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14/01/2021 | FRANCE | N°19/00474

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 14 janvier 2021, 19/00474


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E



5e Chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JANVIER 2021



N° RG 19/00474



N° Portalis DBV3-V-B7D-S6X6



AFFAIRE :



Société HEPPNER SOCIETE DE TRANSPORTS





C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS









Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 28 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sé

curité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 16-00908





Copies exécutoires délivrées à :



Me Guy DE FORESTA



Me Amy TABOURE



Copies certifiées conformes délivrées à :



Société HEPPNER SOCIETE DE TRANSPORTS



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JANVIER 2021

N° RG 19/00474

N° Portalis DBV3-V-B7D-S6X6

AFFAIRE :

Société HEPPNER SOCIETE DE TRANSPORTS

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 28 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 16-00908

Copies exécutoires délivrées à :

Me Guy DE FORESTA

Me Amy TABOURE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Société HEPPNER SOCIETE DE TRANSPORTS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société HEPPNER SOCIETE DE TRANSPORTS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 653 substitué par Me Françoise SEILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0547

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Service contentieux

[Localité 1]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Morgane BACHE,

FAITS ET PROCEDURE,

M. [N] [H] a été embauché par la société Heppner société de transports (ci-après la 'Société') le 6 mars 1990 en qualité de brigadier de manutention.

Le 12 mai 2008, M. [H] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (ci-après la 'Caisse' ou 'CPAM').

Par courrier en date du 6 octobre 2008, la Caisse a informé la Société de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter le dossier avant la prise de décision sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [H].

Le 16 octobre 2008, la Caisse a notifié à M. [H] la prise en charge de sa pathologie 'tableau 57- Epaule douloureuse droite' au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier en date du 3 juin 2014, la Société a saisi la commission de recours amiable (ci-après 'CRA') afin de contester l'opposabilité de la décision de prise en charge de la Caisse.

Le 5 juillet 2016, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (ci-après 'TASS') afin de contester la décision implicite de rejet de la CRA.

Par jugement contradictoire en date du 28 novembre 2018 (RG n° 16-00908/P), le TASS, retenant qu'en matière de contentieux relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles antérieurs au 1er janvier 2010, la prescription de droit commun doit s'appliquer en l'absence de dispositions particulières et que le délai de prescription courait à compter de la décision de la Caisse de prise en charge de la maladie, a :

- dit irrecevable le recours formé par la Société pour cause de prescription.

Par déclaration reçue le 15 février 2019, la Société a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 17 novembre 2020.

Par conclusions écrites et soutenues à l'audience, la Société demande à la cour de :

- déclarer son recours recevable ;

statuant à nouveau,

à titre liminaire,

- infirmer le jugement rendu par le TASS le 28 décembre 2018, dans toutes ses dispositions ;

- constater que les dispositions spéciales de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale dérogent aux dispositions générales de l'article 2224 du code civil ;

- constater que la décision de prise en charge du 16 octobre 2008 ne faisait pas naître de droit de créance vis-à-vis de l'employeur, seule une décision judiciaire devenue irrévocable peut constituer le point de départ du délai de prescription triennale ;

en conséquence,

- juger recevable son recours car non prescrit ;

au fond,

- constater que la Caisse a diligenté une instruction afin de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [H] ;

- dire que la Caisse était alors tenue de respecter les obligations mises à sa charge par les anciennes dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;

- constater qu'elle n'a disposé que d'un délai de quatre jour utile pour prendre connaissance des éléments du dossier de M. [H] et émettre ses observations ;

en conséquence,

- dire que ce délai de quatre jours ne saurait être considéré comme suffisant pour pouvoir prétendre au respect du principe du contradictoire et donc aux dispositions de l'ancien article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;

- juger que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 12 mai 2008 déclarée par M. [H] lui est inopposable.

Par conclusions écrites et reprises oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour qu'elle :

- confirme le jugement du 28 décembre 2018 en toutes ses dispositions ;

à titre subsidiaire,

- déboute la Société de toutes ses demandes au vu des articles D. 453-44 du code de la sécurité sociale et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

à titre infiniment subsidiaire,

- déboute la Société de toutes ses demandes au vu de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;

en tout état de cause,

- condamne la Société aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la prescription

La Société soutient que son action en inopposabilité de la décision de la Caisse n'est pas prescrite dans la mesure où la prescription prévue par l'article 2224 du code civil n'est pas applicable, qu'il convient d'appliquer celle l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale et que le point de départ de la prescription n'est pas la date de la notification de la prise en charge mais celle de la notification du taux de cotisation par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (ci-après 'CARSAT').

La prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil relative à un droit de créance s'applique, en vertu de l'article 2223 du même code, sous réserve de règles spéciales y dérogeant.

Or, la décision de la Caisse de reconnaître le caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident, ne fait naître aucun droit à créance de l'employeur à l'égard de la Caisse, les cotisations AT/MP étant acquittées auprès de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (ci-après 'URSSAF'), c'est elle qui détient le droit de créance.

Il existe, en outre, des dispositions spéciales en la matière : l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale qui dispose que : 'la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées'.

La deuxième chambre de la Cour de cassation (n° 13-25985) a précisé que 'lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision'.

La décision de prise en charge de la Caisse ne faisant naître aucun droit de créance de l'employeur à son égard, la date de cette décision ne peut être considérée comme le point de départ du délai de prescription.

En effet, compte tenu du mécanisme de tarification AT/MP, la Caisse se prononce sur le caractère professionnel du sinistre puis les CARSAT calculent et notifient les taux de cotisations.

Le droit de créance ne naît donc qu'à la réception des taux de cotisations notifiés par la CARSAT, date qui doit être retenue pour déterminer le point de départ de la prescription.

En réponse, la CPAM soulève la prescription de l'action de la Société qui n'a saisi le TASS qu'en 2016 alors que la décision de prise en charge date de 2008.

Elle précise que la Société était informée de la procédure d'instruction de la maladie déclarée par son salarié et que l'employeur ne pouvait ignorer qu'il ne recevrait un double de la décision qu'en cas de refus de la prise en charge. Elle a été destinataire du courrier du 16 octobre 2008 l'informant de la décision de prise en charge de la pathologie de M. [H], la Société ayant annexé ce courrier à son recours devant la CRA. La Société a réglé les cotisations et n'a jamais contesté avoir reçu ses comptes employeur de sorte qu'elle ne pouvait ignorer la prise en charge.

Elle ajoute qu'il convient d'appliquer la prescription quinquennale de droit commun et que la saisine de la CRA n'était pas un préalable obligatoire à la saisine du TASS compte tenu de la date de la déclaration professionnelle.

Subsidiairement, elle invoque la prescription de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale qui devrait s'appliquer à l'action de la Société.

Sur ce,

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile,

Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article R. 142-6 du code de la sécurité sociale dispose que :

Lorsque la décision du conseil d'administration ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale prévu à l'article L. 142-2.

Le délai d'un mois prévu à l'alinéa précédent court à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale. Toutefois, si des documents sont produits par le réclamant après le dépôt de la réclamation, le délai ne court qu'à dater de la réception de ces documents. Si le comité des abus de droit a été saisi d'une demande relative au même litige que celui qui a donné lieu à la réclamation, le délai ne court qu'à dater de la réception de l'avis du comité par l'organisme de recouvrement.

L'application d'une prescription suppose un point de départ déterminé.

En l'espèce, la Caisse ne justifie en aucune mesure avoir informé la Société de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [H], ni même par une lettre informant la Société de la date à laquelle cette prise en charge est intervenue.

Elle produit uniquement une lettre du 6 octobre 2008 informant la Société de la clôture de l'instruction, qui ne permet pas de savoir si une décision de prise en charge a été prise ou non.

La Caisse ne produit pas davantage de document permettant de vérifier la date à partir de laquelle la Société a pu avoir connaissance de la prise en charge de la maladie professionnelle de M. [H], comme un relevé des cotisations AT/MP sur lequel figurent habituellement les différentes occurrences justifiant le montant sollicité.

En effet, la copie du courrier adressé à M. [H] en date du 16 octobre 2008 lui notifiant la prise en charge de sa maladie au titre des risques professionnels ne peut entraîner aucune conséquence à l'égard de son employeur.

Le fait que la Société ait produit cette pièce à l'appui de son recours devant la CRA en 2014 ne permet pas d'en déduire la date à laquelle elle en a eu connaissance.

En d'autres termes, la Caisse ne soumet à l'examen de la cour aucun élément permettant de déterminer avec certitude la date à laquelle la Société a pu avoir effectivement connaissance de la décision de prise en charge par la Caisse de la maladie professionnelle de M. [H].

La CPAM ne justifie pas non plus avoir informé la Société de la réception par la CRA de sa contestation, le délai de forclusion pour saisir le TASS n'ayant pas non plus commencé à courir.

Il en résulte que, quelle que soit la prescription éventuellement applicable, aucune ne peut être opposée à la Société et il convient de statuer sur les autres moyens soulevés par la Société.

Sur la rupture de l'égalité des armes

La Caisse expose que l'action de la Société est tardive sinon prescrite alors qu'elle est soumise à une obligation d'archivage de deux an et demi. Elle ne disposait déjà plus des pièces du dossier lors de la saisine de la CRA par l'employeur en 2014. La recevabilité de l'action de la Société créerait une rupture d'égalité des armes, la Caisse ne disposant plus des pièces nécessaires à sa défense si les employeurs se mettaient à soulever des contestations sur des accidents du travail ou des maladies professionnelles très anciennes.

La Société ne répond pas sur ce point.

Sur ce,

Aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur à l'époque des faits :

Hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.

En cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse, hors le cas d'enquête prévue à l'article L. 442-1, envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle dont un double est envoyé par la caisse à l'employeur. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail. La même procédure s'applique lorsque la déclaration de l'accident, en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2, n'émane pas de l'employeur. Le double de la demande de reconnaissance de la rechute d'un accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence.

Aux termes de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige :

Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

La décision motivée de la caisse est notifiée à la victime ou à ses ayants droit sous pli recommandé avec demande d'avis de réception. En cas de refus, le double de la notification est envoyé pour information à l'employeur.

Si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie, ou de la rechute n'est pas reconnu par la caisse, celle-ci indique à la victime dans la notification les voies de recours et les délais de recevabilité de sa contestation.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

L'article D. 253-44 du code de la sécurité sociale ajoute que :

Pour les gestions techniques, le délai de conservation des pièces justificatives papier est le suivant :

- six mois après le délai de prescription visé par l'article L. 244-3 pour l'encaissement des cotisations et majorations de retard ;

- six mois après le délai de prescription pour les prestations visées aux articles L. 332-1 et L. 361-1. Pour les prestations accordées au titre des accidents du travail, le délai de conservation est fixé à six mois après le délai de prescription visé à l'article L. 431-2 sous réserve des dispositions relatives à la conservation de certaines pièces du dossier du bénéficiaire qui seront précisées dans une instruction particulière ;

- six mois après le délai de prescription pour les prestations familiales visées à l'article L. 553-1 et les prestations gérées pour le compte de tiers ;

- cinq ans après le décès du titulaire ou de son conjoint pour les prestations d'assurance vieillesse et invalidité.

Une instruction particulière précisera les modalités de conservation des pièces originales ainsi que la nature des supports à utiliser et notamment les microformes et l'archivage électronique, compte tenu de la nature des documents à archiver.

Les titres de propriété ne peuvent être détruits.

Si la Caisse choisit de ne pas informer l'employeur de la décision qu'elle aura finalement prise, elle doit en supporter les conséquences en termes de recours éventuel puisque, par définition, dans une telle hypothèse, le délai pour le former n'a pas commencé à courir.

Si la Caisse choisit de notifier sa décision à l'employeur, ce qu'il lui aurait appartenu de faire au demeurant, c'est à elle qu'il appartient de pouvoir justifier, par tout moyen, de la date à laquelle cette notification est intervenue, en tout cas de la date à laquelle l'employeur a pu avoir connaissance de cette décision ainsi que des voies de recours possibles.

L'article D. 253-44 du code de la sécurité sociale n'impose pas à la Caisse de détruire les dossiers concernant les accidents du travail ou les maladies professionnelles deux ans et demi après leur survenance. L'article ne vise d'ailleurs pas les actions formées par les employeurs et ne concerne que les dossiers 'papier', induisant ainsi une conservation plus longue pour la conservation informatisée des dossiers.

La Caisse ne peut s'en prendre qu'à elle-même si elle n'a pas eu la prudence de conserver informatiquement des archives, ce qu'elle était en état de faire en 2008.

La CPAM sera déboutée de ce chef.

Sur le principe du contradictoire

La Société expose que la CPAM ne lui a pas laissé un délai suffisant pour consulter le dossier de M. [H]. En effet, la Caisse lui a adressé le courrier l'informant de la clôture de l'instruction le 6 octobre 2008, la décision devant intervenir le 16 octobre 2008. Elle ajoute qu'elle a reçu ce courrier le 9 octobre 2008 et elle n'a bénéficié que d'un délai de quatre jours effectifs.

En réponse, la CPAM rétorque que la Société a bénéficié de cinq jours utiles, ce qui est un délai suffisant pour consulter le dossier.

Sur ce,

Aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, c'est-à-dire dans sa version modifiée par le décret n°2006-111 du 2 février 2006 :

Hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.

En cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse, envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle dont un double est envoyé par la caisse à l'employeur. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail. La même procédure s'applique lorsque la déclaration de l'accident, en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2, n'émane pas de l'employeur. Le double de la demande de reconnaissance de la rechute d'un accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence.

L'article R. 441-12 du même code dispose que :

Après la déclaration de l'accident ou de la maladie, la victime ou ses ayants droit et l'employeur peuvent faire connaître leurs observations et toutes informations complémentaires ou en faire part directement à l'enquêteur de la caisse primaire.

La CPAM, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.

La Caisse doit accorder un délai suffisant à l'employeur pour consulter le dossier afin de garantir le principe du contradictoire, à peine d'inopposabilité de sa décision à l'égard de l'employeur.

Avant la réforme applicable à compter du 1er janvier 2010 faisant référence à un délai en jours francs, le délai suffisant était apprécié par les juges du fond en fonction des jours utiles de consultation dont l'employeur a bénéficié.

En l'espèce, il est établi et non contesté que la CPAM a informé la Société de la fin de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier par courrier daté du 6 octobre 2008, réceptionné par l'employeur le 9 octobre 2008 selon le tampon horodateur de la Société, la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie devant intervenir le 16 octobre 2008.

La cour, qui considère que le jour de réception de ladite lettre ne constitue pas un jour utile, retient que, s'agissant de la décision de prise en charge, l'employeur n'a disposé, au plus que d'un délai utile de quatre jours, soit :

- vendredi 10 octobre 2008,

- lundi 13 octobre 2008,

- mardi 14 octobre 2008,

- mercredi 15 octobre 2008.

Même si la Société dispose de la taille et des moyens pour faire valoir ses droits, ce délai doit néanmoins être considéré comme insuffisant au regard des exigences du principe du contradictoire en ce qu'il inclut un déplacement dans les locaux de la Caisse, la consultation des pièces du dossier, leur analyse, y compris au besoin avec ses conseils, éventuellement la collecte de pièces en réponse et notamment l'avis de son médecin conseil puis la mise en forme écrite d'observations et leur envoi.

Dès lors, il convient de dire que la CPAM n'a pas satisfait à son obligation de respecter le principe du contradictoire dans l'instruction de la demande de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [H].

En conséquence, la décision du 16 octobre 2008 de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [H] est inopposable à l'employeur.

Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens

La CPAM, qui succombe à l'instance, supportera les dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (16-00908/P) en date du 15 novembre 2018, en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le recours de la société HEPPNER société de transports à l'encontre de la décision du 16 octobre 2008 de prise en charge de la maladie de M. [N] [H] au titre de la législation sur les risques professionnels recevable ;

Décide que la décision en date du 16 octobre 2008 de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris de la maladie de M. [N] [H] au titre de la législation sur les risques professionnels est inopposable à la société Heppner société de transports ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 19/00474
Date de la décision : 14/01/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°19/00474 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-14;19.00474 ?
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