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20/04/2022 | FRANCE | N°19/01712

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 20 avril 2022, 19/01712


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 AVRIL 2022



N° RG 19/01712 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TDLL



AFFAIRE :



SAS ANTHEMIS







C/

[P] [Y]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Février 2019 par le Conseil de Prud'hommes de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : Commerce

N° RG : 17/00674

>
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LEXAVOUE [Localité 5]-[Localité 7]



la ASSOCIATION AVOCALYS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2022

N° RG 19/01712 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TDLL

AFFAIRE :

SAS ANTHEMIS

C/

[P] [Y]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Février 2019 par le Conseil de Prud'hommes de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : Commerce

N° RG : 17/00674

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 5]-[Localité 7]

la ASSOCIATION AVOCALYS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS ANTHEMIS

N° SIRET : 482 258 654

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Jean-Louis DECOCQ de la SELARL XY AVOCATS,Déposant, avocat au barreau de COMPIEGNE

APPELANTE

****************

Madame [P] [Y]

née le 17 Août 1988 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - Représentant : Me Céline CONTREPOIDS-BERTIN de la SELARL BERTIN & BERTIN AVOCATS ASSOCIES, Déposant, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

Mme [P] [Y] a été embauchée à compter du 2 juillet 2012 selon contrat de travail à durée indéterminée dans l'emploi de responsable qualité par la société ANTHEMIS.

Par lettre du 2 avril 2013, la société ANTHEMIS a reproché à Mme [Y] un usage du téléphone professionnel à des fins personnelles et lui a demandé de cesser de telles 'dérives'.

Par lettre du 8 août 2013, la société ANTHEMIS a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 5 septembre 2013, la société ANTHEMIS a notifié à Mme [Y] son licenciement pour 'fautes graves'.

Au moment de la rupture du travail, la rémunération moyenne mensuelle de Mme [Y] s'élevait à 2 200 euros brut.

Le 8 juillet 2015, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société ANTHEMIS à lui payer notamment des indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour préjudice moral, ainsi qu'un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Par jugement du 25 février 2019, le conseil de prud'hommes (section commerce) a :

- dit que le licenciement de Mme [Y] est abusif ;

-condamné la société ANTHEMIS à lui payer les sommes suivantes :

* 2 200 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et 220 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 220 euros au titre des congés payés afférents ;

* 600 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 6 600 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

* 4 400 euros au titre du préjudice moral ;

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société ANTHEMIS de remettre à Mme [Y] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du quinzième jour du prononcé en se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- ordonné l'exécution provisoire sur la totalité de la décision ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société ANTHEMIS aux dépens.

Le 1er avril 2019, la société ANTHEMIS a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 24 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société ANTHEMIS demande à la cour de :

1°) à titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement abusif et, statuant à nouveau, dire le licenciement fondé sur une faute grave ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [Y] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé ;

- en conséquence, débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

2°) à titre subsidiaire, dire que le licenciement de Mme [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse et pour préjudice moral ;

3°) en tout état de cause, condamner Mme [Y] à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 4 mai 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [Y] demande à la cour :

1°) confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur son licenciement, sur le rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité légale de licenciement ;

2°) infirmer le jugement sur le montant des dommages-intérêts pour préjudice moral, le montant de l'indemnité pour rupture abusive, le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le débouté des demandes basées sur le travail dissimulé et la réalisation d'heures supplémentaires ;

3°) condamner la société ANTHEMIS à lui payer les sommes suivantes :

- 12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du licenciement ;

- 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- 12 000 euros en indemnisation des heures supplémentaires qu'elle a eues à effectuer sans aucune contrepartie financière.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 19 mai 2021.

SUR CE :

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour 'fautes graves' notifiée à Mme [Y] est ainsi rédigée : 'après analyse de votre emploi du temps, il ressort que sur votre lieu de travail et pendant votre temps de travail, vous consacrez une partie non négligeable de votre temps à des activités totalement étrangères à votre fonction de responsable qualité au sein de notre société.

Manifestement, vous n'avez pas tenu compte des observations qui vous avaient été adressées au mois de mars 2013, ni davantage des dispositions notamment du règlement intérieur.

En tout état de cause, votre attitude n'est pas loyale, et ne procède pas d'une exécution de bonne foi de votre contrat de travail.

En outre, sur les mois de juin et juillet 2013, en croisant votre emploi du temps avec celui du cadre qui partage lesdites activités extra professionnelles avec vous, pendant votre temps de travail, nous avons été amenés à relever que vous n'hésitez pas organiser votre emploi du temps avec celui du cadre de notre société, et à gérer vos déplacements professionnels pour satisfaire votre besoin de vous retrouver avec ladite personne, notamment à l'extérieur de la société chez les clients, là où la probabilité que deux collaborateurs aient les mêmes rendez-vous est notamment très improbable.

Qui plus est, vous utilisez dans ces conditions à des fins personnelles le véhicule de société mise à votre disposition pour les besoins de votre mission (...).

Là encore, cette façon de procéder ne relève pas d'une exécution loyale et de bonne foi de votre contrat de travail.

Vous avez abusé dans le cadre de vos fonctions de votre temps de travail rémunéré, et des frais et coûts générés par la mise à disposition du véhicule de société, et ce encore en dernier lieu le mercredi 7 août 2013.

Pour ces raisons, nous vous notifions donc votre licenciement immédiat pour fautes graves (...)';

Considérant que la société ANTHEMIS soutient que, malgré une première sanction prononcée à raison d'un usage du téléphone professionnel pour passer des appels personnels auprès d'un autre salarié de l'entreprise (M. [C]), Mme [Y] a organisé son emploi du temps en fonction de celui de M. [C], pour entretenir une relation personnelle au temps et au lieu de travail, et ce en utilisant le véhicule de la société ANTHEMIS et que le manquement à l'obligation de loyauté est ainsi établi ; qu'elle conclut ainsi que le licenciement est fondé sur une faute grave et qu'il y a lieu de débouter Mme [Y] de ses demandes ; qu'elle conclut à titre subsidiaire, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Considérant que Mme [Y] soutient que les motifs du licenciement sont imprécis et qu'en tout état de cause les faits reprochés ne sont pas établis ; qu'elle demande donc l'allocation d'indemnités de rupture et le paiement de la période de mise à pied conservatoire ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Qu'en l'espèce, il ressort tout d'abord des débats et des pièces versées que M. [C] est le supérieur hiérarchique de Mme [Y] et qu'il n'est donc pas contesté par la société ANTHEMIS que ces derniers étaient amenés à avoir de fréquents contacts pour l'exercice de leurs fonctions ;

Qu'ensuite, il ressort seulement des relevés de géolocalisation des véhicules professionnels de Mme [Y] et de M. [C] que ces derniers se sont retrouvés hors des locaux de l'entreprise à l'heure du déjeuner à quelques reprises notamment le 7 juin 2013, sans que ne soit démontré un usage abusif du véhicule professionnel à ces occasions, étant rappelé qu'ils étaient amenés l'un et l'autre à accomplir de nombreux déplacements ;

Que les relevés de géolocalisation montrent par ailleurs que ces deux salariés ont été au même moment à quelques reprises dans l'un des établissements secondaires de la société ANTHEMIS à [Localité 6] ou chez des clients, ce qui n'établit en soi aucun manquement eu égard à leurs liens hiérarchiques et professionnels ; que l'attestation d'une salariée de l'entreprise (Mme [Z]) indiquant qu'ils se 'retrouvaient dans les réserves du sous-sol pendant de longs moments' qui est imprécise et non corroborée par d'autres éléments, ne démontre en rien que les intéressés s'y livraient à des activités extra professionnelles ; qu'il en est de même d'une attestation d'un autre salarié mentionnant seulement la venue, selon lui, non prévue de Mme [Y] pour un audit sur le site d'un client alors que M. [C] s'y trouvait déjà, sans autre précision ;

Que la réalité des faits reprochés à Mme [Y] n'est donc pas établie, comme l'ont justement estimé les premiers juges ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [Y] est abusif ;

Que par suite il y a lieu également de confirmer le jugement en ce qu'il alloue à Mme [Y] un rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité légale de licenciement, dont les montants ne sont au demeurant pas contestés par l'employeur ;

Qu'en outre, Mme [Y] qui avait une ancienneté inférieure à deux années au moment du licenciement est fondée à réclamer des dommages-intérêts pour rupture abusive en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige ; qu'eu égard à son âge (née en 1988), à son ancienneté (14 mois), à sa rémunération, à l'absence d'éléments sur sa situation postérieure au licenciement, il y a lieu d'allouer une somme de 6 600 euros en réparation du préjudice découlant de la perte d'emploi ; que le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

Considérant qu'en tout état de cause, Mme [Y] ne verse pas le moindre élément pour établir la réalité du préjudice qu'elle invoque à ce titre ; qu'il y a donc lieu de la débouter de cette demande de dommages-intérêts ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur la demande liée aux heures supplémentaires :

Considérant qu'en application notamment de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Qu'en l'espèce, Mme [Y] ne fournit aucun élément sur le nombre d'heures supplémentaires en litige et se borne à verser aux débats quelques tickets épars de péage et d'achat d'essence qui n'apportent aucun élément sur les horaires de travail des journées et semaines en cause ;

Que de la sorte, elle ne présente pas à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur de répondre ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, la société ANTHEMIS, qui succombe majoritairement en appel, sera condamnée à payer à Mme [Y] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur les dommages-intérêts au titre du préjudice moral,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Déboute Mme [P] [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Condamne la société ANTHEMIS à payer à Mme [P] [Y] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société ANTHEMIS aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01712
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;19.01712 ?
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