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10/02/2021 | FRANCE | N°18/04371

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 10 février 2021, 18/04371


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 FEVRIER 2021



N° RG 18/04371 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SXBY



AFFAIRE :



Société FAIVELEY TRANSPORT





C/

[D] [V]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Octobre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/00473

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP FROMONT BRIENS



Me Xavier MARTINEZ







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 FEVRIER 2021

N° RG 18/04371 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SXBY

AFFAIRE :

Société FAIVELEY TRANSPORT

C/

[D] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Octobre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/00473

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP FROMONT BRIENS

Me Xavier MARTINEZ

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société FAIVELEY TRANSPORT

N° SIRET : 323 288 563

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Cédric GUILLON de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107, substitué par Me Tiphaine DUBÉ, avocat au barreau de Paris

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [V]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Xavier MARTINEZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 216

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Janvier 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Mame NDIAYE,

FAITS ET PROCEDURE,

La société Faiveley Transport développe et commercialise une large gamme de systèmes et services destinés aux matériels roulants ferroviaires.

Monsieur [V] travaille dans le domaine informatique. Il est intervenu en qualité d'indépendant par le biais de sa société pour réaliser des prestations de service.

En octobre 2014, la société Faiveley Transport s'est rapprochée de Monsieur [V] afin qu'il intervienne pour elle en tant que développeur et chef de projet opérationnel.

Le 18 octobre 2014, un contrat de prestations de services a été conclu entre les parties, avec taux journalier de 450 euros HT, soit 9.000 euros HT mensuel.

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 janvier 2015, Monsieur [V] a été engagé par la société Faiveley Transport en qualité d'ingénieur développement business intelligence avec une reprise d'ancienneté au 15 octobre 2014.

Les relations de travail étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

La durée du travail a été déterminée en fonction d'un forfait jour de 212 jours.

Dans le cadre de ses fonctions, Monsieur [V] avait pour missions le développement de certaines technologies :

JASPER (il s'agit d'une technologie de Business Intelligence (BI) et plus précisément un outil de reporting, permettant de développer les rapports de restitution de la société) ;

JEDOX (il s'agit d'une technologie similaire à JASPER utilisée pour des données financières plus pointues) ;

TALEND (il s'agit d'un outil qui permet d'extraire les données d'une source de données et puis de les transformer et de les charger dans un entrepôt de « données source »).

Sur la base de ces technologies, les principales missions de Monsieur [V] étaient les suivantes :

l'administration des plateformes de développement Business Intelligence ;

la gestion des droits d'accès des utilisateurs Business Intelligence de ces plateformes ;

s'assurer de la maintenance en état opérationnel de la plateforme de reporting JASPER et en cas d'anomalies, celles-ci devaient être notifiées et traitées par le salarié.

assigner des droits aux utilisateurs en fonction de leur site et du domaine d'activité opérationnel de l'utilisateur ;

le développement des rapports Business Intelligence en cohérence avec les spécifications fournies par les leaders fonctionnels M3 ou Business Intelligence ;

Il s'agissait pour Monsieur [V] de développer des rapports de Business Intelligence (BI) en technologie TALEND ou JASPERSOFT, réaliser des tests basiques sur des fonctionnalités techniques et s'assurer de leur fonctionnement.

Selon l'employeur, à compter de l'entretien annuel d'évaluation du 23 juin 2015, soit 6 mois après son arrivée, le supérieur hiérarchique du salarié, Monsieur [P], a relevé des difficultés récurrentes de Monsieur [V] dans l'exécution de ses missions.

Selon l'employeur, dans le courant de l'année 2016, la société Faiveley Transport a été confrontée à la persistance de ces difficultés qui consistaient notamment en :

' un manque de précision et rigueur ;

' la commission de nombreuses erreurs ;

' l'absence de proactivité et d'autonomie de la part du salarié.

Au cours de l'entretien individuel d'évaluation 2015/2016, qui a eu lieu le 28 juin 2016 ainsi qu'au cours du suivant, qui s'est tenu le 19 janvier 2017, l'employeur a constaté que Monsieur [V] n'avait pas réalisé ses objectifs et qu'aucune amélioration n'était constatée quant au manque de rigueur relevé et à son manque de proactivité.

Le 24 janvier 2017, Monsieur [V] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 3 février 2017.

A compter du 1er février 2017, il a été dispensé d'activité le temps de la procédure, avec maintien de sa rémunération.

Monsieur [V] a été licencié le 7 février 2017 pour insuffisance professionnelle et il a été dispensé de l'exécution de son préavis.

Il a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Nanterre, saisi le 2 mars 2017.

Par jugement du 3 octobre 2018, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- dit que le licenciement de Monsieur [V] par la société Faiveley Transport était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Faiveley Transport à verser à Monsieur [V] les sommes suivantes:

25.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- limité l'exécution provisoire à celle de droit dans les conditions et limites prévues par l'article R 1454-28 du code du travail ;

- fixé le salaire mensuel moyen à la somme de 4.166 euros ;

- condamné la société Faiveley Transport aux entiers dépens ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Faiveley Transport a relevé appel du jugement le 18 octobre 2018.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 17 juin 2019, la société Faiveley Transport a demandé à la cour d'appel de :

- dire et juger son appel recevable et bien fondé ;

- dire et juger que le licenciement de Monsieur [V] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

- dire et juger que Monsieur [V] n'a pas subi de faits de harcèlement et qu'il ne rapportait pas la preuve d'une exécution de mauvaise foi du contrat de travail imputable à la société Faiveley Transport ;

En conséquence :

- infirmer le jugement rendu le 3 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

dit et jugé que le licenciement de Monsieur [V] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

condamné la société Faiveley Transport à verser à Monsieur [V] la somme de 25.000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement rendu le 3 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

débouté Monsieur [V] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice pour harcèlement moral et à défaut de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau :

- débouter Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Monsieur [V] à verser à la société Faiveley Transport la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 9 août 2019, Monsieur [V] a demandé à la cour de :

« - confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé le licenciement injustifié ;

- dire et juger que Monsieur [V] a déployé une charge de travail extrêmement importante permettant l'utilisation réelle des outils TALEND et JASPER ;

- dire et juger que l'employeur n'a pas trouvé d'autre chose que de se séparer de son collaborateur à l'issue de la « terminaison » de sa mission ;

- dire et juger qu'il n'y a, à ce jour, aucun remplaçant sur le poste de Monsieur [V];

- dire et juger que le salarié n'a cessé d'envoyer des demandes en dépit de la charge de travail de Monsieur [V] sans respecter le process interne en vue de le déstabiliser ;

- dire et juger que la charge de travail, des attaques incessantes ont conduit Monsieur [V] dans un isolement personnel ;

- dire et juger que les arrêts de travail étaient en lien direct et certain avec ses conditions de travail;

- dire et juger que l'exercice du pouvoir de direction n'impliquait pas de créer des fautes imaginaires à son collaborateur, ni de lui imposer volontairement une surcharge de travail en vue d'optimiser continuellement les coûts quitte à le pousser à la dépression ;

- dire et juger que le pouvoir de direction n'impliquait pas non plus de le traiter différemment des autres salariés en lui validant le soir même ses propres congés ;

- dire et juger que le pouvoir de direction n'autorisait pas l'employeur non plus à le faire travailler durant ses périodes d'absence justifiée ;

En conséquence,

- confirmer le licenciement injustifié ;

- réformer le jugement et accueillir l'appel incident concernant le quantum alloué ;

- condamner la société Faiveley Transport à lui régler la somme de 30.769,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié en raison du préjudice financier et moral ;

En tant que besoin,

- fixer le quantum financier à la somme de 28.000 euros et le solde au titre du préjudice financier était de 1.762,20 euros au titre du préjudice moral ;

- dire et juger que le harcèlement moral et à tout le moins l'inexécution de mauvaise foi par l'employeur était justifiée ;

- dire et juger que ces éléments ont été révélés à travers une surcharge exacerbée de travail ;

- dire et juger que cela s'est également révélé par des demandes injustifiées par Monsieur [U] à son encontre ;

- dire et juger également que les arrêts de travail ont été causés en raison uniquement de l'ensemble des demandes de l'employeur à son encontre ;

- dire et juger que Monsieur [V] a fait l'objet, dans un premier temps, de remarques sur ses capacités, puis dans un second temps, était convoqué dans le cadre d'un licenciement ;

- dire et juger que le fait par l'employeur de jouer sur les doubles tableaux a été de nature à déstabiliser Monsieur [V] ;

- dire et juger que Monsieur [V] a été décontenancé par l'issue de cette relation contractuelle ;

- dire et juger qu'il était toujours éligible en février 2019 au Pôle emploi ;

En conséquence,

- réformer le jugement déféré ;

- consacrer le harcèlement moral et à tout le moins l'exécution de mauvaise foi ;

- condamner la société Faiveley Transport à lui régler la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement du harcèlement et à défaut sur celui de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur ;

- réformer également la décision du conseil de prud'hommes en ce que la somme allouée au titre de l'article 700 en cause de première Instance était insuffisante ;

- condamner la société Faiveley Transport à lui régler les sommes de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles en première instance et celle de 2.000 euros en cause d'appel ;

- condamner la société Faiveley Transport aux entiers dépens en première instance et appel dont distraction au profit de maître Martinez, avocat à la cour ;

- débouter purement et simplement la société Faiveley Transport de toutes demandes et moyens contraires y compris au titre de ses appels incident et demandes reconventionnelles ».

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 novembre 2020.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 janvier 2021 et mise en délibéré au 10 février 2021.

MOTIFS :

Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.

Sur le bien-fondé du licenciement:

Aux termes de l'article L1235-1 du Code du travail le juge a pour mission d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige ; la cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables ; les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement ; enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L1232-1 du Code du travail à la date du licenciement

L'insuffisance professionnelle se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté. Elle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'employeur conclut à l'infirmation de la décision attaquée et fait valoir que les premiers juges n'ont pas été attentifs aux pièces qu'il produisait pour justifier de l'insuffisance de son salarié, mais également des différentes alertes qu'il avait reçu ainsi que de l'accompagnement dont il avait bénéficié. L'employeur rappelle qu'il a licencié son salarié pour un manque de précision et de rigueur, la commission de nombreuses erreurs, une absence de proactivité et d'autonomie, qui sont précisés par la lettre de licenciement.

Monsieur [V] conclut au débouté et à la confirmation de la décision attaquée sur le principe, formulant néanmoins une demande d'indemnitaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse plus élevée que celle allouée par les premiers juges.

En l'espèce, pour justifier de l'insuffisance professionnelle reprochée à Monsieur [V], la société verse aux débats :

-le contrat de travail du 17 janvier 2015, avec reprise d'ancienneté au 15 octobre 2014. Il est précisé que le salarié est embauché en qualité d'ingénieur de développement BI, cadre, position II, indice 100.

-le compte-rendu annuel d'évaluation réalisé le 23 juin 2015 pour la période 2014/juin 2015. Le salarié fait part de plusieurs initiatives qu'il a prises, mais que le manager ne reprend pas dans l'entretien. Monsieur [V] y indique qu'il a été engagé initialement pour ses compétences sur le logiciel TALEND, alors qu'il a été affecté sur une mission JASPER pour laquelle il indique avoir du se former seul, notamment par le biais d'achat de livres. Il convient de noter que le salarié ne justifie pas de ces allégations. Le salarié formule plusieurs propositions qui ne sont pas reprises par le manager qui lui reproche au contraire 'un manque d'initiative et de curiosité personnelle'; ainsi qu'un temps de réalisation des missions trop long.

-une convention de formation au bénéfice de Monsieur [V] ayant pour objet: Administration Talend Entreprise Data Integration, pour les 11 et 12 juin 2015.

-le compte-rendu annuel d'évaluation pour la période 2015/2016. Le manager relève un manque de précision et de qualité quant au travail du salarié, ce que ce dernier conteste. Le salarié relève quant à lui avoir réalisé les objectifs, très vagues, qui lui avaient été imposés, qu'il était seul sur JASPER ce qui n'aurait pas dû être le cas. L'employeur ne répond pas sur ces points. Monsieur [V] sollicite davantage de missions sur JASPER, précisant qu'il a été recruté pour ses compétences dans ce domaine. Le salarié conclut l'entretien en indiquant avoir alerté son employeur par courriel en novembre 2015 quant à une trop grande charge de travail, et des problèmes d'organisation. L'employeur répond en indiquant qu'il réduit sa charge de travail eu égard à la faible qualité des travaux effectués. Le manager relève des insuffisances du salarié.

-des échanges de courriels (pièce 10) relatifs à des insuffisances du salarié selon le bordereau de communication de pièces. Cette pièce est inexploitable par la cour dès lors que la majorité des échanges est formulée en langue anglaise, et produite sans traduction, que pour le reste elle est quasiment illisible au regard de la taille de la police de la pièce reproduite mais également de la très mauvaise qualité des copies écran. Cette pièce sera en conséquence écartée des débats.

-le compte-rendu annuel d'évaluation pour l'année 2016 réalisé le 19 janvier 2017. Le manager relève sur plusieurs items que les objectifs sont partiellement atteints, que la qualité du travail est nettement en dessous des attentes, que la gestion des « tickets » n'est pas rigoureuse, que le salarié aurait également refusé de développer un rapport « purchase balance to go ».

-des courriels relatifs à un « ticket » que le salarié aurait mal géré. Le manager lui formule plusieurs remarques, pour relever que le salarié « semble incapable de prendre du recul sur ses erreurs » (pièces 12 à 14).

-de nombreux courriels échangés entre le salarié et son supérieur Monsieur [U], ainsi qu'entre les supérieurs de Monsieur [V] courant juin 2016, septembre, octobre 2016 relatifs à des lacunes du salarié dans le traitement des demandes qui lui sont formulées notamment dans le cadre de ses fonctions support, un manque de rigueur et de qualité dans le travail fourni.

Monsieur [V] fait valoir quant à lui que son employeur lui avait promis qu'il deviendrait rapidement chef de projet, qu'il a du subir de nombreux changements d'interlocuteurs en interne, et qu'il a été force de propositions. Le salarié produit des échanges de courriels avec ses supérieurs hiérarchiques. On peut constater qu'il fait parfois des propositions, mais qu'il fait également l'objet de remarques quant à des carences ou des insuffisances dans la gestion de son travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [V] a fait l'objet de plusieurs remarques ou alertes au cours de la relation de travail, par le biais des entretiens annuels d'évaluation mais également au regard de différents 'incidents' notamment au cours de l'année 2016. La société démontre avoir alerté son salarié sur des carences et des insuffisances sans pour autant noter d'amélioration de la part du salarié quant à la qualité des missions effectuées. La société justifie également, contrairement à ce qui a été retenu en première instance, que le salarié a bénéficié d'une formation sur l'outil JASPER en juin 2015, et que sa hiérarchie était effectivement présente pour le superviser.

C'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que le licenciement de Monsieur [V] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le licenciement apparaît justifié, la décision attaquée sera en conséquence infirmée sur ce point ainsi que sur les demandes indemnitaires subséquentes.

Sur le harcèlement moral:

Il résulte de l'article L.1152-1 du code du travail, que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'article L.1154- 1 du code du travail dans sa version applicable à compter du 10 août 2016 précise que le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral; au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étranger à tout harcèlement.

En l'espèce, Monsieur [V] invoque avoir été victime d'un harcèlement moral qui s'est manifesté par une surcharge de travail, une dégradation de ses conditions de travail, des demandes de formation refusées. Il conclut à l'infirmation de la décision attaquée qui l'a débouté de ce chef de demande.

La société conclut au débouté et à la confirmation de la décision attaquée.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [V] produit notamment:

-son compte-rendu annuel d'évaluation pour l'année 2016 dans lequel il évoque sa trop grande charge de travail, l'employeur lui répond qu'elle sera diminuée (notamment au regard de la faible qualité du travail rendu),

-un échange de courriels du 24 janvier 2017 entre le salarié et Madame [C], dans lequel Monsieur [V] dit être harcelé par son supérieur Monsieur [U] depuis près d'une année,

-un courriel du salarié adressé à la même collaboratrice en date du 1er février 2017 dans lequel il se plaint via sa messagerie personnelle, de ne plus avoir accès à sa messagerie professionnelle. Il lui est répondu que se trouvant en dispense d'activité rémunérée, il ne peut plus y avoir accès;

-des courriels relatifs à la qualité de son travail, échangés avec sa hiérarchie tout au long de la relation de travail, ainsi que ses entretiens annuels d'évaluation.

Aucun élément n'est fourni quant à une éventuelle visite auprès de la médecine du travail pourtant évoquée à plusieurs reprises dans les conclusions du salarié; de même en ce qui concerne l'arrêt de travail dont il aurait bénéficié en janvier 2017. S'agissant des courriels adressés par l'employeur au salarié, ou encore du contenu des entretiens annuels d'évaluation, les écrits critiqués relèvent du pouvoir de direction de l'employeur, aucun propos n'est dégradant ou humiliant pour le salarié, ils ne sauraient constituer un abus de langage.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées. La décision attaquée sera confirmée sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail:

L'article L.1222-1 du code du travail dispose: « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

Ces dispositions sont à combiner avec celles de l'article 9 du code de procédure civile selon lesquelles il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Monsieur [V] sollicite l'infirmation de la décision attaquée qui l'a débouté de ce chef de demande. Il produit les mêmes éléments que ceux venant au soutien de sa demande fondée sur le harcèlement moral.

La société conclut au débouté et à la confirmation de la décision attaquée.

Force est de constater que le salarié échoue à rapporter le moindre commencement de preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail; les échanges cités entre les parties relevant du pouvoir de direction de l'employeur sans aucun abus de ce dernier. Monsieur [V] sera en conséquence débouté de ce chef de demande et la décision attaquée sera confirmée sur ce point.

Sur les demandes accessoires:

S'agissant des dépens et de l'indemnité due au titre des frais irrépétibles, il convient d'infirmer la décision attaquée qui a statué sur ces deux points.

Au regard de l'équité, de la solution du litige et de la situation économique des parties, il n'y a pas lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [V], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral et de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement prononcé par la société Faiveley Transport contre Monsieur [D] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute en conséquence Monsieur [V] de ses demandes indemnitaires de ce chef,

Confirme le jugement pour le surplus,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [V] aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Monsieur NDIAYE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04371
Date de la décision : 10/02/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°18/04371 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-10;18.04371 ?
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