COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 57A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JANVIER 2021
N° RG 19/08759 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TUXA
AFFAIRE :
SAS FINANCIERE [K]
C/
S.A. LA FRANCAISE DES JEUX
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° Chambre : 5ème
N° Section :
N° RG : 2012F03823
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN
Me Oriane DONTOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (Chambre Commerciale, Financière et Economique) du 29 Novembre 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 06 Mars 2018, (12ème chambre, Section 2).
SAS FINANCIERE [K]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1600663,
représentant : Me François MOREL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0105
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A. LA FRANCAISE DES JEUX
N° SIRET : 315 065 292
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20160837
représentant : Me Vanessa BENICHOU du PARTNERSHIPS KING & SPALDING INTERNATIONAL LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0305,
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Bruno NUT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
Le contexte
La société anonyme à conseil d'administration, la Française des jeux (la FDJ), héritière de la loterie nationale française, dispose d'un monopole sur la distribution des jeux de hasard, par deux décrets du 9 novembre 1978 puis du 18 février 2006, sous réserve des paris équestres (PMU), des jeux de casino et des paris sportifs en ligne, désormais ouverts à la concurrence.
Jusqu'en 2014, la distribution des jeux d'argent a reposé principalement sur deux acteurs indépendants :
- les détaillants, essentiellement des commerces de proximité, qui commercialisent les jeux auprès du public en qualité de mandataires de la FDJ,
- les courtiers-mandataires, qui prospectent et gèrent les réseaux des détaillants dans un secteur géographique déterminé, assurent leur approvisionnement en tickets, collectent les mises, paient les gains.
Les courtiers de la Française des jeux sont regroupés au sein d'une vingtaine de groupements d'intérêt économique (GIE) qui ont notamment la charge de présenter à la Française des jeux des candidats susceptibles d'acquérir les secteurs des courtiers- mandataires cessant leurs activités.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires ont été, depuis 1987, organisées dans le cadre d'un contrat qualifié de mandat d'intérêt commun par la jurisprudence, dont les termes sont identiques pour tous les courtiers-mandataires et négocié au niveau national.
Depuis 1988, les courtiers- mandataires sont actionnaires de la Française des Jeux, à travers une société Soficoma, qui détient 3% de son capital social.
En 1991, un nouveau contrat, actuellement en cours, a été conclu, et, se substituant au précédent, a fait l'objet de plusieurs avenants. Par ce contrat, qui a été qualifié de mandat d'intérêt commun, la Française des jeux confie aux courtiers-mandataires un secteur géographique déterminé et leur demande de la représenter auprès de l'ensemble des détaillants du secteur attribué.
Au début des années 2000, l'Etat a demandé à la société Française des jeux, dont le réseau de distribution était trop coûteux, de diminuer la rémunération de la filière, notamment en ouvrant des négociations avec les courtiers-mandataires.
Entre 2001 et 2003, des négociations ont abouti à la conclusion d'un avenant au contrat de courtier-mandataire, le 15 juillet 2003. Une option a été offerte aux courtiers-mandataires :
(i) la poursuite de leur activité de courtage aux conditions de ce nouvel avenant, lequel prévoyait une réduction du taux de leurs commissions en contrepartie de l'octroi de certains avantages ou
(ii) la cessation de leur activité en bénéficiant d'une indemnisation renforcée en sus de celles contractuellement fixées à 1,65 fois le montant des commissions perçues par le courtier mandataire au titre de l'exercice précédent.
Dans ce cadre, la Française des Jeux a décidé de procéder à la ré-affectation des secteurs des 36 courtiers-mandataires qui n'avaient pas accepté de poursuivre leurs activités après 2003 aux autres courtiers restant en activité.
L'objectif poursuivi par cette « re-sectorisation » était d'homogénéiser les secteurs attribués aux courtiers-mandataires. Cette opération temporaire a pris fin au début de l'année 2005. Les secteurs vacants dans le cadre de cette réorganisation, ont été réaffectés à d'autres courtiers-mandataires existants ou à des filiales de la FDJ.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires se sont tendues et ceux-ci, reprochant à la FDJ d'avoir conservé une dizaine de secteurs sous son contrôle par l'intermédiaire de ses filiales, ont saisi en décembre 2007 l'Autorité de la concurrence d'une plainte dont ils se sont finalement désistés.
De nouvelles négociations ont été engagées en 2008 entre la FDJ et l'UNDJ -organisation représentant les courtiers-mandataires au niveau national- et un programme de travail a été signé le 7 septembre 2009 entre les parties. Ces négociations portaient notamment sur la re-sectorisation de la distribution dans un but de réduction des coûts de distribution de la filière. Ces négociations ont échoué, les courtiers-mandataires refusant de ratifier un projet d'accord adressé par la FDJ le 29 avril 2011.
Par courriers des 13 octobre 2011 et 17 février 2012, la FDJ a informé les courtiers-mandataires de son intention de travailler sur un dispositif commercial incluant les aspects organisationnels et contractuels, ce qui pourrait affecter les relations contractuelles avec les courtiers mandataires.
Les courtiers-mandataires ont alors introduit plusieurs instances à l'encontre de la FDJ, directement ou par l'intermédiaire de l'UNDJ.
La FDJ a, par lettre du 22 mai 2014, notifié à chaque courtier-mandataire la résiliation de son contrat sur le fondement de l'article 7 de l'avenant de 2003, moyennant le respect d'un délai de préavis fixé en fonction de la durée des différentes relations commerciales et le versement de 1,65 fois le montant des commissions de l'année précédente.
Cette résiliation a donné lieu à des contestations devant les juridictions judiciaires.
En l'espèce
La société Financière [K] (la société [K]) a pour président M. [I] [K], fils et petit-fils de MM. [X] et [Z] [K] eux-mêmes courtiers-mandataires ; il a conclu, en tant que gérant de la société [K], un contrat de courtier-mandataire le 10 février 1987, pour un secteur géographique Rhône-Alpes en 1987.
Le 21 janvier 1991, la société [K] signait un nouveau contrat régissant les relations contractuelles entre les parties, contrat complété par un avenant du 15 juillet 2003.
Le contrat de la société [K] devant prendre fin le 4 avril 2010 par application de l'article 6 fixant la limite d'âge d'exercice de M. [K] à 66 ans, la Française des jeux avec l'assentiment de celui-ci en a prorogé l'exécution au 1er juillet 2012, date à laquelle il a pris fin.
Par courrier du 6 janvier 2012, la FDJ a informé le GIE Rhône Dauphiné que, 'conformément à l'article 10.1 du contrat' FDJ / Courtier-mandataire, il disposait d'un mois à compter de la réception du courrier pour lui proposer, en accord avec le cédant, un ou plusieurs candidats à la reprise de son secteur.
Par courrier du 2 février 2012, le GIE a proposé la candidature de M. [S] [K], fils de M. [I] [K], disant vouloir acquérir la totalité du capital social de la société [K] pour le prix de 4.619.287euros.
Par courrier du 9 février 2012, le GIE a aussi présenté deux autres candidatures subsidiaires, à savoir :
- celle de M. [L] [F] qui proposait la reprise de la société Financière [K] au prix de 4.619.287 euros, M. [F] conservant 44 points de vente de son secteur et cédant les autres répartis entre trois autres courtiers-mandataires, MM. [Y], [J] et [O], membres du GIE Rhône Dauphiné ;
- celle de M. [L] [F], qui proposait uniquement la reprise du secteur de M. [I] [K], par rachat des actions de la société Financière [K] moyennant le prix de 4.619.287 euros, après transformation en SAS sous diverses conditions suspensives notamment celle du consentement de la FDJ à M. [F].
Par lettre du 8 mars 2012, la FDJ a indiqué au GIE qu'elle refusait la candidature de M. [S] [K], au motif que cette candidature extérieure ne répondait pas à l'objectif consistant à «homogénéiser la taille des secteurs et à réduire leur nombre».
Par lettre du 17 mars 2012, la Française des jeux a informé le GIE qu'elle n'entendait pas non plus donner suite aux deux autres candidatures, tout en précisant être intéressée par celle de M. [F], mais dans une configuration géographique différente.
Par lettre du 7 mai 2012, la FDJ a informé M. [I] [K] que son secteur serait repris par l'une de ses filiales, la société Grenoble Jeux Distribution.
Le 22 juin 2012, la FDJ a adressé à la société [K] un contrat de résiliation prévoyant le versement d'une indemnité de 1,65 fois le montant de ses commissions de l'année 2011 soit, la somme de 2.457.380,89 euros HT, en se fondant sur l'article 10-3 du contrat de courtier-mandataire, contrat que celle-ci a refusé de signer.
Par lettre recommandée du 18 juillet 2012, la société [K] a mis en demeure la FDJ de lui verser la somme de 4.724.218 euros, correspondant au prix de cession de ses actions.
La FDJ a payé à la société [K] les sommes de 1.228.690,45 euros et 1.246.041,01 euros, en deux échéances au titre de l'indemnité contractuelle.
Par acte extrajudiciaire du 11 octobre 2012, la société [K] a fait assigner la société FDJ devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de paiement de dommages et intérêts de 4.778.281,10 euros au titre de la perte du secteur qu'elle exploitait.
Par jugement du 14 juin 2016 le tribunal de commerce de Nanterre :
- a dit que la Française des Jeux a commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire ;
- l'a condamnée à payer à la société financière [K] venant aux droits de [K] la somme de 170.000 €,
- a ordonné la capitalisation des intérêts par année entière en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
- a condamné la Française des Jeux à payer à Sa Financière [K] venant aux droits de [K] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;
- a condamné la Française des Jeux aux dépens.
Par arrêt du 6 mars 2018, la cour d'appel de Versailles a :
- infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société anonyme Française des Jeux avait commis une faute en ne justifiant pas avoir recherché un cessionnaire du contrat de courtier-mandataire de la société par actions simplifiée Financière [K],
Statuant de nouveau et y ajoutant
- débouté la société par actions simplifie Financière [K] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société par actions simplifiée Financière [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Bertrand Rol, AARPI JRF, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société par actions simplifiée Financière [K] à verser à la société anonyme Française des Jeux, 8000 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par arrêt du 20 novembre 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 6 mars 2018 en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Vu la déclaration de saisine du 19 décembre 2019 par la société Financière [K].
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 31 juillet 2020, la société Financière [K] demande à la cour de :
- Débouter la Française des Jeux de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Infirmer partiellement le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 juin 2016, en ce qu'il n'a pas jugé fautifs les agissements de la Française des Jeux qui a :
/ résilié le contrat de la société [K], pour l'attribuer à sa filiale, la société Grenoble Jeux Distribution, plutôt que de permettre sa cession, alors qu'elle disposait de candidats, courtiers mandataires qui l'agréaient
/ n'a pas mis en place avec le GIE Rhône Dauphine la procédure de concertation instituée par les principes de sectorisation.
/ tenté de débaucher, en dehors de la procédure de cession contractuelle, un candidat courtier mandataire présenté par le GIE (Monsieur [F]) qui était prêt à acquérir le secteur de la société [K],
/ désigné sa filiale, la société Grenoble Jeux Distribution, alors que cette société ne satisfaisait à aucun des critères de sélection.
/ fixé à la somme de 170 000€ euros le montant des dommages et intérêts à verser par la Française des Jeux à la société Financière [K], en considérant que le préjudice subi par cette dernière résultait d'une perte de chance.
/ débouté la société Financière [K] de sa demande en réparation intégrale de son préjudice
/ confirmé ce jugement, pour le surplus,
Statuant à nouveau :
- dire qu'en ne respectant pas les stipulations du contrat de courtier mandataire la liant à la société Financière [K] et ne respectant pas ses principes de sectorisation la société La Française des Jeux a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
- condamner la société La française des Jeux à lui payer la somme de 2 010 583 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice, avec intérêts de droit à compter du 18 juillet 2012, date de la mise en demeure
- condamner la société La Française des Jeux à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.
- condamner la société La Française des Jeux aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement au profit de maître Pascale Regrettier-Germain, avocat, pour les frais dont elle a fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 31 août 2020, la société La Française des Jeux demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 juin 2016 en ce qu'il a considéré que la société La Française des Jeux n'avait commis aucune faute ni aucun abus dans l'application des articles 10.1 et 10.2 du contrat de courtier-mandataire, en refusant d'agréer les candidats présentés par le GIE ;
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 juin 2016 en ce qu'il a:
° considéré que La Française des Jeux avait commis une faute en ne justifiant pas avoir recherché un cessionnaire ;
°estimé que la société [K] avait subi un préjudice tiré d'une perte de chance de ne pas céder son contrat à un cessionnaire désigné par La Française des Jeux ;
° évalué le préjudice subi par la société [K] à un montant de 170.000 euros;
Statuant à nouveau:
A titre principal :
- Dire et juger que les deux offres de reprises présentées par le GIE Rhône-Dauphiné en accord avec Monsieur [I] [K], en sa qualité de gérant de la société [K], par lettre datée du 9 février 2012 mais reçue le 14 février 2012 sont irrecevables car présentées hors délai ;
- Dire et juger en tout état de cause que les trois offres de reprises présentées par le GIE Rhône-Dauphiné en accord avec Monsieur [I] [K], en sa qualité de gérant de la société [K], ne respectaient pas la politique commerciale de La Française des Jeux ;
- Dire et juger que La Française des Jeux n'a pas abusivement refusé d'agréer les deux candidats à la reprise du secteur de la société [K] ;
- Dire et juger qu'il était impossible pour La Française des Jeux de désigner un cessionnaire à la société [K] compte tenu de la réorganisation de son réseau de distribution et de l'absence de tout repreneur susceptible de reprendre le secteur libéré en application des principes de re-sectorisation qui constituent sa politique commerciale ;
- Dire et juger que La Française des Jeux a, à bon droit, versé à la société [K] l'indemnité contractuellement prévue et attribué son secteur à la société Grenoble Jeux Distribution, conformément à ses principes de re-sectorisation ;
En conséquence,
- dire et juger que FDJ a parfaitement respecté les dispositions contractuelles et sa politique commerciale ;
- débouter la société [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire :
- dire et juger que la société [K] n'a pas subi de préjudice indemnisable;
- dire et juger que l'indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions est destinée à pallier l'absence de possibilité de céder le contrat de courtier-mandataire en dehors de la procédure d'agrément ;
- dire et juger que le montant de cette indemnité de résiliation a été fixé d'un commun accord entre les parties et correspond au prix du marché ;
- dire et juger que cette indemnité n'est pas de nature à léser les courtiers-mandataires ;
- dire et juger que même dans l'hypothèse où le contrat de la société [K] aurait été résilié, seule l'indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions est applicable, par application de l'article 7 de l'avenant de 2003 ;
En conséquence,
- débouter la société [K] de sa demande de paiement à hauteur de 2.010.583 euros ;
en tout état de cause :
- condamner la société [K] au paiement d'une somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Oriane DONTOT, JRF & ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2020, puis révoqué le 17 septembre 2020.
Une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée le 24 septembre 2020
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur les fautes alléguées de la FDJ dans l'exécution du contrat
La financière [K] relève que la liberté du droit d'agréer est limitée par l'abus qui pourrait en être fait, que l'exercice de ce droit est contrôlé par le juge, et qu'en l'espèce la FDJ ne respecte pas les dispositions du contrat applicables à sa cession ni les principes de sectorisation, ayant décidé de ne plus accepter de cessions de contrats. Après avoir indiqué qu'entre 2010 et 2012, tous les secteurs libérés ont été appréhendés par la FDJ, elle souligne que les propositions de candidatures de reprise de son secteur n'ont fait l'objet ni d'une concertation ni d'un débat, et que la FDJ a résilié son contrat sans rechercher de cessionnaire. Elle analyse les différentes décisions intervenues dans des cas d'espèce comparables, et ajoute que la FDJ ne peut, au nom de la liberté contractuelle et de la nécessité alléguée de réorganiser le réseau de distribution, ne pas respecter les contrats qui la lient. Elle remarque que la FDJ n'a pas invoqué la réorganisation du réseau pour écarter les candidatures à sa reprise, réorganisation qui ne pouvait se fonder sur le refus des courtiers d'accepter son projet d'avenant, lequel prévoyait une baisse de leurs commissions. Elle dénonce la discrimination opérée par la FDJ, qui applique des critères moins sévères à l'égard de sa filiale que des autres candidats, pour la retenir, alors qu'elle est juge et partie: ainsi la candidature de M. [S] [K] a été écartée car non membre du réseau, alors que la société retenue ne l'était pas plus ; de même la candidature de M. [F] n'a pas été retenue sans que cette décision ne soit fondée. Elle soutient qu'une concertation du GIE avec la FDJ aurait permis de trouver une solution permettant la cession, et que les solutions présentées n'étaient pas trop complexes pour être adoptées. Elle remarque que la proposition de la FDJ à M. [F] ne respectait pas les principes de sectorisation et de dimension qu'elle avance pour justifier de sa position, et que la FDJ a attribué le secteur à sa filiale alors qu'elle ne respecte pas les critères qu'elle invoque.
La FDJ soutient que l'article 10 du contrat de courtier-mandataire, qui doit s'analyser au vu des principes de re-sectorisation, comprend cinq étapes qu'elle détaille, l'obligation de désigner un cessionnaire constituant une obligation de moyen et non de résultat. Elle affirme que la financière [K] écarte la prise en compte de la réorganisation du réseau, et les objectifs de pérennité du courtage et d'homogénéisation de la taille des secteurs, et que la désignation d'un cessionnaire au vu des critères retenus par la financière [K] était impossible. Elle en déduit qu'elle était alors libre de conclure, avec le courtier mandataire de son choix, un contrat de nature différente de celle du contrat de courtier-mandataire. Elle affirme que le contrat contient la nécessité d'un agrément de l'opérateur, qui conditionne la cession du contrat du courtier-mandataire. Elle soutient que son choix de refuser d'agréer les candidats présentés repose sur des critères objectifs et connus. Outre l'irrecevabilité des candidatures présentées par le GIE, elle conteste toute obligation de concertation pesant sur elle, et avance que son refus d'agréer M. [S] [K] est parfaitement justifié, celui-ci n'étant pas membre de son réseau, et qu'il en est de même des propositions de M. [F], lesquelles ne répondaient pas aux principes de re-sectorisation.
La FDJ soutient n'être tenue que par une obligation de moyen de désigner un cessionnaire, et non de le rechercher ou de le présenter au courtier partant, et qu'elle ne pouvait, au vu de la réorganisation en cours de son réseau de distribution, désigner un cessionnaire. Elle déclare qu'elle ne pouvait prendre le risque d'agréer de nouveaux courtiers, du fait de cette réorganisation, et réfute les arguments avancés par la financière [K]. Elle dénonce aussi l'absence de tout repreneur qu'elle était susceptible d'agréer, comme les attestations des trois courtiers mandataires versées, aucun courtier limitrophe au secteur de M. [K] ne pouvant le reprendre. Elle déclare avoir versé l'indemnisation prévue, et soutient qu'elle pouvait parfaitement désigner sa filiale pour reprendre le secteur [K].
***
Les principes de re-sectorisation de la FDJ, qu'elle a transmis à son réseau le 6 octobre 2003, sont les suivants :
- valorisation de la force du métier de courtier mandataire, par une bonne connaissance de son secteur, de la zone économique et de ses acteurs, et une proximité dans le management des équipes,
- efficacité en disposant d'une taille suffisante pour optimiser les moyens mis en oeuvre,
- simplification de la lecture de l'organisation commerciale,
- homogénéisation de la taille des secteurs,
- organisation de l'atteinte de la taille de secteurs 'cible', par rachat de secteurs limitrophes, recours à la mobilité et répartition de secteur laissé vacant,
- veiller à l'équité entre courtiers, en prenant connaissance de l'ensemble des propositions, et en privilégiant les courtiers présents,
- favoriser un meilleur découpage du découpage, en fonction de l'analyse des propositions faites.
L'article 10 intitulé 'cession du présent contrat' du contrat de courtier-mandataire est le suivant:
"10.1 Le courtier mandataire souhaitant cesser son activité ou céder une partie de celle-ci doit en informer [FDJ] par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, avec un préavis d'au moins trois mois et préciser la date souhaitée de la cessation de son activité.
[FDJ] doit en informer immédiatement le GIE territorialement compétent qui dispose d'un mois pour proposer à [FDJ], en accord avec le courtier mandataire cédant, un ou plusieurs successeurs, personnes physiques représentant le nouveau courtier mandataire proposé.
10.2 Les renseignements suivants sont également communiqués à [FDJ] :
- CV détaillé du ou des candidats, personnes physiques représentant le courtier mandataire proposé,
- références bancaires,
- prix et modalités de financement de l'acquisition,
- extrait n°3 du casier judiciaire,
- autorisation de vente de billets de la Loterie Nationale,
- avis favorable du G.I.E.
10.3 [modifié par l'avenant du 15 juillet 2003] Après trois refus successifs des candidats présentés, la Française des jeux doit, soit désigner elle-même un cessionnaire au courtier mandataire cédant, soit, si cette solution s'avère impossible, verser au courtier mandataire cédant, une indemnité fixée, sous réserve des dispositions de l'article 10.4 ci-après, à une fois, soixante cinq, les commissions du courtier mandataire au titre de l'année civile précédente, recalculées sur la base des taux de commission applicables à la date de la cessation d'activité, à savoir :
montant des enjeux jeux en temps réel enregistrés par les détaillants sur le territoire contractuel du courtier mandataire au titre de l'année N -1 x (taux de commission jeux temps réel en vigueur à la date de cessation d'activité du courtier mandataire cédant) x 1.65
+
montant des enjeux jeux de grattage enregistrés par les détaillants sur le territoire contractuel du courtier mandataire au titre de l'année N -1(taux de commission jeux de grattage en vigueur à la date de cessation d'activité du courtier mandataire cédant) x 1.65. ..."
10.4 Toutefois, le montant de l'indemnité ne peut excéder le prix le moins élevé proposé par le candidat cessionnaire présenté par le(s) courtier(s) mandataire(s) cédant(s) dont la candidature n'aura pas été agréée par [FDJ].
[FDJ] est alors libre de conclure un nouveau contrat avec le courtier mandataire de son choix."
En l'espèce, il a été précédemment vu que M. [I] [K] atteignant l'âge de 66 ans, le contrat de la société [K] devait prendre fin, en application de l'article 6, et la FDJ, en accord avec celui-ci, en a prorogé l'exécution jusqu'au 1er juillet 2012.
Elle a, par courrier du 6 janvier 2012, informé le GIE Rhône Dauphiné que, 'conformément à l'article 10.1 du contrat', il disposait d'un mois à compter de la réception du courrier pour lui proposer, en accord avec le cédant, un ou plusieurs candidats à la reprise de son secteur.
Sur l'irrecevabilité tirée de la présentation hors délai des candidatures
La FDJ sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les deux offres de reprises présentées par le GIE par lettre du 9 février 2012 reçue plus d'un mois après le délai contractuel prévu à l'article 10.
La cour relève que le délai d'un mois a couru à compter du 10 janvier 2012, selon l'accusé de réception de la lettre de la Française des jeux au GIE, l'informant du souhait de la financière [K] de céder son contrat. Le délai a expiré le 10 février 2012.
Par courrier daté du 2 février 2012, le GIE a transmis à la FDJ la candidature de M. [S] [K], et il n'est pas contesté que cette candidature n'a pas été transmise hors délai.
Par courrier daté du 9 février 2012, le GIE a adressé à la FDJ les 2ème et 3ème propositions de M. [F], et la FDJ verse un exemplaire de ce courrier portant un tampon de réception au 14 février 2012.
Toutefois, la cour relève que la FDJ a répondu au GIE le 17 mars 2012 pour les candidatures de M. [F], sans faire état d'une éventuelle irrecevabilité de ces candidatures transmises le 9 février 2012 pour dépassement de délai, en motivant son refus de les agréer car elle envisageait une opportunité d'extension de son secteur plus conforme à la recherche d'une meilleure homogénéité des secteurs ; par ailleurs, le délai d'un mois n'est sanctionné par aucune irrecevabilité des candidatures ni aucune autre sanction et, en acceptant de procéder à l'examen des candidatures de M. [F] - alors que rien ne l'y obligeait et qu'elle pouvait au contraire s'en tenir à refuser les candidatures tardives - la FDJ a renoncé à se prévaloir de leur tardiveté.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'absence de mise en place d'une concertation
Le souci de veiller à l'équité entre les courtiers figure parmi les principes de re-sectorisation transmis le 6 octobre 2003, exprimé ainsi :
'Connaître l'ensemble des propositions : après concertation entre les responsables régionaux et les GIE, les propositions de candidature seront transmises à La Française des Jeux pour une mise en cohérence nationale. Ces propositions seront débattues entre la Française des jeux et les GIE concernés et feront également l'objet d'un examen en comité commercial'.
La FDJ soutient que la concertation doit intervenir entre les GIE et les responsables régionaux avant la transmission des candidatures à la FDJ, de sorte qu'elle n'y participe pas à ce stade.
Cela étant, le fait que la cession d'activité de la financière [K] soit intervenue alors que la FDJ avait précédemment négocié près de quatre ans (2008 à 2012) avec l'UNDJ (représentant en grande partie les courtiers) sans parvenir à un accord ne dispensait pas la FDJ d'un débat sur ces candidatures avec le GIE concerné ni de leur examen en comité commercial, selon les principes de sectorisation arrêtés par la FDJ, laquelle ne conteste pas vraiment s'être abstenue d'un débat avec le GIE concerné et d'un examen en comité commercial.
Pour autant, ce principe de concertation vise à assurer une équité entre courtiers candidats afin d'assurer une cohérence nationale, et il n'est pas démontré que cette absence de concertation a eu pour conséquence une rupture d'égalité entre courtiers au cas d'espèce alors que la FDJ a écarté les trois candidatures proposées.
Sur le refus de la candidature de M. [S] [K]
La FDJ a refusé, par sa lettre du 8 mars 2012, la candidature de M. [S] [K], s'agissant d'une candidature extérieure, en indiquant que "notre politique commerciale,..., consiste à homogénéiser la taille des secteurs et à réduire leur nombre. De ce fait la candidature extérieure de M. [S] [K] ne permet malheureusement pas de répondre à cet objectif.'....
Les principes de la re-sectorisation de 2003 contiennent notamment celui de «privilégier les courtiers présents : les re-sectorisations actuelles doivent bénéficier au courtier ayant choisi de poursuivre leur activité. La conséquence logique de ce principe est de ne pas retenir, dans cet exercice, l'hypothèse de l'arrivée de nouveaux courtiers.»
Aussi la FDJ, libre d'organiser son réseau, pouvait refuser d'agréer la candidature de M. [S] [K], au regard de la politique commerciale qui exclut l'arrivée de nouveaux courtiers, celui-ci n'ayant pas la qualité de courtier-mandataire en activité à la date du dépôt de sa candidature.
Le fait que ce candidat était salarié de la financière [K] depuis plus de 10 années, sa connaissance du secteur ou ses qualités professionnelles, ne lui permettaient pas pour autant de bénéficier de la qualité de courtier, de sorte que ce refus était fondé sur des critères objectifs connus et définis.
Ce refus était donc conforme aux principes de re-sectorisation arrêtés en 2003 et ne saurait être fautif, le jugement devant être confirmé sur ce point.
Sur le refus de la candidature de M.[F]
La candidature de M. [F] a également été refusée par lettre du 17 mars 2012, la FDJ expliquant que celle-ci l'intéressait 'dans une configuration géographique différente. Nous envisageons en effet une opportunité d'extension de son secteur selon un schéma plus conforme à la recherche d'une meilleure homogénéité des secteurs sur la région'.
S'agissant de la proposition de reprise par M. [F] de la totalité du secteur de la financière [K] en achetant 100% des actions pour 4.619.287 euros et en conservant 44 de ses points de vente, qui induisait la cession de 286 points de vente répartis entre trois courtiers limitrophes (MM. [O], [J] et [Y]), cette proposition ne précisait pas les prix et modalités de financement de l'acquisition des sous-cessions des trois lots de points de vente à ces trois courtiers, comme le demande l'article 10.2 du contrat de courtier-mandataire, puisqu'elle indiquait seulement que 'l'assiette du prix de cession sera constituée par le montant des commissions perçues en 2011".
Par ailleurs, le jugement a relevé que le secteur de M. [Y] était effectivement déjà très étendu, et que ceux de MM. [J] et [O] sont imbriqués étroitement avec ceux de Mme [R] et de M. [V], de sorte que ce re-découpage aurait été à l'encontre de la politique d'harmonisation des tailles des secteurs telle que poursuivie selon les principes de re-sectorisation. Il n'est pas véritablement contesté par la financière [K] qu'un tel projet aurait eu pour conséquence l'apparition de quatre secteurs de courtiers mandataires ayant un chiffre d'affaires important (entre 100 et 140 millions d'euros selon la méthode d'évaluation retenue) dans lesquels se seraient retrouvés, 'insérés', deux courtiers limitrophes ([V] et [R]) ayant des chiffres d'affaires beaucoup plus réduits (45 et 58 millions d'euros).
Si la financière [K] soutient que le GIE avait anticipé cette situation car le secteur de M. [V] allait se libérer et qu'il allait ainsi pouvoir être repris par Mme [R], dont le secteur était enclavé dans celui de M. [V], une telle anticipation n'était pas exprimée par la lettre du 9 février 2012, qui contenait les offres présentées pour M. [F].
Si Mme [R] a fait part dès le 21 juillet 2011 de son intérêt pour la reprise du secteur de M. [V], et qu'une telle proposition aurait pu être formulée par le GIE dans le cadre d'une concertation avec la FDJ si elle avait été organisée, la lettre d'intention de Mme [R] n'était pas présentée par un GIE et n'indiquait pas les modalités de financement qu'elle envisageait (comme le demande l'article 10) ; d'autre part, une proposition globale contenant la reprise de secteurs collatéraux ayant déjà été présentée par un GIE à la FDJ, le GIE Rhône Dauphiné aurait pu présenter une telle proposition sans que la FDJ ait à le lui préciser.
S'agissant de la proposition de reprise par M. [F] de la totalité du secteur de M. [K], elle contenait une promesse de cession de la totalité des actions de la [K] SA, 'après transformation en SAS, sous diverses conditions suspensives et notamment celle de votre consentement à Monsieur [L] [F]', l'obtention d'un crédit constituant également aussi une condition suspensive de la réalisation de la cession - la FDJ soulignant qu'une telle proposition n'avait fait l'objet d'aucun accord de principe-, de sorte qu'elle était soumise à plusieurs conditions suspensives sur les modalités de financement de l'acquisition, dont l'indication est prévue par l'article 10.2.
Aussi, il n'est pas démontré de faute ou d'abus de la FDJ dans l'application de l'article 10 du contrat de courtier-mandataire pour exclure les propositions faites par le GIE Rhône-Dauphiné, et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'impossibilité de désigner un cessionnaire au courtier partant
Il sera rappelé que selon l'article 10.3 du contrat de courtier-mandataire, 'Après trois refus successifs des candidats présentés, la Française des jeux doit, soit désigner elle-même un cessionnaire au courtier mandataire cédant, soit, si cette solution s'avère impossible, verser au courtier mandataire cédant, une indemnité fixée,...'.
L'article 10 prévoyant la possibilité pour le courtier de céder une partie de son activité, sous réserve de l'agrément du cessionnaire par la FDJ, le courtier mandataire cédant, qui se voit désigner un cessionnaire, peut négocier librement avec celui-ci le prix de cession de son secteur, ce qui peut être plus avantageux que l'indemnité contractuelle prévue à l'article 10.3 en cas d'impossibilité de désignation.
En l'espèce, après avoir refusé la candidature de M. [S] [K] par lettre du 8 mars 2012 et celles de M. [F] par lettre du 17 mars 2012 adressées au GIE Rhône Dauphine, la FDJ a informé M. [I] [K] de la cessation de son activité au 1er juillet 2012 à minuit, en précisant que son secteur serait repris par la SAS Grenoble Jeux Distribution.
Elle a ensuite, par courrier du 22 juin 2012, adressé à M. [I] [K] un contrat de résiliation de son contrat de courtier, qui prévoyait le versement au courtier mandataire de l'indemnité prévue à l'article 10 du contrat.
Alors que M. [I] [K] avait protesté auprès d'elle quant au montant de l'indemnisation qu'il estimait lui être due, la FDJ lui a adressé les 18 et 24 juillet 2012 les sommes de 1.228.690,45 euros et 1.246.041,01 euros, correspondant à l'indemnité contractuelle.
Ni dans aucun de ces courriers, ni dans les lettres adressées à la financière [K] les 11 juillet et 1er août 2012, la FDJ n'indique avoir recherché un cessionnaire, et elle ne soutient pas avoir engagé une telle recherche avant de confirmer l'expiration du contrat de la société de M. [I] [K].
Elle explique qu'il lui était impossible de procéder à une telle désignation compte tenu de la réorganisation de son réseau de distribution, commencée en 2010 et toujours en cours, qui devait conduire à la mise en place d'un nouveau protocole entre elle et les courtiers-mandataires (sa lettre du 27 juillet 2011), et qu'elle ne pouvait prendre le risque d'agréer de nouveaux courtiers-mandataires, en l'absence de visibilité du fait de la transformation en cours de son réseau.
Si la FDJ soutient que la seule obligation qui lui incombe est de désigner un cessionnaire, elle indique elle-même dans ses conclusions (p41) que les causes d'impossibilité de désigner un cessionnaire sont soit lorsque la FDJ ne parvient pas à en trouver un, soit lorsque le courtier-mandataire qu'elle a contacté refuse de reprendre le secteur libéré, soit lorsqu'elle ne peut en agréer un en raison de la réorganisation de son réseau ; il en résulte qu'elle doit rechercher un courtier-mandataire, le jugement dont appel ayant retenu qu'il s'agissait d'une obligation de moyen.
En outre, s'il ne revient pas à la cour d'apprécier les considérations économiques et commerciales au vu desquelles la FDJ a voulu donner une nouvelle orientation à sa politique commerciale, la FDJ ne peut justifier d'une impossibilité de respecter un engagement contractuel, 'soit la désignation d'un cessionnaire au courtier cédant', au seul vu de sa décision de modifier sa propre politique commerciale, par la mise en place d'un protocole qui a échoué, quand bien même elle l'estimerait nécessaire et elle en aurait informé le courtier-cédant. L'impossibilité pour la FDJ de désigner elle-même un cessionnaire, qui conditionne le versement de l'indemnité contractuelle, ne saurait dépendre de sa seule volonté.
Il est également constaté que la FDJ a, par lettre du 17 février 2012, pris acte du refus des courtiers mandataires d'adhérer à la nouvelle politique commerciale qu'elle proposait par la signature de ce protocole, et a notamment précisé "dès lors, nos relations ne sont pas modifiées, votre contrat de courtier-mandataire continuant à s'appliquer dans toutes ses dispositions, dont celles de l'avenant de 2003", et qu'au moment des faits la nouvelle politique commerciale de la FDJ n'était pas encore définie ni arrêtée.
Au vu de ce qui précède, la FDJ n'établit pas qu'elle était dans l'impossibilité de désigner un cessionnaire à la financière [K]. Elle a donc commis une faute en ne désignant pas un candidat cessionnaire alors qu'elle ne rapporte pas la preuve que cela lui était impossible.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le préjudice
La financière [K] soutient que son préjudice s'analyse non en une perte de chance, mais en une perte subie et un gain manqué. Elle conteste l'analyse du jugement et de l'arrêt cassé, car la FDJ ayant résilié le contrat elle pouvait désigner la personne de son choix, excluant ainsi toute cession de contrat. La résiliation abusive de son contrat a entraîné une perte subie, du fait de la disparition du contrat par voie de résiliation fautive, et un gain manqué du fait d'avoir été privé de toute cession de contrat. Elle avance qu'en raison des fautes de la FDJ, l'indemnité contractuelle ne s'applique pas, et que son dommage se répare en dommages et intérêts. Elle fait état de plusieurs décisions qui ont écarté l'indemnité contractuelle et son coefficient de 1,65, et relève que les offres d'achat présentées en 2012 révélaient des taux bien plus élevés. Elle relève les éléments de l'espèce et les propositions faites pour la reprise d'autres secteurs en 2012. A titre subsidiaire, si la perte de chance était retenue, elle affirme que le taux de 70% ne pourrait être retenu, car des courtiers mandataires étaient volontaires pour reprendre son secteur, que la FDJ aurait dû lui présenter en vue d'une cession de son contrat.
La FDJ soutient que la financière [K] n'a pas subi le moindre préjudice et ne peut alléguer d'une perte de chance, car elle ne dispose que d'un droit à présenter son successeur, et doit justifier d'une perte de chance sérieuse et réelle. Elle soutient que faute pour la financière [K] d'établir qu'un courtier limitrophe était prêt à lui verser pour son secteur une indemnité supérieure à 1,65 fois ses commissions, seule cette indemnité pouvait lui être versée. Elle conteste l'indemnité fixée par le jugement, et soutient que la financière [K] n'a subi aucune perte de chance. De même conteste-t-elle tout gain manqué, incompatible avec le nécessaire agrément de la FDJ, et affirme que l'indemnisation à hauteur de 1,65 fois les commissions de l'année précédente est la seule applicable. Elle avance qu'une indemnisation à hauteur d'une offre de reprise reviendrait à la contraindre d'accepter les candidatures, en la privant de son droit d'agréer ou pas. Elle ajoute que l'indemnisation à 1,65 fois les commissions de l'année précédente résulte d'un accord avec les courtiers-mandataires intervenu en 2003, qu'il a été appliqué par la financière [K] lorsqu'elle a racheté une part de courtage, et déclare se fonder sur l'intégralité des cessions intervenues. Elle dénonce les incohérences du calcul retenu par la financière [K], le caractère exagéré des propositions transmises par le GIE et fictif des offres alléguées par la financière [K]. Elle écarte l'application de ses coefficients spéciaux, réservés à des circonstances particulières, de même que le rapport dressé par M. [G] pour les mêmes raisons.
***
Le jugement a justement relevé que la FDJ n'avait pas recherché ni désigné un cessionnaire à la financière [K], comme le prévoit l'article 10-3 du contrat de courtier-mandataire, de sorte qu'elle doit réparation de cette faute.
Selon l'article 1142 du code civil applicable au moment des faits, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur.
Selon l'article 1149 applicable au moment des faits, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
Pour autant, la désignation, par la FDJ, d'un cessionnaire à la financière [K] ne l'assurait pas de conclure avec celui-ci un accord de cession et d'en obtenir un prix plus avantageux que la seule indemnité contractuelle.
Si la financière [K] soutient que la résiliation abusive du contrat de courtier mandataire par la FDJ lui a provoqué une perte subie - du fait de la disparition du contrat- et un gain manqué - la privation de toute cession de son contrat-, il convient de rappeler que le contrat prévoit que le cessionnaire doit bénéficier de l'agrément de la FDJ, laquelle dispose de la faculté d'accepter ou de refuser les candidats à la cession, et cette absence d'automaticité de l'agrément délivré par la FDJ est exclusive des notions de perte subie et de gain manqué.
Aussi, le préjudice doit être apprécié selon la règle non d'un gain manqué, mais de celle de perte de chance, définie comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, confortée par les manifestations d'intérêts de Mme [R] et de MM. [J] et [O], pour la reprise de tout ou partie du secteur [K] pour agrandir la taille de leurs secteurs, ainsi que des propositions de M. [F].
L'indemnisation recherchée exclut ainsi toute demande à la hauteur de la totalité du gain manqué et doit se limiter à une somme correspondant à la seule chance perdue sans référence à l'indemnité contractuelle laquelle n'est applicable que lorsque la désignation d'un cessionnaire s'avère impossible, ce qui en l'espèce n'a pas été démontré.
Le fait que la FDJ n'ait pas désigné un cessionnaire amène la cour à considérer que la perte de chance est actuelle et certaine, le bénéfice de la désignation, dont la financière [K] a été privée, constituant une éventualité favorable à la cession de son contrat de courtier- mandataire.
Comme déjà indiqué, plusieurs courtiers-mandataires -qui souhaitaient agrandir la taille de leurs secteurs- s'étaient manifestés : ainsi Mme [R] avait dès le mois de juillet 2011 manifesté son intérêt pour le secteur de la financière [K], et MM. [J] et [O] ont participé à l'offre de reprise de M. [F] présentée par le GIE en février 2012, avant de manifester leur intérêt le 1er juin 2012 pour reprendre le secteur d'activité de Mme [T] -ce qui ne les disqualifiait pas pour le secteur en cause- , de sorte que la cour estime que la probabilité de conclure un accord de cession avec le cessionnaire, s'il avait été désigné par la FDJ, était élevée (70%) sans être forte, du fait de l'absence de contiguïté des secteurs respectifs de ces repreneurs potentiels avec celui de M. [K].
Il appartient à la cour de déterminer l'assiette correspondant à la valeur de cession de l'activité sur laquelle doit s'appliquer ce pourcentage de 70%.
La financière [K] fait valoir une valorisation de son contrat de 3.208.291 euros (ses conclusions p62 s'appuyant sur une étude par expert-comptable) alors que la FDJ expose que l'indemnisation à hauteur d'un coefficient de 1,65 fois les commissions de l'année 2011 (conduisant à l'indemnité contractuelle déjà versée de 2.457.380 € euros HT) est la seule valeur à retenir en l'espèce, en soulignant que les courtiers-mandataires ne sont pas titulaires d'un fonds de commerce.
Il convient de retenir une valorisation par application d'un coefficient appliqué au montant des commissions encaissées l'année précédente ; pour autant, la cour ne retiendra pas le coefficient de 1,65 qui ne s'applique que lorsque la FDJ rapporte la preuve de l'impossibilité de désigner un cessionnaire ce qui n'est pas le cas ici.
Il convient de déterminer le coefficient applicable au montant de 1.489.322 € correspondant au montant des commissions encaissées l'année précédant la cession (2011).
La cour retiendra un coefficient pondéré entre (i) les offres des candidatures présentées à la financière [K] reflétant la particularité du marché local, rapportées au montant des commissions dégagées par la Financière [K] au titre de l'exercice précédent et (ii) la valeur des cessions sur l'ensemble du territoire reflétant la multiplicité des cessions au niveau national, telle qu'elle ressort de la moyenne des coefficients retenus par les juridictions. Une part plus importante sera donnée au second indicateur (0,6) qu'au premier (0,4), afin de tenir compte du plus grand nombre des cessions intervenues au niveau national.
S'agissant du premier élément, la cour retiendra les éléments chiffrés des deux propositions de M. [F] transmises par le GIE en février 2012, soit 4.619.287 euros, qui étaient d'un montant identique à celle de M. [S] [K]. Ainsi la cour retiendra un coefficient de 3,1 correspondant au rapport entre ces propositions et le montant des commissions retenues (4.619.287 : 1.489.322 = 3,1).
S'agissant du second élément, la cour retiendra la moyenne des coefficients retenus par les juridictions saisies d'offres d'achat présentées par les candidats à la reprise, aux courtiers ayant cessé leur activité en 2012, les coefficients appliqués dans des cessions trop anciennes n'étant pas pertinentes pour évaluer le préjudice subi par la société [K] en 2012. Au vu des pièces produites, le coefficient moyen retenu par les juridictions était de 1,96.
Ainsi le coefficient pondéré sera fixé à 2,416 (3,1 x 0,4 + 1,96 x 0,6).
La valeur de la cession s'élevant à 1.489.322 € x 2,416 = 3.598.201,9 euros, de sorte que la perte de chance est donc évaluée à 3.598.201,9 x 0,70 = 2.518.741,3 euros.
La financière [K] ayant reçu un versement de la somme de 2.457.380 € euros Ht, la FDJ sera condamnée à lui verser la somme de 61.361,30 euros, arrondie à 61.361 euros.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Les intérêts et la capitalisation seront confirmés.
Sur les autres demandes
Les condamnations prononcées en 1ère instance aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
La FDJ sera condamnée au paiement des dépens d'appel, ainsi qu'au versement de la somme de 4000 euros à la financière [K] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne le montant de la somme à laquelle la FDJ a été condamnée,
L'infirme sur ce point,
Condamne la FDJ au paiement de la somme de 61.361 euros à la financière [K],
y ajoutant,
Rejette toute autre demande,
Condamne la FDJ au paiement des dépens d'appel, ainsi qu'au versement de la somme de 4000 euros à la financière [K] au titre des frais irrépétibles d'appel.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,