COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 AVRIL 2022
N° RG 21/02695 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UXFP
AFFAIRE :
[N] [W]
C/
Société BOLLORE LOGISTICS
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu(e) le 18 Août 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : RE
N° RG : 21/00134
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Antoine SAPPIN
Me Sylvie KONG THONG
le : 22 Avril 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [W]
né le 04 Octobre 1962 à Saint-Adresse
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par :Me Thibaud SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P525,substitué par Me MARION Louis,avocat au barreau de Paris ; et Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0069.
APPELANT
****************
Société BOLLORE LOGISTICS
N° SIRET : 552 088 536
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par : Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
Rappel des faits constants
La société européenne Bolloré Logistics, dont le siège social est situé à [Localité 5] dans les Hauts-de-Seine en région Île-de-France, est spécialisée dans le transport. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
M. [N] [W], né le 4 octobre 1962, a intégré le groupe Bolloré le 3 septembre 1990. Il a exercé plusieurs emplois en expatriation au sein du groupe dans différents pays en Afrique.
Le 5 octobre 2017, M. [W] a été engagé par la société Bolloré Logistics et a été affecté, dans le cadre d'un avenant à son contrat, aux fonctions de directeur shipping (directeur des solutions maritimes) à [Localité 4] au Cameroun.
Il a signé un contrat de travail local avec la société Socopao.
Dans le cadre de la pandémie mondiale liée au Covid-19, M. [W] a d'abord été confiné à son domicile au Cameroun, de mars à juin 2020, puis est revenu en France dans le cadre de ses congés d'été, le 16 juin 2020.
Il a par la suite télé-travaillé depuis sa résidence secondaire située à [Localité 3] dans la Manche.
Par courrier du 6 novembre 2020, la société Bolloré Logistics a notifié à M. [W] la fin de son expatriation et son affectation à compter du 1er décembre 2020 au siège social de la société en France, au poste de « responsable manutention au sein de la direction shipping ».
M. [W] a été placé en arrêt de travail à compter du 11 décembre 2020 et l'est depuis lors de manière ininterrompue.
Contestant la décision de son employeur de mettre fin à son expatriation qu'il prétend fondée sur son état de santé, M. [W] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre par requête reçue au greffe le 5 mai 2021.
Les parties ont précisé lors des débats qu'aucune procédure au fond n'avait été engagée.
La décision contestée
Par ordonnance contradictoire rendue le 18 août 2021, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,
- renvoyé M. [W] à mieux se pourvoir,
- dit et jugé qu'il y a lieu de laisser à chacune des parties le soin de supporter le montant de ses frais irrépétibles,
- condamné M. [W] aux entiers dépens de l'instance.
M. [W] avait demandé au conseil de prud'hommes :
à titre principal,
- prononcer la nullité de la décision de mettre fin à sa mission d'expatriation prise par la société Bolloré Logistics notifiée par cette dernière le 6 novembre 2020 et mise en application par la filiale Socopao le 26 novembre 2020 ainsi que toutes les décisions et actes en découlant,
- ordonner en conséquence à la société Bolloré Logistics de procéder à sa réintégration dans ses précédentes fonctions de « directeur des solutions maritimes » à [Localité 4], aux mêmes conditions et à la même rémunération que celles applicables au 6 novembre 2020, dans un délai de trois mois à compter de la décision et assortir cette obligation d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- ordonner à la société Bolloré Logistics de recréditer le différentiel de congés payés à hauteur de 2 jours calendaires par mois à compter du 1er décembre 2020 à parfaire au jour de l'ordonnance,
- ordonner à la société Bolloré Logistics de procéder à la régularisation des bulletins et des droits afférents au régime de prévoyance, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'ordonnance assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,
à titre subsidiaire,
- constater que l'offre de réintégration aux fonctions de « responsable manutention au sein de la direction shipping » ne constitue pas une offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions de « directeur shipping »,
- condamner en conséquence la société Bolloré Logistics à lui payer :
- rappel de salaire : 3 988 euros,
- congés payés afférents à compter du 1er décembre 2020, à parfaire au jour de l'ordonnance : 675,66 euros,
- ordonner à la société Bolloré Logistics de recréditer le différentiel de congés payés à hauteur de 2 jours calendaires par mois à compter du 1er décembre 2020 à parfaire au jour de l'ordonnance,
- ordonner à la société Bolloré Logistics de procéder à la régularisation des bulletins et des droits afférents au régime de prévoyance, dans un délai d'un mois à compter du prononcé du présent jugement, cette obligation étant assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,
- dommages-intérêts pour discrimination sur le fondement de l'état de santé et le manquement à l'obligation de loyauté,
- rappel de salaire : 2 784,30 euros bruts,
- rappel de congés afférents au titre de la restitution de la déduction indue de 16 journées de paye : 470 euros bruts,
- article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros,
- entiers dépens,
- intérêts au taux légal,
- capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
La société Bolloré Logistics avait, quant à elle, conclu au débouté du salarié et avait sollicité sa condamnation à lui verser une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure d'appel
M. [W] a interjeté appel de l'ordonnance par déclaration du 3 septembre 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 21/02695.
Prétentions de M. [W], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 1er mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [W] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance entreprise et demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de :
à titre principal,
- prononcer la nullité de sa décision de mutation, prise par la société Bolloré Logistics, notifiée par celle-ci le 6 novembre 2020, ainsi que toutes les décisions et actes en découlant,
- ordonner à la société Bolloré Logistics de le réintégrer dans ses précédentes fonctions de « directeur des solutions maritimes », aux mêmes conditions et à la même rémunération que celles applicables au 6 novembre 2020, soit 8 974 euros nets par mois, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et assortir cette obligation d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
à titre principal,
- condamner, par provision, la société Bolloré Logistics à lui verser les sommes de :
' 4 275,48 euros nets par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 100% pour la période du 1er décembre 2020 au 21 juillet 2021,
' 3 222,92 euros nets par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour la période de juillet 2021 à octobre 2021,
' 6 730,5 euros nets par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour le mois de novembre 2021,
à titre subsidiaire,
- condamner, par provision, la société Bolloré Logistics à lui verser les sommes de :
' 2 907,77 euros bruts par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 100% pour la période du 1er décembre 2020 au 21 juillet 2021,
' 2 197,1 euros bruts par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour la période de juillet 2021 à octobre 2021,
' 5 704,68 euros bruts par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour le mois de novembre 2021,
en tout état de cause,
- ordonner à la société Bolloré Logistics de procéder à la régularisation des bulletins de salaire et des droits afférents au régime de prévoyance, dans un délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt , cette obligation étant assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,
à titre subsidiaire, si les demandes de nullité au titre de la discrimination et les demandes subséquentes ne sont pas admises,
- constater que l'offre de réintégration aux fonctions de « Responsable manutention au sein de la Direction Shipping » ne constitue pas une offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions de « Directeur Shipping »,
à titre principal,
- condamner, par provision, la société Bolloré Logistics à lui verser les sommes de :
' 4 275,48 euros nets par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 100% pour la période du 1er décembre 2020 au 21 juillet 2021,
' 3 222,92 euros nets par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour la période de juillet 2021 à octobre 2021,
' 6 730,5 euros nets par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour le mois de novembre 2021,
à titre subsidiaire,
- condamner, par provision, la société Bolloré Logistics à lui verser les sommes de :
' 2 907,77 euros bruts par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 100% pour la période du 1er décembre 2020 au 21 juillet 2021,
' 2 197,10 euros bruts par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour la période de juillet 2021 à octobre 2021,
' 5 704,68 euros bruts par mois au titre du rappel de maintien de salaire à 75% pour le mois de novembre 2021,
en tout état de cause,
- ordonner à la société Bolloré Logistics de procéder à la régularisation des bulletins et des droits afférents au régime de prévoyance, dans un délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt, cette obligation étant assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,
en tout état de cause,
- condamner par provision la société Bolloré Logistics à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts pour discrimination sur le fondement de l'état de santé et le manquement à l'obligation de loyauté,
- condamner par provision la société Bolloré Logistics à lui verser un rappel de salaire de 2 784,30 euros bruts et 470 euros bruts de congés payés afférents au titre de la restitution de la déduction indue de 16 journées de paye.
L'appelant sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal, leur capitalisation et une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prétentions de la société Bolloré Logistics, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 1er mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Bolloré Logistics demande à la cour d'appel de :
à titre principal,
- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les demandes formulées par M. [W],
- débouter en conséquence M. [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- l'inviter à mieux se pourvoir au fond,
à titre subsidiaire,
- confirmer que M. [W] ne peut nullement prétendre avoir fait l'objet d'une mesure discriminatoire en lien avec son état de santé,
- confirmer que la décision de la société de l'affecter temporairement à un poste au siège a précisément eu pour objectif notamment de préserver sa santé et sa sécurité,
- confirmer que M. [W] ne peut prétendre avoir fait l'objet d'une rétrogradation,
- confirmer que M. [W] ne peut prétendre bénéficier de la rémunération qu'il percevait dans le cadre de son expatriation et qui était au demeurant versée par la société Socopao en francs CFA au Cameroun,
- confirmer qu'elle ne saurait être débitrice du rappel de congés payés sollicité par M. [W] dans le cadre du solde de tout compte qui a été établi par la société Socopao en francs CFA,
- débouter en conséquence M. [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
à titre très subsidiaire,
- apprécier le cas échéant dans de biens plus justes proportions une éventuelle provision sur dommages-intérêts,
- juger que M. [W] ne peut prétendre à un rappel de salaire au-delà du 31 mars 2021, qui était l'échéance de son dernier avenant d'expatriation.
La société intimée sollicite en outre une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 2 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 mars 2022.
À l'issue des débats, il a été proposé aux parties de recourir à la médiation, ce qu'elles ont décliné.
MOTIFS DE L'ARRÊT
M. [W] soutient, à titre principal, que la décision de mettre fin à son expatriation est discriminatoire, comme étant fondée sur son état de santé et, à titre subsidiaire, que l'offre de réintégration qui lui a été faite n'est pas satisfactoire.
Sur la discrimination en raison de l'état de santé du salarié
M. [W] prétend à titre principal que la décision de mettre fin à sa mission d'expatriation encourt la nullité comme résultant d'une discrimination liée à son état de santé et que sa mise en 'uvre constitue un trouble manifestement illicite.
La société Bolloré Logistics s'oppose à cette prétention ainsi qu'aux demandes subséquentes.
Sur ce, en application des dispositions de l'article R. 1455-6 du code du travail, « la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
La formation de référé, à laquelle il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue la décision de mettre fin à l'expatriation d'un salarié en raison de son état de santé, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis laissent supposer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, rechercher si l'employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que ses décisions sont étrangères à toute discrimination.
Le contrat de travail liant les parties prévoit, en son article 5 intitulé « mobilité » : « Le collaborateur pourra être affecté en tout lieu où Bolloré Transport & Logistics est implanté, soit en son nom propre, soit par l'intermédiaire des sociétés filiales ou alliées. » (pièce 1 du salarié).
Par avenant d'affectation du 14 mai 2020, M. [W] s'est vu affecté, pour travailler à [Localité 4] au Cameroun, auprès de Bolloré Transport & Logistics Cameroun. Il est précisé : « Le collaborateur pourra être affecté en tout lieu où Bolloré Transport & Logistics est implanté, soit en son nom propre, soit par l'intermédiaire des sociétés filiales ou affiliées. Dans cette hypothèse, les conditions de cette nouvelle affectation seront précisées dans un nouvel avenant qui se substituera purement et simplement aux dispositions du présent avenant (') La présente affectation et les éléments s'y rapportant s'entendent pour une durée prévisionnelle de trois ans (à compter de la première affectation). A l'issue de cette période indicative, le collaborateur pourra se voir proposer de nouvelles affectations à des postes équivalents, tenant compte de sa situation familiale (sécurité du pays d'affectation) et de l'intérêt de l'entreprise » (pièce 3 du salarié).
M. [W] a par ailleurs signé un contrat de travail local avec la société Socopao au Cameroun.
Il se déduit de ces éléments que l'employeur avait la possibilité, au regard de ses engagements contractuels, de mettre fin à l'expatriation du salarié, à condition de le réintégrer en lui proposant un emploi comparable.
M. [W] indique s'être rapproché, le 29 juin 2020, de la médecine du travail du siège de la société afin de connaître ses recommandations concernant la situation sanitaire et sa perspective de retour à [Localité 4] et avoir en même temps consulté son médecin traitant en France, ces deux médecins lui ayant préconisé, compte tenu de la vulnérabilité de son état de santé et de son âge (59 ans) de demeurer en télétravail jusqu'à ce que la situation sanitaire s'améliore (sans toutefois produire les avis dont il se prévaut).
Il a alors écrit à son employeur le 15 juillet 2020 pour l'informer de sa décision de reporter son retour au Cameroun en ces termes : « Je sors de chez mon médecin traitant qui partage les recommandations du docteur [C] et du docteur [T] de rester en télétravail en France compte tenu de la situation au Cameroun. J'ai par conséquent reporté mon retour au 31/08 avec ma famille » (pièce 11 de l'employeur).
A compter du 1er août 2020, M. [W] a exercé ses fonctions de directeur des solutions maritimes au Cameroun en télétravail depuis sa résidence secondaire située à [Localité 3].
La société Bolloré Logistics fait cependant valoir que cette décision du salarié d'exercer ses fonctions depuis son domicile en France à 7 000 km de distance posait de façon évidente problème et ne pouvait s'inscrire dans la durée. Elle souligne à juste titre que le poste de M. [W] imposait une présence sur son lieu de travail, tant afin d'assurer les tâches opérationnelles que d'encadrer l'équipe de 450 salariés environ qui était placée sous sa responsabilité.
Considérant que la situation de fait qui était résultée de la décision de M. [W] de rester sur le territoire français pour exercer ses fonctions ne pouvait qu'être temporaire, la société Bolloré Logistics a pris la décision de mettre fin à l'expatriation du salarié et de l'affecter à un poste situé au siège de la société à [Localité 5].
M. [W] estime de son côté que la décision ainsi prise est discriminatoire comme reposant sur son état de santé et non sur des éléments objectifs.
Il résulte de ces différentes constatations que, si les conditions de la fin de l'expatriation de M. [W] laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé, la société Bolloré Logistics apporte ici des éléments objectifs de nature à justifier que sa décision est étrangère à toute discrimination et est commandée par des considérations liées au souci de préserver la santé du salarié et sa sécurité, celui-ci ayant lui-même pris la décision de ne pas retourner au Cameroun et donc de ne pas exercer ses fonctions de manière effective sur place du mois d'août au mois d'octobre 2020, soit pendant plus de trois mois.
C'est donc bien la situation particulière de M. [W] et les conséquences en résultant tant pour lui que pour la société qui a conduit celle-ci à décider de l'affecter à de nouvelles fonctions au siège, sans que ne puisse être retenue une discrimination en raison de l'état de santé du salarié.
M. [W] sera en conséquence débouté de sa demande principale ainsi que des demandes subséquentes, par confirmation de l'ordonnance entreprise.
Sur la réintégration du salarié
M. [W] soutient que l'offre de réintégration qui lui a été faite constitue une rétrogradation tandis que la société Bolloré Logistics prétend que la formation de référé n'a pas le pouvoir de statuer sur cette question, qui nécessite une appréciation au fond des circonstances de l'espèce.
En application des dispositions de l'article R. 1455-5 du code du travail, « dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».
L'article L. 1231-5 du code du travail dispose : « Lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ».
Au Cameroun, M. [W] exerçait les fonctions de directeur des solutions maritimes.
A son retour, il a été affecté au poste de responsable de la manutention au sein de la direction shipping.
La compatibilité du poste proposé avec l'importance des précédentes fonctions du salarié appelle nécessairement une appréciation sur l'existence des droits invoqués et donc un examen au fond de la demande. Elle constitue dès lors une contestation sérieuse que le juge des référés n'a pas le pouvoir de trancher.
En l'absence d'urgence, en l'absence de trouble manifestement illicite, en l'absence de dommage imminent et en présence d'une obligation sérieusement contestable, il n'y a pas lieu à référé sur cette demande. Il n'y a pas non plus lieu de statuer sur les demandes subséquentes.
Sur les dommages-intérêts pour discrimination et manquement à l'obligation de loyauté
M. [W] sollicite la condamnation par provision de la société Bolloré Logistics à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts pour discrimination sur le fondement de l'état de santé et manquement à l'obligation de loyauté.
Faute toutefois pour le salarié de rapporter la preuve d'un manquement de son employeur à son obligation de loyauté, au regard des circonstances de la cause, telles qu'elles ont été exposées précédemment, celui-ci sera débouté de cette demande, par confirmation de l'ordonnance entreprise.
Sur le rappel de salaire au titre de la retenue de 16 jours de congés
M. [W] expose que la société Socopao a déduit de son dernier salaire perçu au titre de son expatriation, la somme de 1 826,382 francs CFA au titre de 16 jours de congés payés. Il sollicite la condamnation de la société Bolloré Logistics à lui payer un rappel de salaire de 2 784,30 euros outre les congés payés afférents à ce titre.
La société Bolloré Logistics oppose que cette retenue a été opérée par l'employeur au Cameroun et qu'elle n'est pas concernée.
En application des dispositions de l'article R. 1455-7 du code du travail, « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
En l'espèce toutefois, les parties conviennent que la société Bolloré Logistics n'a pas opéré la retenue critiquée.
Dans ces conditions, M. [W] doit être débouté de cette demande dirigée contre une société qui n'est pas son interlocuteur contractuel, par confirmation de l'ordonnance entreprise.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [W] supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il sera en outre condamné à payer à la société Bolloré Logistics, en cause d'appel, une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 300 euros.
M. [W] sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.
La décision de première instance sera confirmée en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
CONFIRME l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 18 août 2021, excepté en ce qu'elle a débouté M. [N] [W] de sa demande au titre de sa réintégration,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre de la réintégration de M. [W], ni sur les demandes subséquentes,
CONDAMNE M. [N] [W] à payer à la société Bolloré Logistics une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [N] [W] de sa demande présentée sur le même fondement,
CONDAMNE M. [N] [W] au paiement des entiers dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,