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19/04/2022 | FRANCE | N°21/01872

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 19 avril 2022, 21/01872


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 AVRIL 2022



N° RG 21/01872 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMP3



AFFAIRE :



S.A.S. SOGEFINANCEMENT





C/



M. [F] [W]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Janvier 2021 par le Juge des contentieux de la protection de POISSY



N° RG : 11-20-209



Expé

ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19/04/22

à :



Me Stéphanie CARTIER



Me Sophie GALLAIS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2022

N° RG 21/01872 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMP3

AFFAIRE :

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

C/

M. [F] [W]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Janvier 2021 par le Juge des contentieux de la protection de POISSY

N° RG : 11-20-209

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19/04/22

à :

Me Stéphanie CARTIER

Me Sophie GALLAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Stéphanie CARTIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 350 - N° du dossier 2102.103

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Maître Sophie GALLAIS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 447

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère, rédactrice,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable sous seing privé acceptée le 24 août 2012, la société par actions simplifiée Sogefinancement a consenti à M. [F] [W] un crédit d'un montant de 17 000 euros remboursable en 84 échéances mensuelles de 281, 83 euros, au taux de 7,50 %.

Un avenant au contrat a été signé par les parties le 11 octobre 2013 prévoyant un réaménagement sous la forme de 108 mensualités de 219,04 euros.

Une mise en demeure entraînant la déchéance du terme a été notifiée le 15 novembre 2018.

Par acte d'huissier de justice délivré le 10 février 2020, la société Sogefinancement a assigné M. [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Poissy aux fins de le voir condamné à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes :

- 9 852, 14 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 15 novembre 2018 au titre du solde du crédit,

- 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 7 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Poissy a :

- déclaré irrecevable la société Sogefinancement en sa demande en paiement formée au titre du contrat consenti le 24 août 2012,

- débouté la société Sogefinancement de l'ensemble de ses demandes,

- laissé les dépens à la charge de la demanderesse.

Par déclaration reçue au greffe le 19 mars 2021, la société Sogefinancement a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 24 février 2022, elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement rendu le 7 janvier 2021 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

- déclarer irrecevable car prescrite la demande de dommages et intérêts de M. [W],

- condamner M. [W] au paiement de la somme totale de 9 852,14 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 7,50 % à valoir sur la somme totale de 9 145 euros (Total A + B + C) et au taux légal pour le surplus (D) et ce, à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2018 et jusqu'à parfait paiement, conformément aux anciens articles L311-24 et D311-6 du code de la consommation,

- déduire des sommes dues les versements reçus postérieurement à la déchéance du terme pour un montant total de 3 960 euros au 18 juin 2021,

A titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt personnel n° 34 198 782 806 souscrit le 24 août 2012,

- condamner M. [W] au paiement de la somme totale de 9 852,14 euros avec les intérêts au taux contractuel annuel de 7,50 % à valoir sur la somme totale de 9 145 euros (Total A + B + C) et au taux légal pour le surplus (D) et ce, à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2018 et jusqu'à parfait paiement, conformément aux anciens articles L311-24 et D311-6 du code de la consommation,

- déduire des sommes dues les versements reçus postérieurement à la déchéance du terme pour un montant total de 3 960 euros au 18 juin 2021,

En tout état de cause :

- condamner M. [W] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel au profit de Maître Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 février 2022, M. [W] demande à la cour de :

- le déclarer recevable en son appel incident,

- le déclarer recevable en son action en responsabilité à l'encontre de la société Sogefinancement non prescrite,

- confirmer la décision entreprise et débouter la société Sogefinancement de l'ensemble de ses demandes sauf la demande de restitution de la somme de 3 960 euros à son profit,

- dire que l'incident de paiement est constitué en avril 2017 et non pas en juin 2018,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la société Sogefinancement forclose en sa demande de paiement à son encontre,

- dire que la déchéance du terme du 15 novembre 2018 invoquée par la société Sogefinancement est nulle et non avenue,

- débouter la société Sogefinancement de sa demande de paiement à son encontre au titre du capital restant dû de 8 257,19 euros, les intérêts de retard de 11,65 euros, de l'indemnité légale de 707,14 euros et intérêts de retard,

- débouter la société Sogefinancement de sa demande de paiement à son encontre au titre des échéances impayées de 876,16 euros en raison de l'absence d'identification de ces échéances,

- ordonner la restitution de la somme de 3 960 euros comme le demande la société Sogefinancement,

- dire qu'il y a lieu de prononcer la déchéance des intérêts,

- débouter par conséquent la société Sogefinancement de sa demande de paiement d'intérêts au taux contractuel annuel de 7,5 % à valoir sur la somme de 9 145 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 15 novembre 2018,

- dire qu'il n'y a pas lieu à appliquer l'indemnité légale ou toute clause pénale contractuelle,

- par conséquent, rejeter la demande de la société Sogefinancement de paiement d'intérêts au taux contractuel annuel de 7,5 % à valoir sur la somme de 9 145 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 15 novembre 2018,

- condamner la société Sogefinancement à lui régler la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour violation du droit de conseil dans la souscription des prêts,

- confirmer la décision laissant les dépens à la charge la demanderesse,

- dire que la société Sogefinancement devra lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les dépenses seront à la charge de la société Sogefinancement conformément à l'article 699 du code de procédure civile qui pourront être recouvrés par Maître Sophie Gallais.

La clôture de l'instruction a été reportée au 10 mars 2022.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

' sur la forclusion

La société Sogefinancement fait valoir, au soutien de son appel, que le premier impayé non régularisé est intervenu le 5 juin 2018, de sorte que l'action introduite le 10 février 2020 est recevable.

En réponse, M. [W] affirme que le premier incident remonte en avril 2017, sans régularisation par la suite, même en tenant compte de l'avenant de réaménagement du 10 avril 2013.

Sur ce,

L'article L311-52 du code de la consommation, applicable au présent litige, dispose :

"Le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

- ou le premier incident de paiement non régularisé ;

- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;

- ou le dépassement, au sens du 11° de l'article L311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L311-47."

Il n'est pas en débat que le crédit consenti le 24 août 2012, selon un échéancier de 84 mensualités de 281,73 euros, a fait l'objet d'un avenant de réaménagement intervenu le 13 octobre 2013, les parties convenant d'un règlement des sommes restant dues par mensualités de 219,04 euros à compter du 30 novembre 2013.

Il résulte de l'historique de compte que le premier impayé non régularisé peut être fixé au mois de juin 2018, et non en avril 2017, des versements ayant permis la régularisation des échéances impayées en 2017. Retenir la date d'avril 2017 ne prend pas en compte les 14 versements effectués postérieurement à cette date, et avant la date de la déchéance du terme. La société Sogefinancement n'a pas reconnu à l'audience cette date d'avril 2017, mais a bien confirmé la recevabilité de son action.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action forclose, dès lors que l'action initiée le 10 février 2020 a été introduite moins de deux ans après cette date.

' sur la déchéance du terme

Par application de l'article L312-39 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent contrat, «en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.»

Si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Les conditions générales du prêt souscrit le 24 août 2012 prévoyaient à l'article 5.6 que «en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements, Sogefinancement pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurances échus mais non payés. (...).»

Ainsi, selon les stipulations contractuelles, la banque a la faculté de solliciter l'exigibilité anticipée de l'intégralité de la dette. Une mise en demeure de régulariser, adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception et demeurée sans effet, est nécessaire à la régularité de cette déchéance du terme.

Dans le cas présent, la Société Sogefinancement justifie avoir adressé un courrier par lettre recommandée avec accusé de réception, daté du 15 novembre 2018, aux termes duquel l'établissement de crédit fait état du retard de paiement non régularisé, et met en demeure le débiteur d'avoir à régler la somme due dans un délai de 8 jours à compter de la réception dudit courrier. La banque avise M. [W] que « à défaut de satisfaire à la présente mise en demeure dans un délai de 8 jours, l'intégralité de la créance en capital, intérêts et accessoires deviendra immédiatement et de plein droit exigible, et ce conformément aux clauses et conditions du contrat de prêt susvisé.»

Il est établi que M. [W] a laissé impayées plusieurs échéances du crédit qu'il avait souscrit et se trouve, en conséquence, débiteur de la société Société Sogefinancement. L'argument invoqué par le débiteur selon lequel cette lettre serait imprécise n'est pas sérieux, alors qu'il est rappelé précisément les échéances impayées et le capital restant dû, ce d'autant que M. [W] ne démontre pas avoir été induit en erreur quant au crédit concerné. De plus, il ne peut pas prétendre que la date de prélèvement a été modifiée sans motif, alors qu'il est établi qu'il avait sollicité ce changement de date et qu'en toute hypothèse à la date d'envoi de la lettre de mise en demeure, plusieurs échéances étaient impayées (pour un montant de 876,16 euros).

A l'issue du délai de 8 jours accordé par la société Sogefinancement, M. [W] n'a pas régularisé la situation de sorte que la société Sogefinancement est bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme régulièrement intervenue le 25 novembre 2018, 8 jours après la réception du courrier.

' sur la déchéance du droit aux intérêts

M. [W] soutient que la déchéance du droit aux intérêts est encourue, motif pris qu'en dépit des moyens soulevés par le premier juge du défaut de consultation du FICP, du défaut de production de la fiche de solvabilité et de la fiche précontractuelle d'informations, l'appelante n'a pas produit ces éléments.

En réponse, la société Sogefinancement oppose avoir respecté ses obligations en matière de vérification de solvabilité et d'information précontractuelle.

Sur ce,

Selon l'article L311-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion du contrat, 'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.'

Le non-respect de cette disposition est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans les conditions de l'article L311-48 du même code.

La société Sogefinancement justifie avoir consulté le FICP le 24 août 2012 régulièrement et conformément aux prescriptions légales, consultation dont il n'est ressorti aucun incident déclaré.

Elle a également renseigné la fiche de solvabilité.

Il ne peut être fait grief à la société Sogefinancement de n'avoir pas mentionné les autres crédits en cours, alors qu'il est établi que le prêt litigieux a permis le remboursement de deux prêts en cours, Expresso et Alterna, ainsi qu'il résulte des relevés de compte de M. [W].

Le fait que M. [W] ait, postérieurement à la conclusion de ce contrat, fait une nouvelle utilisation du crédit renouvelable Alterna, ne peut pas plus être imputé à faute à la banque, M. [W] ayant ainsi lui-même aggravé son endettement.

Il ne peut être déduit de ces éléments que la société Sogefinancement a insuffisamment vérifié la solvabilité de M. [W], alors que le remboursement des deux crédits a permis de réduire le montant de la mensualité due en remboursement des crédits, de sorte que le niveau d'endettement de l'emprunteur s'en est trouvé nécessairement amélioré au moment de la conclusion du crédit, les agissements ultérieurs de M. [W] n'étant en rien imputables à la banque.

En dernier lieux, M. [W] reproche à la société Sogefinancement de n'avoir pas respecté l'obligation de remettre la fiche d'information précontractuelle.

L'article L 311-6 du code de la consommation prévoit que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur donne à l'emprunteur par écrit ou sur un autre support durable les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur compte tenu de ses préférences d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Par arrêt rendu le 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32). La Cour de justice précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée (point 29) ; elle ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant (point 30), et que si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).

Il importe, en conséquence, à la société Sogefinancement de rapporter la preuve qu'elle a satisfait aux obligations que lui impose le code de la consommation en remettant à M. [W] une fiche dite FIPEN.

Dans le contrat de regroupement de crédits signé le 24 août 2012, M. [W] a indiqué à côté de sa signature 'l'emprunteur reconnaît avoir reçu de Société Générale, sur la base de la fiche d'information précontractuelle qui lui a été remise, les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière (...)'

La société Sogefinancement verse aux débats un exemplaire de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, qui reprend les renseignements propres à la situation de M. [W], ce qui vient corroborer la stipulation contractuelle ci-dessus rappelée.

En conséquence, la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue.

' sur la demande en paiement

L'appelante produit à l'appui de sa demande :

- l'offre de crédit signée le 24 août 2012,

- la fiche FIPEN et le document d'informations préalables sur le regroupement de crédit,

- la fiche de renseignements

- la fiche d'information de conseil en assurance et la demande d'adhésion aux contrats d'assurance en prêt,

- la consultation du FICP,

- le tableau d'amortissement,

- l'avenant de réaménagement et le tableau d'amortissement établi postérieurement à ce réaménagement,

- un décompte de créance daté du 13 novembre 2018

- le courrier de mise en demeure préalable à la déchéance du terme du 15 novembre 2018.

Il résulte de ces éléments que la créance de la société Société Sogefinancement s'établit comme suit :

- échéances échues et impayées avec intérêts : 876,16 euros

- capital restant dû à la déchéance du terme : 8 257,19 euros

- versements effectués postérieurement à la déchéance du terme : 3 960 euros

Solde arrêté au 18 juin 20212 : 5 173,35 euros

laquelle somme portera intérêts calculés au taux contractuel de 7,50 % à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2018.

La société Sogefinancement sollicite de surcroît la somme de 707,14 euros à titre d'indemnité de résiliation.

Aux termes de l'article 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Il convient, pour apprécier d'office ou en cas de contestation, le montant contractuellement prévu de l'indemnité, de se référer à l'économie globale du contrat et à son équilibre, ainsi qu'à son application, et notamment au montant du crédit, à la durée d'exécution du contrat, au bénéfice déjà retiré par le prêteur, au taux pratiqué et au pourcentage fixé pour l'indemnité.

En l'espèce, compte tenu du montant et de la durée du prêt et du taux d'intérêt pratiqué, qui est élevé par rapport au taux légal en vigueur, l'indemnité contractuelle de 8 % apparaît manifestement excessive au regard du bénéfice déjà retiré par le prêteur.

La cour ramène cette indemnité à 1 euro.

En conséquence, M. [W] est condamné à payer à la société Société Sogefinancement la somme de 5 173,35 euros, assortis des intérêts au taux contractuel de 7,50 % à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2018, outre 1 euro à titre d'indemnité de résiliation.

' sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de conseil

M. [W] demande enfin l'octroi de dommages-intérêts. En réponse au moyen tiré de la prescription d'une telle demande qui lui est opposé par la société Sogefinancement, il soutient que la date du dommage doit être retenue comme le point de départ du délai quinquennal, et non celle de la souscription du crédit, que les difficultés financières qu'il a connues coïncident avec la date du 1er impayé non régularisé, et qu'il est donc recevable à rechercher la responsabilité de l'organisme prêteur. Sur le fond, il affirme que le découvert autorisé du crédit Alterna avait vocation à être utilisé et qu'il n'en a pas été tenu compte, et il avait une situation très fragile qui n'a pas été prise en considération. Il estime que ses capacités financières n'étaient pas suffisantes pour permettre le remboursement du crédit accordé.

En réponse, la société Sogefinancement lui oppose la prescription de sa demande, au motif que le point de départ du délai se situe la date de la manifestation des premières difficultés de remboursement, lesquelles se situent au plus tôt le 30 juillet 2013, ce qui a d'ailleurs abouti à un réaménagement, qu'il n'est pas exact de dire que ces premières difficultés se situent à la date du premier impayé non régularisé. Sur le fond, elle réfute tout manquement de sa part à ses obligations, affirmant avoir vérifié la solvabilité au moment de la conclusion du contrat, vérification qu'elle n'avait pas à renouveler lors du réaménagement du contrat.

Sur ce,

L'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de conseil, formée en réponse à l'action en paiement engagée par celle-ci, constitue une demande reconventionnelle aux fins d'allocation d'une indemnité pour perte de chance, dont la prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime.

La demande litigieuse formulée par M. [W] est une demande reconventionnelle dont le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face. La société Sogefinancement est mal fondée à opposer à M. [W] le fait que le point de départ se situait, sinon à la date de conclusion du crédit, du moins à la date des premières difficultés de remboursement survenues dès l'année 2013. A cette date, en effet, un réaménagement du crédit a été proposé à M. [W] pour remédier à ses difficultés, réaménagement dont il a pu penser qu'il lui permettrait d'assurer le règlement régulier de la dette.

Par conséquent c'est bien à partir de la date du 1er impayé non régularisé, intervenu en juin 2018, que commence à courir le délai de prescription.

Formée par les premières conclusions de M. [W] devant la cour du 2 septembre 2021, une telle demande de dommages-intérêts n'encourt pas la prescription et la demande est recevable.

Sur le fond, M. [W] ne peut se contenter de faire état des ressources qui étaient les siennes alors, ainsi que de ses charges, puisque celles qu'il a déclarées devaient lui permettre de faire face à ses obligations, ce d'autant qu'il s'agissait ainsi de réduire son niveau d'endettement, comme le démontre le remboursement immédiatement après le déblocage des fonds de deux prêts qui étaient en cours et qui grevaient jusque-là plus nettement son budget.

Il ne peut ainsi reprocher à la société Sogefinancement le fait qu'elle lui ait consenti ce crédit, dont l'encours était inférieur aux deux crédits alors en cours. De plus, dans la mesure où M. [W] a choisi de réutiliser la réserve que lui offrait le crédit Alterna, il a lui-même contribué à la réalisation des difficultés rencontrées.

La demande de dommages-intérêts ne peut prospérer, en l'absence de la preuve d'une faute imputable à la société de crédit.

' sur les autres demandes

M. [W] est condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, par Me Stéphanie Cartier qui en a fait la demande, les dispositions du jugement statuant sur les dépens étant par ailleurs infirmées.

M. [W] est condamné à payer à la société Sogefinancement la somme de 800 euros d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action initiée par la société Sogefinancement,

Condamne M. [F] [W] à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 173,35 euros, assortis des intérêts au taux contractuel de 7,50 % à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2018, outre 1 euro à titre d'indemnité de résiliation,

Rejette la demande de dommages-intérêts présentée par M. [F] [W],

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [W] à payer à la société Sogefinancement la somme de 800 euros d'indemnité procédurale,

Condamne M. [F] [W] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, par Me Stéphanie Cartier qui en a fait la demande.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 21/01872
Date de la décision : 19/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-19;21.01872 ?
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