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20/04/2022 | FRANCE | N°19/03135

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 20 avril 2022, 19/03135


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 AVRIL 2022



N° RG 19/03135

N° Portalis DBV3-V-B7D-TMAG



AFFAIRE :



[W] [E] [R]



C/



SAS SIX-AXE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : E

N° RG : F 18/00078

>
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Aurélie THEVENIN



Me Claude BADIER



Copie numérique adressée à :



Pôle Emploi







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2022

N° RG 19/03135

N° Portalis DBV3-V-B7D-TMAG

AFFAIRE :

[W] [E] [R]

C/

SAS SIX-AXE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : E

N° RG : F 18/00078

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aurélie THEVENIN

Me Claude BADIER

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [E] [R]

né le 25 février 1970 à Constantine (Algérie)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

Représentant : Me Aurélie THEVENIN, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B757

APPELANT

****************

SAS SIX-AXE

N° SIRET : 379 550 471

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Claude BADIER de l'ASSOCIATION PERRIN BADIER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R209

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 22 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de M. [W] [E] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Six-Axe à payer à M. [E] [R] les sommes suivantes :

. 14 695,00 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 800,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par la société Six-Axe à Pôle emploi des allocations chômage versées à M. [E] [R] dans la limite de 1 mois d'indemnités,

- rappelé qu'en vertu de l'article 1231-7 du code civil les intérêts légaux sont dus à compter du jour du prononcé du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire totale en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté M. [E] [R] de ses autres demandes,

- débouté la société Six-Axe de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Six-Axe aux éventuels dépens comprenant les frais d'exécution du présent jugement.

Par déclaration adressée au greffe le 1er août 2019, M. [E] [R] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 10 juillet 2020, M. [E] [R] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité du licenciement,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté des demandes suivantes :

. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

. 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire,

. 12 000 euros à titre de rappel de salaire afférent aux primes personnelles 2015 à 2017,

. 1 200 euros au titre des congés payés afférents,

. 4 675 euros à titre de rappel de salaire afférent aux primes d'abondement 2016 et 2017,

. 467,50 euros au titre des congés payés afférents,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Six-Axe à lui payer les sommes suivantes :

. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

. 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, 14 695 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

. 12 000 euros à titre de rappel de salaire afférent aux primes personnelles 2015 à 2017,

. 1 200 euros au titre des congés payés afférents,

. 4 675 euros à titre de rappel de salaire afférent aux primes d'abondement 2016 et 2017,

. 467,50 euros au titre des congés payés afférents,

y ajoutant,

- condamner la société Six- Axe à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe le 30 juin 2020, la société Six-Axe demande à la cour de :

- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des enquêtes pénales actuellement en cours,

subsidiairement,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a condamnée,

statuant de nouveau,

- débouter M. [E] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner au paiement de la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

LA COUR,

La société Six-Axe a pour activités principales le conseil, l'audit, la formation et la commercialisation de toute prestation informatique en ce compris l'édition de progiciels destinés notamment à la gestion des dépenses des établissements financiers.

M. [W] [E] [R] a été engagé par la société Six-Axe en qualité d'ingénieur d'études et de développement par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 novembre 2014.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective dite Syntec.

L'effectif de la société était de plus de 10 salariés lors de la rupture.

M. [E] [R] a rejoint le pôle « éditeur » de la société Six-Axe, dirigé par M. [L] [N].

Ce pôle était, lui-même, divisé en trois départements, dont le service « recherche et développement » constitué comme suit :

- M. [V] [M], responsable du service,

- M. [B] [F], architecte logiciel,

- MM. [J] [Y], [A] [C], [D] [FN], [L] [Z] et [W] [E] [R], ingénieurs développeurs.

Par lettre du 28 septembre 2017, M. [E] [R] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 6 octobre 2017, avec dispense d'activité.

M. [E] [R] a été licencié par lettre du 23 octobre 2017 pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :

« Par conséquence, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pur insuffisance professionnelle, caractérisée par :

. de nombreux incidents chez nos clients dus à vos erreurs,

. de nombreux retards de livraison dus à vos difficultés à réaliser les tâches qui vous sont confiées dans les délais que vous vous êtes vous-mêmes fixés,

. de trop nombreuses sollicitations auprès de vos collègues pour vous permettre d'avancer ou de finaliser vos travaux,

. votre refus systématique à reporter sur les autres intervenants du pôle Editeur les causes des dysfonctionnements constatés,

. votre critique régulière du travail des autres collaborateurs du pôle Editeur, y compris de ceux qui vous aident dans la réalisation de vos travaux,

Vous êtes employé dans notre société depuis le 3 novembre 2014 et occupez le poste d'« Ingénieur Etudes et Développements ».

Depuis 2016, vous êtes rattaché hiérarchiquement à M. [V] [M], responsable du service « Recherche & Développement » du pôle Editeur de Six-Axe dirigé par M. [L] [N].

Depuis plusieurs mois, et en dépit des actions entreprises pour vous aider à les corriger, différents dysfonctionnements ou comportements inappropriés vous concernant sont à déplorer. Parmi ceux-ci, il convient notamment de retenir :

- Votre difficulté fréquente à réaliser correctement les tâches qui vous sont confiées, tâches entrant totalement dans la définition de votre fonction et analogues à celles qui sont confiées aux autres membres du service occupant le même poste : corrections d'anomalies dans les applications fournies à nos clients, documentation des travaux réalisés, participation à la constitution de « patchs » correctifs multi-intervenants...

Ces difficultés sont récurrentes depuis plusieurs mois et ont notamment été illustrées dans le compte-rendu rédigé par M. [L] [N], à la suite de votre entretien annuel d'évaluation de fin 2015, réalisé le 23 décembre 2015 et envoyé par email le 15 février 2016.

L'enchaînement des emails de MM. [L] [Z], membres de l'équipe « « Recherche & Développement », [V] [M] et [L] [N] du 21 juillet 2017, concernant un incident de production JIRA TBK40483 chez un de nos clients, relevant de votre responsabilité, en est aussi un exemple concret et représentatif qui a nécessité l'intervention de deux de vos collègues et de M. [V] [M] pour correction.

Et, malheureusement, de nombreux autres exemples peuvent être cités :

. Cas de l'incident du 25 février 2016 lors de la constitution du LU133104 (ensemble cohérent de corrections numérotées 131014) pour lequel vous avez décidé de votre propre chef de modifier la disposition de deux écrans et qui ont bloqué la publication de ce LU.

. Cas de l'incident du 28 avril 2016 à la « Banque 1 », concernant une modification de l'interface « Immobilisations » pour lequel vous avez fourni un travail non conforme au cahier des charges et pour lequel votre deuxième correction présentait une anomalie majeure (fonction « Fin de journée » qui ne fonctionne plus).

. Cas de l'incident du 19 octobre 2016 à la « Banque 2 » (JIRA MAINT1059) pour lequel vous faites un diagnostic « hors sujet » et renvoyez le point au service « Support ».

. Cas de 1'incident du 23 décembre 2016 à la « Banque 3 » pour l'interface « Factures » (JIRA MAINT1254) pour lequel vous vous trompez dans l'analyse du travail à réaliser alors que de nombreuses réalisations précédentes pouvaient être prises en exemple.

. Cas des incidents répétés à la « Banque 4 », signalés dans l'email récapitulatif rédigé par [V] [M] le 26 janvier 2017, mettant en évidence les blocages chez le client et le temps perdu en interne. Pour ce cas, votre intervention a finalement duré 6 jours au lieu des 2 jours annoncés auxquels se sont ajoutés une demi-journée de M. [A] [C] et une demi-journée de M. [V] [M] pour corriger les conséquences de vos erreurs.

Pour l'ensemble de ces points, l'intervention de vos collègues et de votre management pour la réalisation du diagnostic et pour apporter les corrections du dysfonctionnement et des conséquences chez nos clients, a entraîné un surcoût de travail et de charge.

S'agissant de ces erreurs, nous notons qu'elles ne sont pas dues à une mauvaise volonté de votre part, mais bien à des difficultés techniques et à une méconnaissance certaine de certains outils et notions de base propres à vos fonctions de développeur.

- Par ailleurs, nous avons noté une grande difficulté à reconnaître vos erreurs, même lorsqu'elles vous sont démontrées par différents intervenants.

Ici aussi, le compte-rendu de votre entretien annuel d'évaluation de fin 2015 est très précis.

D'autres exemples peuvent aussi être signalés :

. L'email de M. [L] [Z] du 21 mars 2016, à propos de la « révision 13574 du trunk » et de la classe « Facturebean » qui ne compilait pas, montre que vous avez d'abord cherché à en attribuer la cause à un autre intervenant avant de reconnaître votre responsabilité.

. L'email de M. [V] [M], du 4 août 2017 à propos du traitement du ticket JIRA TBK41047, illustre la difficulté qu'il a eu à chercher à vous faire admettre que vos travaux n'avaient pas abouti au résultat attendu, et le temps inutile que vous avez consacré à vous justifier.

- Votre refus d'appliquer les consignes qui vous sont données, pour ne faire que ce que vous décidez, sous prétexte que vos « initiatives » sont bien meilleures que les actions qui vous ont été demandées, démontre non seulement votre incompréhension du bienfondé des instructions données, mais également la réelle inadéquation entre la perception que vous avez de vos compétences et la réalité, au regard du résultat des actions que vous entreprenez.

Ce point est, en particulier, mis en évidence dans le compte-rendu rédigé par M. [L] [N] à la suite de votre entretien annuel d'évaluation de 2016, réalisé le 30 janvier 2017 et envoyé par email à l'issue.

L'émail de M. [V] [M] à M. [L] [N] du 11 septembre 2017, concernant un incident de production chez un autre de nos clients (incident JIRA TBK 41458 sur la correction d'une interface comptable), de votre fait, en est aussi un exemple concret.

- Votre appel très régulier à l'assistance de vos collègues que vous dérangez dans leur propre travail pour, en final, très souvent, les critiquer quant à la qualité du support qu'ils vous ont apporté est ici particulièrement symptomatique de l'absence de votre incapacité à prendre en considération vos limites et vos insuffisances.

Ce point est aussi clairement explicité dans le compte-rendu rédigé par M. [L] [N] à la suite de votre entretien annuel d'évaluation de 2016.

Il est aussi présent dans le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation de 2016 d'[D] [FN], réalisé le 18 janvier 2017 et envoyé par mail à l'issue.

C'est par ailleurs le sujet principal de la réunion du 14 septembre 2017, tenue en ma présence (cf. point développé dans ce qui suit). 

Face à ces difficultés et ces incohérences, [L] [N] et moi-même avons toujours fait preuve de bienveillance à votre égard en privilégiant l'apaisement, la compréhension et la patience.

A ce titre, de nombreux efforts ont été consentis :

. Lorsque cela était possible, attribution de tâches plus simples à traiter, comme la réalisation des tests unitaires des interfaces comptables, et donc plus en relation avec vos capacités.

. Demandes d'interventions régulières de M. [B] [F], référent technique de l'équipe, pour vous aider dans la réalisation de vos travaux et en assurer la qualité.

. Inscription à la formation « Hibernate » chez IB Formation.

. Organisation de l'intervention, le 2 juin 2017, d'une psychologue du travail, dans le but, vous concernant, de vous aider à détecter et admettre d'éventuelles difficultés et points de blocage, personne que vous avez refusée de rencontrer.

Malheureusement, il s'avère que ces actions n'ont pas amélioré la situation et que, le temps passant, les dysfonctionnements perdurent et les conséquences s'aggravent :

. Vous continuez systématiquement de contester les instructions qui vous sont données par MM. [V] [M] et [B] [F] et à vouloir avoir raison contre toute logique. L'enchainement de 10 emails successifs, entre 15h48 et 17hl3, entre M. [B] [F] et vous-même, le 19 janvier 2017, alors que vos deux bureaux sont séparés de 5 mètres, est un bon exemple de votre entêtement.

Vous continuez à vous adresser à [L] [N] et à [K] [S], la responsable des opérations du pôle, directement et en omettant sciemment de mettre M. [V] [M] au courant de vos « initiatives ».

Dans un premier email du 1er septembre 2017, que vous leur adressez, concernant un « problème d'utilisation du compilateur pour générer des patchs », vous proposez une optimisation des tâches, déjà évoquée avec votre supérieur hiérarchique M. [B] [F], qui n'ont pas contesté la valeur de votre proposition, mais ont jugé que des priorités plus urgentes étaient à traiter avant.

Dans l'email « différents projets TriLiveUpdate » du même jour, vous vous attribuez la paternité d'un projet lance par votre supérieur hiérarchique (N° de JIRA TBK4l348), ainsi que les résultats des travaux de toute l'équipe.

- Enfin, vos collègues se plaignent dorénavant officiellement de votre attitude et des conséquences sur leur propre capacité à travailler sereinement et efficacement.

La nécessité, au début du mois de septembre 2017, pour M [V] [M], puis M. [L] [N] et enfin moi-même (le 14 septembre 2017), de rencontrer deux personnes de l'équipe se plaignant sans retenue de votre comportement et de son impact sur leurs propres travaux est sans équivoque sur ce dysfonctionnement, particulièrement inacceptable dans une équipe ne comptant que sept personnes, M. [V] [M] compris. »

Le compte rendu de cet entretien est là aussi particulièrement révélateur des insuffisances techniques et des lacunes dont vous souffrez malheureusement dans certains domaines de base.

Ainsi, il est notamment relevé par vos collègues lors de cet entretien :

. « [W] fait des erreurs en langage SQL que ferait un débutant mais pas un développeur chevronné.

. Dans le cas d'un patch 3.2, i1 a fait des tests mais sur la mauvaise Base de Données.

. A plusieurs reprises [W] s'est retrouvé incapable de traiter les points qui lui étaient confiés et il me demandait de l'aider pour finir par me retrouver à traiter moi-même le point.

. Une correction d'un « bug » pour la « Banque 5 » sur le PSL a généré un effet de bord catastrophique sur tous les états dont celui que je corrigeais. J'ai corrigé l'anomalie en 5 minutes alors que [W] avait mis 3 jours.

. Il ne se remet jamais en question.

. Son expérience de 3 ans chez Six-Axe lui donne trop de confiance en lui : Il provoque l'apparition d'anomalies en croyant véritablement améliorer le code (il corrige ce que l'on ne lui demande pas).

. L'écriture du module « Refacturation » de TriBank a été confiée à [D] [FN] et à [W]. Ce dernier devait finaliser le travail. Le projet a été terminé par Ursula pour corriger toutes les anomalies rencontrées, plus de six mois après la date de livraison prévue. [W] affirme aujourd'hui que tout le monde avant lui a mal travaillé et que c'est la raison pour laquelle il ne tient pas ses délais.

. Plusieurs consultants se sont plaints de l'intervention de [W] lors de la mise à niveau de LiveUpdates ou de patchs sur des environnements clients. Cela a généré plusieurs incidents de production dont notamment un lors de la mise en 'uvre opérationnelle du client « Banque 6 ».

Le temps passé régulièrement par les équipes à vous apporter un soutien sur des questions techniques sur lesquelles vous devriez pourtant être indépendant va désormais bien au-delà de l'aide habituelle et normale qui peut être effectuée entre collègues. Elle prend un temps non négligeable, et les place, ainsi que l'entreprise, dans une situation compliquée.

Une nouvelle fois, nous ne pouvons que constater la réelle inadéquation entre la perception que vous avez de vos compétences et de la qualité du travail que vous fournissez, et la réalité des difficultés que vous éprouvez régulièrement pour effectuer les missions qui vous sont confiées.

Votre email du 24 mars 2017 à destination de M. [B] [F] est significatif de votre incapacité à travailler sereinement au sein de l'équipe.

Votre sentiment de persécution est notable et rend M. [B] [F] mal à l'aise, ne sachant plus comment vous transmettre des consignes alors qu'il est votre référent technique. Nous notons, là aussi, que vous préférez, y compris lors de l'entretien, indiquer être persécuté plutôt que de rechercher les causes réelles des difficultés relationnelles que vous pouvez avoir avec le reste de l'équipe, liées à une certaine exaspération vis-à-vis de vos refus répétés de vous remettre en cause et d'accepter les erreurs faites.

Ainsi, à la suite de cet entretien et après prise en compte de vos explications, j'ai le regret de vous informer que ces dernières n'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits.

Vous vous êtes en effet contenté de nier les faits sur les erreurs que vous aviez effectuées, préférant une nouvelle fois croire en l'incompétence de vos collègues et développer la thèse du complot.

Nous le regrettons et sommes au regret de constater que vous ne parvenez pas à assurer de façon satisfaisante l'ensemble de vos attributions, que les nombreux manquements, erreurs et mauvais choix que vous avez effectués ces derniers temps non seulement désorganisent l'entreprise, mais l'ont placée notamment vis-à-vis de ses clients dans des situations extrêmement inconfortables.

Compte tenu du contexte et du poste que vous occupez, je vous dispense de votre préavis qui vous sera néanmoins rémunéré aux dates habituelles. ('). »

Le 1er mars 2018, M. [E] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de contester son licenciement et obtenir la condamnation de la société au paiements de diverses indemnités ainsi que des rappels de salaire.

Sur la demande de sursis à statuer :

La société Six-Axe sollicite un sursis à statuer dans l'attente des résultats de la plainte déposée par M. [E] [R] à l'encontre de plusieurs salariés.

M. [E] [R] a déposé plainte :

- le1er mars 2018 contre M. [T] pour dénonciation calomnieuse,

- le 31 mai 2018 contre M. [Z] pour harcèlement,

- le 26 février 2019 contre M. [N] pour dénonciation calomnieuse.

Aucune information n'est communiquée sur l'issue donnée à ces plaintes sauf à ce que plusieurs salariés ont été entendus avant novembre 2018 par le commissariat de [Localité 4] et qu'une confrontation a eu lieu entre M. [E] [R], M. [Z] et M. [T].

Aux termes de l'article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue donnée à l'enquête pénale commencée en novembre 2018.

Sur le harcèlement moral :

Le salarié soutient avoir rencontré des difficultés liées au comportement de M. [T], responsable de service dès la fin de l'année 2015 et que la situation s'est détériorée courant 2016 lorsque M. [Z], autre développeur, s'est joint aux agissements de son supérieur.

Le salarié explique qu'il a subi de manière répétée de la part de M. [T] des remarques désobligeantes voire humiliantes devant les autres salariés du service de façon répétée, des interdictions de parler à ses collègues, des échéances impossibles à tenir, une surveillance exagérée de son travail et de ses moindres faits et gestes, une 'placardisation', et tout agissement tendant à l'isoler.

En réplique, l'employeur fait valoir que les premiers juges ont retenu à juste titre que la mauvaise entente entre M. [E] [R] et M. [T] n'a pas été forcément constitutive de harcèlement moral et que la société Six-Axe avait fait tout son possible pour que les tensions s'apaisent.

L'employeur ajoute qu'il ne suffit pas d'avoir des remarques sur la qualité de son travail pour démontrer l'existence d'un harcèlement, ni de ' faire un drame ' à chaque critique pour prétendre prouver ainsi qu'elle n'est pas fondée et qu'il convient de ne pas confondre, l'exercice légitime du pouvoir hiérarchique d'un employeur et 'une persécution fantasmée'.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le salarié dénonce plusieurs faits comme contribuant selon lui au harcèlement moral qu'il dénonce.

* les remarques désobligeantes et humiliantes de M. [M],

Il communique les pièces suivantes :

- l'attestation de M. [Y], du 25 novembre 2017, développeur dans le service, qui explique avoir rejoint la société en janvier 2015 et avoir travaillé avec plaisir plusieurs années avec

M. [E] [R]. Il précise que ce dernier a été victime de l'acharnement et d'un harcèlement permanent du responsable de l'équipe, M. [T], depuis 2016 qui s'est caractérisé par un isolement dans l'équipe, un sabotage de son travail, une dramatisation exagérée de la moindre activité et une invalidation de toutes ses propositions. Il ajoute que

M. [E] [R] est devenu pour M. [T] le ' bouc émissaire' idéal pour l'ensemble des bugs et erreurs qui apparaissaient dans les projets de l'équipe, et que ' dès le début de l'année 2017, il était clairement établi que l'objectif affiché était de le pousser à bout afin d'obtenir sa démission et certains collaborateurs ont été mis à contribution',

- une autre attestation de M. [Y], du 26 novembre 2017, qui relate que M. [Z] a rejoint leur équipe quelques mois après son intégration et a participé au dénigrement du chef d'équipe. Il ajoute que quelques mois plus tard, M. [Z] lui a indiqué qu'il souhaitait présenter ses excuses à M. [E] [R] et à un autre salarié, pour ' sa participation aux dénigrements et acharnements dont ils étaient l'objet ...et qu'il était lui-même manipulé par M. [T]'.

Toutefois, l'employeur verse une attestation de M. [Y], du 4 octobre 2018 qui remet en cause celles communiquées à M. [E] [R] en 2017 et qui indique lui avoir demandé de les retirer de son dossier prud'homal.

Le témoin évoque un conflit entre M. [E] [R] et M. [T] et la défiance qui s'est installée entre eux deux, précisant ' cette situation a été ensuite maladroitement géré par MMH du fait de son caractère peu conciliant et énergique', ajoutant cependant que le départ de M. [E] [R] a été psychologiquement difficile à comprendre pour lui.

Ce dernier témoignage de M. [Y], complète ses précédentes déclarations sans les remettre en cause.

- l'attestation de M. [RR], qui témoigne avoir entendu M. [Z] dire à M. [E] [R] à la fin de l'année 2016 ' je m'excuse pour ce que j'ai fait envers toi. J'ai été naïf et je me suis laissé manipuler par [V]. Il m'a demandé de rechercher tes erreurs dans ton travail et écouter tes communications avec les autres puis de les lui remonter.'.

- la fiche de la médecine du travail dûment renseignée par l'infirmier à la suite d'une visite de M. [E] [R] le 7 février 2017 avec la mention que l'employeur l'a contacté alors que le salarié était en arrêt en 7 février 2017 et lui a dit : ' il ne fait pas son travail mais dit que son n+1 est colérique'.

- le compte rendu de M. [H], consultant ingénieur conseil et délégué du personnel, de la réunion sollicitée par M. [E] [R] le 26 mai 2016 à l'issue de laquelle il a rédigé un compte rendu dans lequel il retranscrit les échanges lors de la réunion tenue le 26 mai 2016 en présence de M. [T], M. [E] [R] et M. [N], responsable n+2 de M. [E] [R].

Il ressort de ce compte rendu que M. [E] [R] a déclaré être victime de harcèlement moral de la part de M. [T] lequel a notamment indiqué à propos de M. [E] [R] ' je ne sais pas je reconnais que je m'acharne sur lui, je n'arrive pas à expliquer cela .... je m'engage à ce que je change de comportement envers lui.'.

L'employeur estime que ce compte rendu n'est pas probant puisqu'il n'a pas été signé par les participants à la réunion.

Toutefois, l'employeur, qui conteste la forme de ce document, ne s'est pas exprimé sur les propos tenus par M. [T] et ne les a pas contestés, ils seront donc considérés comme ayant été prononcés.

- l'audit réalisé par M. [H], délégué du personnel, auprès de plusieurs salariés.

Ce document est très contesté à juste titre par l'employeur s'agissant de propos rapportés indirectement par audition du délégué du personnel de plusieurs salariés, certains ayant ensuite, par attestation, contesté les propos que M. [H] leur a prêtés dans son rapport d'audit.

Cette circonstance conduit à considérer que ce document n'a pas de valeur probante.

Le fait que le responsable hiérarchique a tenu des propos désobligeants est établi.

* la volonté de l'isoler du groupe et de 'placardisation', M. [E] [R] produisant un mail unique adressé le 2 février 2017 par M. [T] à tous les membres du service, sauf à lui, relatif à un objectif fixé pour le mois à venir et qu'il a été écarté d'un projet commun début 2017, qui ne permet pas d'établir la volonté de l'isoler alléguée.

M. [E] [R] communique également des mails pour établir qu'il n'a effectué que des tâches subalternes, des tests unitaires à compter du début d'année 2017, et a réclamé à compter du 29 août 2017 à M. [T] du travail mais ces seuls éléments ne suffisent pas à établir le fait allégué.

La société Six-Axe explique que les collaborateurs travaillaient en open space et elle établit que le salarié a été en copie des mails que M. [T] a adressé aux membres de son service et en charge également de projets communs.

Les faits ne sont pas établis.

* la fixation de délais impossible à tenir, M. [E] [R] produisant des mails mais qui ne le confirment cependant pas.

*le refus de formation sollicitée, le salarié se plaignant de ne pas avoir bénéficié de la formation souhaitée à la sécurité Web en 2016 mais il n'établit, pas que, comme il l'affirme,

M. [T] a pu suivre cette formation en 2017. Il indique qu'il a suivi la formation ' Hibernate' avec deux autres collègues demandée par l'employeur mais qu'il maîtrisait déjà cette technologie avant son recrutement chez Six-Axe, ce qui est confirmé dans son CV sans pour autant justifier du contenu de la nouvelle formation.

Le fait n'est pas établi.

* la modification de la qualification de sa fonction, le contrat faisant état de l'intitulé de poste ' Ingénieur Etudes et Développement', qui a été transformé à compter du mois de janvier 2016 par la suppression du terme ' Etudes ', ce qui ne sera rectifié qu'au mois de novembre 2016 alors que le salarié l'a sollicité dès le mois de mai 2016, la directrice des Ressources Humaines lui indiquant par mail en juillet 2016 que chaque année les titres et fonctions ainsi que les rémunérations des collaborateurs sont révisées, et qu'il lui avait été demandé ' de changer certains éléments et notamment ton titre et ton salaire, parce qu'il correspondait mieux à ce que tu allais faire en 2016.'.

L'employeur ne conteste pas que le salarié l'a interpelé à plusieurs reprises et que la modification n'est intervenue que tardivement.

Le fait est établi.

* l'obstruction à la récupération des données, le salarié affirmant avoir été empêché d'accéder aux dossiers de son ordinateur alors que l'employeur s'y était engagé lors de l'entretien préalable, ni ses effets personnels, ce que conteste la société Six-Axe.

M. [H], délégué du personnel, a effectué un compte rendu le 7 novembre 2017 pour retracer les conditions de récupérations des mails et effets personnels de M. [E] [R] en présence de la DRH, le directeur informatique et un technicien. M. [H] conclut dans son compte rendu que M. [E] [R] n'a pas pu récupérer :

- son carnet de notes qui était dans son caisson,

- son dossier personnel qu'il a vu disparaître,

- ses mails, la DRH le lui ayant refusé,

- l'historique de ses travaux et tâches inscrits dans JIRA,

- l'historique de ses développements et projets inscrits dans SVN.

La DRH atteste le 14 novembre 2018 que le caisson de M. [E] [R] était quasiment vide lors de son ouverture et avoir transféré l'ordinateur de M. [E] [R], ' pour le protéger ' dans son bureau mais ne conteste pas les faits relatifs à l'ordinateur décrits par M. [H], ce qui est également le cas pour le directeur informatique qui témoigne le 9 novembre 2018.

Le fait est donc établi.

* la demande d'intervention du délégué du personnel et les dépôts de plainte

Il est établi que le salarié a sollicité l'intervention de M. [H], délégué du personnel, à plusieurs reprises, qu'il a déposé deux mains courantes en 2016 puis 2017.

Une plainte a ensuite été déposée en 2018 après la rupture, pour harcèlement moral à l'encontre de M. [T].

* l'intervention d'un psychologue pour lui seul

La DRH a proposé à M. [E] [R] mais également à l'ensemble des salariés de l'équipe une rencontre avec un psychologue, M. [T] l'ayant finalement seul rencontré.

M. [E] [R] échoue donc à établir qu'il a été seul concerné par cette initiative de l'employeur.

* l'intention de licencier le salarié avant l'entretien préalable

M. [E] [R] ne justifie pas qu'il a été effectivement retiré du planning interne de l'entreprise avant le licenciement ni que la recherche de recrutement lancée par mail du 25 septembre 2017 par l'employeur avait pour objectif de préparer son remplacement.

Le fait n'est pas établi.

S'agissant de l'état de santé du salarié, ce dernier a rencontré l'infirmier de la médecine du travail le 7 février 2017 dans le cadre d'une visite périodique et a été arrêté à l'issue de cette visite du 7 au 10 février 2017 puis du 16 février au 16 mars 2017, l'arrêt de travail ne précisant pas le motif.

Dès lors, il ressort de tout ce qui précède que plusieurs faits présentés par le salarié sont établis : les remarques désobligeantes, la modification de la qualification de sa fonction, et l'obstruction à la récupération des données.

Ces faits, pris dans leur ensemble, constituent des agissements qui font présumer l'existence d'un harcèlement. Il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour tenter de justifier de ses décisions, l'employeur communique des témoignages, qui en réalité ne font que confirmer le comportement inadapté de M. [T].

- l'attestation de M. [Z] qui relate que M. [T] ' est quelqu'un d'impulsif qui s'emporte avec tout le monde, uniquement dans le but de faire avancer le travail au mieux', le salarié critiquant ensuite les qualités professionnelles de M. [E] [R] et les difficultés à entrer ' dans son petit monde',

- l'attestation de M. [U] qui relate avoir été témoin en janvier 2017 d'une altercation entre M. [E] [R] et M. [T], lequel était très clair et précis, décrivant M. [E] [R] comme ' paranoïaque avec un ego très surdimensionné qui ne laissait pas de place à l'autocritique',

- l'attestation de M. [F], chef de projet, qui a travaillé deux années avec M. [E] [R] et qui décrit M. [T] comme un responsable sérieux et consciencieux, ' ses responsabilités en tant que chef d'équipe l'amènent parfois à utiliser ce ton de parler mais ce comportement est le même avec tout le monde sans discrimination.'

Toutefois, le témoin ajoute qu'en ' ce qui concerne les difficultés relationnelles avec M. [T], je confirme que ce dernier a pu avoir un comportement parfois ressenti comme agressif par certains d'entre nous' quand un salarié persistait dans son erreur,

- l'attestation de M. [C], autre développeur, confirme les déclarations du témoin précédent, ajoutant que M. [E] [R] refusait les arguments de M. [T] au sujet des tâches à accomplir, jugeant disproportionnée la réaction de M. [E] [R],

- l'attestation de Mme [P], chef de projet, qui évoque les ' envolées lyriques ' et le ton vif de M. [T], très professionnel, qui toutefois reconnaît si besoin ses torts, M. [E] [R] lui donnant l'impression ' d'être un peu borné'. Le témoin précise également avoir vu s'emporter M. [T] à l'encontre d'autres salariés et ensuite présenter ses excuses : ' il sait qu'il doit travailler sur lui pour atténuer ce caractère fort et gérer les situations tendues avec plus d'apaisement.'.

- l'attestation de Mme [G] qui confirme les échanges houleux entre les deux salariés et qui indique que M. [T] est un personnage ' haut en couleur et personne dans la société n'est épargné par son caractère sanguin. J'en ai moi-même fait les frais mais cela ne m'a pas affligée pour autant'.

En définitive, le comportement emporté, donc inapproprié, de M. [T] est rapporté et s'il est accepté par certains collaborateurs, ce n'a pas été le cas de M. [E] [R] qui a subi davantage de reproches, M. [T] reconnaissant lui-même qu'il s'est acharné sur le salarié sans en connaître la raison, les excuses confirmées de M. [Z] confirmant les faits, peu important à ce stade que des insuffisances professionnelles étaient reprochées au salarié, ce ne justifiaient pas une telle attitude de son responsable hiérarchique.

M. [E] [R] a donc subi les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que la société Six-Axe ne prouve pas que les faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, il convient, infirmant le jugement, de dire le harcèlement moral établi et de la condamner compte tenu de la dégradation de l'état de santé à verser à

M. [E] [R] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'obligation de sécurité :

Le salarié expose que l'employeur n'a pris aucune mesure pour mettre fin à la situation de harcèlement, aucune enquête n'a été menée et aucune décision n'a été prise si ce n'est de le licencier. Il ajoute que l'employeur n'a également tenté aucune démarche amiable pour résoudre le conflit.

L'employeur soutient que le salarié l'a alerté sans évoquer des faits de harcèlement, qu'il a passé différentes visites sans alerter également les personnels médicaux à ce sujet, son arrêt de travail faisant état aujourd'hui de problèmes digestifs, ayant proposé l'intervention d'une psychologue pour aider M. [E] [R] qui éprouvait de grandes difficultés à travailler avec

M. [T], lequel a accepté la rencontre avec la psychologue.

En vertu des articles L. 4121-1 et L. 1152-4 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et, notamment toutes dispositions en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Il a été précédemment établi que le salarié a subi des faits de harcèlement moral de la part de

M. [T].

M. [H], déjà cité, relate le 19 février 2018 que M. [E] [R] s'est adressé à lui avant sa convocation à l'entretien préalable à plusieurs reprises pour lui faire part du harcèlement et de l'acharnement qu'il subissait de la part de M. [T]. M. [H] indique que M. [E] [R] lui a envoyé deux mails à ce sujet le 22 avril 2016.

M. [E] [R] a alerté, M. [N], son supérieur hiérarchique et celui de M. [T] par un long mail du 22 avril 2016, visant des ' attaques verbales agressives et humiliantes', répétées de M. [T].

M. [N] a organisé le 25 mai 2016 une réunion avec les deux salariés puis une rencontre en présence de M. [H] le 26 avril 2016 mais sans prendre à ce moment-là de mesure spécifique de sorte que M. [E] [R] l'a de nouveau saisi par mail du 23 mars 2017.

La directrice des Ressources Humaines, qui a rencontré le salarié le 12 juillet 2016, a organisé un nouvel entretien le 12 avril 2017 et lui a proposé de rencontrer un psychologue, ce qu'il a refusé, la rencontre étant également proposée aux autres salariés du service dont

M. [T].

Dès lors, le salarié a clairement dénoncé le harcèlement dont il se sentait l'objet dès le 22 avril 2016 et l'employeur n'a cependant pris aucune mesure suffisante puisque la situation a perduré et s'est aggravée l'année suivante.

La société Six-Axe communique elle-même un témoignage qui confirme qu'elle n'a engagé aucune réelle action lors de la dénonciation des faits.

M. [O], chef de projet, relate que lors de la réunion de délégués du personnel du 1er juin 2016, M. [H] a évoqué la mauvaise entente dans les relations de travail entre M. [E] [R] et M. [T], la DRH à qui il a été demandé de prendre des mesures pour rétablir le dialogue entre eux, a répondu qu'il ne lui appartenait pas de solutionner ce problème ' d'égo'.

Lors de cette réunion, la question de l'intervention d'un médiateur a été posée, en vain.

Il convient donc de constater que bien qu'alerté, l'employeur n'a réagi que trop tardivement en proposant la rencontre avec un psychologue sur conseil de la médecine du travail, sans chercher à analyser la situation et à y répondre lorsque les difficultés sont apparues et connues de tous.

L'employeur n'a donc pas mis en place une organisation et des moyens adaptés.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité a causé à M. [E] [R] un préjudice distinct de celui réparé au titre du harcèlement moral qui sera pour sa part intégralement réparé par une indemnité de 2 000 euros, ce qui conduit à infirmer la décision du premier juge.

Sur la rupture :

Le salarié expose que l'employeur ne démontre pas l'insuffisance professionnelle et que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse mais qu'il est intervenu alors qu'il a été victime d'un harcèlement de sa hiérarchie.

Il allègue que les griefs retenus dans la lettre de licenciement sont considérablement différents de ceux évoqués lors de l'entretien préalable, l'employeur devant dès cet entretien justifier de griefs précis et vérifiables de sorte que l'entretien était vide de sens puisqu'il n'a pas été dans la possibilité de faire valoir ses arguments en réponse à des griefs non formulés, seule sa personnalité ayant alors été mise en cause.

Le salarié ajoute que les griefs sont totalement fallacieux et qu'il a été empêché d'y répondre en étant dispensé d'activité et privé d'accès à ses données professionnelles comme personnelles.

En réplique, l'employeur indique donner de nombreux exemples des lacunes du salarié sur le plan technique et des relations professionnelles difficiles qui en sont la conséquence directe, avec ses anciens collègues.

Il soutient que les premiers juges ont fait une lecture partielle des échanges de mails pour estimer que l'insuffisance professionnelle n'était pas démontrée.

L'employeur ajoute que le harcèlement n'existait pas et que le salarié ne parvient toujours pas à comprendre les contraintes d'un travail en équipe et celle de la présence d'une autorité hiérarchique.

L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile, ne doit pas être liée au propre comportement de l'employeur ou à son manquement à l'obligation d'adapter ses salariés à l'évolution des emplois dans l'entreprise.

Il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas spécialement à aucune des parties mais que le doute doit profiter au salarié.

A titre liminaire : sur l'entretien préalable

Aux termes de l'article L.1232-3, l'employeur indique les motifs du licenciement de la décision envisagée et recueille les explications du salarié au cours de l'entretien préalable.

Toutefois, le fait de n'avoir pas évoqué, au cours de l'entretien, la cause présentée dans la lettre de licenciement comme la cause de celui-ci ne constitue qu'une irrégularité de forme qui n'empêche pas le juge de décider que ce grief peut constituer une cause réelle et sérieuse.

Dès lors, le reproche de M. [E] [R] quant au déroulement de l'entretien ne peut pas avoir de conséquence sur la réalité du motif du licenciement contenu dans la lettre de licenciement.

La société Six-Axe retient sept incidents majeurs pour justifier l'insuffisance professionnelle.

. Sur la difficulté à réaliser les tâches confiées

' le 25 février 2016 : l'employeur reproche au salarié une initiative ' malheureuse ' entraînant un blocage et une perte de temps à propos de la réorganisation de l'écran général GE budgétaire.

Il ressort des mails échangés que la proposition du salarié sur le codage a été conservée et qu'aucun retour ensuite n'a été organisé pour revenir sur la situation, l'employeur ne rapportant pas la preuve que le salarié, qui a détecté un problème, a eu tort de la corriger.

Il n'est donc pas possible de déterminer si le salarié n'a pas effectué correctement sa mission dans les temps impartis et s'il a occasionné un blocage réel.

Le fait n'est pas établi.

' le 21 mars 2016 : l'employeur soutient que l'erreur du salarié a entraîné un bug informatique. Le mail produit permet de comprendre que M. [E] [R] a commis une erreur, ce qu'il reconnait très clairement, M. [T] indiquant également que la manipulation sans autorisation préalable de M. [E] [R] était couteuse et risquée.

Le fait est établi

' le 28 avril 2016 : l'employeur reproche au salarié de n'avoir pas réalisé un travail conformément aux cahiers des charges. Il ne communique qu'une pièce à ce titre. Le mail du 28 avril 2016 et une pièce complémentaire consistant en une arborescence qui ne comprend pas de lignes de codes, qui ne délivrent aucune information précise.

Il ne ressort également pas des échanges entre M. [T] et M. [E] [R] que ce dernier a commis une erreur très importante. Aucun mail ne l'évoque et aucun retour n'a été ensuite effectué par M. [T], qui précise même à M. [E] [R] que son ' idée était bonne' mais que cela engendrait un problème de fonctionnement.

M. [T] a uniquement dispensé des conseils sans formuler le moindre reproche.

En tout état de cause, il ne peut s'agir que d'une erreur mineure très rapidement réglée d'après les échanges de mail.

Le fait, ne pas avoir réalisé un travail conformément aux cahier des charges, n'est pas établi.

' le 19 octobre 2016 : il est reproché au salarié d'avoir effectué un mauvais diagnostic et non d'avoir créé une anomalie.

Les parties communiquent de nombreuses pièces très techniques dont il ressort le 21 octobre 2016 que M. [E] [R] n'est pas à l'origine du dysfonctionnement mais qu'une erreur provient de la hotline, M. [E] [R] corrigeant en bout de ligne une erreur sur le 'patch 3".

Le fait n'est pas établi.

' le 23 décembre 2016 : la société Six-Axe reproche à M. [E] [R] une erreur dans l'analyse, engendrant 4 aller - retour, 4 patchs entre lui, la consultante et le client pour que cela soit correct avec blocage de la comptabilité.

L'analyse des échanges entre cette date et le 13 janvier 2016 ne permet pas de déduire que les difficultés rencontrées par la cliente proviennent d'une erreur de M. [E] [R] et la fiche de suivi communiquée par ce dernier indique que la tâche a été réalisée.

Par mail du 15 novembre 2018, M. [T] revient sur l'erreur alléguée auprès du DRH et M. [N].

Ce message rédigé après le licenciement et au moment de préparation du dossier contentieux, n'est pas utile pour éclairer le débat alors qu'aucun mail de l'employeur lors de l'événement n'a été adressé au salarié pour lui faire part d'erreurs éventuelles.

Les éléments produits ne confirment pas qu'une erreur est imputable au salarié.

' le 26 janvier 2017 : l'employeur reproche au salarié un important incident de production chez un client l'ayant conduit à travailler 6 jours au lieu de 2 à la suite d'une série de dysfonctionnements.

Toutefois, l'employeur n'a pas informé le salarié de ce fait et l'historique de tâche que ce dernier communique ne fait mention que de deux journées de travail pour une tâche qui a été accomplie en mars et non en janvier 2017.

Il existe un réel doute sur l'imputation de l'erreur à M. [E] [R] quant à sa date et son effectivité.

' le 11 septembre 2017 : il est reproché la même erreur que celle du 28 avril 2016 entraînant une anomalie majeure.

L'erreur du 28 avril 2016 n'a pas été précédemment établie.

Par ailleurs, le mail du 11 septembre de M. [T] à M. [N] évoque une erreur dont il ne peut pas être affirmé qu'il s'agir de la même erreur que celle reprochée le 28 avril 2016.

Par ailleurs, M. [T] ne précise pas quand cette erreur a été commise et le salarié indique qu'il était en congé annuel du 4 au 25 septembre 2017.

L'anomalie majeure dénoncée n'est pas davantage établie.

' le compte- rendu de la réunion le 14 septembre 2017 de M. [N] avec l'équipe, chaque membre ayant signé ce document, M. [E] [R] étant absent. Il y est fait état de nombreux dysfonctionnements du salarié par M. [N] et M. [T].

M. [Z] et M. [FN], collègues de M. [E] [R], font part d'erreurs de langages SQL, de test effectués sur une mauvaise base de données, d'un dossier refait à sa place et de la correction d'un bug.

Ces propos, non datés, non étayés par des pièces précises et qui n'émanent pas de tous les ingénieurs de l'équipe, n'apportent pas la preuve que le salarié a commis des erreurs importantes.

L'employeur produit plusieurs attestations de collaborateurs et collègues de M. [E] [R] qui citent des exemples d'erreurs effectuées par ce dernier sans date précise, M. [F], évaluant les compétences du salarié dans son témoignage à '5/10".

Le salarié communique plusieurs attestations de ses collègues qui louent ses grandes qualités professionnelles et les évolutions ainsi que les améliorations techniques qu'il a mises en place.

En définitive, tous les membres du service vont attester, certains en faveur du salarié et d'autre de l'employeur, les témoignages se contredisant totalement, les attestations communiquées par le salarié étant plus circonstanciées sur ses compétences professionnelles, étant également confirmées par celles d'ingénieurs d'autres services qui ont été appelés à travailler avec lui.

S'agissant des évaluations, celle de l'année 2015 reste globalement positive. Il en ressort que le salarié a accompli les tâches qui lui étaient imparties et a validé 90% de ses objectifs.

Il est également indiqué qu'il doit être vigilant dans sa communication avec la clientèle, qu'il semble plus à l'aise sur le plan technique mais parfois trop méticuleux et qu'il doit savoir ' se remettre en cause' notamment sur la gestion des délais et qu'il doit partager ses choix ' avant de s'entêter sur des solutions qui s'avèrent peu cohérentes.'.

M. [N] indique donc ne pas partager totalement le bilan très positif estimé par le salarié en précisant que ' tous les problèmes ne peuvent pas s'expliquer par le fait que les autres n'ont pas fait correctement leur travail.'.

Pour 2016, le salarié réfute avoir reçu la restitution en main propre de son entretien d'évaluation par M. [N] qui atteste de ce fait mais les parties s'opposent sur ce point, M. [E] [R] ayant déposé plainte contre son supérieur hiérarchique à ce sujet.

Si la société Six-Axe justifie avoir modifié le document le 1er mars 2017 sur l'application informatique, elle ne peut affirmer l'avoir remis le même jour au salarié qui était en arrêt maladie. Ce document, non contradictoire, ne peut donc ici être exploité, faute de savoir s'il correspond exactement à ce qui a été évoqué devant le salarié lors du rendez-vous avec

M. [N].

Enfin, le salarié verse au dossier une lettre de recommandation rédigée le 19 janvier 2016 par M. [N] vantant son excellent professionnalisme mais qui a seulement pour objet d'être utilisée à d'autres fins professionnelles pour l'obtention d'autorisations administratives et qui n'a pas la force probante d'une évaluation ou d'une attestation.

En conséquence, la société Six-Axe établit quelques erreurs du salarié sans justifier qu'elles sont majeures et ont occasionné de réelles difficultés pour l'entreprise.

. Sur la difficulté à reconnaître ses erreurs

En 2015, l'employeur a noté lors de l'évaluation du salarié qu'il devait savoir se remettre en cause, ce que confirment plusieurs de ses collègues dans leur témoignage, notamment

M. [C], du service mais également M. [U] et Mme [P] qui mettent en exergue le manque d'auto critique du salarié.

Il se déduit de ces témoignages que le salarié était 'susceptible', nécessitant de prendre le temps nécessaire dans certaines situations pour lui apporter des explications, l'employeur ayant relevé en 2015 qu'il était « méticuleux ».

Néanmoins, les nombreux témoignages en faveur du salarié n'établissent pas que ce comportement a été préjudiciable aux intérêts de la société et de l'existence d'une ' perte de confiance de la plupart d'entre nous' comme l'atteste M. [U].

L'employeur produit également un mail de M. [T] qui indique le 21 mars 2016 que

M. [E] [R] a reconnu l'erreur effectuée.

Les parties s'opposent enfin sur un fait survenu le 4 août 2017, le salarié démontrant par l'historique de tâche qu'il n'a commis aucune erreur.

Le fait n'est pas établi : le salarié n'a pas à reconnaître des erreurs qui lui sont imputées à tort quand bien même il a une attitude rigide quand il ne partage pas un point de vue différent du sien.

. Sur le refus d'appliquer les consignes

Dans l'évaluation de l'année 2015, il est rappelé au salarié de prendre attache avec son supérieur hiérarchique pour éviter des initiatives ' malheureuses' et de 'partager ses choix'.

Les erreurs prêtées au salarié le 28 avril 2016 puis à compter du 11 septembre 2016, n'ont a pas été précédemment retenues de sorte qu'il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir appliqué les consignes.

M. [Y] témoigne le 4 octobre 2018 que M. [E] [R] ' avait un caractère bien trempé et obstiné. Cela induit très souvent un manque de respect et de considération vis à vis des consignes.'

Le témoignage n'est pas accompagné de faits précis.

Les mails communiqués également par l'employeur ne permettent pas de déduire de leur contenu un refus d'appliquer les consignes par le salarié, s'agissant d'échanges sur des tâches en cours le 1er juin 2016 alors qu'il a appliqué à termes les consignes de M. [T] puis de

M. [F] le 19 janvier 2017.

Enfin, l'envoi d'un mail de proposition de gestion d'un problème sur un ordinateur directement à M. [N] ne constitue pas un refus de consigne, quand bien M. [T] n'était pas en copie de l'envoi.

Le grief n'est pas établi.

. Sur l'appel très régulier à l'assistance des collègues et la communication au sein de l'équipe

M. [FN], autre développeur, témoigne avoir apporté une aide importante à M. [E] [R] dans ses travaux, précisant que cela lui faisait perdre du temps dans son travail et l'a déstabilisé lors d'une modification mineure de M. [E] [R] sur un programme.

M. [E] [R] communique davantage de témoignages, quatre, qui attestent de l'aide qu'il a apporté à des collègues à de nombreuses reprises en citant des exemples précis et de sa grande disponibilité à ces moments-là.

Dans l'évaluation de l'année 2015, l'employeur fixe comme objectif au salarié de ' assister vos collègues développeurs dans le traitement de leurs tâches en les faisant bénéficier de vos connaissances et de votre expérience.', ce qui est contradictoire avec tout ce qui précède.

Dès lors, le grief n'est pas établi.

En définitive, il ressort que le salarié a commis quelques erreurs dont l'importance n'est pas rapportée par l'employeur et n'a pas toujours su solliciter la validation d'une initiative par sa hiérarchie sans que celle-ci ne démontre des dysfonctionnements en résultant.

Ces faits ne caractérisent pas l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée ni la dégradation des relations de l'équipe qui lui est imputée à tort.

L'article L. 1152-3 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Le salarié soutient que le licenciement est nul car il est intervenu alors qu'il subissait un harcèlement moral dénoncé à la hiérarchie.

Cependant, aucun élément du dossier ne permet de faire le lien entre le licenciement et le harcèlement moral. Dès lors il n'y a pas lieu de dire le licenciement nul.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à verser au salarié la somme réclamée à hauteur de 14 695 euros à titre de dommages et intérêts .

Infirmant le jugement, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version en vigueur au cas présent, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur le rappel de salaires :

Le salarié expose que M. [FN], qui a refusé de communiquer ses bulletins de paye, percevait des primes personnelles et d'abondements bien plus élevées que les siennes et que l'employeur évoque à tort un parcours professionnel chaotique alors qu'il justifie d'une formation universitaire puis professionnelle importante outre d'expériences professionnelles qui justifient de ses compétences.

Il ajoute qu'à la suite du dénigrement à répétition opéré par M. [T], ses primes ont fortement diminué à compter de 2015, puis ont été supprimées en 2017.

L'employeur fait valoir que le salarié idéalise ses compétences, qu'aucune des expériences professionnelles antérieures du salarié n'a duré plus de deux années et que sa comparaison avec M. [FN] qui dispose d'une grande ancienneté professionnelle n'est pas possible.

L'employeur précise qu'il est exact que le salarié n'a pas perçu l'ensemble des primes qui étaient discrétionnaires et distribuées en fonction de la qualité du travail des collaborateurs, M. [E] [R] ne donnant pas satisfaction.

Le contrat prévoit uniquement qu'une prime, dite de « 13ème mois » est versée en deux fois, juin et décembre.

Les parties évoquent deux autres primes - la prime personnelle et la prime d'abondement - lesquelles ne sont pas visées au contrat.

S'agissant de la prime personnelle, appelée prime de rendement par l'employeur, le salarié sollicite un rappel de 2015 à 2016 sur une base forfaitaire annuelle de 5 000 euros, ayant perçu 1 500 euros en décembre 2014 pour deux mois travaillés.

L'employeur lui a ensuite versé une prime de 2 000 euros pour l'année 2015 et de 1 000 euros pour 2016, l'employeur n'ayant pas versé de prime au salarié pour l'année 2017.

Le salarié conteste le montant de la somme versée en se comparant à un autre ingénieur de son service. Il ne remet pas en cause le caractère exceptionnel de la prime.

Le salarié fait grief à l'employeur d'avoir diminué puis supprimé ces primes et se compare à

M. [FN], qui atteste qu'il ne veut pas que ses bulletins de paie soient communiqués.

L'employeur doit pouvoir justifier de la différence par des raisons objectives.

La société Six-Axe ne produit aucun élément à ce titre.

Dès lors que l'employeur n'apporte pas cette preuve et que l'insuffisance professionnelle n'est pas établie, il convient, infirmant le jugement de faire droit à cette demande.

S'agissant de la prime d'abondement, également appelée prime exceptionnelle par l'employeur, le salarié se compare de nouveau à M. [FN] pour solliciter un rappel pour les années 2015 à 2017, l'employeur communiquant uniquement le montant des primes perçues par M. [Z], ingénieur développeur du service « recherche et développement » et de Mme [X], M. [I], qui ne sont pas affectés à ce service.

L'employeur ne justifie pas davantage de la situation de M. [FN].

Le jugement sera donc infirmé également de ce chef et il sera fait droit à la demande de rappel de salaire.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [E] [R] les frais par lui exposés en cause d'appel non compris dans les dépens à hauteur de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de sursis à statuer,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Six-Axe à verser à M. [W] [E] [R] les sommes suivantes :

. 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

. 12 000 euros à titre de rappel de salaire de prime personnelle de 2015 à 2017,

. 1 200 euros au titre des congés payés afférents,

. 4 675 euros à titre de rappel de salaire de prime d'abondement 2016 et 2017,

. 467,50 euros au titre des congés payés afférents,

ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SAS Six-Axe à payer à M. [W] [E] [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS Six-Axe aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03135
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;19.03135 ?
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