COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JANVIER 2021
N° RG 19/00422
N° Portalis DBV3-V-B7D-S6TF
AFFAIRE :
URSSAF VENANT AUX DROITS DU RSI
C/
[M] [N]
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 31 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE
N° RG : 16-00775
Copies exécutoires délivrées à :
Me Perrine ATHON - PEREZ
URSSAF VENANT AUX DROITS DU RSI
Copies certifiées conformes délivrées à :
URSSAF VENANT AUX DROITS DU RSI
[M] [N]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
URSSAF VENANT AUX DROITS DU RSI
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par M. [F] [I] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial
APPELANTE
****************
Monsieur [M] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Perrine ATHON - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0090 substitué par Me Claire LACHAUX, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Valentine BUCK, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Morgane BACHE,
M. [M] [N] a été affilié au régime social des indépendants - caisse déléguée Ile-de-France (ci-après, le 'RSI') en qualité de gérant majoritaire de la Sarl TLA sur la période du 1er décembre 2006 au 23 mars 2009.
A ce titre, il devait régler ses cotisations d'assurance maladie et maternité, vieillesse, invalidité et décès, allocations familiales, formation professionnelle et CSG/CRDS.
Par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 23 février 2012 mais revenue 'pli avisé et non réclamé', le RSI a notifié à M. [N] une mise en demeure établie à son encontre le 13 février 2012 d'avoir à payer la somme de 47 853 euros, représentant les cotisations et majorations de retard, au titre des 4ème trimestre 2009 et 1er et 2ème trimestres 2010.
Par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 7 décembre 2012, le RSI a notifié à M. [N] une deuxième mise en demeure établie à son encontre le 6 décembre 2012 d'avoir à payer la somme de 23 854 euros, représentant les cotisations et majorations de retard, au titre des années 2008 et 2009.
Par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée mais revenue 'pli avisé et non réclamé', le RSI a notifié à M. [N] une troisième mise en demeure établie à son encontre le 13 décembre 2013 d'avoir à payer la somme de 5 342 euros, représentant les cotisations et majorations de retard, au titre de la régularisation de l'année 2009.
Par acte d'huissier de justice en date du 30 mai 2016, le RSI a signifié à l'étude d'huissier la contrainte émise le 9 février 2016 à l'encontre de M. [N] et portant sur la somme de 11 492 euros, correspondant aux cotisations et majorations de retard, relatives aux 4ème trimestre 2009, aux 1er et 2ème trimestres 2010, à l'année 2008 et aux régularisations de l'année 2009.
Le 9 juin 2016, M. [N] a fait opposition à cette contrainte.
Par jugement en date du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (ci-après, le 'TASS') a :
- déclaré M. [N] recevable en son opposition et bien fondé ;
- dit que la créance du RSI au titre des cotisations 'pour les périodes ANNÉE 2008, 4ème trimestre 2009, ANNÉE 09, 1er trimestre 2010, 2ème trimestre 2010' n'était pas justifiée dans son principe et dans son montant ;
- annulé la contrainte du RSI établie le 9 février 2016 et signifiée le 30 mai 2016 à l'encontre de M. [N] ;
- débouté M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les frais de signification de la contrainte à la charge du RSI.
Le 11 février 2019, l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale (ci-après, 'URSSAF'), venant aux droits du RSI, a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt contradictoire en date du 10 septembre 2020 (RG n° 19/00422), la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 24 novembre 2020 afin de permettre aux parties de conclure sur la question de la recevabilité de l'opposition à contrainte de M. [N] en raison du défaut de contestation, avant la signification de la contrainte, des mises en demeure devant la commission de recours amiable (ci-après 'CRA').
A l'audience, l'URSSAF soulève l'irrecevabilité de l'opposition à contrainte, M. [N] n'ayant pas saisi préalablement la commission de recours amiable (ci-après, 'CRA').
Par conclusions écrites et soutenues à l'audience, M. [N] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du TASS du 31 décembre 2018 ;
en conséquence :
- constater la nullité de contrainte litigieuse ;
- condamner l'URSSAF au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'opposition à contrainte
L'URSSAF invoque l'absence de saisine préalable de la CRA après réception des mises en demeure.
M. [N] soutient que son opposition à contrainte est recevable.
Il expose que la décision de la Cour de cassation en date du 4 avril 2019 s'inscrit dans le cadre spécifique d'un contrôle URSSAF et a précisé que ce sont "les chefs de redressement" visés dans la mise en demeure qui ne sont plus contestables dans le cadre de l'opposition à contrainte en l'absence de contestation de la mise en demeure. Cette jurisprudence n'est donc aucunement transposable au contentieux du rappel de cotisations sociales, où la notion de « chefs de redressement » est inexistante.
Quand bien même l'arrêt de la Cour de cassation serait applicable au contentieux des cotisations sociales, l'absence de saisine de la CRA n'a pas pour effet de rendre l'opposition à la contrainte irrecevable mais plutôt de limiter les motifs de contestation. Il convient donc de distinguer la recevabilité de la contrainte et la recevabilité des moyens soulevés à l'appui de l'opposition.
Il demeure possible de contester la contrainte en ce qu'elle pourrait être affectée de vices propres tels que la prescription de l'action de recouvrement, le défaut de mentions obligatoires, l'absence de corrélation entre le montant réclamé dans mise en demeure et celui demandé dans la contrainte.
Le moyen soulevé à l'appui de l'opposition étant celui du manquement à l'obligation d'information à son égard, la contrainte ne lui permettant pas de comprendre les montants qui lui sont réclamés, il est recevable.
Sur ce,
L'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose :
Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale.
Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L. 213-1.
Aux termes de l'article R. 142-1 du même code, dans sa version applicable :
Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
Toutefois, les contestations formées à l'encontre des décisions prises par les organismes chargés du recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard doivent être présentées à la commission de recours amiable dans un délai d'un mois à compter de la notification de la mise en demeure.
Il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que le cotisant, qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des cotisations qui font l'objet de la contrainte.
En effet, la saisine préalable de la CRA a précisément pour but de saisir cet organisme des irrégularités tant de forme que de fond susceptibles d'affecter telle ou telle mise en demeure qui aurait été adressée au cotisant.
La régularité de l'opposition à contrainte se fonde, justement, sur la régularité de la procédure de mise en recouvrement.
Or, la mise en demeure est un élément indispensable et préalable à l'émission d'une contrainte, ne serait-ce que parce qu'elle permet au cotisant d'éviter que ne soit délivré à son encontre un titre susceptible de recouvrir la force exécutoire d'un jugement.
En l'espèce, la contrainte du 9 février 2016, régulièrement signifiée à l'étude d'huissier, précise la période d'exigibilité, la nature et le montant des cotisations et des majorations de retard et fait référence aux trois mises en demeure précédemment notifiées qui détaillent la nature des cotisations et le montant des diverses cotisations appelées.
Le montant total réclamé dans la contrainte correspond exactement à la somme des trois mises en demeure, ce montant étant réduit par les déductions opérées par l'URSSAF.
Dans un courrier du 30 juin 2016, l'URSSAF expliquait à M. [N] avoir procédé aux régularisations des cotisations après réception des déclarations des revenus et en tenant compte de sa radiation au 23 mars 2009.
M. [N] invoque des imprécisions dans les sommes réclamées et des prescriptions de cotisations, ce qui correspond à une contestation du bien fondé des mises en demeure.
Les trois mises en demeure précisent que 'si vous avez des motifs valables, vous pouvez contester cette mise en demeure auprès de la Commission de Recours Amiable de la caisse RSI dont l'adresse figure ci-dessus dans le délai d'un mois à compter de sa réception.'
Les modalités de contestation des mises en demeure ont donc été portées à la connaissance de M. [N].
M. [N] n'a cependant pas contesté devant la CRA les mises en demeure qui lui ont été régulièrement notifiées.
En l'absence de contestation de la régularité et du bien-fondé des mises en demeure dans les délais, l'opposition de M. [N] à la contrainte fondée sur ces mêmes mises en demeure sera donc jugée irrecevable et le jugement infirmé.
Il convient de constater que l'URSSAF ne réclame que la somme de 5 122 euros, du fait de la régularisation de la radiation de M. [N] et de cotisations prescrites déduites par l'URSSAF.
Il y a lieu de rappeler que les frais de signification de la contrainte restent à la charge de la partie qui succombe.
Sur les dépens et les demandes accessoires
M. [N], qui succombe à l'instance, est condamné aux dépens et débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en voir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 31 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (n° 16-0 775/P) en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit l'opposition à la contrainte de M. [M] [N] irrecevable, avec cette précision que l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Ile-de-France a rapporté le montant de cette contrainte à la somme de 5 122 euros dont 4 316 euros de cotisations et 806 euros de majorations de retard dues pour le 4ème trimestre 2009, les 1er et 2ème trimestre 2010 et la régularisation de l'année 2008 ;
Condamne M. [M] [N] aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;
Déboute M. [M] [N] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de délais de paiement ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,