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17/02/2021 | FRANCE | N°18/01534

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 17 février 2021, 18/01534


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES







17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 FÉVRIER 2021



N° RG 18/01534

N° Portalis DBV3-V-B7C-SHZN



AFFAIRE :



[Z] [Y]



C/



Société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 février 2018 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : AD

N° RG : F 17/00234



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Roselyne MALECOT



Me Franck LAFON







le :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT FÉVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles, a rendu ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 FÉVRIER 2021

N° RG 18/01534

N° Portalis DBV3-V-B7C-SHZN

AFFAIRE :

[Z] [Y]

C/

Société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 février 2018 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : AD

N° RG : F 17/00234

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Roselyne MALECOT

Me Franck LAFON

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT FÉVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Z] [Y]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 5] (Maroc)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représentant : Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL STEPHANE TEYSSIER AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire: 559 et Me Roselyne MALECOT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 304

APPELANT

****************

Société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY

N° SIRET : 381 162 197

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Sébastien-Pierre TOMI de la SELAFA FIDUCIAL, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 706 et Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 novembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente et Madame Clotilde MAUGENDRE, présidente, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU

Par jugement du 5 février 2018, le conseil de prud'hommes de Versailles (section activités diverses) a :

- dit que l'employeur a exécuté de manière conforme à ses obligations sur l'ensemble des requêtes et de manière loyale, le contrat de travail de M. [Z] [Y],

- débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Fiducial Private Security de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Y] aux éventuels dépens de l'instance.

Par déclaration adressée au greffe le 16 mars 2018, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 3 novembre 2020.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 12 octobre 2020, M. [Y] demande à la cour de :

- infirmer les chefs du jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 5 février 2018 en ce qu'ils ont :

. dit que l'employeur a exécuté de manière conforme à ses obligations l'ensemble des requêtes et de manière loyale son contrat de travail,

. débouté l'intégralité de ses demandes,

. débouté la société Fiducial Private Security de sa demande d'indemnité de procédure,

. l'ont condamné aux dépens.

statuer à nouveau sur les chefs du jugement,

- annuler les sanctions disciplinaires injustifiées du 3 mai 2013 et du 26 mai 2015,

- dire qu'il apporte des éléments sérieux laissant présumer qu'il a été victime de discrimination syndicale non combattus par des éléments justificatifs objectifs de l'employeur,

- dire que la société Fiducial Private Security a exécuté fautivement le contrat de travail,

- dire que la société Fiducial Private Security a violé gravement et durablement son statut protecteur,

- condamner la société Fiducial Private Security à lui payer les sommes suivantes :

(outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice au visa de l'article 1153-1

ancien du code civil )

. 39 600 euros nets de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ,

. 15 000 euros de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

. 10 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

. 1 500 euros bruts à titre de rappel de salaire sur prime de 100 euros de février 2015 à juin 2016, date du nouvel avenant au contrat de travail du 23 juin 2016, outre 150 euros au titre des congés payés afférents au titre de la prime mensuelle de 100 euros accordée et non payée,

- rejeter toutes prétentions de la société Fiducial Private Security,

- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 ancien du code civil,

- condamner la société Fiducial Private Security à lui une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Fiducial Private Security aux dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 1er octobre 2020, la société Fiducial Private Security demande à la cour de :

sur le rejet de la demande de dommages et intérêts formulée sur le terrain d'une prétendue discrimination syndicale,

- confirmer le jugement dont appel,

- dire que M. [Y] n'a pas été victime d'une quelconque discrimination syndicale,

- débouter, en conséquence, M. [Y] de la demande indemnitaire qu'il formule à ce titre,

sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- dire que M. [Y] n'établit aucun manquement de la société en lien avec l'exécution de son contrat de travail,

- débouter, en conséquence, M. [Y] de la demande indemnitaire qu'il formule à ce titre,

sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

- dire que M. [Y] n'établit nullement qu'elle aurait violé le statut de salarié protégé attaché au mandat dont il est investi,

- débouter, en conséquence, M. [Y] de la demande indemnitaire qu'il formule à ce titre,

sur la demande de rappel de salaire sollicitée au titre de la prime de 100,00 euros liée à la délégation sur le site Volvo Trappes,

- dire que M. [Y] n'a été délégué sur le site susvisé que jusqu'au mois d'avril 2015,

- dire que M. [Y] sollicite le paiement de ladite prime pour la période allant du mois d'avril 2015 au mois de juin 2016,

- dire que cette prime n'avait plus vocation à être fait tenir à l'intéressé dès l'instant où il n'était plus délégué sur le site en question,

- débouter, en conséquence, l'intéressé de la demande de rappel de salaires qu'il présente à ce titre,

en tout état de cause,

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Y] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA COUR,

La société Fiducial Private Security ( ci-après société FPS) exerce son activité dans le domaine de la prévention et de la sécurité. Elle dispose de plusieurs agences réparties sur l'intégralité du territoire national, dont certaines sont situées en Ile-de -France.

M. [Z] [Y] a été engagé par la société Brinks Airport and Business Security, en qualité d'agent de surveillance, catégorie employé, niveau 2, échelon 2, coefficient 120, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 1er décembre 2005 à effet au 5 décembre 2005.

Par un avenant du 16 janvier 2007, le contrat à durée indéterminée à temps partiel de M. [Y] a été modifié en un contrat à durée indéterminée à temps plein pour une durée déterminée.

Puis, par un avenant du 27 mars 2007, le contrat à temps plein a été pérennisé entre les parties.

A partir du 1er février 2010, M. [Y] a été promu au poste d'agent de sécurité qualifié, catégorie employé, niveau 3, échelon 1, coefficient 130.

A partir du 1er juin 2011, il a été promu au poste d'agent de sécurité incendie catégorie employé, niveau 3, échelon 1, coefficient 140, par la société Neo Security au sein de laquelle il avait été transféré.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Par jugement du 3 août 2012, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession des actifs de la société Neo Security au bénéfice de la société Fiducial Private Security à effet au 1er septembre 2012.

Le 1er septembre 2012, M. [Y] a intégré la société Fiducial Private Security.

Par courrier du 19 décembre 2012, M. [Y] s'est vu notifier un avertissement pour ne pas s'être présenté à l'heure à son poste de travail le 8 novembre 2012, prise de service à 19h05 au lieu de 19h. ( pièce E n°10)

Par courrier du 23 avril 2013, l'employeur lui a demandé de justifier des raisons de son absence de prise de poste le 4 mars 2013 chez le client Sagem à [Localité 10]. (courrier E n° 12)

Par courrier du 3 mai 2013, un avertissement lui a été notifié en raison de son absence le 4 mars 2013.

Par courrier du 10 mai 2013, M. [Y] a joint les justificatifs concernant ses absences du 4 mars 2013 et celles du 24 au 28 novembre 2012 en expliquant que le 4 mars 2013 il avait dû accompagner sa femme aux urgences de [Localité 12] après un accident domestique et que du 24 au 28 novembre son fils d'un mois étant hospitalisé il devait garder son fils aîné âgé de trois ans.

En avril 2014, M. [Y] a été élu délégué du personnel titulaire de l'agence Ile-de-France sur une liste FO.

En 2014, la société Fiducial Private Security a été avisée par son client que, à effet au 2 février 2015, la gestion du site Bull des [Localité 7] sur lequel M. [Y] était affecté lui était retirée.

M. [Y] a refusé son transfert dans la société entrante.

A la suite d'un entretien du 10 février 2015 par mail du 11 février 2015 ( pièce S n°1) M. [N], Directeur de l'agence Ile-de-France, a proposé à M. [Y] une affectation sur le site Volvo Construction situé à [Localité 12], avec une prime de poste de 100 euros outre le remboursement de ses frais de transport.

Par mail du 12 février 2015, M. [Y] a donné son accord sur l'ensemble des clauses proposées.

A compter du 23 février 2015, M. [Y] a été affecté sur le site de Volvo [Localité 12], affectation qui a été maintenue jusqu'en avril 2015.

Par mail du 13 mars 2015, il a demandé à la Direction des Ressources Humaines la formalisation de l'avenant à son contrat de travail correspondant à cette proposition. ( pièce S n°1)

Par mail du 17 mars 2015, la société Fiducial Private Security a indiqué à M. [Y] que la proposition ne pouvait pas être contractualisée, dans les termes suivants :

« Je reviens vers vous concernant l'avenant que vous attendiez suite à la proposition de [H] [N].

Après recherches et étude de la proposition que vous m'avez transmise, Monsieur [N] étant sur le départ et absent depuis plusieurs semaines, cette proposition ne peut être contractualisée pour les raisons suivantes :

- sur la prime de 100 euros mentionnée : cette prime n'étant pas contractuelle avec notre client, elle ne pouvait donc vous être proposée, Monsieur [N] n'ayant aucune délégation de pouvoirs pour s'engager en ce sens ;

- sur l'affectation sur le site de VOLVO : celle-ci l'a été dans le cadre de remplacements de congés payés et ne pouvait donc être définitive.

Nous faisons notre possible pour vous trouver une nouvelle affectation, puisque vous avez fait le choix de refuser la proposition de transfert émanant de la société PROTECT à la suite de la perte du marché "BULL". Toutefois au regard de la situation sur la région, nous n'avons pas de poste pérenne à vous offrir pour l'heure.

Compte tenu de ces anomalies regrettables dans la proposition faite par Monsieur [N] [H], je vous propose de nous rencontrer avec Monsieur [F] après la réunion DP du 24 Mars 2015 afin de pouvoir trouver une issue satisfaisante à cette situation. »

Par mail du 18 mars 2015, M. [Y] a réitéré sa demande et a attribué ce changement de position à sa qualité d'élu FO.

Du 19 avril au 8 août 2015, M. [Y] n'a été affecté à aucun site.

Le 26 mai 2015, M. [Y] a fait l'objet d'un avertissement dans les termes suivants :

« Nous venons, par la présente, vous faire part de notre vif mécontentement concernant votre comportement dans le cadre de l'exécution de votre contrat de travail.

En effet, alors que vous étiez en poste dans la nuit du 13 au 14 Avril 2015 jusqu'à 1h00 du matin, l'agent devant prendre votre relève ne s'est pas présenté.

Vous en avez donc informé le service Trafic. Toutefois, au cours de vos différents échanges avec l'agent du Trafic vous vous êtes montré particulièrement agressif et menaçant n'hésitant pas à lui déclarer que vous vous déplaceriez personnellement au Trafic afin de lui « casser la figure » et « tout casser au Trafic» !

Puis, en l'absence de réponse concernant l'agent devant vous relever, vous avez directement contacté Monsieur [J] [V], Responsable d'Exploitation ayant la gestion directe de ce site, que vous avez également ouvertement menacé en lui proposant de venir sur le site « pour discuter comme un homme» !

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il peut arriver que des agents ne se présentent pas à leur poste de travail, sans que nous en ayons été informés au préalable. La recherche d'un agent pouvant vous relever au pied levé n'est donc pas une tâche aisée, d'autant plus, en pleine nuit et nécessite donc un certain temps.

Si nous pouvons comprendre que l'absence de l'agent devant vous relever vous ait agacé, puisque cela vous contraignait dès lors à patienter avant de pouvoir quitter votre poste, en aucun cas cela ne vous autorise à vous montrer agressif et à menacer ouvertement nos collaborateurs.

Dans ces conditions, nous vous notifions par la présente lettre un avertissement, qui nous l'espérons, vous fera changer rapidement d'attitude afin que nous n'ayons plus à déplorer ce genre de comportement à l'avenir ».

La société Fiducial Private Security a convoqué M. [Y] à un entretien concernant sa situation pour le 17 juin, date reportée au 22 juin 2015.

Par courrier du 10 juillet 2015, M. [Y] a de nouveau été convoqué à un entretien fixé le 21 juillet.

Par courrier du 21 juillet 2015, la société a confirmé l'affectation temporaire de M. [Y] sur le site de l'ONERA à [Localité 11] pour les mois d'août et septembre 2015.

M. [Y] a accepté cette affectation.

Par courrier du 7 octobre 2015, M. [Y] a été affecté sur le site ASI à [Localité 8].

Par différents mails du 13 et 25 octobre 2015, M. [Y] a refusé cette affectation, a rappelé les garanties résultant de son statut de salarié protégé et s'est plaint de subir un processus de pressions malsaines.

Du 16 octobre au 13 novembre 2015, M. [Y] a été placé en arrêt maladie.

M. [Y] a ensuite été placé en dispense d'activité rémunérée conformément à son statut conventionnel.

Par mail du 8 février 2016, puis par courrier du 25 février 2016, M. [Y] a été convoqué pour le 7 mars 2016.

Par courrier du 25 mars 2016, la société Fiducial Private Security a fait trois propositions d'affectation à M. [Y], dont une pour le client ONERA à [Localité 6], dans les termes suivants:

« Nous faisons suite à l'entretien qui s'est déroulé le 7 Mars 2016 au cours duquel plusieurs affectations vous ont été proposées et que nous vous rappelons ci-après :

- le site de notre client SECMA PICTET situé à [Localité 13] (93), [Adresse 3];

- le site de notre client sec [Localité 9] 2 situé à [Localité 9] (91);

- le site de notre client ONERA situé à [Localité 6] (92).

Concernant plus spécifiquement le poste proposé sur le site de notre client ONERA à [Localité 6], poste pour lequel vous avez manifesté votre intérêt, nous tenons à vous apporter les précisions suivantes, lesquelles n'avaient pas été évoquées au cours de notre entretien :

- la planification des vacations se fait sur une durée de 12h, sauf modification ultérieure; - l'alternance jour / nuit est exigée,

- compte tenu des missions spécifiques exercées sur ce site :

. vous serez formé et/ou remis à niveau sur les formations ARI, BE Man'uvre, et PSE 1;

. à l'issue de l'obtention / validation de ces formations obligatoires, requises pour exercer les missions sur ce site, un avenant à votre contrat de travail vous sera proposé en qualité d'Agent des Services de Sécurité Incendie, statut Agent d'Exploitation, Niveau IV, Echelon 2, coefficient 175.

Enfin, cette proposition est faite sous réserve de l'obtention de votre habilitation, laquelle est impérative compte tenu de la classification du site (Confidentiel Défense). »

M. [Y] après avoir accepté cette affectation et suivi la formation exigée a été affecté à partir du 9 mai 2016 sur le site de l'ONERA à [Localité 6].

Les différents accords convenus entre les parties ont, entre autres points, formalisé le 23 juin 2016 la promotion de M. [Y] à un poste d'agent des services de sécurité incendie, niveau IV, échelon 2, coefficient 140.

Il n'est pas discuté qu'au jour de l'audience devant la cour M. [Y] était toujours en poste sur le site de l'ONERA à [Localité 6].

Par requête du 6 avril 2016, M. [Y] avait saisi le conseil de prud'hommes de Versailles pour obtenir un rappel de salaires, un rappel de congés payés et le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire au titre de la discrimination syndicale.

Sur la discrimination syndicale :

M. [Y] soutient qu'il a été victime d'une pratique récurrente de la société consistant à saper le moral des représentants du personnel et à les éloigner de l'entreprise pour les empêcher d'être en contact avec les autres salariés et exercer utilement leur mandat.

La société FPS réplique que le contrat de travail comportait une clause de mobilité, que M. [Y] en refusant son transfert au sein de la société Protectim, qui avait repris le marché Bull aux [Localité 7], l'avait mise en situation de sureffectif et qu'elle a été particulièrement active dans la recherche d'un poste.

L'article L. 2141-5 dispose : ' Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de disciplines et de rupture du contrat de travail '.

En application de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il est établi qu'au mois de février 2015 M. [Y] a refusé le transfert de son contrat de travail au sein de la société Protectim, que le 11 février 2015 M. [N] directeur de l'agence Ile de France lui a proposé un poste sur le site Volvo à [Localité 12] que le salarié a accepté, que le 17 mars 2015 le DRH est revenu sur l'engagement de M. [N] notamment relatif au paiement d'une prime de 100 euros.

M. [Y] ayant refusé les nouvelles conditions, son affectation débutée le 23 février 2015 sur le site Volvo a pris fin au mois d'avril 2015.

Du mois d'avril au mois d'août 2015, il s'est trouvé sans affectation.

Il a été ensuite affecté sur le site de l'ONERA à [Localité 11], de manière temporaire contrairement à ce qu'il soutient, au mois d'août et septembre 2015 ainsi que cela résulte du courrier du 21 juillet 2015 ( pièce E n°30).

Au mois d'octobre 2015, M. [Y] a été affecté sur un site à [Localité 8] sur lequel il a refusé de se rendre car il impliquait un changement d'horaire.

Après un arrêt de travail du 16 octobre au 13 novembre 2015, il a été placé en dispense d'activité rémunérée jusqu'au 6 mai 2016 date à laquelle il a été affecté sur le site de l'ONERA à [Localité 6] sur lequel il se trouve toujours.

Il convient tout d'abord de rappeler qu'un salarié a le droit de refuser son transfert conventionnel et qu'au surplus l'employeur n'est pas en droit d'imposer à un salarié protégé un changement de ses conditions de travail.

Du mois de février 2015 au mois de mai 2016, M. [Y] a été affecté sur deux sites différents, le site Volvo à [Localité 12] et le site de l'ONERA à [Localité 11]. Les conditions d'affectation sur le site Volvo sur lesquelles le directeur de l'agence Ile de France s'était engagé n'ont pas été respectées alors que M. [Y] les avait immédiatement acceptées.

Sur cette même période de 15 mois M. [Y] a été dispensé d'activité pendant 9 mois.

Ces faits laissent présumer l'existence d'une discrimination syndicale.

Pour établir qu'elle n'avait pas d'emploi disponible, la société FPS se fonde sur un bilan HPNT (heures prestées non travaillées) des mois d'avril à août 2013 qui met en évidence une augmentation de 156 % ( pièce E n°44)

Les informations relatives à la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 et du 4ème trimestre 2015 ( pièces E n°45 et 46) font état d'un nombre de HPNT important et en dernier lieu représentant 3,5% des heures théoriques. Cependant, les heures supplémentaires représentent 4,3 % des heures théoriques. Au surplus, les HPNT comportent les heures de sous-productivité mais aussi toutes les heures de formation, de repos, de congés, de réunion et de délégation.

Ces informations ne sont donc pas de nature à convaincre que la société FPS n'avait pas de poste stable à proposer à M. [Y].

Au surplus, M. [Y] produit un planning de la société ( pièce n°9 et 10) des mois de septembre 2015 à avril 2016 sur lequel figure le nom de salariés de la société mais aussi certains jours ' ADS TRAG ' . De façon péremptoire, la société soutient que cela ne démontre pas qu'elle avait recours à de la sous-traitance, mais elle n'explique pas quel est le sens de cette mention.

Au surplus, les données trimestrielles fournies au CE Région Ile de France le 22 octobre 2015 (pièce S n°27) liste les sites sur lesquels interviennent des sociétés sous-traitantes et la société TRAG Sécurité est mentionnée comme intervenant sur le site Volvo.

Egalement, la société FPS ne démontre pas que les conditions contractuelles proposées à M. [Y] par M. [N], directeur de l'agence Ile de France le 11 février 2015 sur le site Volvo n'étaient pas acceptables et que M. [N] n'avait pas le pouvoir de les accorder.

Finalement, la société FPS n'apporte pas la preuve qui lui incombe à savoir que les changements d'affectation et les périodes d'inactivité étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il convient donc, infirmant le jugement, de dire la discrimination syndicale établie.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail :

A ce titre, M. [Y] se prévaut des périodes d'inactivité, du stress qui en est résulté, du refus de l'employeur de respecter l'engagement de M. [N] et de la proposition d'un poste sur un site à [Localité 8] le faisant passer à un horaire de jour.

Ces faits sont établis.

Sur la violation du statut protecteur :

A ce titre, M. [Y] se prévaut des changements d'affectation, des périodes inactivité, de la proposition d'un poste sur un site à [Localité 8] sur un site dangereux, un chantier, impliquant un passage d'horaire de nuit à un horaire de jour et de la dégradation de son état de santé.

Les faits énoncés sont établis et la dégradation de l'état de santé est démontrée par l'arrêt de travail pour maladie d'un mois dont a bénéficié le salarié au mois d'octobre 2015.

Sur les dommages et intérêts :

La discrimination syndicale, l'exécution fautive du contrat de travail et la violation du statut protection reposent sur les mêmes faits et ont causé au salarié un préjudice global qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Sur l'annulation des sanctions disciplinaires :

M. [Y] sollicite l'annulation des avertissements du 3 mai 2013 et du 26 mai 2015.

Il soutient pour le premier que son absence était justifiée par la nécessité d'accompagner sa femme aux urgences à la suite d'un accident domestique. Il ajoute que l'employeur ne respectait pas la mise en place de cycles réguliers et n'adressait pas les plannings sept jours à l'avance.

La société FPS réplique que M. [Y] ne justifie pas s'être rapproché de ses services, pour une absence du 4 mars 2013, avant le courrier du 11 mai 2013 dans lequel il en donne les raisons.

La société qui a attendu le 23 avril 2013 pour interroger le salarié sur les motifs de son absence du 4 mars 2013 est mal fondée à se prévaloir de cet argument. Par ailleurs, elle ne conteste pas clairement que M. [Y] a transmis les justificatifs.

Il convient donc, infirmant le jugement, d'annuler l'avertissement du 3 mai 2013.

Pour le second avertissement M. [Y] conteste avoir tenu les propos outranciers qui ont été sanctionnés et qui ne reposent selon lui que sur une attestation de complaisance et ajoute que le prétendu incident est intervenu dans un contexte particulier, celui de son affectation remise en cause sur le site Volvo.

M. [V], responsable exploitation, (pièce E n°26) atteste que le 14 avril 2015 vers 1h20 il a reçu sur son portable un appel de M. [Y], très énervé, qui l'informait que sa relève prévue à 1 heure n'était pas présente sur le site Volvo, qu'il lui avait demandé pourquoi il le contactait directement, qu'il lui avait répondu qu'il avait contacté le service TRAFIC mais n'avait pas de retrour de celui-ci ni de la personne d'astreinte. Il lui avait dit qu'il avait également essayé de joindre le directeur régional. Il était très énervé et lui avait dit qu'il devait trouver une solution avant 1h30, qu'il quitterait le site et laisserait les clefs au commissariat, qu'il lui avait répondu sur un ton élevé qu'il pouvait les laisser où il le voulait à l'hôpital, chez le Président de la République, qu'il avait rétorqué qu'ils étaient pris pour des esclaves ce à quoi il avait répondu ' vous croyez que je vais me déplacer ' et qu'il allait raccrocher car il avait une personne qui n'avait pas de relève sur un site et qu'il n'avait pas de temps à perdre.

Dans un mail du 13 avril 2015, M. [K] du service TRAFIC a informé M. [W], dont la fonction n'est pas précisée, qu'un incident était survenu avec M. [Y] auquel il avait demandé son nom pour le trouver sur le planning et faire le maximum pour trouver une relève, que celui-ci lui avait demandé son nom aussi, qu'il avait refusé de lui donner, que M. [Y] lui avait dit qu'il faisait partie du syndicat, l'avait insulté et lui avait dit qu'il viendrait au Trafic pour lui casser la figure et tout casser. Dans son mail M. [K] précisait que peu après M. [Y] s'était excusé car il était très énervé.

La réalité de l'incident est donc démontrée. Cependant, il ne peut qu'être constaté que la réaction de M. [V] était peu adaptée et que M. [Y] s'est excusé auprès de M. [K].

Au surplus, M. [Y] était en attente d'une autre affectation suite au refus de la société d'honorer les engagements pris par M. [N].

Compte-tenu de ces éléments, il convient, infirmant également le jugement de ce chef, d'annuler l'avertissement du 26 mai 2015.

Sur le rappel de primes de salaire :

M. [Y] sollicite le paiement d'une prime de 100 euros de février 2015 à juin 2016, date de l'avenant du 23 juin 2016.

Cette prime est celle qui lui avait été promise par M. [N], ce qui constitue un engagement unilatéral de l'employeur.

La société FPS ne prétend pas qu'elle a été versée en février, mars et avril 2015.

En revanche, M. [Y] ayant ensuite quitté le site elle n'était plus due parce qu'elle était en lien avec le poste.

Il convient donc, infirmant le jugement, d'allouer à M. [Y] la somme de 300 euros à titre de rappel de primes outre les congés payés afférents.

Sur les intérêts :

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] les frais par lui exposés non compris dans les dépens à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT la discrimination syndicale établie,

CONDAMNE la société Fiducial Private Security à payer à M. [Y] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, exécution fautive du contrat de travail et violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société Fiducial Private Security à payer à M. [Y] la somme de 300 euros à titre de rappel de primes outre 30 euros à titre de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,

ANNULE les avertissements du 3 mai 2013 et 26 mai 2015,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Fiducial Private Security à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

DÉBOUTE la société Fiducial Private Security de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Fiducial Private Security aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

                                                                                                             

La greffière La présidente

Dorothée Marcinek Clotilde Maugendre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01534
Date de la décision : 17/02/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°18/01534 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-17;18.01534 ?
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