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20/04/2022 | FRANCE | N°19/03150

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 20 avril 2022, 19/03150


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 AVRIL 2022



N° RG 19/03150

N° Portalis DBV3-V-B7D-TMCY



AFFAIRE :



[E] [B]



C/



SAS BUTARD ENESCOT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : C

N° RG : F 17/00566



Copies e

xécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Aurélie DEVAUX



Me Elvire DE FRONDEVILLE



Copie numérique adressée à :



Pôle Emploi







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2022

N° RG 19/03150

N° Portalis DBV3-V-B7D-TMCY

AFFAIRE :

[E] [B]

C/

SAS BUTARD ENESCOT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : C

N° RG : F 17/00566

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aurélie DEVAUX

Me Elvire DE FRONDEVILLE

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [B]

né le 7 août 1955 à [Localité 7] - TUNISIE

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Aurélie DEVAUX, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 417 et Me Belkacem TIGRINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS BUTARD ENESCOT

N° SIRET : 391 827 375

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Elvire DE FRONDEVILLE de la SELARL ARBOR, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1185

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 24 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section commerce) a :

- dit que le licenciement de M. [E] [Y] est légitime,

- débouté M. [Y] de toutes ses demandes,

- mis les éventuels dépens à la charge de M. [Y].

Par déclaration adressée au greffe le 2 août 2019, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 31 octobre 2019, M. [Y] demande à la cour de :

- le dire recevable en ses demandes,

- infirmer le jugement de la section commerce du conseil de prud'hommes de Nanterre du 24 juin 2019 (R.G 17/ 00566) en ce qu'il a :

. dit que son licenciement est légitime,

. l'a débouté de toutes ses demandes,

. mis les éventuels dépens à sa charge,

statuant de nouveau,

- dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement,

- condamner en conséquence la société Butard Enescot à lui payer les sommes suivantes :

. 75 520 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 3 776 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 377, 6 euros à titre de congés payés afférents,

. 25 331 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 11 328 euros à titre de rappel de salaire du 18 avril 2015 au 13 octobre 2015,

. 1 132,8 euros à titre de congés payés afférents,

- ordonner la délivrance d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paye conformément au prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter d'un délai de 30 jours à partir de la date de notification de la décision à intervenir,

- condamner la société Butard Enescot aux entiers dépens de l'instance et à l'intérêt au taux légal avec capitalisation à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner la société Butard Enescot à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe le 27 janvier 2020, la société Butard Enescot demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes,

en conséquence,

- dire bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [Y],

à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation,

- requalifier le licenciement de M. [Y] en licenciement pour cause réelle et sérieuse avec impossibilité de reclassement,

- limiter ses condamnations à la somme de 25 331 euros au titre de l'indemnité de licenciement et 8 024 euros bruts à titre de rappel de salaires,

- débouter M. [Y] du surplus de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner M. [Y] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

LA COUR,

La société Butard Enescot exerce une activité de traiteur, d'organisation de réception, manifestations et préparation de repas.

Par avenant du 23 novembre 2005, le contrat de travail de M. [E] [B] a été transféré de la société Privilèges Traiteur à la société Butard Enescot avec reprise d'ancienneté au 20 septembre 1971 en qualité de pâtissier.

L'affectation du salarié a été fixée sur l'établissement de [Localité 6], laboratoire de la société.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

L'effectif de la société était de plus de 10 salariés.

M. [Y] a été en arrêt de travail à compter du 23 juin 2014.

Le 17 juillet 2014, la société Butard Enescot a effectué une déclaration d'accident du travail avec les réserves suivantes: « informations tardives de la victime + enquête contradictoire diligentée par l'entreprise auprès des collègues ».

Par lettre du 22 septembre 2014, la CPAM a notifié à la société Butard Enescot le refus de reconnaissance du caractère professionnel de l'arrêt de travail de M. [Y].

Le 22 janvier 2015, à l'issue d'un seul examen en raison d'un danger immédiat, le médecin du travail a déclaré inapte M. [Y] au titre de la maladie.

Le 25 février 2015, la société Butard Enescot a contesté l'avis d'inaptitude de M. [Y].

Par décision en date du 17 avril 2015, l'inspectrice du travail a annulé l'avis d'inaptitude du 21 janvier 2015 et a déclaré M. [Y] apte sous réserve que son poste ne soit pas basé à [Localité 6], qu'il n'y ait pas de station debout prolongée, qu'il n'y est pas de conduite d'engins, que ses horaires soient réguliers et en journée (pas de travail de nuit).

Par lettre du 26 avril 2015, M. [Y] a contesté la décision auprès de l'inspection du travail.

Par lettre du 3 mai 2015, M. [Y] a également formé un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspection du travail.

Par lettre du 4 mai 2015, la société Butard Enescot a convoqué M. [Y] à un entretien en date du 12 mai 2015 suite à la décision du 17 avril 2015 rendue par l'Inspection du travail pour lui présenter le poste d'équipier dans la filiale située à Paris, la société des Pavillons Parisiens.

L'entretien s'est effectivement tenu le 12 mai 2015.

Par lettre du 13 mai 2015, la société Butard Enescot a rappelé à M. [Y] qu'il devait rejoindre le 25 mai 2015 le poste proposé d'équipier aux Pavillons Parisiens situés à [Localité 5].

Par lettre du 22 mai 2015, M. [Y] a rappelé qu'il est pâtissier et a refusé d'être affecté au poste d'équipier, ce qui correspondait pour lui à une rétrogradation ou une sanction.

Par lettre du 8 juin 2015, M. [Y] a été mis en demeure de reprendre son poste de travail aux Pavillons de [Localité 8] ou de justifier de son absence.

Par décision du 6 juillet 2015, le ministre du travail a annulé la décision du 17 avril 2015 et déclaré M. [Y] inapte à son poste de pâtissier au sein de l'entreprise Butard Enescot, établissement de [Localité 6], précisant que 'la santé mentale de M. [Y] est gravement altérée depuis un différend ayant généré des violences physiques en juin 2014". Le ministre du travail l'a également déclaré apte à un poste similaire ou à un poste en cuisine avec la possibilité de s'asseoir (siège à disposition), avec des horaires réguliers, sans travail de nuit ni conduite de véhicules.

Par lettres du 7 juillet puis 5 août 2015, M. [Y] a été mis en demeure de reprendre son poste de travail.

Par lettre du 7 septembre 2015, la société Butard Enescot a constaté que le salarié ne s'était toujours pas présenté et qu'il se trouvait en absence injustifiée.

Par lettre du 25 septembre 2015, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 7 octobre 2015.

Par lettre du 3 octobre 2015, M. [Y] a confirmé son refus.

M. [Y] a été licencié par lettre du 13 octobre 2015 pour faute grave dans les termes suivants:

« Nous envisagions à votre égard une mesure de licenciement. Au cours de cet entretien, vous aviez la possibilité, de vous faire par toute personne de votre choix appartenant à l'entreprise.

L'entretien ne s'est pas tenu, puisque vous ne vous êtes pas présenté à notre convocation ; vous n'avez pas non plus contacté un membre de l'entreprise ou de la Direction pour justifier de votre absence.

Nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave selon les raisons que nous avons retenues et qui se caractérisent par :

En date du 17 avril 2015, la DIRECCTE des Hautes de Seine (Inspection du Travail) annulait l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du Travail Dr [X] [J], du 21 janvier 2015 suite à notre contestation du 25 février 2015.

La DIRECCTE, au vue de l'enquête réalisée et l'avis médical émis par la Dr [U] le 13 avril 2015, a conclu :

'Monsieur [E] [Y] est apte sous réserves que :

- Son poste ne soit pas basé à [Localité 6],

- il n'y ait pas de station debout prolongé,

- il n'y ait pas de conduite d'engins, ses horaires soient réguliers et en journée (pas de travail de nuit)'.

C'est ainsi, que nous vous recevions à un entretien le 12 mai 2015, pour vous proposer de rejoindre les équipes de la société des PAVILLONS PARISIONS « le [Adresse 9] » située [Adresse 4] en qualité d'Equipier.

Le poste qui répondait aux demandes et préconisations de la DIRECCTE vous a été confirmé par LRAR datée du 13 mai 2015, avec une date de prise de fonction fixée au 25 mai 2015.

Le poste consistait à :

- la préparation et l'élaboration des repas du personnel, poste en cuisine (15 salariés fixes)

- l'accueil et la surveillance des livraisons des fournisseurs.

Convention collective identique : hôtels, cafés, restaurants.

Poste à temps complet, rémunération annuelle, statut, niveau échelon : conservés à l'identique.

Le poste proposé avait été aménagé pour respecter les préconisations des instances médicales de l'inspection du Travail :

- pas de station debout prolongée (contrairement au poste de pâtissier),

- pas de conduite d'engins.

- horaires réguliers et en journée : horaire de 7h00 à 16h00 avec 1 pause de 1 heure pour le repas

- repos hebdomadaire : samedi et dimanche, (contrairement au poste de pâtissier : 2 jours de repos consécutifs ou non en fonction de l'activité).

Nous n'avons eu de cesse que de vous mettre en demeure de reprendre le travail par LRAR du :

- 08 juin 2015 / 07 juillet 2015 / 05 août 2015 / 07 septembre 2015,

et de constater que :

- vous ne vous étiez pas présenté depuis le 25 mai 2015 au [Adresse 9],

- vous n'aviez jamais pris contact avec le Directeur du Site Monsieur [V] [Z] en vue d'intégrer les équipes.

- vous êtes en absence injustifiée de longue durée.

De votre côté, vous vous êtes employé à refuser systématiquement ce reclassement, en refusant d'occuper le poste d'équipier qui pourtant n'est absolument pas un poste rétrogradé, mais effectivement allégé dans les tâches quotidiennes devait être réalisées, et ce pour prendre en considération les préconisations du Médecin de l'inspection du travail.

Cette situation ne pouvant perdurer plus longtemps pour des raisons préjudiciables au bon fonctionnement de l'entreprise, nous amène à vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre recommandée AR à votre domicile, sans indemnité de préavis ni indemnité de licenciement. »

Le 13 mars 2017, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Sur la rupture :

Le salarié fait valoir qu'il était en droit de refuser toute modification de sa fonction contractuelle de pâtissier qu'il exerçait depuis 1971 ainsi que sa mutation au sein d'une nouvelle société ' la société des pavillons parisiens ' sur le site du [Adresse 9].

Il ajoute que la société Butard Enescot ne lui a pas proposé une simple mutation mais une modification de sa fonction contractuelle, ce qui ne pouvait avoir lieu sans son accord.

Le salarié explique que son seul refus d'accepter une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu'il était parfaitement en droit de refuser la proposition de reclassement faite par l'employeur, sans être en absence injustifiée.

Il expose que la société aurait dû tirer les conséquences de son refus en lui faisant une nouvelle proposition de reclassement ou en engageant une procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

En réplique, l'employeur indique avoir proposé le 9 mai 2015 un poste compatible avec la décision de l'inspection du travail puis du ministre du travail, ayant réitéré sa proposition y compris après cette dernière décision, le salarié ne daignant pas répondre aux dernières lettres, ni se présenter à son poste de travail pendant six mois de sorte qu'elle n'a alors pas eu d'autre choix que de le licencier pour faute grave.

L'employeur souligne la mauvaise foi du salarié dans l'exécution de son contrat de travail et sa persistance à soutenir avoir été victime de violences par un de ses collègues le 20 juin 2014 alors que les résultats de l'enquête ont conclu à l'absence d'agression et que la CPAM n'a pas qualifié l'incident d'accident du travail.

Il soutient qu'il a respecté les préconisations médicales et a proposé au salarié un poste adapté à ses capacités physiques, qui correspond à la même classification que celle de son ancien poste comprenant des tâches équivalentes avec un salaire mensuel supérieur à celui qu'il percevait précédemment. Il ajoute qu'il avait le droit de changer d'affectation M. [Y] en application du contrat de travail.

L'employeur soutient qu'il a respecté les réserves figurant dans l'avis d'aptitude avec réserve du 17 avril 2015, mais il ne peut qu'être constaté qu'il a modifié la qualification du salarié en l'affectant à un poste d'équipier alors qu'en application de son contrat de travail il était embauché en qualité de pâtissier.

La clause du contrat de travail prévoyant que la société se réserve le droit de changer d'affectation dont il se prévaut concerne le lieu d'affectation et non le poste occupé.

Au surplus, le changement d'affectation était accompagné d'un changement d'employeur.

De ces éléments il résulte que la société par son courrier du 13 mai 2015 a imposé au salarié une modification de son contrat de travail, que celui-ci, peu important les réserves de l'avis d'aptitude, était en droit de refuser.

Il convient donc, infirmant le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture :

Le salarié doit être indemnisé sur le fondement de l'article L.1235-3 dans sa version applicable à l'espèce qui prévoit qu'il a droit à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, 10 ans environ, de son niveau de rémunération,

1 888 euros, de son âge au moment de la rupture, 60 ans et de ce qu'il a perçu jusqu'au 31 août 2017 l'allocation Pôle emploi, il convient de dire que le préjudice qui résulte, pour lui, de la rupture de son contrat de travail sera réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 euros, somme au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.

Le salarié sollicite en outre le versement d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaires, contestée par l'employeur qui soutient qu'elle n'est pas due puisque l'inaptitude n'est pas d'origine professionnelle.

Toutefois, si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il sera également fait droit à la demande au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Infirmant le jugement, il sera alloué au salarié la somme de 3 776 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 377,60 euros bruts ainsi que la somme de 25 331 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, montants non contestés utilement.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur le rappel de salaire :

M. [Y] fait valoir que n'ayant pas procédé à une proposition de poste de reclassement acceptée de sa part à l'issue du délai d'un mois après la visite médicale du 22 janvier 2015, la société Butard Enescot aurait dû soit le licencier soit reprendre le paiement de son salaire à compter du 18 avril 2015 jusqu'au 12 octobre 2015.

La société Butard Enescot s'oppose à la demande et indique que si la demande est recevable, elle sollicite de limiter la période du 18 avril au 9 juillet 2015 puis du 9 août au 13 octobre 2015, date de la rupture du contrat.

Aux termes de l'article L 1226-4, l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ce délai d'un mois ne peut être ni prorogé ni suspendu et l'exercice notamment du recours en contestation de l'avis d'inaptitude est sans effet sur le délai.

L'obligation légale de reprise du paiement du salaire prend fin à la date à laquelle l'employeur reclasse ou licencie le salarié inapte.

Le salaire de M. [Y] a été maintenu par la société Butard Enescot jusqu'au 17 avril 2015, date de la décision de l'inspection du travail annulant l'avis d'inaptitude du 21 janvier 2015.

L'exercice du recours du salarié devant le ministre du travail n'a pas suspendu le délai d'un mois imparti à l'employeur puisqu'il lui appartenait d'attendre la décision administrative pour pouvoir, éventuellement écarter l'hypothèse d'un licenciement pour inaptitude obligeant le maintien du paiement du salaire après le délai d'un mois jusqu'au reclassement ou au licenciement.

C'est donc à juste titre que le salarié, qui était fondé à refuser le poste proposé, peut se prévaloir d'un rappel de salaire depuis la décision du médecin du travail jusqu' à la rupture.

Infirmant le jugement, l'employeur sera condamné à lui verser la somme de 11 328 euros, outre les congés payés afférents.

Sur la remise des documents :

Il conviendra de donner injonction à la société Butard Enescot de remettre à M. [Y] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les intérêts :

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l=employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu=ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] les frais par lui exposés en première instance et en cause d'appel non compris dans les dépens à hauteur de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

DIT le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS Butard Enescot à payer à M. [E] [B] les sommes suivantes :

. 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 11 328 euros à titre du rappel de salaires,

. 1 132,80 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

. 3 776 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 377, 60 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 25 331 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,

ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu=ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,

REJETTE la demande d'astreinte,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SAS Butard Enescot à payer à M. [E] [B] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS Butard Enescot aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l=arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l=article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

                                                                                                             

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03150
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;19.03150 ?
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