COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 AVRIL 2022
N° RG 20/01607 JOINT AU RG 20/01544
N° Portalis DBV3-V-B7E-T6WY
AFFAIRE :
[R] [Z]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-S EINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2020 par le Pôle social du TJ de NANTERRE
N° RG : 19/00347
Copies exécutoires délivrées à :
la SARL [6]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-S EINE
Copies certifiées conformes délivrées à :
[R] [Z]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-S EINE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant fixé au 27 janvier 2022, puis prorogé au 21 avril 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [R] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Candy SROUR de la SARL JFA SOUILLAC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0830 - N° du dossier P2304 substituée par Me Myriam DUMONTANT, avocat au barreau de PARIS - N° du dossier P2304
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-S EINE
Division du contentieux
[Localité 2]
représentée par Mme [O] [P] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Président,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Morgane BACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 4 avril 2018, Mme [R] [Z], exerçant en qualité de directrice du développement à la Nouvelle Association [5] (école de commerce supérieure) a souscrit une déclaration d'accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) dans les termes suivants :
'Date : 13/12/2017Heure : 11h45
Activité de la victime lors de l'accident : réunion mensuelle au siège du groupe [4] en présence de la direction générale suite à l'altercation violente verbale la veille avec la directrice (malaise en sa présence).
Nature de l'accident : Malaise spasmodique (crise de tétanie) ayant nécessité l'intervention des pompiers le 13 décembre 2017".
Un témoin était visé.
Le 5 octobre 2018, l'employeur a également souscrit une déclaration d'accident du travail mentionnant un accident qui serait survenu le 12 décembre 2017 à 11 heures dans les circonstances suivantes 'aucune, la victime sortait d'une réunion professionnelle - malaise'.
Le certificat médical initial rectificatif du 16 avril 2018 et établi le 13 décembre 2017 fait état 'd'une anxiété réactionnelle, troubles du sommeil (insomnie)'.
Par décision du 10 octobre 2018, la caisse a notifié à Mme [Z] un refus de prise en charge de l'accident déclaré du 13 décembre 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels.
Mme [Z] a été arrêtée au titre de l'assurance maladie à compter du 13 décembre 2017 jusqu'au 18 décembre 2017, puis du 1er février 2018 jusqu'au 6 juillet 2018.
Par courrier du 23 novembre 2018, Mme [Z] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester la décision de la caisse puis, par requête du 19 février 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Nanterre.
Par décision du 4 mars 2019, la commission de recours amiable a expressément rejeté le recours de Mme [Z].
Par jugement contradictoire en date du 8 juin 2020 (RG n°19/00347), le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- débouté Mme [Z] de ses demandes ;
- dit bien fondé le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont Mme [Z] a déclaré avoir été victime le 13 décembre 2017 ;
- condamné Mme [Z] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 17 juillet 2020, Mme [Z] a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience du 30 novembre 2020.
Par conclusions écrites et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [Z] demande à la cour :
- de la déclarer tant recevable que bien fondée ;
- d'infirmer le jugement rendu le 8 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;
Statuant à nouveau,
- de dire et juger qu'elle rapporte la preuve de l'existence d'un événement survenu soudainement aux temps et lieu de travail et ayant généré une lésion incorporelle ;
- de dire et juger qu'elle bénéficie de la présomption d'imputabilité ;
- de dire et juger que les faits survenus le 13 décembre 2017 constituent un accident du travail et que la caisse doit prendre en charge celui-ci.
Par conclusions écrites et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;
Y ajoutant,
- de condamner Mme [Z] aux entiers dépens d'appel.
Au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [Z] demande la condamnation de la caisse à lui payer la somme de 2 500 euros.
De son côté, la caisse sollicite à ce titre la somme de 1 000 euros.
MOTIFS
Sur la jonction
Mme [Z] a interjeté appel, par voie électronique, le 17 juillet 2020 du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre du 8 juin 2020 (RG 19/00347), enrôlé à la cour sous le numéro 20/01544.
Mme [Z] a également fait appel par déclaration en date du 15 juillet 2020, reçue à la cour d'appel de Versailles le 21 juillet 2020, à l'égard du même jugement et enrôlé sous le numéro 20/01607.
Il est donc de l'administration d'une bonne justice de joindre les deux procédures et de dire qu'elles seront appelées sous le seul numéro RG 20/01544.
Sur l'accident du travail
Mme [Z] expose que le tribunal s'est fourvoyé en se focalisant sur un contexte de dégradation progressive de l'état de santé de la salariée et en jugeant qu'il n'y avait pas de fait accidentel tout en prenant acte du malaise survenu devant témoin et ayant nécessité l'intervention des pompiers. Or le malaise s'est déroulé au temps et au lieu de travail, est survenu brutalement du fait du travail, il s'est produit devant témoin et a été immédiatement connu de l'employeur qui n'a pourtant pas établi de déclaration. L'enquête ne contredit pas les éléments portés sur la déclaration qu'elle a effectuée. Le malaise a été constaté médicalement dans un temps proche de l'accident.
Elle précise que la caisse ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère à l'accident.
En réponse, la caisse soutient que Mme [Z] a joint à sa déclaration d'accident du travail une lettre explicative dans laquelle elle indique être victime de harcèlement moral depuis juillet 2017 de la part de sa supérieure hiérarchique et avoir eu une altercation verbale avec cette dernière au téléphone puis par sms le 12 décembre 2017 dans la soirée ; que malgré son état de stress elle s'est tout de même rendue à la réunion mensuelle de travail du 13 décembre 2017.
La caisse précise que l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail pour les faits du 12 décembre et non du 13 décembre 2017 ; que Mme [Z] a observé un arrêt de travail prescrit et pris en charge au titre du risque maladie à compter du 13 décembre 2017.
Elle ajoute que le malaise ne constitue pas le fait accidentel mais la lésion et que Mme [Z] ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel caractérisé à l'origine du malaise ; que lors de l'enquête, Mme [Z] a fait état d'une dégradation continue de ses conditions de travail ; qu'elle a refusé d'être emmenée à l'hôpital malgré l'intervention des pompiers et a vu son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt risque maladie jusqu'au 19 décembre 2017.
Sur ce
L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose que, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
L'article L. 411-1 édicte une présomption d'imputabilité au travail d'un accident survenu au lieu et au temps du travail qui s'applique dans les rapports du salarié victime avec la caisse.
Pour que la présomption d'accident du travail trouve à s'appliquer, il convient cependant que Mme [Z] démontre la matérialité d'un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail.
Les déclarations de la victime ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l'accident.
Les juges apprécient souverainement la matérialité des faits.
Il résulte de l'enquête de la caisse et des déclarations des témoins, M. [H] [D], président de l'école et M. [I] [Y], responsable achat média, qu'au cours de la réunion bimensuelle du 13 décembre 2017, Mme [Z] s'est effondrée, a perdu connaissance et que les pompiers ont été appelés.
Ces éléments établissent l'existence d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail de sorte que la présomption d'imputabilité a vocation à s'appliquer et qu'il appartient à la caisse de la renverser en rapportant la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
Celle-ci, qui se borne à soutenir que la réunion s'est déroulée sans parole ou acte désagréable, de façon normale et que ce malaise est à relier à ses conditions de travail, Mme [Z] ayant déclaré la veille à un collègue 'vivre un enfer' puis à l'enquêteur de la caisse qu'elle était dans un grand état d'anxiété avant la réunion, est défaillant dans cette démonstration.
De surcroît, la notion de lésions psychologiques auxquelles l'anxiété réactionnelle fait référence ne saurait exclure la qualification d'accident du travail dès lors que celles-ci sont imputables à un événement survenu à une date certaine, ce qui est le cas en l'espèce.
En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions et la caisse doit être condamnée à prendre en charge l'accident du travail survenu le 13 décembre 2017.
Sur les dépens et les demandes accessoires
La caisse, qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 et condamnée à payer à Mme [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Ordonne la jonction, sous le numéro de RG 20/01544, des procédures enregistrées sous les numéros de RG 20/01544 et RG 20/01607 ;
Infirme le jugement rendu le 8 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre (RG n°19/00347) en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine à prendre en charge l'accident dont Mme [Z] a été victime le 13 décembre 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;
Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine à payer à Mme [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia Le Fischer, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,