La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2021 | FRANCE | N°18/02462

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 18 février 2021, 18/02462


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 FEVRIER 2021



N° RG 18/02462 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SJSW



AFFAIRE :



SARL AZUR DATACENTER anciennement dénommée GREEN DATA CENTER 1





C/

SCI VENDOME BUREAUX









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :


N° Section :

N° RG : 13/12318



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Julie GOURION,

Me Christophe DEBRAY









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT FEVRIER DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 FEVRIER 2021

N° RG 18/02462 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SJSW

AFFAIRE :

SARL AZUR DATACENTER anciennement dénommée GREEN DATA CENTER 1

C/

SCI VENDOME BUREAUX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 13/12318

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julie GOURION,

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL AZUR DATACENTER anciennement dénommée GREEN DATA CENTER 1

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 218550

Représentant : Me Agnès LASKAR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0710 -

APPELANTE

****************

SCI VENDOME BUREAUX

N° SIRET : 431 97 2 5 95

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18297

Représentant : Me Olivier GRISONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0991 -

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Novembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société civile immobilière Vendôme Bureaux (ci-après société Vendôme) est propriétaire d'un immeuble de bureaux situé [Adresse 2] à [Localité 6]). Cet immeuble est constitué de 8 niveaux de surfaces de bureaux (R+7), d'un niveau de bureaux et locaux informatique (rez de jardin), et de 3 sous-sols de parking.

Par acte sous seing privé du 13 juillet 2010 à effet au 15 juillet 2010, la société Vendôme a consenti à la société Green Data Center 1, désormais dénommée Azur Data Center, un bail commercial pour une durée de neuf années, portant sur une surface de 1.436 m2 au rez de jardin, à usage de bureaux et salle informatique, outre des places de stationnement au sous sol, moyennant un loyer annuel de 172.600 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement.

Il est toutefois précisé au contrat que le bailleur consent au preneur une franchise exceptionnelle de loyer d'une durée de 11,5 mois à compter de la prise d'effet du bail, les charges et taxes restant exigibles durant la franchise. En contrepartie de cette franchise, le preneur s'est engagé à réaliser un certain nombre de travaux, listés en annexe 6 du bail (notamment : installation de groupes électrogènes de secours, augmentation de la puissance électrique, installation d'onduleurs, augmentation de puissance d'air froid, création d'un deuxième circuit d'eau glacée indépendant...).

Par acte du 27 février 2012, la société Vendôme a fait délivrer à la société Azur Data Center un commandement de payer visant la clause résolutoire pour obtenir une nouvelle garantie à première demande (la première garantie ayant été mise en oeuvre en novembre 2011 du fait d'un défaut de paiement de loyers à cette date).

Par ordonnance du 4 octobre 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la société Vendôme a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 27 mars 2012 mais en a suspendu les effets en accordant des délais de paiement à la société Azur Data Center.

Par jugement du 28 novembre 2013, le juge de l'exécution a débouté la société Azur Data Center de sa demande d'annulation du commandement de quitter les lieux délivré le 4 janvier 2013, et constaté que la clause résolutoire contenue au bail avait pris définitivement et rétroactivement effet le 27 mars 2012 (du fait du non-respect des délais de paiement accordés en référé). Cette décision est définitive.

La société Green Data Center estime que la société Vendôme a frauduleusement agi afin d'obtenir la libération des locaux aux fins de réalisation d'un projet immobilier.

Par acte du 11 octobre 2013, la société Green Data Center a assigné la société Vendôme devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins de condamnation à lui verser des dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations de délivrance et de jouissance paisible, et entrave à son développement commercial.

Par procès verbal du 2 juillet 2014, il a été constaté la reprise des lieux par la société Vendôme.

Par jugement du 29 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- Débouté la société Vendôme de son moyen de prescription ;

- Condamné la société Green Data Center à payer à la société Vendôme la somme de 811.487.45 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2014 avec capitalisation des intérêts ;

- Condamné la société Vendôme à payer à la société Green Data Center la somme de 15.000 euros au titre des frais de maintenance et d'exploitation de la climatisation ;

- Dit que le dépôt de garantie d'un montant de 56.127,76 euros s'imputera sur les sommes dues par le preneur ;

- Débouté la société Green Data Center de toutes ses autres demandes ;

- Ordonné la compensation entre les sommes dues par le preneur soit 811.487,45 euros et les sommes de 56.127,76 euros et de 15.000 euros dues par le bailleur ;

- Débouté la société Vendôme de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné la société Green Data Center à payer à la société Vendôme la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné la société Green Data Center aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 7 avril 2018, la société Azur Datacenter a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 20 novembre 2019, la société Azur Datacenter demande à la cour de :

- Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société Azur Datacenter anciennement dénommée Green Data Center.

- Réformer le jugement du 29 janvier 2018, en ce qu'il a notamment, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

Condamné la société Green Data Center à payer à la société Vendôme la somme de 811.487,45 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2014 avec capitalisation des intérêts,

Débouté la société Green Data Center de toutes ses autres demandes,

Statuant à nouveau :

- Condamner la société Vendôme Bureaux à payer à Azur Data Center la somme de 5.833.444,06 euros toutes taxes comprises à titre de dommages et intérêts incluant :

retard de commercialisation : 600.000 euros

Incidents climatisation 1.212.000 euros

Incidents électricité : 141.300 euros

Pertes liées au client Evea perdu : 2.286.479,94 euros

Pertes liées au client Computacenter : 193.901,28 euros

Frais de déménagement à Vélizy 194.880 euros

Travaux aménagements techniques perdus : 1.204.882,84 euros

- Condamner la société Vendôme Bureaux à restituer les charges indues pour un montant de 562.472,76 euros toutes taxes comprises avec intérêts à compter de l'assignation, et ordonner la capitalisation des intérêts.

- Condamner la société Vendôme Bureaux à restituer le dépôt de garantie d'un montant de 56.127,76 euros avec intérêts à compter de la date de sortie des lieux, et ordonner la capitalisation des intérêts.

- Débouter la société Vendôme Bureaux de ses demandes de condamnation.

- Dire que la majoration de loyer de 50% décidée par le juge des référés par décision du 4 octobre 2012 n'a pas autorité de chose jugée au principal et que la majoration de loyer s'apparente à une clause pénale qui doit être considérée comme manifestement excessive et devra être réduite à 1 euro par échéance.

- A titre subsidiaire, compenser les condamnations prononcées à l'encontre de la société Vendôme Bureaux avec celles éventuellement prononcées à l'encontre de la société Green Data Center.

- Condamner la société Vendôme Bureaux au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Vendôme Bureaux aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2019, la société Vendôme Bureaux demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir ;

Et statuant à nouveau,

- Juger prescrite l'action en restitution d'un trop versé au titre des charges d'électricité, climatisation et chauffage pour la période 2010 - 2011 et pour le premier trimestre 2012.

- Juger prescrite l'action en restitution au titre de la taxe foncière et de la taxe sur les ordures ménagères.

Sur le fond

- Confirmer le jugement rendu le 26 janvier2018 en ce qu'il a :

Condamné la société Green Data Center à payer à la société Vendôme Bureaux la somme de 811.487,45 euros en principal et intérêts arrêtés au 15 octobre 2014.

Jugé que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2014 avec capitalisation des intérêts s'ils sont dus pour une année entière.

Dit que le dépôt de garantie d'un montant de 56 127.76 euros s'imputera sur les sommes dues par la société Azur Data Center.

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

Condamné la société Vendôme Bureaux à payer à la société Azur Datacenter la somme de 15.000 euros au titre des frais de maintenance et d'exploitation de la climatisation.

Débouté la société Vendôme Bureaux de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Et statuant à nouveau

- Débouter la société Azur Datacenter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Juger :

Sur l'action en dommages et intérêts,

Qu'en application des articles 4.1 et 13 du contrat de bail, la société Vendôme Bureaux ne peut encourir aucune responsabilité au titre des fautes invoquées.

Qu'en application de l'article 10.5 du contrat de bail, la société Azur Data Center n'a pas réalisé les travaux alors qu'elle avait reçu un accord de principe du bailleur pour leur réalisation.

Que la société Vendôme Bureaux n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations ou lors de l'expulsion de la société Azur Data Center.

Que la comptabilité de la société Azur Data Center ne peut servir d'élément de preuve sur le fondement des dispositions de l'article 123.23 du code de commerce.

Que la société Azur Data Center ne justifie ni du lien de causalité ni du quantum des sommes qu'elle réclame à titre de dommages intérêts.

En conséquence,

- Débouter la société Azur Data Center de l'intégralité de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l'action en demande de répartition de charges :

Que la société Vendôme Bureaux a respecté les dispositions contractuelles en ce qui concerne la répartition des charges, notamment celles prévues à l'article 9 du contrat de bail.

En conséquence,

- Débouter la société Azur Data Center de sa demande de restitution de charges au titre de l'électricité, de la climatisation, du chauffage, de la taxe foncière et de la taxe sur les ordures ménagères.

Sur la demande de restitution du dépôt de garantie :

- Débouter également la société Azur Data Center de sa demande de restitution du dépôt de garantie.

Sur la demande de requalification en clause pénale de la majoration de loyer à titre d'indemnité d'occupation :

- Débouter la société Azur Data Center de sa demande de requalification en clause pénale de la majoration du loyer à titre d'indemnité d'occupation.

- Condamner la société Azur Data Center, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, à payer à la société Vendôme Bureaux la somme de 100.000 euros pour procédure abusive.

- Condamner la société Azur Data Center à payer à la société Vendôme Bureaux la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 novembre 2019.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur les demandes formées par la société Azur Data Center

La société Azur Data Center sollicite, d'une part la restitution de charges qu'elle estime avoir indûment réglées, d'autre part le paiement de dommages et intérêts pour non-respect par le bailleur de ses obligations de délivrance et de jouissance paisible des lieux. Il convient de statuer successivement sur ces demandes.

1-1 - sur la demande en restitution de charges indues

* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action pour la restitution des charges d'électricité, de climatisation et de chauffage

Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la société Vendôme soutient que les demandes relatives à un prétendu trop-payé de charges d'électricité, de climatisation et de chauffage sont prescrites pour les années 2010 et 2011 et pour le premier trimestre 2012, dès lors que la demande a été formée par la société Azur Data Center, pour la première fois dans ses conclusions pour l'audience du 11 janvier 2017. Elle affirme que le point de départ de la prescription se situe au jour de la demande en paiement des charges, celle-ci ayant eu lieu au début de chaque trimestre pour le terme à échoir.

La société Azur Data Center fait valoir que l'assignation introductive d'instance visait déjà le non-respect des obligations du bailleur, et notamment les probèmes de facturation de l'électricité indûment appelée. Elle soutient que le point de départ de la prescription court à compter de la découverte de la surfacturation qui n'a été mise en évidence que par la production des justificatifs de répartition de charges en janvier 2016. Elle affirme que c'est uniquement à la lecture de la clé de répartition, modifiée par le bailleur, telle que communiquée en janvier 2016, qu'elle a eu connaissance de l'existence d'un trop-perçu.

***

En matière de remboursement de charges indûment réglées le point de départ de la prescription se situe à la date à laquelle le bailleur a procédé à la régularisation des charges, permettant ainsi au preneur de prendre connaissance des éventuels trop-perçus.

S'il est exact que le bailleur n'a adressé certains justificatifs de charges (répartition entre locataires) qu'en janvier 2016, en cours d'instance, il apparaît toutefois que le changement de mode de répartition des charges d'électricité - qui est à l'origine des contestations - et le détail de ces charges apparaissait déjà sur les états de répartition adressés chaque année au locataire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir la date du 11 janvier 2016 comme point de départ de la prescription.

Il est constant que les premières demandes en remboursement de charges ont été formées par la société Azur Data Center dans ses conclusions du 11 janvier 2017, de sorte que les demandes ayant fait l'objet de régularisations antérieures au 11 janvier 2012 sont prescrites.

L'état de répartition des charges de l'année 2010 a été adressé le 29 juillet 2011, de sorte que les demandes de remboursement de charges relatives à l'année 2010 sont prescrites. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Les demandes en remboursement de charges pour les années 2011 et 2012 ne sont pas prescrites dès lors que les états de répartition des charges ont été adressés, respectivement les 20 novembre 2012 et 26 juillet 2013.

* sur les charges d'électricité

La société Azur Data Center reproche au bailleur d'avoir modifié la clé de répartition des charges d'électricité à compter de l'année 2012 - passant d'une répartition aux tantièmes à une répartition selon compteur divisionnaire pour les locataires autres que la société Azur Data Center - de sorte que le bailleur lui imputait le solde des factures d'électricité après déduction des consommations prétendues des autres locataires. Elle soutient que ce mode de répartition est contraire aux dispositions contractuelles, et sollicite donc une répartition aux tantièmes, ce qui aboutirait à un trop perçu d'un montant de 246.611,45 euros. Elle invoque en outre des erreurs grossières dans la répartition des charges d'électricité à compter de l'année 2012.

La société Vendôme indique que la modification de la clé de répartition est conforme aux dispositions du bail, et notamment à son article 9.2 lui permettant de majorer la quote-part des charges d'un preneur afin de tenir compte des surcoûts induits par son utilisation d'électricité 24 h /24. Elle indique avoir installé, à compter de 2011, des compteurs individuels, d'une part pour les parties communes, d'autre part pour chaque locataire, à l'exception de la société Azur Data Center qui a refusé cette installation. Elle fait ainsi valoir que la différence entre le relevé global et les compteurs individuels correspond bien à la consommation de la société Azur Data Center. Elle conteste dès lors toute surfacturation et toute erreur.

****

L'article 9 du bail prévoit que le preneur doit supporter la totalité des charges afférentes aux locaux. Il est précisé : 'en l'absence de compteurs divisionnaires permettant cette prise en charge directe, le preneur remboursera au bailleur la quote-part des consommations correspondant aux locaux selon les modalités ci-après définies pour le remboursement des charges de l'immeuble.'

L'article 9.2 du bail précise : 'dans le cas où le preneur utiliserait de façon régulière les locaux avec une amplitude horaire significativement plus large ou différente des horaires d'ouverture de l'immeuble, le bailleur serait en droit de majorer la quote-part des charges du preneur, afin de tenir compte des surcoûts induits par cette utilisation particulière et de ne pas pénaliser les autres locataires.'

Il n'est pas contesté que la société Azur Data Center utilisait les locaux avec une amplitude horaire plus large que les horaires d'ouverture de l'immeuble, dès lors qu'elle exploitait un data center impliquant un fonctionnement 24 h/24 avec, au surplus, des machines très consommatrices d'électricité, de sorte que le bailleur était en droit de majorer sa quote-part des charges d'électricité, conformément aux clauses contractuelles.

La société Azur Data Center n'est donc pas fondée à contester le principe de la majoration qui lui a été appliquée à compter de l'année 2012, le nouveau mode de répartition n'étant pas contraire aux dispositions contractuelles.

S'agissant des erreurs grossières alléguées, elles ne sont pas démontrées ou dépourvues de toute incidence pour la société Azur Data Center. S'il ressort ainsi de l'état des dépenses 2014 (pièce 49 du bailleur) que le bailleur a réglé des factures d'électricité pour un montant global de 224.910,23 euros, il apparaît qu'il n'en a répercuté qu'une partie sur ses locataires (138.182 euros), ce qui est en faveur des locataires, de sorte que la société Azur Data Center ne peut s'en plaindre. Certaines allégations de la société Azur Data Center sont en outre manifestement erronées : elle soutient ainsi avoir réglé une somme de 180.819,93 euros en 2014 (sur un montant global d'électricité de 240.232,95 euros), alors même qu'il ressort de l'état de répartition qu'elle n'a réglé que 44.083 euros. Enfin, les allégations de la société Azur Data Center selon lesquelles le bailleur lui aurait facturé la quasi totalité des deux systèmes de ventilation, ou aurait aditionné des kilowatts et des mégawatts, ne reposent sur aucun fondement sérieux.

Il n'est ainsi justifié d'aucune erreur grossière dans les décomptes opérés par le bailleur qui produit l'ensemble des justificatifs de répartition des charges d'électricité conformément à la nouvelle clé de répartition qu'il était en droit d'appliquer en facturant à la société Azur Data Center le solde des factures après déduction de l'ensemble des consommations privatives des autres locataires, outre celles des parties communes.

La demande en remboursement des charges d'électricité sera donc rejetée.

* sur les charges de chauffage

La société Azur Data Center soutient qu'elle n'est redevable que d'une faible part de charges de chauffage (100 m2), dès lors que la partie des locaux qu'elle occupait n'était, pour l'essentiel (1336 m2) pas reliée au circuit de chauffage. Elle indique que seuls quelques bureaux inoccupés (100 m2 environ) étaient raccordés au circuit de chauffage et accepte de régler les charges relatives à ces bureaux, contestant devoir le chauffage de la surface de 1.336 m2, de sorte qu'elle sollicite restitution d'une somme de 52.894,90 euros TTC.

La société Vendôme soutient au contraire, sur le fondement d'un courrier de Sodexo Energies, que la totalité des locaux est reliée au circuit de chauffage, et s'oppose à la demande de restitution.

Le courrier de la société Sodexo distingue la partie bureaux 'alimentée par des antennes de chauffage', de la zone du rez-de-jardin dont il est indiqué qu'elle est 'reliée au réseau de chauffage général de l'immeuble par une centrale de traitement d'air'.

Le seul fait que la zone du rez-de-jardin soit reliée au réseau de chauffage général, au surplus par une centrale de traitement d'air distincte des antennes de chauffage de la partie bureaux, est insuffisant à démontrer que cette zone bénéficiait effectivement du chauffage, alors même que l'espace dédié au data center nécessitait exclusivement un système de réfrigération et non pas un chauffage, de sorte que la société Vendôme n'était pas fondée à solliciter paiement de charges de chauffage pour cet espace.

Il existe ainsi un trop perçu de charges de chauffage sur une surface de 1.336 m2, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de la société Azur Data Center - après déduction des charges de l'année 2010 qui est prescrite (déduction de 5.977,89 euros) - en restitution de la somme de 46.917,01 euros pour les seules années 2011 à 2014, outre intérêts à compter du 11 janvier 2017, et capitalisation des intérêts.

* sur les charges de maintenance et d'exploitation de la climatisation

La société Azur Data Center fait valoir qu'à compter d'octobre 2011, il y a eu séparation des réseaux de climatisation, entre son réseau privatif dont elle a assuré la maintenance et l'exploitation, et le réseau des autres étages de l'immeuble. Elle soutient que le bailleur a toutefois continué de lui facturer les charges de maintenance et d'exploitation du réseau de l'immeuble, de sorte qu'elle en demande remboursement à hauteur de 68.342,81 euros.

Le bailleur, sans contester la séparation des réseaux, ni le fait qu'il a continué de facturer à la société Azur Data Center les charges de maintenance et d'exploitation, soutient que la société Azur Data Center ne justifie pas du fondement de la demande, ni du quantum des sommes réclamées.

Le fondement de la demande est identifié, s'agissant d'une charge indue du fait que la société Azur Data Center ne bénéficie plus de la maintenance pour son réseau privatif de climatisation. S'agissant du quantum de la demande, la société Azur Data Center s'est fondée sur le contrat Sodexo d'un montant annuel de 42.186,92 euros, auquel elle accepte de participer pour moitié. Sur une période de 2,7 années d'octobre 2011 à juillet 2014, cela correspond à 56.952,34 euros HT, soit 68.342,81 euros TTC.

Ce quantum n'étant pas discuté par le bailleur, il convient de faire droit à la demande de la société Azur Data Center et de condamner la société Vendôme au paiement de la somme de 68.342,81 euros en restitution des charges de maintenance et d'exploitation de la climatisation, outre intérêts à compter du 11 janvier 2017, et capitalisation des intérêts.

* sur les taxes foncières

La société Azur Data Center rappelle les dispositions du bail selon lesquelles le preneur doit rembourser la quote-part de l'impôt foncier correspondant aux locaux occupés, et indique que ses locaux situés en rez de jardin étaient semi-enterrés. Elle indique que l'audit effectué en 2012 sur la taxe foncière fait ressortir une pondération de ses locaux à 0,3, de sorte qu'il existe un trop-perçu qu'elle évalue à 194.623,60 euros, et subsidiairement à 124.789,06 euros, voir 117.107 euros conformément à un audit réalisé par la société Cogeed.

La société Vendôme soutient pour sa part qu'il convient de faire application des tantièmes alloués à chaque locataire, soit 15.219/100.000 pour la société Azur Data Center. Elle soutient qu'il n'existe pas de surfacturation. Elle invoque en outre la prescription de l'action pour les années 2010 et 2011, dès lors que la demande n'a été formée que par conclusions du 11 janvier 2017.

****

La prescription ne peut commencer à courir qu'à compter du jour où le titulaire du droit a connu le fait permettant d'exercer ce droit. Force est ici de constater que l'existence d'une sur-imposition n'est apparue que dans un audit que le bailleur a fait réaliser en octobre 2012, de sorte que les demandes formées en janvier 2017 ne sont pas prescrites.

L'article 8 du bail relatif aux impôts et taxes est ainsi rédigé : 'le preneur devra rembourser au bailleur la quote-part de l'impôt foncier, de la taxe de balayage et d'enlèvement des ordures ménagères, de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux correspondant aux locaux, ainsi que tout droits ou taxes y afférent qui pourraient ultérieurement remplacer lesdits impôts et taxes, de telle sorte que le loyer soit net de tous impôts et taxes pour le bailleur.' (Souligné par la cour).

Les parties s'opposent sur l'interprétation de cet article, le bailleur indiquant qu'il convient de faire application des tantièmes alloués à chaque locataire de l'immeuble, tandis que le preneur soutient qu'il n'est redevable que de la quote-part de l'impôt correspondant aux locaux qu'il occupe, étant précisé que ces derniers bénéficient d'une pondération moindre au regard de leur caractère semi-enterré.

Il résulte des termes mêmes du bail que la quote part de l'impôt foncier dont le preneur est redevable est celle 'correspondant aux locaux' occupés, de sorte qu'il convient de tenir compte de la spécificité de ces derniers.

Le bailleur a fait réaliser, en octobre 2012, un audit de sa taxe foncière, 'afin de déterminer si l'évaluation cadastrale de l'immeuble présentait une anomalie pouvant entraîner une sur-imposition'. Il est précisé dans cet audit que le niveau des locaux informatiques (rez de jardin) occupé par la société Azur Data Center doit bénéficier d'une pondération plus faible du fait de son caractère semi-enterré. La conclusion de cet audit est qu'il existe des anomalies et que le bailleur a déposé des dossiers de réclamations, certaines anomalies ayant donné lieu à correction et à dégrèvement. Il ressort de ce document que la taxe foncière 2011 pour les locaux occupés par la société Azur Data Center s'élevait à la somme de 16.190,76 euros au lieu des 38.650,17 euros réglés par cette dernière.

Dans un courrier du 24 septembre 2013, la DGFIP a indiqué à la société Azur Data Center, ensuite des réclamations faites par le bailleur, que la taxe foncière des années 2011 à 2013 s'élevait aux sommes de 16.192 euros (2011), 16.646 euros (2012) et 16.941 euros (2013).

Il n'est pas justifié que le bailleur ait obtenu un dégrèvement sur l'année 2010, de sorte que la taxe foncière retenue sera celle effectivement réglée à hauteur de 17.974,84 euros.

La taxe foncière de l'année 2014 (année incomplète) peut être évaluée, selon les éléments fournis par la DGFIP à : 16.941 euros : 365 x 183= 8.493,71 euros.

La taxe foncière réellement due par la société Azur Data Center doit ainsi être chiffrée, pour les années 2010 à 2014 à la somme de : 76.247,55 euros.

Les éléments produits aux débats font apparaître que la société Azur Data Center a réglé une somme totale de 141.736,95 euros au titre de la taxe foncière des années 2010 à 2014.

Il existe donc un trop perçu à hauteur de : 141.736,95 euros - 76.247,55 euros = 65.489,40 euros.

Il convient de condamner la société Vendôme à restituer ce trop perçu de taxe foncière à la société Azur Data Center, outre intérêts à compter de la demande formée par conclusions du 11 janvier 2017, et capitalisation des intérêts. La société Azur Data Center sera déboutée du surplus de sa demande non justifiée.

1-2- sur les demandes liées au non-respect par le bailleur de ses obligations de délivrance et de jouissance paisible des lieux

Il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée; 2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; 3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

En l'espèce, la société Azur Data Center soutient que le bailleur n'a pas respecté ses obligations, dès lors que plusieurs pannes du système de climatisation ont eu lieu entre juillet 2010 et novembre 2011 et que le système électrique a également connu deux pannes, l'une en novembre 2012, l'autre en avril 2013. Elle fait valoir que ces pannes ont entraîné d'importants préjudices, dès lors que l'installation était à chaque fois arrêtée durant plusieurs heures, occasionnant des pertes de données informatiques, outre des pertes d'exploitation et de commercialisation. Elle reproche également au bailleur de ne pas lui avoir donné les autorisations nécessaires pour procéder aux travaux qui avaient été envisagés lors de la signature du bail, et qu'elle était prête à prendre en charge. Elle invoque enfin d'autres dysfonctionnements (absence de condamnation d'une porte, défaillance dans la ventilation, monte charge en panne, retard dans l'attribution de places de parking et de fourniture d'un numéro d'astreinte, peintures de l'accès client repoussantes (sic)).

La société Vendôme soutient qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations, rappelant d'une part les clauses de décharge de responsabilité des articles 4.1 et 13 du contrat de bail, d'autre part l'absence de réalisation par le preneur des travaux qui lui incombaient pour la mise en conformité des systèmes électriques et de climatisation.

***

L'article 10.5 du bail intitulé 'travaux du preneur' comprend un paragraphe 10.5.8 aux termes duquel : 'le bailleur donne d'ores et déjà son accord de principe au preneur pour la réalisation des travaux dont le descriptif est ci-annexé (annexe 6), ce simple accord de principe n'exonérant en aucun cas le preneur du respect de l'ensemble des dispositions du présent article 10.5 et notamment de l'obtention de l'autorisation définitive du bailleur lorsque le preneur aura décidé de procéder à la réalisation effective de ces travaux'.

L'annexe 6 intitulée 'liste de travaux' comprend 11 points détaillés, dont la création d'un ou deux groupes électrogènes de secours de forte puissance, l'augmentation de la puissance électrique fournie par EDF (installation d'un troisième transformateur), l'installation d'onduleurs, la création d'une deuxième production d'eau glacée indépendante....

Sur les pannes du système de climatisation

Dans un courrier adressé au bailleur le 23 juin 2011, la société Azur Data Center invoque la survenance de 11 pannes de climatisation sur la période de décembre 2010 à juin 2011, dont 4 pannes en avril 2011 et 2 pannes en mai 2011, les attribuant à une négligence dans la maintenance.

La société Azur Data Center a en outre adressé deux courriels au bailleur ou à son représentant, les 12 avril et 6 mai 2011, pour l'informer des pannes de climatisation, indiquant:

- le 12 avril : 'je vous rappelle qu'un seul groupe froid est utilisé actuellement, et de plus il tombe en panne au moins une fois par mois. Le remplacement prévu par Telmma (mandataire du bailleur) d'un groupe froid pour mars 2011 n'a pas été effectué, et je suis extrèmement inquiet de cette situation qui impacte significativement la production actuelle (...)'.

- le 6 mai : 'il s'avère que la seule et unique pompe a encore fait des siennes (...). Heureusement, un de vos intervenants a redémarré la pompe rapidement '.

La cour observe en premier lieu que les diverses pannes sont principalement dues à des événements fortuits (déclenchements intempestifs d'alarme) qui ne ressortent pas a priori de la responsabilité du bailleur. Ce dernier a en outre toujours fait intervenir la société de maintenance dans des délais qui ne sont pas discutés. Le bailleur a en outre accepté de réaliser des travaux de rénovation ainsi que cela ressort notamment du compte rendu de réunion du 9 mai 2011. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le bailleur a eu une attitude normalement diligente au regard des pannes répétées sur le système de climatisation.

Il est constant que les attentes de la société Azur Data Center n'étaient pas celles d'un utilisateur normal d'un système de climatisation, dès lors que son activité de data center impliquait un système de climatisation renforcé et opérationnel 24h/24, ainsi qu'un système électrique parfaitement adapté ne présentant aucune défaillance.

Ces contraintes particulières avaient cependant été prises en compte dans la clause du bail autorisant la société Azur Data Center à réaliser des travaux permettant de renforcer le système de climatisation, afin de le rendre pleinement opérationnel.

S'il est exact que le bailleur est tenu d'une obligation de délivrance et de jouissance paisible, cette obligation doit toutefois s'analyser au regard de l'ensemble des clauses du bail, particulièrement celle relative à l'autorisation donnée au preneur quant à la réalisation de travaux que ce dernier estimait utiles pour son activité particulière d'exploitation d'un data center.

Les parties avaient ainsi expressément prévu que le preneur devait - en contrepartie d'une franchise de loyer non négligeable (11,5 mois) - créer un deuxième circuit de production d'eau glacée ainsi que cela ressort de l'annexe 6 du bail. Si le preneur avait ainsi prévu ces travaux, c'est qu'il avait conscience de l'insuffisance du premier circuit pour l'usage qu'il entendait faire des lieux.

Les courriels ci-dessus rappelés démontrent que le preneur n'a pas fait installer le deuxième circuit de production d'eau glacée, ce qui n'est pas discuté. S'il est ainsi établi que le premier circuit de climatisation a connu des défaillances répétées, il apparait d'une part que le bailleur a remédié à ces défaillances avec diligence, d'autre part que l'insuffisance du premier circuit et ses éventuelles défaillances avaient été envisagées par les parties qui avaient prévu d'y remédier par des travaux que le preneur acceptait de prendre en charge, de sorte qu'il n'est pas possible de considérer que cela ressort d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Aucun manquement du bailleur ne peut donc être retenu à ce titre.

Sur les pannes du système électrique des 27 novembre 2012 et 26 avril 2013

La société Azur Data Center rappelle en préambule que : 'avant même la signature du bail, elle avait identifié qu'il manquait dans ce site deux éléments cruciaux pour la continuité de service en cas de coupure ou micro-coupure électrique : un ou plusieurs groupes électrogènes et plusieurs onduleurs'. Elle soutient que le bailleur n'aurait pas répondu à ses demandes de réalisation de

travaux pour le groupe électrogène et pour les onduleurs, ajoutant qu'elle a toutefois installé les onduleurs en mai 2013.

La seule demande d'installation dont la société Azur Data Center justifie est celle du 5 juillet 2011 pour les onduleurs, à laquelle la société Telmma, mandataire du bailleur, a répondu le 27 juillet en indiquant qu'elle ne pouvait donner son autorisation en l'état dès lors que la faisabilité des travaux n'avait pas été confirmée par un bureau d'études (poids de 6 tonnes, isolement des locaux techniques, nécessité d'autorisation administrative pour un changement d'affectation...).

Les autres pièces auxquelles la société Azur Data Center fait référence (pièces 68 à 77 de son bordereau de communication de pièces) correspondent aux pannes de climatisation, outre une demande du 19 septembre 2011 pour la réalisation des travaux de climatisation. Si la société Vendôme ne justifie pas avoir répondu à ce dernier courrier, il apparaît toutefois que les parties ont ensuite décidé par convention du 14 octobre 2011, d'une mise à disposition de l'installation de climatisation au profit de la société Azur Data Center, cette dernière n'ayant ensuite plus formulé de demande d'autorisation de travaux, de sorte qu'il n'est justifié d'aucun refus du bailleur quant à la réalisation de travaux.

La société Azur Data Center ayant admis, qu'avant même la signature du bail, elle avait conscience de l'insuffisance des installations électriques - ce qu'elle s'était engagée à pallier par l'installation d'onduleurs et de groupes électrogènes - elle ne peut reprocher au bailleur un défaut de jouissance paisible du fait des pannes électriques survenues avant l'installation des matériels qu'elle avait accepté de prendre en charge.

Aucun manquement du bailleur ne peut donc être retenu à ce titre.

Sur les autres dysfonctionnements

La société Azur Data Center justifie avoir informé le bailleur de divers dysfonctionnements, s'agissant notamment d'une défaillance dans la ventilation, et de pannes fréquentes du monte charge. La société Vendôme justifie toutefois avoir procédé aux réparations nécessaires, sans qu'il soit justifié d'indisponibilités excédant une durée raisonnable, de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être reproché à ce titre.

S'agissant du retard dans l'attribution de places de parking et dans la fourniture d'un numéro d'astreinte, il n'est justifié d'aucun préjudice qui en serait résulté. Il en est de même de l'absence d'autorisation pour la condamnation d'une porte.

Il a ainsi été démontré qu'aucun manquement du bailleur n'était démontré quant à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible des locaux donnnés en location, de sorte que les demandes indemnitaires en lien avec ces manquements seront rejetées, à savoir les préjudices liés aux prétendus dysfonctionnements représentant une somme globale de 5.833.444 euros (retard de commercialisation, incidents climatisation et électricités, pertes de clients, frais de déménagement, travaux d'aménagements perdus).

Sur l'exécution déloyale du contrat de bail

La société Azur Data Center invoque également une exécution déloyale du contrat de bail en ce que le bailleur lui a fait délivrer de multiples commandements de payer, et lui a adressé, en janvier 2013, un commandement de quitter les lieux en retenant abusivement la deuxième garantie à première demande qui était erronée.

La cour ne peut que constater que le premier commandement visant la clause résolutoire du bail, ainsi que le commandement de quitter les lieux ont été validés par le juge des référés et par le juge de l'exécution, ces décisions étant définitives, de sorte qu'elles ne peuvent être remises en cause et qu'il n'est ainsi justifié d'aucune exécution déloyale du contrat de bail.

2 - sur la demande reconventionnelle du bailleur en paiement des loyers arriérés

La société Vendôme sollicite confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Azur Data Center au paiement de la somme de 811.487,45 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dues au 15 octobre 2014.

* sur la majoration des indemnités d'occupation

Il résulte de l'article 1152 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Il résulte de l'article 18.4 du bail que : 'l'indemnité d'occupation à la charge du preneur en cas de non-délaissement des locaux après résiliation de plein droit ou judiciaire du bail sera établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location majoré de 50%, outre tous accessoires du loyer.'

La société Azur Data Center conteste la majoration des indemnités d'occupation de 50% par rapport au loyer, soutenant qu'il s'agit d'une clause pénale totalement excessive, notamment en ce que le bailleur ne justifie d'aucun préjudice, précisant notamment que les locaux sont restés vides durant 36 mois après son départ. Elle sollicite sa réduction à un euro par échéance.

La société Vendôme affirme pour sa part que la majoration du loyer ne correspond pas à une clause pénale, en ce qu'il s'agit de la contrepartie de l'occupation illicite du local après résiliation du bail. Elle ajoute que l'acquisition de la clause résolutoire et l'indemnité d'occupation ont été constatées dans un jugement du juge de l'exécution du 28 novembre 2013 qui a autorité de chose jugée.

***

Le juge de l'exécution a statué de la manière suivante dans le dispositif de son jugement du du 28 novembre 2013 : 'dit n'y avoir lieu à condamner la société Green Data Center au paiement de l'indemnité d'occupation majorée, cette obligation découlant de l'ordonnance de référé du 4 octobre 2012".

Il apparaît ainsi que le juge de l'exécution n'a pas statué sur l'indemnité d'occupation, se bornant à rappeler que cette question avait été tranchée dans l'ordonnance de référé qui est dépourvue d'autorité de chose jugée. La fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée doit ainsi être rejetée.

La sanction prévue à l'article 18.4 du bail constitue bien une évaluation forfaitaire et anticipée des conséquences d'une inexécution contractuelle, de sorte qu'il s'agit d'une clause pénale.

L'application de la clause pénale aboutirait à majorer le loyer trimestriel, d'un montant initial de 83.473,37 euros, pour le porter à la somme de 133.754,17 euros, ainsi que cela ressort du décompte produit aux débats, soit environ 50.000 euros de majoration par trimestre, ce qui apparaît manifestement excessif, de sorte que la cour réduira la clause pénale à hauteur de 20% du montant du loyer.

La majoration des indemnités d'occupation sur la période 2012/2013, retenue à hauteur de 50% du loyer dans le décompte du bailleur, soit 195.441,29 euros, sera ainsi multipliée par 0,6 soit une somme de 117.264,77 euros à déduire du décompte du bailleur. Les loyers des 2 premiers trimestres 2014, facturés pour 133.754,17 euros chacun, seront ramenés à 107.003,34 euros, soit une différence de 26.750,83 euros à déduire pour chaque trimestre.

Le décompte produit faisant ressortir un solde de loyers, charges et indemnités d'occupation d'un montant global de 811.487,45 euros, il convient donc de déduire la somme de 170.766,43 euros (117.264,77 euros + 26.750,83 euros + 26.750,83 euros), de sorte que la société Azur Data Center reste ainsi devoir la somme de : 640.721,02 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef. La société Azur Data Center sera condamnée au paiement de la somme de 640.721,02 euros au titre du solde des loyers et charges arrêtés au 15 octobre 2014, outre intérêts au taux légal à compter de cette date, et capitalisation des intérêts.

* sur la demande de restitution du dépôt de garantie

La société Azur Data Center sollicite restitution du dépôt de garantie d'un montant de 56.127,76 euros, outre intérêts à compter de la sortie des lieux.

La société Vendôme conclut, dans le dispositif de ses conclusions, en premier lieu à la confirmation du jugement 'en ce qu'il a dit que le dépôt de garantie s'imputera sur les sommes dues par la société Azur Data Center', ce qui implique sa restitution, mais également au 'débouté de la société Azur Data Center de sa demande de restitution du dépôt de garantie', ce qui est l'exact contraire. Face à cette contradiction, la cour ne peut que chercher dans les moyens invoqués, la véritable prétention émise par le bailleur.

A ce titre, la société Vendôme indique, dans un premier temps, et au visa de l'article 18.2 du bail, qu'il ne peut pas être fait droit à la demande de restitution, ajoutant toutefois : 'néanmoins, pour éviter des débats longs et inutiles avec la société Green Data Center, la société Vendôme Bureaux ne s'oppose pas à ce que le montant du dépôt de garantie, soit la somme de 56.127,76 euros soit compensé avec le montant de la condamnation qui sera prononcée à l'encontre de la société Green Data Center pour défaut de paiement des loyers et des charges'.

Au regard de la contradiction contenue dans le dispositif des conclusions, il convient de retenir les seules prétentions exposées dans les motifs, qui expriment la volonté finale du bailleur de ne pas s'opposer à ce que le montant du dépôt de garantie soit compensé avec la condamnation pour défaut de paiement des loyers et des charges. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le dépôt de garantie s'imputera sur les sommes dues par la société Azur Data Center.

Chacune des parties restant débitrice de diverses sommes envers l'autre, il convient d'ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues.

3 - sur la demande indemnitaire pour procédure abusive

La procédure initiée par la société Azur Data Center ne peut être qualifiée d'abusive dès lors que la cour y fait droit même partiellement, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée à ce titre par la société Vendôme.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Chacune des parties succombant partiellement en appel, elle conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 29 janvier 2018 en ce qu'il a :

- dit que le dépôt de garantie d'un montant de 56.127,76 euros s'imputera sur les sommes dues par le preneur,

- débouté la société Vendôme Bureaux de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- statué sur les frais irrépétibles et les dépens,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Dit que les demandes de remboursement des charges locatives relatives à l'année 2010 sont prescrites,

Condamne la société Vendôme Bureaux à rembourser à la société Azur Data Center les sommes suivantes :

- 46.917,01 euros au titre des charges de chauffage ,

- 68.342,81 euros au titre des charges de maintenance et d'exploitation de la climatisation,

- 65.489,40 euros au titre du trop perçu de taxe foncière,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2017,

Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,

Condamne la société Azur Data Center à payer à la société Vendôme Bureaux la somme de 640.721,02 euros au titre du solde des loyers et charges arrêtés au 15 octobre 2014, outre intérêts au taux légal à compter de cette date, et capitalisation des intérêts,

Ordonne la compensation entre les sommes dues par les parties à hauteur de leur quotité respective,

Rejette toutes autres demandes,

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens exposés en appel.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02462
Date de la décision : 18/02/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/02462 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-18;18.02462 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award