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17/02/2021 | FRANCE | N°18/04475

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 17 février 2021, 18/04475


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 FÉVRIER 2021



N° RG 18/04475

N° Portalis DBV3-V-B7C-SXTE



AFFAIRE :



[C] [X]-[A]



C/



SASU CGI FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 septembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F15/02518



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Banna NDAO



Me Lionel VUIDARD







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT FÉVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 FÉVRIER 2021

N° RG 18/04475

N° Portalis DBV3-V-B7C-SXTE

AFFAIRE :

[C] [X]-[A]

C/

SASU CGI FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 septembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F15/02518

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Banna NDAO

Me Lionel VUIDARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT FÉVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [C] [X]-[A]

née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Julie L'HOTEL DELHOUME de l'AARPI CABINET 54, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 700 et Me Banna NDAO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667

APPELANTE

****************

SASU CGI FRANCE

N° SIRET : 702 042 755

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentant : Me Lionel VUIDARD du LLP LINKLATERS LLP, Constitué , avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J030

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 janvier 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 14 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- débouté Mme [C] [X] épouse [A] de ses demandes,

- dit que les dépens éventuels sont à la charge de Mme [A].

Par déclaration adressée au greffe le 25 octobre 2018, Mme [X]-[A] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 10 novembre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe le 25 janvier 2019, Mme [X]-[A] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes et les dire bien fondées,

- infirmer le jugement rendu le 14 septembre 2018,

statuant à nouveau,

- constater la nullité de son licenciement,

- constater également que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la société CGI France à lui payer les sommes suivantes :

. 10 925 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,

.1 092 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. 87 400 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts de retard au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances salariales et à compter de la date du prononcé de la décision pour les autres sommes,

- condamner la société CGI France à la remise des documents de fin de travail rectifiés et conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par documents à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société CGI France à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Banna Ndao, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe le 25 avril 2019, la société CGI France demande à la cour de :

à titre principal,

- condamner la salariée à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la procédure tout à fait abusive au vu (i) des activités de la salariée sur les réseaux sociaux durant ses arrêts maladies, (ii) des efforts déployés par la société au titre des procédures internes d'enquête et de reclassement ainsi que (iii) de l'impact des absences soudaines de la salariée sur la direction juridique,

- confirmer en tous points le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 14 septembre 2018,

- constater que, contrairement à ce que prétend Mme [A], il n'y a pas eu de harcèlement à son égard,

- constater que le licenciement de Mme [X]-[A] résulte de l'impossibilité pour la société de reclasser la salariée suite à son avis d'inaptitude et repose en conséquence sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- dire que le licenciement de Mme [X]-[A] n'est ni nul, ni sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Mme [X]-[A] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [X]-[A] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X]-[A] aux entiers dépens.

LA COUR,

La société CGI France a pour activité principale la fourniture de services en technologies de l'information et de la communication.

Mme [C] [X], épouse [A], a été engagée par la société Logica France, en qualité de chargée des engagements confirmée, par contrat de travail à durée déterminée, du 2 novembre 2010 au 19 octobre 2011.

Un contrat de travail à durée indéterminée a été signé le 20 avril 2011 prenant effet le 26 avril 2011 sur le même poste avec reprise de son ancienneté au 2 novembre 2010.

A la suite d'opérations de fusions, le contrat de travail de Mme [X]-[A] a été transféré à la société CGI France.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective dite Syntec.

En dernier lieu, Mme [A], en qualité de juriste senior, percevait une rémunération brute mensuelle de  3 641,81 euros (moyenne des trois derniers mois).

Au mois de juin 2011, Mme [X]-[A] s'est plainte de subir un harcèlement moral.

Une enquête interne a été diligentée et Mme [X]-[A] a été mutée à la direction juridique au mois d'octobre 2011.

A partir du mois de novembre 2014, Mme [X]-[A] a été placée à plusieurs reprises en arrêt de travail, en dernier lieu du 12 février 2015 au 13 mars 2015, et en inaptitude temporaire.

Par mail du 20 février 2015 ( piece n°24-3), Mme [X]-[A] a repris la chronologie des relations contractuelles et s'est plainte de subir une ' mise au placard ' depuis le mois de janvier 2014 période à laquelle une équipe d'ACCENTURE était arrivée dans le service et à laquelle Mme [L] avait été nommée sa ' N+1 ' . Dans ce mail elle affirmait que ses mauvaises conditions de travail avaient de graves conséquences sur sa santé physique et mentale.

Lors de la première visite médicale de reprise le 16 mars 2015, le médecin du travail a délivré un avis d'inaptitude temporaire en mentionnant ' Inapte temporaire. Arrêt de travail nécessaire  .

Lors de la seconde visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme [X]-[A] dans les termes suivants : ' L'état de santé de la salariée ne permet pas de proposer un reclassement dans la société ou dans le groupe ».

Par lettre du 20 avril 2015, Mme [X]-[A] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 30 avril 2015.

Mme [X]-[A] ne s'est pas présentée à l'entretien.

Elle a été licenciée par lettre du 11 mai 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants :

« Madame,

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour les raisons que nous avions l'intention de vous exposer lors de l'entretien préalable fixé au 30 avril dernier auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Vous nous avez adressé un premier courrier reçu par nos services le 24 avril 2015 nous informant que vous ne pourriez pas vous rendre à cet entretien puis un second courrier reçu le 5 mai 2015 nous faisant part de vos commentaires.

Après une période de maladie, accompagnée de plusieurs avis d'inaptitude temporaire, vous avez subi deux visites médicales de reprise les 16 mars et 1er avril 2015. Le médecin du travail, [O] [N], a rendu le 1er avril 2015 un avis d'inaptitude rédigé comme suit : « inapte au poste actuel, l'état de santé de la salariée ne me permet pas de proposer un reclassement dans la société ou le groupe ».

Dès lors, nous avons aussitôt mené des recherches en vue de vous proposer un reclassement comme la législation française nous y oblige.

Malheureusement, il nous a été impossible de vous reclasser dans un poste correspondant à votre qualification et adapté à votre état de santé.

Dans ce contexte, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement en raison de l'impossibilité de vous reclasser à la suite de votre inaptitude.

(...)

Par requête du 28 août 2015, Mme [X]-[A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester son licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Sur le harcèlement moral :

Mme [X]-[A] expose que dès le mois d'avril 2011, soit 6 mois après son embauche, elle a été victime de faits de harcèlement moral qu'elle a dénoncés aux délégués du personnel et à la DRH le 15 juillet 2011 et qui ont été reconnus par l'employeur.

Elle indique que l'employeur lui a alors imposé une modification de ses fonctions, par simple courrier, sans proposition d'avenant, aux termes de laquelle elle a été nommée juriste dans une autre direction.

Elle ajoute qu'aucune formation ne lui a été proposée, qu'elle s'est énormément investie dans ses nouvelles fonctions, qu'une réorganisation est intervenue au mois de juillet 2013 et qu'elle a alors dû assurer seule le secteur CPG Retail/Transports, son champ d'intervention s'élargissant de mois en mois, avec de plus en plus d'autonomie.

Elle précise qu'au mois d'avril 2013 du fait de la fusion des direction juridique et direction des engagements elle s'est retrouvée replacée dans le service où travaillaient les auteurs du harcèlement moral dont elle avait été victime en 2011.

Elle ajoute qu'en février 2014, une nouvelle équipe a été engagée dont faisait partie Mme [L] qui est devenue sa supérieure hiérarchique directe, qu'il lui a alors été fait un certain nombre de reproches, que son entretien d'évaluation s'est mal passé, que progressivement ses responsabilités lui ont été retirées et qu'elle s'est trouvée isolée.

Elle fait valoir que malgré son investissement et les retours positifs de sa hiérarchie, elle n'a pas bénéficié d'augmentation individuelle de salaire.

Enfin, elle souligne la dégradation de son état de santé.

La société CGI France réplique qu'en 2011 l'enquête diligentée n'a pas mis en évidence que Mme [X]-[A] elle-même avait été victime de harcèlement moral, mais avait seulement été lanceuse d'alerte et témoin de comportements managériaux inappropriés. Elle indique qu'un changement de service lui a alors été proposé, qu'elle a intégré la direction juridique d'abord sous la direction de Mme [K], puis à partir de 2013 sous la direction de M. [J] et que les relations professionnelles étaient alors excellentes.

Elle précise qu'au mois de novembre 2013 M. [M], responsable juridique, a quitté la direction juridique, que Mme [X]-[A] a été supervisée par Mme [T], responsable juridique d'un autre secteur, jusqu'à la nomination de Mme [L] au début du mois de février 2014.

Elle indique que les compétences juridiques de Mme [X]-[A] étaient certaines mais qu'en revanche elle ne s'investissait pas dans la vie d'équipe, que lors de l'entretien d'évaluation du mois d'octobre 2014 Mme [L] l'a informée que son évolution vers un poste de manager juridique ne pouvait être envisagée qu'à deux ou trois ans, qu'à partir de là le comportement de Mme [X]-[A] s'est dégradé et que quelques semaines après elle a été placée en arrêt maladie.

La société CGI France affirme que la procédure d'alerte de 2011 a été bien gérée, que les qualités professionnelles de Mme [X]-[A] ont été reconnues et que le coefficient 150 lui a été accordé en avril 2013 et que sa rémunération fixe a augmenté de 26% en 4 ans.

Elle soutient que Mme [X]-[A] n'apporte aucune preuve du soi-disant harcèlement moral, ni de sa placardisation à son retour d'arrêt-maladie le 16 mars 2015 et que durant les derniers mois de la relation de travail Mme [X]-[A] a tout fait pour se construire un dossier de harcèlement moral contre la société, tirant notamment argument du refus d'une promotion annoncée, ce qui n'a jamais été le cas.

Elle conteste la surcharge de travail alléguée par Mme [X]-[A] en expliquant qu'elle a toujours travaillé en binôme ou sous la supervision d'un responsable juridique. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant des faits de 2011, il est établi que Mme [X]-[A] a alerté la direction et Mme [F], délégué du personnel, (pièce n° 3.4 audition du 23 août 2011 dans le cadre de l'enquête des DP) sur les faits de harcèlement moral dont elle estimait être victime, en affirmant que Mme [Z], une manager, lui avait au cours d'un entretien informel demander de démissionner, et qu'avec Mme [R], une autre manager, elle lui rappelait fréquemment sa situation fragile de titulaire d'un CDD , qu'elle avait été interpellée violemment par Mme [Z] et qui l'avait poursuivie dans un couloir.

Les deux managers ont fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour avoir eu des propos et des pratiques en contradiction avec les fondamentaux de la société, déchargés de responsabilité managériale et prises en charge par un coach.

A la suite de l'enquête, Mme [X]-[A] a été changée de direction à partir du 5 octobre 2011 et affectée avec le titre de juriste à la direction juridique. D'après le courrier du 10 octobre 2011, non discuté, sa rémunération et son coefficient n'ont pas changé et il lui a seulement été proposé une adaptation de son titre à ' juriste ' conformément au référentiel des métiers. Il n'est pas établi que ce changement de dénomination et de direction était constitutif d'une modification du contrat de travail qui exigeait la signature d'un avenant.

S'agissant de la surcharge de travail résultant de la réorganisation intervenue en juillet 2013 et du départ de M. [M], Mme [X]-[A] communique des mails de 2012 qui ne concernent donc pas la période litigieuse et un échange de mails (pièce n°15) avec Mme [T] du 3 décembre 2013 qui, à réception du reporting de décembre 2013, constate qu'il est bien dense comme le sien et indique qu'elle va voir avec M. [J] comment l'alléger ce à quoi Mme [X]-[A] répond qu'elle ne voit pas de solution si ce n'est décaler certains sujets. Ce mail traduit l'attention de sa supérieure sans établir une réelle surcharge.

A l'interrogation d'un chef de projet, (pièce n°16.1) M. [J] a aussi répondu le 11 décembre 2013 que, suite au départ de M. [M], Mme [X]-[A] gérait les aspects juridiques pour BU CPG Retail avec Mme [T] et/ou lui.

Mme [X]-[A] produit ses reporting des 12 décembre 2013 et 17 janvier 2014 pour montrer qu'elle traitait de plus en plus de dossiers et des dossiers plus complexes, mais faute de production des précédents elle ne permet pas de constater l'augmentation dont elle se prévaut.

La surcharge de travail alléguée n'est pas établie.

S'agissant de la mise au placard à l'arrivée de la nouvelle équipe, il résulte de l'organigramme de la direction juridique du mois d'avril 2014, que Mme [Z] qui avait été manager de Mme [X]-[A] en 2011 fait partie de la BU contrats et contentieux, comme Mme [A], et est responsable des services financiers, Mme [X]-[A] faisant partie du service CPG Retail Distribution Transports. Mme [Z] n'appartient cependant pas au même service que la salariée qui ne se plaint d'ailleurs pas de son comportement à son égard.

Mme [X]-[A] soutient qu'à son retour d'arrêt maladie du 12 février au16 mars 2015, aucun dossier ne lui était attribué. Cependant, à son mail du 16 mars 2015, M. [J] a répondu ( pièce E n°5) que durant son absence un certain nombre de dossiers avaient été dispatchés et le fonctionnement de la DJ réorganisé et qu'en prévision de son retour le récapitulatif des dossiers était disponible dans les archives de [Y] (Mme [L]) qui étaient accessibles sur le serveur. Cinq minutes plus tard M. [J] a transmis à Mme [X]-[A] le document préparé par Mme [L] le 13 mars 2015 avant son départ en vacances qui fait la liste des dossiers à attribuer à Mme [A].

Mme [X]-[A] s'appuie également sur le fait que dans le mail de Mme [U], secrétaire de direction, du 7 janvier 2015 dans lequel elle demande au service informatique d'installer le logiciel Adobat reader pour les membres de la direction juridique elle n'est pas citée. Cependant à juste titre la société CGI France oppose que Mme [X]-[A] se trouvait alors en arrêt maladie et que son ordinateur n'était pas accessible.

La mise à l'écart n'est pas établie.

S'agissant de la dégradation de sa notation, l'entretien d'évaluation du 30 mars 2012 ( pièce n°8) faite par Mme [K], mentionnent quatre objectifs atteints et un dépassé. L'évaluation du 28 avril 2013, également rédigé par Mme [K], est aussi positive avec trois objectifs atteints sur trois et toutes les compétences techniques et fonctionnelles faites en toute autonomie. Elle coche la case promotion.

L'entretien annuel de développement du 13 novembre 2013, ( pièce n° 14.1) rédigé par M. [J], notifie quatre objectifs qui sont évalués dans l'entretien du 23 avril 2014 rédigé par Mme [L]. (pièce n°19.1)

Sur les quatre objectifs, deux, qui ne figuraient pas dans les évaluations précédentes qui n'appréciaient que des objectifs purement techniques, mentionnent objectifs partiellement atteints : ' renforcer son rôle comme interlocuteur clef des équipes business désignées ( formation, réunion de suivi) ', ' renforcer son rôle au sein de l'équipe juridique ( formation, suivi post matinées avocats)'.

L'évaluation du 23 avril 2014 confirme les bonnes compétences techniques de la salariée et l'invite à renforcer ses actions de formation et de suivi auprès du business et à développer et fluidifier sa communication au sein de l'équipe et devenir un véritable team player.

Dès lors que les objectifs fixés étaient de nature différente et faisaient suite à un désir de promotion exprimée par la salariée, la circonstance qu'ils soient évalués au niveau ' partiellement atteints ' ne constitue pas une dégradation de la notation.

Mme [X]-[A] soutient qu'au cours de cet entretien il lui a été dit qu'on ' pouvait la sortir comme ça en un claquement de doigts ' mais aucun élément ne corrobore cette affirmation.

L'entretien d'évaluation du 7 octobre 2014 (pièce E n° 27) mentionne que Mme [X]-[A] doit encore développer ses compétences sur les aspects contractuels et arriver aux mêmes niveaux d'exigence et de compétences que celles dont elle fait preuve dans le contentieux , en faisant preuve de plus de rigueur de réactivité et de se positionner comme un business partner.

Elle conclut qu'une promotion n'est pas envisagée et qu'elle pourrait évoluer vers une fonction de manager juridique à 2/3 ans.

Avant de rédiger cette évaluation Mme [L] avait consulté Mme [I] pour savoir comment faire pour que les compétences de Mme [X]-[A] soient reconnues et qu'elle puisse devenir à court ou moyen terme manager juridique et avait eu un retour positif de M. [H], vice-président région Nord. (pièces E n°2 et 3). Elle avait donc traité avec sérieux et objectivité cette notation.

Un entretien d'évaluation s'est tenu le 29 janvier 2015 avec Mme [L] qui a ensuite donné lieu à des échanges sur le contenu.

Mme [X]-[A] avait en effet dans ses commentaires notamment estimé que le bilan dressé sur l'année ne lui semblait pas être basé sur des critères objectifs d'évaluation puisque ni ses résultats professionnels, ni les retours de ses clients internes/externes n'avaient été évoqués.

Mme [L] contestant les propos que lui prêtait Mme [X]-[A] (pièce E n°1) et concluant que ses propos ont été globalement mal compris ou déformés et qu'il a été seulement répondu à Mme [X]-[A] qu'une évolution à 2-3 mois n'était pas envisageable.

Pourtant l'entretien reprend les mêmes axes de progrès que le précédent, ' renforcer son rôle/positionnement au sein de l'équipe juridique ' ' participation proactive à la vie de l'équipe' et propose comme moyen d'y parvenir le coaching du manager.

La dégradation de la notation n'est pas établie.

S'agissant de l'absence d'augmentation de salaire, Mme [X]-[A] a été embauchée le 2 novembre 2010 au coefficient 130 sur la base d'une rémunération fixe mensuelle de

2 857 euros. En avril 2013, elle a été promue juriste senior coefficient 150 avec un salaire de base de 3 500,05 euros. En janvier 2015, elle percevait un salaire fixe de 3 605,75 euros.

Elle est donc mal fondée à soutenir qu'elle n'a bénéficié que des augmentations générales de salaire.

Mme [F], DP, (pièce E n°30) atteste avoir été sollicitée par Mme [X]-Magnan en 2011, qu'à la suite de l'enquête des opérations correctrices ont été menées et qu'à sa connaissance le sujet a été définitivement clos. Elle ajoute que l'arrivée de M. [J] à la direction juridique en 2013 a nettement amélioré l'atmosphère de travail et qu'alors que son bureau se trouve à 10 mètres de celui de Mme [X]-Magnan après 2011 elle ne l'a plus jamais sollicitée.

Mme [X]-[A] établit la dégradation de son état de santé ( pièce n°29) en justifiant de ses arrêts maladie entre décembre 2014 et mai 2015 avec seulement une reprise de travail du 16 janvier au 11 février 2015, de son hospitalisation à l'hôpital [5] le 15 mai 2014, une consultation à l'hôpital le 17 novembre 2014 des inaptitudes temporaires constatées le 8 novembre 2014, 3 décembre 2014, 12 février 2015 et le 16 mars 2015.

Son dossier médical de médecine du travail et les certificats médicaux du médecin du travail mentionnent des difficultés professionnelles et une anxiété généralisée.

Il convient de rappeler que si un médecin est habilité à constater un état dépressif il ne l'est pas pour en donner la cause.

De l'ensemble de ces éléments, il résulte que si la dégradation de l'état de santé de Mme [X]-[A] est avéré, elle n'établit pas l'existence d'agissements répétés qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le harcèlement moral n'était pas établi et a débouté Mme [X]-[A] de sa demande subséquente de licenciement nul.

Sur la rupture :

Mme [X]-[A] fait valoir que, bien que la société CGI France emploie plus de 65 000 salariés dans le monde, aucun poste de reclassement ne lui a été proposé.

La société CGI France réplique qu'en dépit de l'avis du médecin du travail qui constatait une impossibilité de proposer un reclassement dans la société ou dans le groupe elle a interrogé des responsables de départements en France et à l'étranger et n'a obtenu que des réponses négatives.

Elle précise qu'étant un groupe spécialisé dans le domaine des services en technologie de l'information et de la communication elle emploie surtout des salariés spécialisés dans le numérique et peu de juristes.

Elle affirme qu'il n'existait pas dans le groupe d'emploi disponible correspondant au profil de la salariée.

Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail.

En l'état de la législation applicable à l'espèce, même si l'avis d'inaptitude mentionnait ' L'état de santé de la salariée ne permet pas de proposer un reclassement dans la société ou dans le groupe ', la société CGI France devait procéder à une recherche de reclassement.

En produisant les mails envoyés aux services des RH le 9 avril 2015 auxquels étaient joints une note explicative sur la demande de reclassement de Mme [X]-[A] et les réponses négatives, la société CGI France établit avoir procédé aux recherches nécessaires et ne pas avoir eu de poste disponible correspondant au profil de Mme [X]-[A] à lui proposer.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [X]-[A] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société CGI France expose que dans le cadre de la procédure judiciaire elle a procédé à des recherches sur la situation actuelle de Mme [X]-[A] au regard de son profil Linkedin, qu'elle a alors découvert qu'elle se présentait maintenant comme romancière, que grâce à cette mention elle a consulté le compte Instagram de Mme [X]-[A] et a ainsi aussi découvert que la salariée avait mis à profit ses arrêts maladie pour se lancer comme influenceuse sur les réseaux sociaux donnant divers conseils en matière de ' mode, voyage et lifestyle '.

Elle soutient que la consultation du compte Instagram montre que Mme [X]-[A] était en parfaite santé, profitait de vacances aux Caraïbes alors que dan le même temps elle se plaignait de harcèlement moral et engageait la société dans une longue procédure judiciaire.

Mme [X]-[A] ne répond pas à cette demande.

La société CGI France communique de très nombreuses photos et commentaires, extraits du compte Instagram de Mme [X]-[A], qui la montrent au cours de la période litigieuse resplendissante, élégamment vêtue et faisant de nombreux commentaires.

Pour autant, même si Mme [X]-[A] succombe dans la procédure, ces éléments, compte tenu des éléments médicaux déjà examinés, ne sont pas de nature à démontrer que son action en justice a dénégéré en abus.

Il convient, ajoutant au jugement, de débouter la société CGI France de sa demande de ce chef.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de la société CGI France les frais par elle exposés non compris dans les dépens à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement,

Ajoutant au jugement,

DÉBOUTE la société CGI France de sa demande de dommages et intérêts,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE Mme [X]-[A] à payer à la société CGI France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [X]-[A] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [X]-[A] aux entiers dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

                                                                                                             

La greffière La présidente

Dorothée Marcinek Clotilde Maugendre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04475
Date de la décision : 17/02/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°18/04475 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-17;18.04475 ?
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