COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 AVRIL 2022
N° RG 21/02035
N° Portalis DBV3-V-B7F-UTCV
AFFAIRE :
Société [10]
C/
CPAM SEINE SAINT DENIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mars 2021 par le Pole social du TJ de PONTOISE
N° RG : 19/00967
Copies exécutoires délivrées à :
Me Valérie PARISON
la SELARL [9]
Copies certifiées conformes délivrées à :
Société [10]
CPAM SEINE SAINT DENIS
3 COPIES AU SERVICE DES EXPERTISES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société [10]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Valérie PARISON, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2418 substitué par Me Benjamin GEVAERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312
APPELANTE
****************
CPAM SEINE SAINT DENIS
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvia LE FISCHER, Président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Président,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Morgane BACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Salariée de la société [10] (la société) en qualité de femme de ménage, Mme [C] [L] [G] (la victime) a été victime, le 29 septembre 2018, d'un accident pris en charge, le 8 janvier 2019, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse).
L'état de santé de la victime a été déclaré consolidé à la date du 11 juillet 2019.
La société a, le 12 avril 2019, saisi la commission de recours amiable de la caisse, puis le tribunal de grande instance de Pontoise, devenu le tribunal judiciaire de Pontoise, aux fins d'obtenir l'inopposabilité, à son encontre, des soins et arrêts de travail prescrits à la victime à la suite de cet accident.
Par jugement du 19 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise a déclaré ce recours recevable mais mal fondé, jugé opposable à la société l'ensemble des arrêts de travail et soins litigieux, et condamné la société aux dépens ainsi qu'à verser à la caisse la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La société a relevé appel de cette décision.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 3 mars 2022.
Les parties ont comparu, représentées par leur avocat.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société sollicite la réformation du jugement entrepris. S'appuyant sur l'avis de son médecin-conseil qui évoque l'existence d'un état antérieur rhumatologique et/ou chirurgical, elle se prévaut de l'inopposabilité, à son égard, de la prise en charge des soins et arrêts de travail postérieurs au 22 novembre 2018. Elle sollicite, à titre subsidiaire, la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise judiciaire sur pièces.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour de constater qu'elle justifie de la continuité des symptômes et des soins du 29 septembre 2018 au 11 juillet 2019, de dire et juger que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite de l'accident du travail s'étend pendant toute la duré d'incapacité de travail précédant la consolidation, de dire et juger que la société ne renverse pas cette présomption en l'absence de preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte, sans aucune relation avec le travail, ou d'un commencement de preuve de l'existence d'une cause étrangère à l'origine exclusive des soins et arrêts pris en charge.
La caisse sollicite, en conséquence, la confirmation du jugement entrepris et s'oppose à la mise en oeuvre d'une expertise.
Concernant les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société sollicite la condamnation de la caisse à lui verser la somme de 800 euros. La caisse sollicite l'octroi d'une indemnité de 1 000 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
En l'espèce, Mme [L] [G] a été victime, le 29 septembre 2018, d'un malaise sur son lieu de travail. Selon la déclaration d'accident du travail, elle serait restée sur le sol en se plaignant d'une forte douleur au bras droit. Le certificat médical initial prescrit un arrêt de travail jusqu'au 3 octobre 2018. Il est constant, ainsi qu'en justifie les pièces produites par la caisse, que cet arrêt a été prolongé de mois en mois jusqu'au 11 juillet 2019, date de consolidation, de sorte que la présomption d'imputabilité a vocation à bénéficier à la caisse.
La victime a, au final, été placée en arrêt de travail pendant 286 jours.
Toutefois, la société fait à juste titre observer, par la voix de son médecin-conseil, le docteur [R], que les indications du certificat médical initial, qui mentionne un malaise sans perte de connaissance et sans signe de gravité, ne coïncident pas avec celles portées sur les certificats de prolongation. En effet, le certificat du 22 novembre 2018 fait état d'un suivi rhumatologique. Celui du 7 mars 2019 mentionne un bilan et un avis neurochirurgical, tandis que le certificat du 6 juin 2019 vise, au surplus, un avis cardio-vasculaire. Un suivi multidisciplinaire est évoqué dans le certificat du 5 juillet 2019 ainsi que dans celui du 10 juillet 2019 fixant, au 11 juillet suivant, la date de consolidation des blessures.
Le docteur [R] considère que tous ces éléments laissent suggérer un état antérieur.
Si cet avis et les mentions portées sur les certificats de prolongation ne peuvent suffire à renverser la présomption d'imputabilité, ils justifient néanmoins la mise en oeuvre d'une expertise sur pièces, selon les modalités énoncées au dispositif, afin de déterminer précisément les arrêts de travail, soins et lésions directement et exclusivement imputables à l'accident du travail du 29 septembre 2018.
Il sera souligné que les dispositions de l'article L. 144-5 du code de la sécurité sociale invoquées par la société dans le prolongement de sa demande d'expertise ont été abrogées par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 assurant la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale et l'avance des frais par les organismes sociaux. Les dispositions de l'article L. 142-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, qui régissent depuis le 1er janvier 2019 la prise en charge des frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions de sécurité sociale dans le cadre de certains contentieux, ne sont pas applicables aux expertises ordonnées dans les rapports caisse/employeur. Le sort des frais de l'expertise ainsi diligentée sera réglé au stade des dépens, la consignation étant toutefois mise à la charge de la société.
Les dépens ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :
Ordonne une expertise médicale sur pièces confiée à :
M. [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Tel : [XXXXXXXX01].
Mèl : [Courriel 7]
qui aura pour mission :
- De se faire communiquer tous documents, notamment médicaux, en possession de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine ou du service du contrôle médical, afférents aux prestations prises en charge du chef de l'accident du travail dont Mme [L] [G] a été victime, le 29 septembre 2018 ;
- De retracer l'évolution des lésions présentées par la victime ;
- De déterminer avec précision si tout ou partie des soins et arrêts retenus par la caisse en lien avec l'accident déclaré résulte d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte, sans lien avec cet accident, ou d'une cause totalement étrangère ;
- De déterminer la date de consolidation de l'état de santé de la victime, en lien direct et exclusif avec l'accident du travail du 29 septembre 2018 ;
- De formuler toutes observations utiles à la résolution du litige ;
- De s'adjoindre l'assistance d'un sapiteur, si besoin est ;
- De soumettre aux parties un pré-rapport en leur impartissant un délai raisonnable pour formuler leurs observations écrites auxquelles il devra être répondu dans le rapport définitif, le tout dans les conditions prévues par l'article 276 du code de procédure civile ;
DIT que les pièces sollicitées par l'expert auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine devront lui être transmises dans un délai de dix jours à compter de la demande ;
DIT que l'expert devra déposer son rapport écrit au greffe de la cour d'appel de céans avant le 15 novembre 2022 ;
DIT que la société [10] devra consigner la somme de 1 700 euros entre les mains du régisseur de la cour d'appel de Versailles, au plus tard, avant le 21 mai 2022, à peine de caducité de la mesure d'expertise ;
Désigne Mme [H] [J] pour suivre le déroulement des opérations d'expertise ;
SURSOIT à statuer sur l'ensemble des demandes ;
Dit qu'à réception du rapport d'expertise, les parties disposeront chacune d'un délai de deux mois pour formuler et notifier leurs conclusions, outre quinze jours supplémentaires pour toute réponse ou réplique éventuelle ;
Renvoie l'affaire à l'audience du jeudi 1er décembre 2022 à 9 heures, pour mise en état ;
Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience ;
Dit que toute demande de dispense de comparaître devra être présentée au moins quinze jours avant la date de l'audience ;
Réserve les demandes, ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,