La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2021 | FRANCE | N°19/02334

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 18 février 2021, 19/02334


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50A



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 FEVRIER 2021



N° RG 19/02334





N° Portalis DBV3-V-B7D-TDLS



AFFAIRE :



SARL MECARMOR



C/



[B] [X]

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 15/13156





r>
Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Stéphanie FOULON BELLONY



Me Katell FERCHAUX-

LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La co...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 FEVRIER 2021

N° RG 19/02334

N° Portalis DBV3-V-B7D-TDLS

AFFAIRE :

SARL MECARMOR

C/

[B] [X]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 15/13156

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie FOULON BELLONY

Me Katell FERCHAUX-

LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL MECARMOR

N° SIRET : 497 380 444

[Adresse 7]

[Localité 3]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Stéphanie FOULON BELLONY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 673

Représentant : Me Nadreau , Avocat , Plaidant au BARREAU de SAINT MALO

APPELANTE

***************

1/ Monsieur [B] [X]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

2 - SELARL JTBB AVOCATS

N° SIRET : 344 844 030

[Adresse 2]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

3 - Société civile [X] ROUGERIE

N° SIRET : 485 099 949

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20190262

Représentant : Me Bruno BENEIX-CHRISTOPHE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0035

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Janvier 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie José BOU, Président et Madame Françoise BAZET, Conseiller et chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

-----------

FAITS ET PROCÉDURE

Le 4 avril 2007, la société civile [X] Rougerie a vendu à la société Mecarmor une péniche Mermoz, moyennant le prix de 180 000 euros.

Affirmant avoir été privée de la possibilité d'exploiter cette péniche comme elle en avait eu le projet et ce en raison de manquements commis par la venderesse, la société [X] Rougerie, M. [B] [X], gérant de cette société et par ailleurs son conseil, et enfin par la société d'avocats JTBB au sein de laquelle exerçait M. [X], la société Mecarmor a initié une action à leur encontre.

Par acte du 15 novembre 2011, la société Mecarmor a assigné la société [X] Rougerie devant le tribunal de commerce de Paris, puis, par acte du 10 juillet 2013, elle a assigné en intervention Maître [X] et la société [X] Trehorel Bozon Bechet (JTBB).

Les deux affaires ont été jointes.

Saisi par la société JTBB, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris par jugement du 18 octobre 2013. Fondée sur l'article 47 du code de procédure civile, une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2015 a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 21 février 2019, le tribunal a :

- débouté la société Mecarmor de l'ensemble des demandes présentées à l'encontre de la société [X] Rougerie, de M. [X] et de la société JTBB,

- débouté les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la société Mecarmor supportera la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procedure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par acte du 1er avril 2019, la société Mecarmor a interjeté appel et demande à la cour, par dernières écritures du 27 janvier 2020, de :

- la recevoir en son appel et la déclarant fondée,

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions qui déboutent la société Mecarmor en mettant les dépens à sa charge.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- constater que la société [X] Rougerie a manqué à son engagement d'obtention pour le compte de la société Mecarmor d'une autorisation de stationnement au port de [Localité 6],

- constater la résolution du contrat de vente de la péniche du 4 avril 2007, avec toutes conséquences de droit.

En tout état de cause :

- constater que la société [X] Rougerie a commis une réticence dolosive relative à l'existence d'une dalle en béton dans la cale de la péniche 'Mermoz',

- juger que la société [X] Rougerie a engagé sa responsabilité délictuelle en revendant la péniche 'Mermoz' à un tiers à l'insu de la société Mecarmor,

- juger que le droit à indemnisation de la société Mecarmor est intégral,

- déclarer Maître [X] et la société JTBB responsables des différents manquements comme avocat et conseil de la société Mecarmor,

- constater le caractère dolosif des dites fautes,

- condamner in solidum la société civile [X] Rougerie, Maître [X], et la société JTBB à lui payer :

la somme de 180'000 euros avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 4 avril 2007,

celle de 30'000 euros à titre de dommages et intérêts,

et celle de 15'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens,

- débouter les mêmes de toutes leurs demandes, fins et conclusions, y compris du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 9 mars 2020, M. [X], la société JTBB Avocats et la société [X] Rougerie demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

- débouter la société Mecarmor de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions qu'elles soient dirigées à l'encontre de Maître [X], de la société JTBB avocats et de la société [X] Rougerie,

- la condamner à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de:

5 000 euros à la société [X] Rougerie,

5 000 euros à M. [X],

5 000 euros à Maître [X] et à la société JTBB Avocats,

- condamner la société Mecarmor aux dépens de première instance et d'appel.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2020.

SUR QUOI, LA COUR

- Sur la résolution de la vente

Le tribunal a observé qu'était annexé à l'acte de vente un document manuscrit signé par M. [X], selon lequel il s'engageait au nom et pour le compte de la société [X] Rougerie à rembourser le prix de vente du bateau, à défaut d'obtenir pour le compte de la société Mecarmor une autorisation de stationnement au Port de [Localité 6], et que la vente serait alors résolue. Le tribunal a retenu qu'il était certain que les parties avaient entendu insérer une clause résolutoire à l'acte, et que cette disposition ne pouvait s'analyser comme une condition suspensive. Relevant qu'il n'était pas discuté que l'autorisation de stationnement au Port de [Localité 6] n'avait pas été obtenue, le tribunal a considéré qu'il appartenait à la société Mecarmor d'établir que la société [X] Rougerie et M. [X] avaient manqué à leurs engagements. Or, le tribunal a constaté que si la société Mecarmor reprochait à la société [X] Rougerie de ne pas avoir fait le nécessaire pour lui permettre l'obtention de l'autorisation de stationnement, elle ne démontrait pas avoir fait le préalable nécessaire en remplissant les formalités de déclarations et de publicités réglementaires auprès des autorités de navigation. En outre, le tribunal a relevé que le courrier adressé le 10 octobre 2011, soit plus de 4 ans après la vente de la péniche, réclamant le paiement de la somme correspondant au prix de vente versé, ne pouvait être interprété comme une mise en demeure valant mise en oeuvre de la clause résolutoire. Egalement, le tribunal a constaté qu'il était établi que la société [X] Rougerie avait entrepris les démarches nécessaires à l'obtention d'une autorisation de stationnement au Port de [Localité 6], par courrier du 30 mai 2006, mais que ces formalités n'avaient pas été poursuivies après la vente, du fait de l'inaction de la société Mecarmor.

Le tribunal a conclu qu'il n'était pas établi que la société [X] Rougerie ou son gérant, M. [X], avaient été mandatés par la société Mecarmor pour réaliser les démarches d'immatriculation et de publicité, et qu'il n'était pas davantage établi que l'avocat, Maître [X], aurait lui-même en sa qualité de conseil habituel de Mecarmor, reçu cette mission, et a donc rejeté la demande de cette dernière.

L'appelante soutient que c'est à tort que le tribunal, pour rejeter sa demande tendant à la résolution de la vente, a considéré que la clause par laquelle s'engageait la venderesse devait recevoir la qualification de condition résolutoire. Elle affirme que par cette clause un engagement a été pris unilatéralement par M. [X] sur un document annexé au contrat de vente et non signé par elle. En tout état de cause, que l'engagement de la société [X] Rougerie soit qualifié de condition suspensive ou résolutoire, la société Mecarmor souligne qu'elle n'avait pas l'obligation de mettre en demeure la société [X] Rougerie d'avoir à s'exécuter, même si le 10 octobre 2011, elle a en tout état de cause adressé à la société [X] Rougerie une mise en demeure d'avoir à rembourser le prix de vente de la péniche visant l'engagement pris par celle-ci dans l'acte de vente.

L'appelante fait en outre valoir que M. [X] était son conseil habituel, donc tenu à une obligation d'information et de conseil, et qu'il lui incombait d'effectuer les formalités administratives ou à tout le moins de l'informer des formalités nécessaires. Elle affirme enfin que la société [X] Rougerie ne lui a jamais remis les documents nécessaires à l'accomplissement des formalités administratives et que c'est M. [X] qui avait conservé les originaux dans le but d'accomplir les formalités.

En réponse, les intimés font valoir que les termes de la clause litigieuse démontrent qu'elle constitue une clause résolutoire et non une condition, et qu'ainsi, le contrat était ferme et définitif, non suspendu à une condition, quand bien même la société [X] Rougerie, dans un document annexe, s'était engagée à ce que l'acquéreur obtienne une place au port de [Localité 6]. Pour les intimés, il incombait à la société Mecarmor de procéder d'abord au transfert de propriété, préalable nécessaire à l'obtention d'une place de stationnement, et que celle-ci a fait preuve d'une totale inertie.

* * *

La société Mecarmor a acquis, le 4 avril 2007, de la société [X] Rougerie, un bateau de navigation intérieure en acier dénommé 'Mermoz', construit en 1919, au prix de 180 000 euros, payé le jour de la vente. L'article 4 du contrat précise que l'acquéreur est propriétaire du bateau à compter de la signature de l'acte et en aura la jouissance ce même jour. Il est également mentionné à l'acte de vente que l'acquéreur paiera à compter de ce jour tous les impôts et contributions auxquels ledit bateau pourra être assujetti à raison de sa propriété et/ou de son exploitation, se soumettra à toutes les obligations édictées par la législation et les règlements de la navigation intérieure, de manière à ce que le vendeur ne soit jamais inquiété ni recherché à ce sujet'.

L'article 9 précise que l'acquéreur 'fera les déclarations et publicités nécessaires auprès des autorités et, notamment, du service de la navigation'.

L'article 11 de l'acte de vente précise : 'il est remis ce jour à l'acquéreur, qui le reconnaît, les livrets d'inscription de droits réels et d'immatriculation. L'acquéreur est, dès lors, subrogé dans tous les droits et actions du vendeur pour se faire délivrer à charge des frais, tels extraits ou expéditions d'actes ou jugements ou toutes autres pièces dont il pourrait avoir besoin'.

La société Mecarmor n'est donc pas fondée à soutenir que la société [X] Rougerie a conservé les originaux dans le but d'accomplir les formalités de mutation et d'autorisation de stationnement au port de [Localité 6].

La société [X] Rougerie a transmis à la société Mecarmor une simulation des redevances exigibles et la liste des documents à fournir en vue du transfert de propriété (pièces n°2 et n°3 dont le mail du 20 juillet 2007 accusant réception de l'entier dossier). Il n'est par ailleurs pas contesté par la société Mecarmor qu'un des porteurs de parts de la société [X] Rougerie, M. Rougerie, en sa qualité d'architecte, a été chargé par l'acquéreur de faire établir des devis par des entreprises pour le réaménagement de la péniche, devis établis en juillet 2007.

Lors de la conclusion de cette vente, le Mermoz était stationné aux Chantiers Navals du Nord Van Praet et y est resté jusqu'à sa revente le 24 mars 2011.

Un document est annexé à l'acte de vente et daté du même jour. Il mentionne : 'je soussigné M. [B] [X] s'oblige expressément au nom et pour le compte de la SC Rougerie à rembourser le prix de vente du bateau Le Mermoz à défaut d'obtenir pour le compte de la Mecarmor une autorisation de stationnement au Port de [Localité 6]. La vente du bateau étant alors purement et simplement résolue'.

Il est inexact de soutenir comme le fait l'appelante que le tribunal a analysé cette clause comme une condition résolutoire puisque le tribunal a très précisément jugé : ' Il est certain que les parties ont ainsi entendu insérer une clause résolutoire à l`acte. conforme aux dispositions de l`article 1184 du code civil. Contrairement à ce que prétend la société Mecarmor, cette disposition ne peut s'analyser comme une condition suspensive'.

En considération des mentions figurant à l'acte de vente et des éléments rappelés ci-dessus, il est certain que la vente était parfaite le jour de la conclusion de l'acte le 4 avril 2007, emportant transfert de propriété et jouissance du bien au profit de la société Mecarmor, les parties ayant convenu de résoudre la vente dans l'hypothèse où le Mermoz n'obtiendrait pas une autorisation de stationnement au port de [Localité 6].

Il incombait à l'acquéreur de procéder aux formalités de mutation et de publicité auprès des services compétents et non au vendeur, lequel ne pouvait procéder aux démarches en vue de l'obtention de l'autorisation de stationnement qu'une fois le transfert de propriété retranscrit et opposable aux tiers, étant rappelé que la convention d'occupation précaire résultant de l'autorisation de stationnement est accordée personnellement au propriétaire d'un bateau déterminé et n'est pas cessible (pièce n°18 de l'appelante).

Or, il n'est produit par l'appelante aucune pièce de nature à établir qu'elle aurait entrepris des démarches à cette fin. Il apparaît au contraire que durant une période allant de la vente en avril 2007 à l'automne 2011, elle s'est désintéressée de ce bateau et qu'elle ne souhaitait plus en conserver la propriété. Le gérant de la société Mecarmor écrit d'ailleurs à M. [X] le 11 août 2010 en indiquant : 'il faut sortir de ce chantier et trouver un endroit de stationnement. La vente de la péniche est difficile car aucune visite n'est possible sur cette berge'. Il sera observé au demeurant que contrairement à ce qu'elle peut soutenir à certains endroits de ses écritures, la société Mecarmor savait parfaitement où était stationnée la péniche, soit au même endroit que lors de la vente, ce qui est également établi par les conditions particulières du contrat assurant le Mermoz en 2008, qui mentionne qu'il est en stationnement permanent au chantier de [Localité 11], soit aux Chantiers Navals du Nord Van Praet.

Pour sa part, la société [X] Rougerie démontre s'être informée l'année précédant la vente auprès du Port autonome de [Localité 8] sur les conditions dans lesquelles elle pourrait bénéficier d'une autorisation de stationnement, demandant quelles étaient les démarches nécessaires à son obtention.

La société [X] Rougerie, qui est restée aux yeux des tiers la propriétaire de la péniche, a été destinataire d'un procès-verbal du 4 mai 2010 établi par un agent des services des voies navigables de France, qui constate que le Mermoz occupe le domaine public fluvial sans droit ni titre, que le bien n'est plus entretenu et qu'aucun propriétaire ou gardien se trouve à bord, ce qui permet de présumer de son abandon. Les services compétents informent la société [X] Rougerie que, faute de manifestation de sa part dans un délai de 6 mois, le bateau deviendra la propriété des voies navigables de France.

C'est à la lumière de ces derniers éléments qu'il convient de lire le message adressé par le gérant de la société Mecarmor à M. [X] le 11 août 2010, dont les termes ont été partiellement rappelés plus haut, le premier indiquant au second qu'il faut sortir la péniche, lui trouver un endroit de stationnement car la vente n'est pas envisageable si le bateau reste où il est car aucune visite n'est possible 'sans passer par chez Van Praet', étant rappelé que la société des Chantiers Navals Van Praet réclamait à l'appelante à cette époque le paiement d'une somme de 14 950 euros au titre des 'frais d'encombrement du bateau Mermoz'. Dans ce même message, le gérant de la société Mecarmor mentionne qu'il est informé de la procédure d'abandon de la péniche. Le message s'achève en ces termes : 'je te rappelle demain pour savoir si tu peux t'occuper de ce dossier'. Si, comme le retient le tribunal, cette phrase n'est pas un mandat exprès donné à la société Rougerie de revendre la péniche, elle s'apparente à tout le moins à un accord tacitement donné afin de trouver une solution à une situation qualifiée de 'non tenable'.

Le tribunal a ainsi à bon droit jugé que la société Mecarmor échouait à rapporter la preuve d'une faute qui pourrait être reprochée à la société [X] Rougerie de nature à fonder la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

- Sur la réticence dolosive

Le tribunal a retenu que la société Mecarmor ne démontrait pas que la société [X] Rougerie lui avait dissimulé l'existence d'une dalle. Il a relevé que s'il était certain que le prix de la péniche avait très nettement diminué, cette situation était connue de l'acquéreur, car le prix initial était stipulé à l'acte. Le tribunal a par ailleurs constaté que le projet d'exploiter un restaurant n'était pas mentionné à l'acte, de sorte qu'il n'était pas établi qu'il était déterminant du consentement de l'acquéreur et porté à la connaissance du vendeur. De plus, le tribunal a relevé que la société [X] Rougerie versait un devis du 30 juillet 2007, sur lequel figurait l'existence de cette dalle, et que s'il était certain que cet élément n'avait pas été mentionné expressément à l'acte, il était établi que la société Mecarmor n'avait eu aucune réaction lorsqu'elle avait prétendu avoir découvert ce fait.

Soutenant que la société [X] Rougerie lui a dissimulé l'existence de la dalle en béton, la société Mecarmor fait valoir qu'elle a fait l'acquisition de la péniche afin de la transformer en établissement de restauration recevant du public, ce que M. [X] ne pouvait ignorer puisqu'il est son conseil habituel. Elle souligne que la société [X] Rougerie a revendu la péniche quelques mois seulement après l'avoir acquise pour la somme de 180 000 euros, ce qui démontre qu'elle savait que le navire ne pouvait recevoir du public. La société Mecarmor avance que le fait que la différence de prix avec la précédente vente soit mentionnée à l'acte ne permet pas d'affirmer que la société [X] Rougerie l'avait informée de l'existence de cette dalle et que, si tel avait été le cas, la société [X] Rougerie n'aurait pas manqué de l'indiquer au dit acte. La société Mecarmor ajoute que c'est à tort que le tribunal ne s'est pas convaincu de ce que l'exploitation de la péniche était déterminante de son consentement, alors qu'en sa qualité de société commerciale, elle avait nécessairement pour but de tirer un revenu de la péniche, ce que ne pouvait ignorer la société [X] Rougerie.

Affirmant qu'aucune réticence dolosive ne peut lui être imputée, la société [X] Rougerie fait valoir que M. Rougerie a fait établir des devis de réfection du bateau, qui ont été communiqués à la société Mecarmor et qui mentionnent la présence de béton, ce qui démontre qu'elle n'a en aucun cas tenté de dissimuler cette information. Les intimés ajoutent que l'acte de vente fait expressément apparaître la différence entre le prix de la précédente vente et le prix de la vente réalisée avec la société Mecarmor.

* * *

Aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'acte de vente du 4 avril 2007 mentionne expressément en sa première page que la société [X] Rougerie a acquis en janvier 2006 la péniche Mermoz au prix de 420 000 euros, et qu'elle a été revendue un an plus tard au prix de 180 000 euros. Même s'il est regrettable que les causes de cette forte baisse n'aient pas été mentionnées à l'acte, et ce d'autant que M. [X] est avocat et a été le conseil de la société Mecarmor dans certains litiges, il n'en demeure pas moins que cette différence sensible de prix n'a pu échapper au gérant de la société Mecarmor.

Il n'est par ailleurs nullement établi que l'acquéreur ait fait part à son vendeur de son projet d'aménager la péniche en restaurant et que ce projet ait été déterminant de son acquisition. La société Mecarmor ne verse aux débats aucune pièce établissant qu'en amont de cette acquisition, elle ait accompli quelque démarche que ce soit pour connaître les formalités nécessaires à l'ouverture d'un restaurant, de surcroît sur la Seine - activité dont il n'apparaît pourtant pas qu'elle entre dans ses activités habituelles- ou pour évaluer ne serait-ce que les perspectives de rentabilité d'un tel commerce au regard de son implantation et des facteurs environnants. Il ne peut donc être retenu que ce projet avait alors une réelle consistance.

Ainsi que le relève le tribunal, les devis établis en juillet 2007 par l'intermédiaire de M. Rougerie à la demande de la société Mecarmor mentionnent la présence d'une dalle de béton en fond de cale. Or, la transmission par le vendeur de ces devis à l'acquéreur n'a donné lieu à aucune protestation de sa part alors pourtant qu'il aurait ainsi appris que son projet n'était pas réalisable.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé que la société Mecarmor ne rapportait pas la preuve d'un dol imputable à la société [X] Rougerie.

- Sur la responsabilité délictuelle de la société [X] Rougerie :

La société Mecarmor a reproché à la société [X] Rougerie d'avoir revendu à son insu la péniche et ce pour un prix dérisoire, engageant ainsi sa responsabilité.

Le tribunal a jugé qu'il n'était pas établi que la société Mecarmor avait chargé la société [X] Rougerie de vendre la péniche mais a observé que cette dernière s'était acquittée de la facture établie par la société Chantier Naval Van Praet, ce qui avait conduit cette dernière à se désister de l'instance introduite à l'encontre de la société Mecarmor. Le tribunal en a déduit que la société [X] Rougerie reconnaissait ainsi être en compte avec la société Mecarmor et qu'elle avait effectué ce règlement après en avoir négocié le montant. Le tribunal a retenu que la société Mecarmor ne démontrait pas avoir subi un préjudice plus important que celui déjà réparé par le règlement effectué pour son compte par la société [X] Rougerie des sommes dues à la société Van Praet.

La société Mecarmor allègue que la société [X] Rougerie, profitant de ce que le transfert de propriété n'avait pas été publié, a revendu à son insu la péniche à un tiers, alors qu'il n'est pas démontré qu'elle lui avait demandé de le faire. Elle souligne qu'elle a été vendue à un prix extrêmement bas, et qu'il ne peut être soutenu que ce prix viendrait se compenser avec une éventuelle créance de la société [X] Rougerie au titre du paiement d'une facture de la société Van Praet. La société Mecarmor affirme qu'en toute hypothèse, à supposer que la société [X] Rougerie ait négocié le montant de la facture, cette circonstance ne peut conduire à un solde nul entre les parties.

En réponse, la société [X] Rougerie réplique que le responsable de cet état de fait est la société Mecarmor qui était en possession de tous les documents nécessaires pour effectuer les démarches permettant la publication du transfert de propriété. Elle observe qu'eu égard à l'état du bateau, qu'elle qualifie d'épave, elle a été contrainte de trouver rapidement un acquéreur, ce qui explique la modestie du prix obtenu.

* * *

Il a été jugé que la société [X] Rougerie n'avait pas reçu mandat de la société Mecarmor pour vendre la péniche même si les termes de la lettre du 11 août 2010 s'apparentaient à un accord tacitement donné afin de trouver une solution à une situation qualifiée de "non tenable".

Cet accord ne dispensait à l'évidence pas la société [X] Rougerie d'obtenir l'accord de la société Mecarmor à la vente conclue en mars 2011 et ce d'autant que le prix obtenu était très bas, soit 10 000 euros. Elle est en cela fautive.

Il n'est pas justifié de ce que la péniche était une épave, les photographies produites n'étant pas probantes puisqu'elles ne sont pas datées, à l'exception de la première, et qu'on ignore si elles concernent bien le Mermoz, mais il doit être retenu qu'elle était à l'abandon depuis sa vente en 2007, état d'abandon relevé en mai 2010 par l'agent des voies navigables de France.

Il doit également être tenu compte de ce que la société Chantiers Navals du Nord Van Praet avait assigné la société Mecarmor devant le président du tribunal de commerce de Saint Brieuc en vue d'obtenir le paiement de la somme de 18 538 euros en principal et qu'elle s'est désistée de sa demande après paiement par la société [X] Rougerie de la dette de la société Mecarmor, ramenée, après négociation, à 7375 euros.

Ainsi le préjudice causé à la société Mecarmor par la faute commise par la société [X] Rougerie a été réparé par la prise en charge par cette dernière des sommes dues par la société Mecarmor qui s'élevaient initialement à 18 538 euros, étant observé que la société Chantiers Navals du Nord Van Praet demandait également la condamnation de la société Mecarmor à retirer la péniche sous astreinte et une indemnité de procédure.

Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.

- Sur la responsabilité de M. [X] et de la société JTBB

Le tribunal a retenu qu'il était certain que M. [X] avait signé l'avenant au contrat de vente comme gérant de la société [X] Rougerie et non en sa qualité d'avocat et qu'aucun élément ne permettait d'établir que M. [X], en sa qualité d'avocat, avait eu un rôle dans cette affaire et aurait commis une faute. Le tribunal a par ailleurs constaté que la société Mecarmor ne formulait aucun grief à l'encontre de la société JTBB.

La société Mecarmor soutient que la responsabilité de M. [X] doit être engagée car l'acquisition de la péniche a été faite par l'entremise de son ancien conseil, qui se trouvait être le gérant de la société [X] Rougerie. Elle affirme qu'il importe peu que l'avenant à l'acte de vente ait été signé par M. [X] en qualité de gérant et non en sa qualité d'avocat. Elle avance par ailleurs que la responsabilité de la société JTBB doit être engagée dés lors que postérieurement à la vente, elle a été l'interlocuteur de l'architecte, pour l'aménagement de la péniche pour le compte de la société Mecarmor.

* * *

A la suite du tribunal et des intimés, la cour observe que la lecture du document annexé au contrat de vente permet de constater que M. [X] y figure expressément en sa qualité de gérant de la société [X] Rougerie, et non en tant qu'avocat. Aucun mandat n'a par ailleurs été donné à M. [X] ès qualités d'avocat pour effectuer les formalités consécutives à la vente pas plus qu'à la société JTBB.

Le fait que Maître [X] ait été à l'occasion de litiges le conseil du gérant de la société Mecarmor ne le rend pas mandataire de cette dernière à l'occasion de la vente de la péniche consentie par la société [X] Rougerie dont il est le gérant.

La société Mecarmor n'explique pas en quoi le fait que la société JTBB ait pu être, postérieurement à la vente, l'interlocuteur de l'architecte porteur de parts au sein de la société [X] Rougerie serait de nature à engager sa responsabilité.

Le tribunal sera en conséquence approuvé d'avoir rejeté les demandes formées à leur encontre.

- Sur les mesures accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et au rejet des demandes faites en application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La société Mecarmor, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement direct.

Il sera alloué aux intimés, unis d'intérêts, la somme de 4000 euros en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la société Mecarmor à payer à M. [X], la société JTBB Avocats et la société [X] Rougerie, unis d'intérêts, la somme de 4000 euros en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel.

Condamne la société Mecarmor aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02334
Date de la décision : 18/02/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°19/02334 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-18;19.02334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award