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20/04/2022 | FRANCE | N°19/03144

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 20 avril 2022, 19/03144


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 AVRIL 2022



N° RG 19/03144

N° Portalis DBV3-V-B7D-TMBW



AFFAIRE :



[P] [D]



C/



SAS PERMASTEELISA FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F15/02122



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT



Me Isabelle LE COQ







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a ren...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2022

N° RG 19/03144

N° Portalis DBV3-V-B7D-TMBW

AFFAIRE :

[P] [D]

C/

SAS PERMASTEELISA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F15/02122

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT

Me Isabelle LE COQ

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [D]

né le 2 juin 1958 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629

APPELANT

****************

SAS PERMASTEELISA FRANCE

N° SIRET : 418 155 636

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Isabelle LE COQ de l'AARPI BMH AVOCATS BREITENSTEIN HAUSER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R216

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 17 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- dire que le licenciement par la société Permasteelisa France de M. [P] [D] :

. n'est pas lié à son état de santé,

. est lié à la perturbation apportée au bon fonctionnement du service par des absences prolongées rendant nécessaire son remplacement définitif,

- débouté M. [D] de sa demande de nullité de son licenciement,

- débouté M. [D] de sa demande de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- débouté M. [D] de sa demande de réintégration,

- débouté M. [D] de sa demande de paiement de l'intégralité des salaires et accessoires,

- débouté M. [D] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [D] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration adressée au greffe le 1er août 2019, M. [D] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 25 octobre 2019, M. [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ces demandes,

en conséquence,

à titre principal,

- dire que le licenciement prononcé à son encontre est discriminatoire puisque lié en réalité à l'état de santé du salarié,

en conséquence,

- dire en conséquence que le licenciement prononcé est nul,

- ordonner la réintégration du salarié et le paiement de l'intégralité de ses salaires et accessoires à compter du 21 janvier 2015 (date du licenciement) jusqu'à sa réintégration effective sur la base de son salaire brut à hauteur de 3 478 euros,

- condamner la société Permasteelisa à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- dire que son absence n'a pas désorganisé le bon fonctionnement de l'entreprise,

- constater qu'il a en réalité été remplacé à titre définitif par M. [V] près de deux années avant son licenciement,

- constater que M. [X] ne l'a jamais remplacé à titre définitif contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de licenciement,

- dire que le remplacement définitif du salarié par M. [V] n'a pas été pourvu par un recrutement extérieur,

- dire que pour l'ensemble de ces raisons, le licenciement prononcé à l'encontre de M. [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la société Permasteelisa à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 94 440 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande devant le conseil de prud'hommes de Nanterre,

- condamner la société Permasteelisa à lui verser en cause d'appel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe le 22 janvier 2020, la société Permasteelisa France demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et l'y dire bien fondée,

par conséquent,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes du 17 juillet 2019,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [D] à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens.

LA COUR,

La société Permasteelisa France a pour activité principale la conception et la réalisation de projets architecturaux nécessitant une haute technicité.

M. [P] [D] a été engagé par la société Permasteelisa France en qualité de chef de chantier ETAM par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 avril 2001.

Le 1er janvier 2008, M. [D] a été promu responsable du service après-vente et a bénéficié du statut ' cadre ', exerçant ses fonctions sous l'autorité du directeur général de la société.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective régionale du bâtiment ingénieur assimilé cadre de la région parisienne.

M. [D] percevait une rémunération brute mensuelle de 3 478 euros.

L'effectif de la société était de plus de 10 salariés lors de la rupture.

En septembre 2010, le salarié a rencontré des problèmes coronariens et a eu une intervention cardiaque en janvier 2011, nécessitant un arrêt de travail.

Le 06 juillet 2012, la société Permasteelisa France a notifié un avertissement à M. [D], qui l'a contesté et qui a été maintenu par l'employeur.

M. [D] a été en arrêt maladie pour ' état dépressif ' du 10 juillet 2012 jusqu'au 19 août 2012.

Le 12 septembre 2012, M. [D] a été victime d'un accident de travail et la CPAM a reconnu son caractère professionnel.

Le salarié a été arrêté le 13 septembre 2012 et a ensuite bénéficié de prolongations d'arrêt de travail.

Le 30 septembre 2013, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu à l'aptitude de M. [D] avec reprise à mi-temps thérapeutique à un poste sédentaire au bureau, sans aucune manutention ni tâche nécessitant des mouvements de flexion du dos : en travaillant tous les jours par demi-journée, la situation étant à revoir à la reprise à plein temps.

Par lettre du 21 octobre 2013, la société Permasteelisa France a proposé à M. [D] une mission temporaire de trois mois, qu'il a acceptée, visant à mettre en place une procédure de suivi précis des stocks du dépôt situé à Plessis-Trévise dans le Val de Marne, et ce après consultation du médecin du travail,

A la demande de la société Permasteelisa France, M. [D] a été examiné le 20 janvier 2014 et le médecin du travail a renouvelé les précédentes restrictions.

M. [D] a été titulaire d'une carte de travailleur handicapé le 30 janvier 2014.

Par lettre du 28 janvier 2014, la société Permasteelisa France a demandé au médecin du travail de convoquer une nouvelle fois M. [D] afin d'émettre un nouvel avis sur son état de santé, précisant que la mission était terminée et qu'elle n'avait pas de nouvelle mission à lui confier permettant un mi-temps thérapeutique sur un poste sédentaire.

Comme cela résulte des bulletins de paie et des arrêts de travail (pièces S n°26-16) le salarié a travaillé à mi-temps thérapeutique jusqu'au 14 avril 2014.

A partir du 16 avril 2014, il a été en arrêt de travail total.

Par lettre du 17 novembre 2014, M. [D] a demandé à la société Permasteelisa France d'obtenir un poste aménagé, indiquant que seul un mi-temps thérapeutique lui a été proposé du 14 octobre 2013 au 14 avril 2014.

Le 4 décembre 2014, la société Permasteelisa France a accusé réception de l'envoi de la carte de personne handicapée adressée par M. [D].

Par lettre du 5 novembre 2014, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 17 novembre 2014.

Par lettre du 17 novembre 2014, M. [D] a fait savoir qu'il souhaitait bénéficier d'un poste aménagé et a fait part de sa qualité de travailleur handicapé.

Le 4 décembre 2014, la société Permasteelisa France a invité M. [D] à prendre rendez-vous avec la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise.

Par lettre du 19 décembre 2014 adressé à l'employeur, le médecin du travail a notamment indiqué 'être dans l'impossibilité de me prononcer sur l'aptitude actuelle, son état de santé n'est toujours pas stabilisé, il est toujours en arrêt de travail, il ne peut pas travailler actuellement, ces arrêts de travail sont justifiés.'. 

M. [D] a été licencié par lettre du 21 janvier 2015 pour « désorganisation importante et durable du fonctionnement de l'entreprise » dans les termes suivants :

« Votre absence prolongée résultant de vos arrêts successifs désorganise considérablement le Service Après-Vente et les conclusions du médecin du travail ne nous permettent pas d'envisager avec optimisme une stabilisation de votre état dans les prochains mois.

Nous avons, pour pallier votre absence, transféré provisoirement une partie de vos fonctions, à savoir le SAV Façades, à Monsieur [V] chargé du Service Après-Vente Cloisons.

Le 2 novembre 2014, Monsieur [V] a cependant réitéré sa demande, formulée déjà en 2013, visant l'affectation d'un autre salarié au Service Après-Vente pour faire face à la charge de travail qu'il ne pouvait plus assurer seul. Nous avons alors demandé à Monsieur [X] de rejoindre le Service Après-Vente afin de décharger provisoirement Monsieur [V] d'une partie de ses fonctions.

Votre absence prolongée nous contraint à vous remplacer au poste de Responsable du Service Après-Vente par Monsieur [X] et à procéder au recrutement d'un salarié pour occuper les anciennes fonctions de celui-ci ».

Le 16 juillet 2015, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester son licenciement et obtenir sa réintégration.

Sur la rupture :

Le salarié fait valoir que le licenciement est intervenu en raison de sa maladie, consécutive à de graves problèmes de santé entraînant une intervention chirurgicale cardiaque en janvier 2011 et un arrêt de travail, la société Permasteelisa France cherchant ensuite à se débarrasser de lui.

Il explique que l'employeur a tenté de trouver un prétexte pour le licencier dès qu'il a eu connaissance de ses problèmes de santé sans chercher à le reclasser sérieusement de sorte que le licenciement est nul.

A titre subsidiaire, le salarié ajoute que les conditions cumulatives nécessaires au licenciement résultant de l'absence d'un salarié désorganisant l'activité de la société et nécessitant son remplacement définitif ne sont pas rapportées par l'employeur, le licenciement étant alors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En réplique, l'employeur soutient que le licenciement est fondé sur la désorganisation de l'entreprise provoquée par l'absence prolongée de M. [D] et la nécessité de procéder à son remplacement définitif.

L'employeur conteste que le licenciement a été prononcé en raison de l'état de santé ou du handicap du salarié et réfute avoir cherché à 'monter un dossier' contre lui pour mettre fin à son contrat depuis qu'il a eu connaissance de l'intervention chirurgicale cardiaque en 2011.

. Sur la nullité du licenciement

Aux termes des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail, dans leur version applicable à l'espèce, aucune personne ne peut notamment être licenciée en raison de son état de santé et toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

Selon les dispositions de l'article L.1134-1, en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le salarié fait valoir qu'à son retour d'arrêt de travail suite à son opération cardiaque, il a été rétrogradé et placé sous l'autorité de M. [V], qu'il s'est vu notifier le 19 juillet 2012 un avertissement pour manque d'implication dans son travail, avertissement que l'employeur n'a pas voulu annuler malgré ses nombreuses contestations et qu'à la suite de l'avis d'aptitude à temps partiel l'employeur l'a affecté sur une mission dévalorisante de suivi des stocks sur [Localité 3] au mois d'octobre 2013.

Il ajoute qu'il a été à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie à partir du 17 janvier 2014 avec préconisation de mi-temps thérapeutique, que l'employeur n'a fait aucun effort pour lui trouver un poste adapté aux restrictions alors qu'il bénéficiait du statut de travailleur handicapé et qu'il s'est hâté de le licencier pour désorganisation afin de ne pas avoir à rechercher un poste de reclassement.

S'agissant de la rétrogradation, l'employeur a décidé à compter du mois de février 2011, un mois après l'intervention chirurgicale du salarié, de fusionner deux services SAV, façades et cloisons, sous la responsabilité de M. [V] pour ne conserver qu'un service SAV.

Il n'est pas discuté qu'auparavant M. [D] et M. [V] étaient chacun en charge d'un service SAV distinct, le premier en tant que responsable du service après-vente Façades et M. [V] du service après-vente Cloisons, aucune relation hiérarchique n'existant alors entre les deux salariés.

Dans l'avertissement du 2 août 2012, la société Permasteelisa France explique à M. [D] qu'elle a décidé de fusionner les deux services SAV sous la responsabilité de M. [V] afin de mutualiser les moyens des deux services et pouvoir mieux répondre aux besoins des clients, lui-même étant l'adjoint de M. [V].

Ainsi, M. [D] est demeuré responsable du SAV Façades et a d'ailleurs repris son poste dans ces conditions plusieurs mois en 2011 et 2012 sans établir qu'il s'est retrouvé sans emploi en raison d'un doublon avec M. [V] ou qu'il a été gêné par la présence de ce dernier dans ses prises de décisions pour son propre service Façades ou que ses responsabilités ont été réduites.

Jusqu'à la rupture, M. [D] a d'ailleurs perçu un salaire en qualité de responsable SAV.

L'ajout d'un échelon hiérarchique intermédiaire entre un salarié et le président de la société n'implique pas en soi une rétrogradation ou un déclassement, dès lors que les fonctions et les responsabilités du salarié ne sont pas modifiées.

Au cas présent, l'employeur a procédé à une réorganisation interne dans laquelle M. [D] a conservé son ancien poste et la création d'un échelon intermédiaire entre lui et le directeur général n'a pas été constitutive de la rétrogradation alléguée.

Pas davantage, M. [V] n'a remplacé M. [D] sur son poste, M. [V] indiquant lors de son évaluation qu'il souhaitait que le salarié absent soit remplacé.

Le fait n'est pas établi.

S'agissant de l'avertissement, l'employeur ne démontre pas la réalité des faits reprochés et il est constant qu'il a refusé de l'annuler.

S'agissant de la mission de trois mois dévalorisante et visant à le décourager après la visite de reprise du 30 septembre 2013, le salarié a accepté la mission sans aucune réserve en donnant son accord sur la lettre le lui proposant et l'a accompli pendant presque six mois sans aucune critique. Le caractère dévalorisant de cette mission n'est pas démontré.

S'agissant de l'absence de proposition de travail à temps partiel, l'employeur a sollicité à de multiples reprises le médecin du travail et celui-ci dans sa lettre du 19 décembre 2014 n'a pas précisé la date de reprise du salarié, indiquant seulement que dans ce cas il renouvellerait son aptitude avec restriction.

Finalement le seul avertissement injustifié en date du 6 juillet 2012, l'absence de proposition de poste à mi-temps thérapeutique à partir du mois d'avril 2014 pour un licenciement prononcé seulement le 21 janvier 2015 alors que le salarié était à nouveau en arrêt de travail ne laissent pas présumer l'existence d'une discrimination sur l'état de santé.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir dire le licenciement nul.

. Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Si la maladie ne peut en elle-même constituer une cause légitime de rupture du contrat de travail, ses conséquences peuvent dans certains cas justifier la rupture. C'est ainsi que l'absence prolongée du salarié ou ses absences répétées peuvent constituer un motif réel et sérieux de rupture en raison de la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement serait perturbé, obligeant l'employeur à pourvoir au remplacement définitif du salarié.

Dans cette hypothèse, il appartient à l'employeur d'établir à la fois la perturbation engendrée par le prolongement de l'absence du salarié ou ses absences répétées et la nécessité du remplacement définitif.

Le salarié a été absent du 12 septembre 2012 au 29 septembre 2013 puis à compter du 28 février 2014.

Le 19 décembre 2014, le médecin du travail a indiqué à l'employeur qu'il était dans l'impossibilité de se prononcer sur l'aptitude du salarié dont l'état de santé n'était pas stabilisé, précisant: ' il est toujours en arrêt de travail: il ne peut pas travailler actuellement, ces arrêts de travail sont justifiés.'.

L'absence du salarié s'est ensuite prolongée et l'employeur n'avait pas connaissance de la date de reprise puisqu'au moment de l'entretien préalable, l'arrêt de travail avait été prorogé depuis plusieurs mois sans interruption et que peu avant la notification du licenciement, le médecin du travail ne donnait aucune perspective à court terme de retour de M. [D].

La succession des nombreux arrêts de travail pour maladie est donc établie et l'absence de prévisibilité de ces arrêts se déduit de leur caractère successif et de leur durée, M. [D] n'établissant pas que l'arrêt de travail allait trouver son terme un mois après la rupture.

La réalité et le sérieux du motif de licenciement s'apprécient au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur et c'est à la date du licenciement, le 21 janvier 2015, qu'il convient donc d'apprécier l'existence des perturbations dont se prévaut l'employeur et la nécessité du remplacement de le salarié malade.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur indique en introduction que l'absence du salarié désorganise l'entreprise mais explique ensuite que la désorganisation est effective au niveau du service après-vente.

L'absence du salarié doit affecter le fonctionnement de l'ensemble de l'entreprise et non du seul centre dans lequel il travaille, sauf si ce service présente un caractère essentiel.

La société Permasteelisa France, qui effectue des travaux de construction spécialisés, est une entreprise qui compte environ 40 salariés.

M. [D] était chargé notamment de gérer les interventions nécessaires sur les chantiers dans le cadre de la garantie de parfait achèvement et de la garantie décennale, de participer aux opérations d'expertise dans le cadre de la mise en 'uvre de ces garanties, de gérer la bonne réalisation des interventions en SAV et gérer le suivi des relations avec les sous-traitants auxquels faisait appel l'entreprise.

C'est donc à juste titre que l'employeur fait valoir que l'absence prolongée de M. [D] a perturbé la société dans son ensemble en raison de l'importance de son service et de son caractère indissociable à l'ensemble de l'activité.

La société Permasteelisa France établit également que :

- cette situation a engendré un surcroît de travail pour les autres salariés. M. [V] lors de son entretien d'évaluation en mars 2013 indique en premier lieu que son souhait le plus important est le remplacement de M. [D], que sa propre charge est très élevée et qu'il ne peut pas prendre en charge tous les projets, réitérant qu'il a une charge de travail trop importante lors de son entretien d'évaluation l'année suivante.

Par lettre de réponse du 12 novembre 2014, la société Permasteelisa France indique à

M. [V] qui lui fait part de ses difficultés que : 'elle a bien conscience que les arrêts de travail de M. [D], d'abord par intermittence et puis continue depuis plusieurs mois ont provoqué une désorganisation et une surcharge de travail, nous avons tenté d'apporter des solutions internes pour vous décharger de certains dossiers.'.

- que le service SAV intervient dans le suivi d'expertise d'importants chantiers dont les enjeux financiers pour la société sont conséquents.

- que la société a fait l'objet de relances de client dans l'attente de date d'intervention.

La perturbation du service auquel appartenait M. [D] a donc eu un impact sur les autres salariés et leur charge de travail.

Enfin, dans sa lettre à M. [V] du 12 novembre 2014, la société Permasteelisa France lui explique qu'elle a affecté M. [X], en fonction depuis 2000 dans l'entreprise, au département SAV en renfort, lequel aura un rôle plus commercial sur les dossiers façades.

Le 9 mars 2015, M. [I] est embauché en contrat à durée indéterminée et affecté au service SAV.

Le 3 août 2015, M. [R] est embauché en contrat à durée déterminée puis contrat à durée indéterminée en qualité de Projet Manager, emploi tenu auparavant lors de son embauche par M. [X].

Cette situation est confirmée par le registre unique du personnel, les organigrammes de la société dont celui mis à jour en septembre 2014, le planning de travail du service SAV à compter de janvier 2015 et les contrats respectifs de chaque salarié.

Certes, M. [X] atteste le 9 février 2019 que c'est M. [V] qui a remplacé M. [D] à compter du mois de mars 2013, M. [X] ajoutant qu'il a occupé le poste de chargé d'affaires jusqu'à son départ de l'entreprise.

Toutefois, ce témoignage n'est pas de nature à contredire les éléments précédents, à savoir le recrutement de M. [I].

Dès lors, la société Permasteelisa France a remplacé M. [D] par M. [X], lequel a été remplacé par M. [R], justifiant ainsi que M. [D] a été définitivement et effectivement remplacé dans un délai raisonnable de six mois.

En conséquence, l'employeur justifie de la désorganisation de l'entreprise en raison de l'absence du salarié et de la nécessité de son remplacement définitif.

Confirmant le jugement, il convient de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter la demande de dommages et intérêts de M. [D].

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

M. [D] qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l=article 700 du code de procédure civile ; toutefois, pour des raisons d=équité, il n=y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l=article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

REJETTE les demandes en application de l=article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] [D] aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l=arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l=article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

                                                                                                             

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03144
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;19.03144 ?
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