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21/04/2022 | FRANCE | N°19/03611

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 21 avril 2022, 19/03611


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 AVRIL 2022



N° RG 19/03611 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPD2



AFFAIRE :



[R] [P]





C/

Société FR PLOMBERIE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F

18/00385



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Mélina PEDROLETTI



Me Thibault DECHERF







le : 22 Avril 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 AVRIL 2022

N° RG 19/03611 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPD2

AFFAIRE :

[R] [P]

C/

Société FR PLOMBERIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F 18/00385

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Thibault DECHERF

le : 22 Avril 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [P]

né le 07 Novembre 1970 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par : Me Mélina PEDROLETTI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626,substituée par Me BOURON Coralie,avocate au barreau de Versailles.

APPELANT

****************

SARL FR PLOMBERIE

N° SIRET : 843 491 275

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par : Me Thibault DECHERF, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 47

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

Rappel des faits constants

La SARL FR Plomberie, dont le siège social est situé à [Localité 3] en Eure-et-Loir dans la région Centre, est spécialisée dans les travaux d'installations d'eau et de gaz. Elle emploie moins de onze salariés.

M. [R] [P], né le 7 novembre 1970, a d'abord été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée déterminée, du 17 mai 2016 au 3 juin 2016, en remplacement d'un salarié absent.

M. [P] a par la suite été engagé par contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2016, en qualité de plombier compagnon professionnel.

M. [P] a été placé en arrêt de travail du 1er février 2018 au 21 mars 2018. A l'issue de la visite médicale de reprise du 27 mars 2018, le médecin du travail l'a déclaré « inapte temporaire, à revoir, ne peut reprendre son poste/nécessité soins médicaux ». Le salarié a ensuite été placé en arrêt maladie sans interruption.

Après un entretien préalable qui s'est déroulé le 13 novembre 2018, la société FR Plomberie a notifié à M. [P] son licenciement par lettre du 16 novembre 2018, pour absences prolongées entraînant une perturbation de l'activité de l'entreprise nécessitant son remplacement définitif.

M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres en nullité de son licenciement, par requête reçue au greffe le 4 décembre 2018.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 12 septembre 2019, la section industrie du conseil de prud'hommes de Chartres a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [P] n'était entaché d'aucune nullité et qu'il était parfaitement fondé,

- débouté en conséquence M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société FR Plomberie de ses demandes,

- dit que chaque partie gardera ses dépens.

M. [P] avait demandé au conseil de prud'hommes de :

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 6 966,87 euros à titre d'indemnité de préavis, augmentée d'un mois eu égard à son statut de travailleur handicapé, outre la somme de 696,68 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 1 827,51 euros au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement,

- voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir et ce nonobstant appel,

- dire et juger que l'intégralité des sommes sus énoncées sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, soit le 6 décembre 2018,

- voir ordonner à la société FR Plomberie de lui remettre un certificat de travail portant mention du préavis et une attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,

- dire et juger que le conseil de prud'hommes se réservera expressément le pouvoir de liquider ladite astreinte,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse,

subsidiairement,

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 85 000 euros nette de CSG/CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels comprendront les frais et honoraires d'exécution de la présente décision.

La société FR Plomberie avait, quant à elle, sollicité :

à titre principal,

- dire et juger que le licenciement de M. [P] n'est entaché d'aucune nullité,

- dire et juger le licenciement de M. [P] parfaitement fondé,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger le licenciement de M. [P] parfaitement fondé,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [P] à lui verser les sommes suivantes :

. 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

. 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire.

La procédure d'appel

M. [P] a interjeté appel du jugement par déclaration du 30 septembre 2019 enregistrée sous le numéro de procédure 19/03611.

Prétentions de M. [P], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 6 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [P] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de :

- déclarer nul son licenciement et de nul effet,

- condamner en conséquence la société FR Plomberie à lui payer la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 6 966,87 euros à titre d'indemnité de préavis, augmentée d'un mois eu égard à son statut de travailleur handicapé, outre la somme de 696,68 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 1 827,51 euros au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement,

subsidiairement,

- condamner la société FR Plomberie à lui payer la somme de 85 000 euros nets de CSG/CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter la société FR Plomberie de son appel incident comme étant mal fondé.

L'appelant sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal à compter de l'introduction de la demande, soit le 6 décembre 2018, la remise d'un certificat de travail portant mention du préavis et d'une attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, la cour se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte, une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, devront être supportées par la société défenderesse, outre la condamnation de l'intimée aux entiers dépens lesquels comprendront les frais et honoraires d'exécution de la présente décision, et qui seront recouvrés par Me Mélina Pedroletti, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prétentions de la société FR Plomberie, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 29 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société FR Plomberie conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande donc à la cour d'appel de :

à titre principal,

- dire et juger que le licenciement de M. [P] n'est entaché d'aucune nullité,

- dire et juger le licenciement de M. [P] parfaitement fondé,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger le licenciement de M. [P] parfaitement fondé,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

à titre reconventionnel,

- infirmer le jugement entrepris,

- condamner M. [P] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

en tout état de cause,

- ordonner l'exécution provisoire.

Elle sollicite enfin une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 9 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 mars 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

À titre liminaire, la cour constate qu'elle n'est pas saisie de la demande de la société FR Plomberie, tendant à voir écarté des débats le compte rendu de l'entretien préalable rédigé par le conseil du salarié, au motif qu'il n'a pas été signé par l'employeur, dès lors que cette demande, développée dans les motifs de ses conclusions, ne figure pas au dispositif.

Sur le licenciement

Par courrier du 16 novembre 2018, la société FR Plomberie a notifié à M. [P] son licenciement dans les termes suivants :

" Pour rappel votre arrêt de travail initial date du 1er février 2018 au 21 mars 2018. Vous avez eu un nouvel arrêt à compter du 27 mars 2018, lequel a été renouvelé à six reprises jusqu'à ce jour.

Ainsi, à l'occasion de cet entretien il vous a été exposé la problématique de cette situation. En effet, celle-ci entraîne de graves perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise. Votre qualification professionnelle, à savoir plombier compagnon professionnel de position 2, fait de vous l'ouvrier le plus qualifié. Par conséquent, votre expérience est essentielle à la bonne réalisation des chantiers. De surcroît, en raison de vos compétences, vous vous occupiez notamment de transmettre votre savoir à l'apprenti. A cela, il convient d'ajouter que compte tenu du faible effectif de notre entreprise et de la qualification des autres salariés, la prolongation de votre absence entraîne des graves problèmes d'organisation au sein de l'entreprise. En effet, au sein de l'entreprise, nous avons l'habitude de travailler en binôme. Par conséquent, votre absence impacte la constitution des équipes de travail étant donné que, pour établir celle-ci, nous prenons en compte les compétences des salariés.

En conséquence, votre absence désorganise considérablement la structure, situation que vous avez reconnu à l'entretien.

En effet, lors de la planification des chantiers, nous avons pris en compte la présence de vos compétences et de votre expérience pour évaluer la durée des chantiers. En raison du caractère non prévisible des absences, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en péril les chantiers à venir et à terme l'entreprise.

Au regard de cette situation, nous nous voyons contraint de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse afin de recruter une personne en CDI à compter du 20 novembre 2018 et ainsi répondre aux chantiers programmes."

M. [P] demande, à titre principal, que son licenciement soit dit nul, d'une part comme résultant d'une discrimination liée à son état de santé, d'autre part, comme étant intervenu en violation de la protection renforcée du salarié victime d'une maladie professionnelle et, à titre subsidiaire, qu'il soit dit infondé, la perturbation de l'entreprise et la nécessité de son remplacement définitif n'étant pas établies.

Concernant la discrimination en raison de l'état de santé du salarié

M. [P] prétend que son licenciement est nul car lié à son état de santé.

La société FR Plomberie soutient au contraire que le licenciement n'est pas en lien avec l'état de santé du salarié mais est fondé sur la perturbation du fonctionnement de la société liée aux absences du salarié.

L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version résultant de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, applicable au litige, dispose : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ».

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [P] se limite toutefois ici à affirmer que son licenciement est fondé sur sa maladie, au regard des termes de la lettre de licenciement, sans présenter d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.

Or, si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, ayant entraîné la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.

Tel est le motif soutenu par l'employeur en l'espèce, sans que le salarié ne rapporte la preuve d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.

M. [P] sera dès lors débouté de sa demande de nullité fondé sur une discrimination.

Concernant la protection renforcée des victimes de maladie professionnelle

M. [P] prétend encore à la nullité de son licenciement au motif qu'il doit bénéficier des règles protectrices relatives à la maladie professionnelle.

Ces règles s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie.

Tel est le cas en l'espèce puisque le salarié rapporte la preuve que son employeur avait connaissance de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, celui-ci justifiant que la société FR Plomberie a écrit à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie le 5 septembre 2018 pour contester cette reconnaissance de maladie professionnelle en ces termes : « Par lettre du 17 août 2018, dont copie est jointe à ce courrier, vos services étudient la déclaration de maladie professionnelle de M. [R] [P]. Cette potentielle qualification en maladie professionnelle nous apparaît contestable pour différents motifs (') » (pièce 21 du salarié).

L'article L. 1226-9 du code du travail dispose, en cas de maladie d'origine professionnelle : « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ».

Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-9 est nulle en application des dispositions de l'article L. 1226-13 du code du travail.

Aux termes de la lettre de licenciement, la rupture n'est intervenue, ni pour faute grave, ni pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie.

En conséquence, M. [P] aurait dû bénéficier de la protection renforcée des victimes de maladie professionnelle, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner la demande subsidiaire, par infirmation du jugement entrepris.

Sur l'indemnisation du salarié

Conséquence de la nullité du licenciement prononcé à son égard, M. [P] peut prétendre à différentes indemnités.

Indemnité pour licenciement nul

Étant retenu que M. [P] ne demande pas sa réintégration, au regard de son âge au moment du licenciement (48 ans), de son ancienneté (2,5 ans), du salaire qui lui était versé (2 322,29 euros), des conséquences de la nullité du licenciement à son égard, il y a lieu de fixer les dommages-intérêts dus à M. [P] en fonction du préjudice subi à la somme de 15 000 euros.

Indemnité compensatrice de préavis

M. [P] sollicite la condamnation de la société FR Plomberie à lui verser la somme de 6 966,87 euros outre les congés payés afférents à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

M. [P] n'a cependant pas exécuté son préavis, étant en arrêt de travail au moment de la rupture, sans que cette inexécution soit imputable à l'employeur, aucune discrimination n'ayant été retenue.

Cette demande sera dès lors rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Indemnité spéciale de licenciement

L'alinéa 1er de l'article L. 1226-14 du code du travail dispose : « La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 ».

M. [P], qui ne remplit pas les conditions d'octroi d'une indemnité spéciale de licenciement, au regard des dispositions de l'article L. 1226-14 sus-visées, sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'abus de procédure du salarié

La société FR Plomberie sollicite l'allocation d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Elle fait valoir que les apprentis qui ont travaillé avec M. [P] ont témoigné du désintérêt du salarié pour son travail. Elle souligne encore que M. [P], qui a demandé la reconnaissance d'une maladie professionnelle et qui est en arrêt de travail, participe pourtant à des concours canins.

M. [P] oppose qu'il n'a fait qu'exercer légitimement son droit de recours dans la mesure où les premiers juges ont fait une inexacte application de la loi.

Compte tenu de la teneur de la décision rendue, la société FR Plomberie, qui ne caractérise ni faute de M. [P] susceptible de commander l'octroi de dommages-intérêts, ni préjudice, sera déboutée de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Conformément à l'article 1231-6 du code civil, les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances de salaires, soit le 6 décembre 2018, et à compter de l'arrêt pour les créances indemnitaires.

Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt

M. [P] apparaît bien fondé à solliciter la remise par la société FR Plomberie d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, ces documents devant être conformes au présent arrêt.

Il n'y a pas lieu, en l'état des informations fournies par les parties, d'assortir cette obligation d'une astreinte comminatoire. Il n'est en effet pas démontré qu'il existe des risques que la société FR Plomberie puisse se soustraire à ses obligations.

Sur l'exécution provisoire

Cet arrêt étant rendu en dernier ressort sans que soit ouverte la voie de l'opposition, il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

La société FR Plomberie, qui succombe dans ses prétentions, supportera les entiers dépens, qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, par Me Mélina Pedroletti, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aucune des circonstances de la cause ne conduit à dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret n°2001-212 du 8 mars 2001 modifiant le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers, devront être supportées par la société intimée.

La société FR Plomberie sera en outre condamnée à payer à M. [P] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 3 000 euros.

Elle sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera infirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres le 12 septembre 2019, excepté en ce qu'il a débouté M. [R] [P] de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et du solde de l'indemnité spéciale de licenciement et en ce qu'il a débouté la SARL FR Plomberie de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT nul le licenciement prononcé par la SARL FR Plomberie à l'égard de M. [R] [P],

CONDAMNE la SARL FR Plomberie à payer à M. [R] [P] la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

CONDAMNE la SARL FR Plomberie à payer à M. [R] [P] les intérêts de retard au taux légal à compter du 6 décembre 2018 sur les créances contractuelles et à compter de l'arrêt sur les créances indemnitaires,

ORDONNE à la SARL FR Plomberie de remettre à M. [R] [P] un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt,

DÉBOUTE M. [R] [P] de sa demande d'astreinte,

CONDAMNE SARL FR Plomberie à payer à [R] [P] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SARL FR Plomberie de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE la SARL FR Plomberie au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, par Me Mélina Pedroletti, avocat au barreau de Versailles,

DÉBOUTE M. [R] [P] de sa demande au titre de l'article 10 du décret n°2001-212 du 8 mars 2001 modifiant le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Isabelle Vendryes, présidente, et par Mme Élodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03611
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;19.03611 ?
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