COUR D'APPEL DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°36
CONTRADICTOIRE
DU 21 JANVIER 2021
N° RG 18/00757
N° Portalis DBV3-V-B7C-SEKR
AFFAIRE :
[Y] [A]
C/
SA AXA FRANCE IARD
SA AXA FRANCE VIE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 15/03312
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Olivier JESSEL
Me Martine DUPUIS
Le : 22 janvier 2021
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé au 07 janvier 2021 puis prorogé au 21 janvier 2021 les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :
Madame [Y] [A]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] (91)
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier JESSEL, plaidant/constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0811
APPELANTE
****************
SA AXA FRANCE IARD
N°SIRET : 722 057 460
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Emily GRIMSHAW, plaidante, avocate au barreau de PARIS ; et Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
INTIMÉE
SA AXA FRANCE VIE
N°SIRET : 310 499 959
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Emily GRIMSHAW, plaidante, avocate au barreau de PARIS ; et Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
PARTIE INTERVENANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 novembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES
Les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie sont des sociétés du groupe d'assurance Axa. Elles emploient près de 14 000 salariés.
La société Axa France Iard répond aux besoins des particuliers et des entreprises en matière d'assurance incendie, accidents, risques divers et couvre à ce titre les dommages et la protection des biens.
La société Axa France Vie, intervenue volontairement à la procédure, couvre le domaine des assurances de personnes : santé, accident, décès, ...
Par contrat à durée indéterminée du 15 septembre 2008, Mme [Y] [A], née le [Date naissance 1] 1969, a été engagée par les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie (ci-après ensemble Axa France) en qualité de juriste-conseil, statut cadre, classe 6 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992, au sein de la direction juridique et fiscale d'Axa France / Secrétariat général d'Axa France, département droit du patrimoine, moyennant une rémunération annuelle brute de 54 000 euros versée en 13,5 mensualités.
Elle percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de base de 4 229,98 euros et, depuis 2009, un complément de rémunération variable (CRV) en fonction du niveau d'atteinte d'objectifs de performance fixés annuellement, outre une prime de vacances et une prime de 13ème mois.
Par requête du 27 novembre 2015, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester le positionnement de son poste en classe 6 et d'être reclassée en classe 7 au motif que ce classement en classe 6 serait constitutif d'un traitement inégalitaire et discriminatoire à son encontre.
Par courrier du 24 octobre 2016, Mme [A] a notifié à la société Axa France sa décision de démissionner. En accord avec l'employeur, la rupture a été effective le 10 novembre 2016.
Par jugement du 11 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a :
- dit et jugé la société Axa France Vie recevable en son intervention volontaire aux côtés de la société Axa France Iard et déclaré le jugement opposable à son égard,
- dit et jugé que Mme [A] n'a été victime d'aucune inégalité de traitement injustifiée et d'aucune discrimination,
- débouté Mme [A] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Axa France Iard,
- condamné Mme [A] aux éventuels dépens.
Par déclaration du 26 janvier 2018, Mme [A] a interjeté appel de la décision.
Par conclusions adressées par voie électronique le 14 septembre 2020, elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qui concerne l'intervention volontaire de la société Axa France Vie,
- réformer le jugement dont appel en toutes ses autres dispositions,
- juger que Mme [A] a fait l'objet d'une inégalité de traitement et de mesures discriminatoires,
- condamner les intimées, conformément à la jurisprudence constante, à communiquer sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, les contrats de travail, avenants, CV et les trois derniers bulletins de paie des salariés suivants :
* Mme [V] [P],
* M. [C] [T],
* Mme [R] [L],
* M. [J] [Z],
* M. [G] [I],
* M. [PX] [K],
* Mme [H] [X],
* Mme [FZ] [IH],
* Mme [N] [B],
* Mme [MC] [M]-[W],
* M. [D] [U],
- condamner les intimées, conformément à la jurisprudence constante, à communiquer sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, les curriculum vitae, CV de Mme [V] [P], Mme [R] [L] et M. [J] [Z],
- constater que les fonctions qu'exerçait effectivement Mme [A] relèvent en réalité de la classe 7, et notamment de la définition des fonctions d'expert-manager,
- juger que la société Axa aurait dû faire figurer la classe 7 sur les bulletins de paie de Mme [A] et fixer son salaire en conséquence, en application de la convention collective,
- juger que cette absence de paiement des salaires de classe 7 doit se résoudre en dommages et intérêts,
- juger que la discrimination que subit Mme [A] est constitutive d'une faute imputable à l'employeur,
- juger que Mme [A] a subi un préjudice direct du fait de ces fautes,
- juger que les demandes financières de Mme [A] ne sont pas prescrites,
en conséquence
- condamner les sociétés Axa France Iard et Axa France Vie à payer à Mme [A], les indemnités suivantes compensant les pertes de rémunération suivantes :
* absence de perception de 20% du salaire d'embauche qui aurait dû être payé entre le 15 septembre 2008 et le 31 décembre 2009 : 15 448 euros,
* différentiel de salaires non perçus sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014 : 95 210 euros,
* différentiel de salaires non perçus en 2015 : 21 200 euros,
* perte de chance d'avoir pu percevoir en 2016 et 2017, un salaire 20% supérieur au salaire d'embauche : 20 520 euros,
* perte de chance d'avoir pu percevoir entre 2018 et 2023, un salaire d'attaché de direction : 124 200 euros,
* perte de chance d'avoir pu percevoir le salaire correspondant à un grade de directeur entre 2023 et l'âge de la retraite : 165 600 euros,
* préjudice moral : 50 000 euros,
* article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros.
Par conclusions adressées par voie électronique le 28 septembre 2020, les sociétés Axa France Iard et Axa France vie demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- juger que Mme [A] n'a été victime d'aucune inégalité de traitement injustifiée et d'aucune discrimination,
- en conséquence, la débouter de toutes ses demandes,
- condamner Mme [A] au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [A] aux éventuels dépens.
Par ordonnance rendue le 7 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 13 novembre 2020.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Mme [A] invoque d'une part, une exécution déloyale du contrat de travail ou à tout le moins une violation du principe d'égalité de traitement et d'autre part, une discrimination.
Sur l'inégalité de traitement
La salariée fait ici valoir qu'elle n'a bénéficié en huit ans d'aucune évolution de carrière, que depuis 2008 elle est toujours demeurée en classe 6 tandis que d'autres salariés, occupant le même poste et justifiant de qualifications similaires voire inférieures, ont connu une évolution de carrière plus favorable et atteint une classe plus importante, alors même qu'ils ont pour certains été embauchés après elle, qu'elle s'est régulièrement mais vainement plainte de cette stagnation injustifiée de sa carrière. Elle fait observer qu'elle est diplômée en droit des affaires et du patrimoine professionnel, qu'elle a obtenu le certificat d'aptitude à la profession d'avocat contrairement à la plupart de ses collègues, qu'elle a exercé la profession d'avocat pendant deux années et qu'elle bénéficie d'une sérieuse et solide expérience pluridisciplinaire en matière de conseil en gestion de patrimoine et de banque ; qu'elle aurait dû être recrutée sur un poste classé 7 et moyennant une rémunération plus élevée ; que dès l'embauche le poste lui a été présenté par Axa France comme devant très rapidement évoluer en classe 7, avec une possibilité très sérieuse d'atteindre le niveau d'attaché de direction à moyen terme, ce qui a été déterminant dans sa décision de l'accepter.
Elle soutient que rien ne justifie qu'elle ait été maintenue pendant des années en classe 6, qu'elle a toujours fait l'objet d'appréciations élogieuses et qu'aucun reproche ne lui a jamais été adressé, qu'elle exerçait en réalité des fonctions correspondant à la classe 7, que son employeur ne l'a jamais mise en mesure de pouvoir prétendre à la qualification de cette classe 7, ne lui confiant pas les tâches qui lui auraient permis de bénéficier de cette classification (si tant est que celles qu'elle exerçait ne rentraient pas dans la définition de la classe 7), que cette incroyable inertie de la société Axa France n'a visé qu'à 'l'écraser' et l'a finalement poussée à démissionner.
Elle considère que la stagnation professionnelle dont elle a fait l'objet, n'ayant bénéficié, en huit ans de présence dans la société, d'aucune évolution indiciaire ni d'aucune augmentation significative de son salaire, est un élément objectif suffisant pour présumer l'existence d'une inégalité de traitement, et ce tandis que la société Axa France se contente en réplique de détruire son image, en minimisant ses performances professionnelles, et n'apporte aucun élément objectif justifiant cette différence.
Elle demande à la cour d'ordonner à la société Axa France de communiquer sous astreinte les contrats de travail, avenants, curriculum vitae et bulletins de paie de plusieurs salariés du groupe qu'elle énumère et auxquels elle se compare.
La société Axa France rétorque que Mme [A] n'a subi aucune inégalité de traitement; que le poste de juriste-conseil qu'elle occupait au sein de la direction juridique relevait de la classe 6 de la convention collective, comme l'ensemble des postes de juriste-conseil au sein de cette direction, compte tenu de la nature des fonctions exercées et du degré de complexité des tâches liées à ses fonctions ; qu'à missions et tâches constantes, un poste ne change pas de classification ; que contrairement à ce qu'elle prétend, à aucun moment, il n'a été promis à Mme [A] une requalification de la classification de son poste ; que les fonctions occupées par elle correspondaient bien à des fonctions de juriste-conseil et non à des fonctions de responsable manager ou d'expert manager ; que la description qu'elle fait de ses fonctions n'est pas conforme à la réalité et très exagérée ; que le fait qu'elle n'ait pas évolué sur un poste de catégorie supérieure repose sur des éléments objectifs ; qu'ainsi, malgré l'accompagnement dont elle a bénéficié et les propositions de postes qui lui ont été faites au sein du groupe, elle a décidé de ne pas y donner suite ; qu'elle ne rapporte pas la moindre preuve d'un quelconque refus de mobilité professionnelle qui lui aurait été opposé ; qu'en outre, le comportement particulièrement agressif de Mme [A] a régulièrement été relevé tout au long de la relation de travail et rendait particulièrement difficile son évolution vers des postes requérant des compétences managériales.
La société Axa France ajoute que les salariés auxquels Mme [A] se compare ne sont pas dans une situation similaire ; que les pièces qu'elle réclame lui ont été communiquées depuis 2016 ; que contrairement à ce que prétend la salariée, le fait d'être titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ou d'avoir exercé en tant qu'avocat ne constitue nullement un critère pertinent pour une quelconque promotion au sein de la direction juridique ou plus généralement une évolution sur des postes de classification supérieure au sein du groupe, pas plus que le caractère mono ou pluridisciplinaire des profils n'a d'impact sur la capacité à évoluer au sein de de la direction juridique ; qu'en tout état de cause, la salariée est d'autant plus mal fondée à invoquer une prétendue inégalité de traitement qu'au contraire elle bénéficiait de l'une des rémunérations les plus élevées de sa catégorie professionnelle, et ce alors qu'elle s'est trouvée systématiquement en-dessous de la moyenne des performances de ses collègues.
Il sera rappelé que le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Sur ce, s'agissant du positionnement de Mme [A] dans l'entreprise, il est rappelé qu'en cas de différend sur la catégorie professionnelle, il convient de rechercher les fonctions effectivement exercées par le salarié et la qualification applicable au regard des dispositions de la convention collective.
En l'espèce, selon l'article 30 de la convention collective applicable à la relation de travail, « Toutes les activités professionnelles ou 'fonctions' exercées par les salariés relevant de la présente convention font l'objet d'un classement. Ce classement est opéré dans chaque entreprise (') », ce dont il se déduit que la classification se déduit du poste concrètement occupé.
Il ressort de son contrat de travail que l'appelante a été engagée à compter du 15 septembre 2008 en qualité de juriste-conseil, statut cadre, classe 6 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992. Cette classification est celle indiquée sur ses bulletins de salaire.
La société Axa France verse aux débats un tableau récapitulatif des postes de juriste-conseil au sein de la direction juridique qui démontre que tous les salariés occupant ces postes sont positionnés en classe 6.
Elle indique en outre qu'à la suite des accusations d'inégalité de traitement et de discrimination formulées par Mme [A], elle a missionné un cabinet d'experts en ressources humaines, le cabinet [E], afin que celui-ci procède à une nouvelle 'pesée' du poste de juriste-conseil et détermine de quelle classification ce poste relève. Il ressort du compte-rendu d'évaluation du poste de juriste-conseil établi par le cabinet [E] la conclusion suivante : « L'analyse du poste de juriste conseil a été réalisée le 1er décembre 2014 sur la base de la description de poste complétée par un entretien avec le responsable direct du poste. Le résultat de la pesée du poste est (') une recommandation en classe 6. »
Mme [A] admet au demeurant que son poste de juriste-conseil relevait de la classe 6 mais soutient que ce poste ne correspondait ni à ses qualifications, ni à son expérience professionnelle, ni à la réalité des tâches accomplies. Elle prétend ainsi que les fonctions qu'elle exerçait étaient à tout le moins celles d'un responsable manager de classe 7. La cour observe cependant que la salariée n'en fait aucunement la démonstration, se contentant d'affirmations non étayées par des éléments probants, et ce tandis que la société Axa France produit une attestation rédigée par M. [D] [VN], responsable hiérarchique de Mme [A] de janvier 2013 à novembre 2016, qui indique notamment que celle-ci occupait un poste de juriste-conseil au sein de l'équipe de la direction juridique dédiée aux réseaux tiers (distributeurs extérieurs au groupe Axa), lesquels se distinguent des réseaux propriétaires, et qui souligne que cette distinction a une incidence importante en termes de devoir de conseil puisque dans le premier cas la responsabilité du devoir de conseil pèse sur le distributeur et non sur le groupe Axa.
En outre, l'analyse des fiches de postes produites par la salariée révèle que si le juriste-conseil (classe 6) bénéficie d'une certaine autonomie, il exerce ses activités sous la responsabilité du directeur ou d'un juriste manager et sa mission principale consiste à « réaliser des activités techniques et relationnelles d'assistance juridique pour le compte d'une ou plusieurs entreprises du groupe, et plus particulièrement sur les dossiers d'une très grande difficulté technique ou nécessitant la mise en oeuvre combinée de plusieurs disciplines juridiques à haut niveau de son domaine d'activités ». Le responsable manager (classe 7) dirige « des équipes d'une quarantaine à une centaine de collaborateurs exerçant des métiers diversifiés et/ou d'expertise » et sa mission principale l'amène à couvrir « un ou plusieurs domaines de l'entreprise en optimisant les ressources (humaines, financières, techniques, matérielles ...) qui lui sont confiées ». L'expert manager (classe 7) apporte quant à lui son « expertise dans un ou plusieurs domaines (technique, financier, organisationnel, informatique, logistique, commercial, ressources humaines, ...) permettant à l'entreprise d'orienter sa stratégie et de définir sa politique » ; il manage une équipe de spécialistes.
Selon son supérieur hiérarchique, les fonctions exercées par Mme [A] consistaient à « assurer un soutien juridique et fiscal à certains membres de l'équipe commerciale Théma (...) ainsi qu'aux services de gestion en vue de la souscription de contrats d'assurance vie ou de capitalisation et de reversement sur ces contrats, à animer ponctuellement des réunions sur des thèmes patrimoniaux liés à l'assurance vie à destination de conseils en gestion de patrimoine ou de membres des services de gestion, appuyer le service de traitement des réclamations dans le cadre de réponses à apporter aux clients de tous les réseaux jusqu'à une éventuelle phase contentieuse, le cas échéant valider juridiquement des documents internes d'information ». Il ne ressort pas de cette description que Mme [A] assurait des fonctions d'encadrement ou de management recoupant celles d'un responsable manager ou d'un expert manager, ni que son poste comportait comme ces derniers une quelconque dimension stratégique justifiant son repositionnement en classe 7.
Les éléments produits par l'employeur (tableau des juristes-conseil de la direction juridique d'Axa France et fiches individuelles de chacun) permettent à la cour de constater que contrairement à ce que soutient l'appelante, il existait d'autres salariés de la direction juridique ayant une ancienneté dans le poste de juriste-conseil (classe 6) plus importante qu'elle, dont des hommes ; que d'autres juristes-conseil (classe 6) avaient une ancienneté similaire à la sienne, quand bien même ils auraient été titulaires du diplôme d'avocat et/ou auraient précédemment exercé des fonctions d'avocat (notamment Mmes [S], [F] et [O]) ; que 12 juristes-conseil avaient une ancienneté à ce poste et dans cette classe plus longue que celle de Mme [A] tandis que 10 avaient une ancienneté inférieure, ce dont il se déduit que Mme [A] se situait dans la moyenne de la direction juridique, tout en percevant cependant une des rémunérations les plus élevées (5 043 euros en moyenne sur les douze derniers mois).
Comme l'ont justement analysé les premiers juges, les salariés auxquels se compare Mme [A] ne se trouvaient pas dans une situation comparable au regard à la fois de leur formation, de leur ancienneté, des expériences acquises et de leur capacité à encadrer du personnel. Ainsi, Mme [R] [L], M. [J] [Z], Mme [H] [X], Mme [MC] [W]-[M], M. [D] [U] occupaient un poste d'expert manager et M. [G] [I], M. [PX] [K], Mme [FZ] [IH] celui de responsable manager, dont il vient d'être observé qu'ils recouvraient des fonctions d'encadrement ; ils avaient pour certains d'entre eux une ancienneté supérieure à celle de Mme [A], une expérience au sein d'autres directions du groupe Axa, et tous avaient obtenu des taux de performance supérieurs à elle. Mme [V] [P] occupait un poste d'attaché de direction, hors classe, dans le domaine des ressources humaines, qui n'est pas non plus un poste comparable à celui de l'appelante.
Quant à M. [C] [T] et à Mme [N] [B], l'employeur démontre qu'ils n'occupaient pas des postes positionnés en classe 7 mais en classe 6, comme Mme [A].
L'employeur produit en outre pour chacun des salariés auxquels Mme [A] se compare la fiche individuelle indiquant notamment leur ancienneté dans l'entreprise, l'évolution de leur rémunération et leur positionnement sur le marché ainsi que leur curriculum vitae et leurs derniers bulletins de paie, de sorte que la demande de la salariée de se voir communiquer ces documents est sans objet, la cour observant en outre que Mme [A] ne précise pas le fondement juridique de sa demande et que, à la supposer fondée sur l'article 145 du code de procédure civile selon lequel, lorsqu'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé, cette demande aurait été nécessairement rejetée puisque le juge du fond est déjà saisi.
Il ressort enfin des pièces communiquées par la société Axa France qu'à plusieurs reprises depuis 2012, la salariée a été reçue par la direction des ressources humaines afin d'étudier avec elle ses possibilités d'évolution au sein du groupe, qu'elle a bénéficié d'un bilan professionnel dont elle ne communique d'ailleurs pas le résultat, que son curriculum vitae a été diffusé à l'intérieur du groupe, qu'un poste à dimension managériale lui a même été proposé mais que Mme [A] l'a refusé, n'ayant pas pu obtenir « l'ombre d'un espoir que ce poste pouvait finalement être évolutif c'est-à-dire passer en 7 un jour », la cour observant au surplus que la salariée ne justifie pas que des postes sur lesquels elle aurait candidaté et pour lesquels elle présentait les compétences requises lui auraient été refusés.
Au regard de ces constatations, il n'est ainsi pas apporté la justification d'éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité de traitement invoquée, ni même une exécution déloyale du contrat de travail, ce qui conduira, par confirmation du jugement entrepris, à rejeter l'intégralité des demandes indemnitaires de Mme [A], en ce compris la demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral qui n'est pas démontré.
Sur la discrimination
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
En vertu de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, Mme [A] estime qu'elle a subi, dès son embauche, de nombreuses discriminations à raison de son sexe et de son origine. Elle fait observer qu'aucun des salariés de la direction juridique d'Axa France exerçant des fonctions en classe 7, ou des fonctions d'attaché de direction, ne sont d'origine maghrébine comme elle ; qu'il est en outre beaucoup plus aisé pour les salariés hommes que femmes de bénéficier de promotions et d'avancement au sein de la société Axa France ; que dans le milieu de la gestion de patrimoine, les femmes sont ultra-minoritaires et encore plus, parmi les personnes issues de la diversité ; qu'il est donc fort vraisemblable que le traitement défavorable qui lui a été réservé l'est à raison de son origine et de son sexe, étant relevé qu'elle est la seule salariée du département juridique d'Axa France, d'origine étrangère, à ne pas évoluer normalement. Elle en déduit que la disparité de progression de carrière et de rémunération laisse également supposer l'existence d'une discrimination.
La société Axa France réplique qu'aucune discrimination ne saurait être retenue dans la mesure où une discrimination constitue une inégalité de traitement fondée sur un motif prohibé par le code du travail et que Mme [A] n'a été victime d'aucune inégalité de traitement.
Elle énonce qu'en tout état de cause la situation professionnelle qui était celle de Mme [A] au sein du groupe n'est nullement liée à son genre ou à ses origines, que les accusations extrêmement graves qu'elles profèrent ne sont accompagnées d'aucun élément. La société Axa France fait valoir qu'elle a reçu le label diversité porté par le ministère du travail pour la 2e fois en 2014, que le groupe développe et implémente une politique volontariste en matière d'égalité hommes/femmes, que d'ailleurs l'intéressée se compare à des salariés dont un grand nombre sont des femmes qui ont évolué sur des postes de catégorie supérieure (classe 7 ou directeur), que la société Axa France est signataire d'une convention de partenariat signée avec le ministère des droits des femmes en 2013, qu'elle est un membre fondateur et grand partenaire de la Fondation égalité/mixité, qu'elle est signataire d'un accord sur l'égalité et la diversité signé en 2006, qu'elle s'est inscrite dans une démarche de labellisation et détient ainsi le label égalité (porté par le ministère des droits des femmes) depuis 2006, le label diversité (porté par le ministère du travail) depuis 2009, la certification Edge (Economic Dividends for Gender Equality) obtenu en 2016.
La cour a précédemment retenu que Mme [A] ne rapportait pas la preuve d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, qu'ainsi aucun élément objectif concret ne permettait d'établir qu'elle était légitime à être positionnée en classe 7 et qu'elle n'y avait pas accédé pour des motifs d'ordre exclusivement professionnels. Dans ces conditions, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination à raison du sexe et/ou de l'origine, telle qu'invoquée par la salariée, ne saurait non plus être caractérisée.
La cour observe au demeurant que pour démontrer les 'nombreuses discriminations' qu'elle prétend avoir subies durant la relation de travail, Mme [A] se contente de considérations générales sur la mixité et sur la diversité au sein du groupe Axa, ne produisant aucun élément concret sur des faits précis de discrimination dont elle aurait fait l'objet. Elle procède par affirmations voire conjectures, écrivant notamment dans ses conclusions « il est donc fort vraisemblable que le traitement défavorable réservé à Mme [A] l'est à raison de son origine et de son sexe ». Elle se contredit d'ailleurs en indiquant qu'elle était « la seule personne 'issue de la diversité' en front office pour la clientèle de la gestion de fortune ».
Le jugement entrepris mérite donc également confirmation sur ce point.
Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles
Mme [A] supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer aux sociétés Axa France Iard et Axa France Vie une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme totale de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 janvier 2018 par le conseil de prud'hommes de Nanterre ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [Y] [A] à verser aux sociétés Axa France Iard et Axa France Vie la somme totale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Mme [Y] [A] de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE Mme [Y] [A] aux dépens ;
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Isabelle Vendryes, présidente, et par Madame Elodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,