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07/01/2021 | FRANCE | N°19/02654

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 07 janvier 2021, 19/02654


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JANVIER 2021



N° RG 19/02654 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEDU



AFFAIRE :



SASU BETON RATIONNEL NORMAND





C/

Société NGE GENIE CIVIL

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 11 Janvier 2019 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° R

G : 2018F00781



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Irène FAUGERAS-CARON

Me Marion CORDIER

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT JANVIER DEUX MILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JANVIER 2021

N° RG 19/02654 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEDU

AFFAIRE :

SASU BETON RATIONNEL NORMAND

C/

Société NGE GENIE CIVIL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 11 Janvier 2019 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2018F00781

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Irène FAUGERAS-CARON

Me Marion CORDIER

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SASU BETON RATIONNEL NORMAND

N° SIRET : 313 61 0 8 26

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 - N° du dossier 715927

Représentant : Me LANGLOIS de la SCP Boniface et associés, Plaidant, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me MAUREY

APPELANTE

****************

Société NGE GENIE CIVIL

N° SIRET : 487 46 9 3 30

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier S190163

Représentant : Me DENEL Franck, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER,

SAS UNIBETON

N° SIRET : 642 016 166

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20190162 - Représentant : Me Marie-noëlle MARTINS SCHREIBER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1967, substitué par Me BLACHIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Novembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Pour la réalisation d'importants travaux de refonte de I'usine d'épuration d'[Localité 2], la société NGE Génie Civil a fait appel aux sociétés Béton Rationnel Normand-BRN (ci-après BRN) et Unibéton Italcementi Group (ci-après Unibéton) qui ont constitué entre elles, le 12 mars 2013, un 'groupement momentané d'entreprises'. L'objet du marché était la fourniture d'une quantité approximative de 170.000 m3 de béton, à livrer de juillet 2013 à décembre 2016, ce que chacune des sociétés BRN et Unibéton était incapable de fournir à elle seule, expliquant ainsi le recours à un groupement d'entreprises. Le marché portait sur un montant d'environ 4 millions d'euros.

Aux termes de la convention signée entre les deux sociétés BRN et Unibéton, chacune d'elles procédait à la facturation de ses propres prestations à l'égard de la société NGE.

Les relations contractuelles se sont poursuivies durant près de 3 années sans difficultés jusqu'en décembre 2016. Le 31 janvier 2017, la société NGE a adressé à chacune des sociétés BRN et Unibéton une facture correspondant à des 'remises arrière', tel que cela était prévu au marché signé avec le groupement d'entreprises le 18 juillet 2014. La société Unibéton a réglé la facture la concernant.

La société BRN s'est opposée au paiement de la facture émise par la société NGE au motif que le marché était uniquement signé par la société Unibéton qui n'avait pas reçu pouvoir de signer pour le groupement. Estimant que la société NGE lui devait un certain nombre de factures restées impayées, elle a introduit la présente instance. La société NGE a formé une demande reconventionnelle en paiement de la facture relative aux remises.

Par acte du 16 mai 2017, la société BRN a assigné la société NGE devant le tribunal de commerce de Versailles en paiement d'une somme principale de 97.390,50 euros.

Par acte du 3 octobre 2017, la société NGE a assigné la société Unibéton devant le même tribunal, sollicitant la condamnation de celle-ci, solidairement avec la société BRN, au paiement de la somme de 120.004,20 euros restant due par la société BRN.

Le tribunal de commerce de Versailles a joint les instances.

Par jugement du 16 novembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Condamné la société NGE à payer à la société BRN la somme de 97.390,50 € en sus les intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures,

- Condamné solidairement les sociétés BRN et Unibéton à payer à la société BRN (erreur matérielle, objet du jugement rectificatif du 11 janvier 2019) la somme de 120.004,20 € en sus les intérêts au taux légal majoré de 2 points à compter du 17 mars 2017,

- Dit n'y avoir lieu à compensation des créances,

- Condamné la société BRN à relever la société Unibéton de la condamnation prononcée à son encontre,

- Débouté la société BRN de son appel en garantie de la société Unibéton,

- Condamné la société BRN à payer à la société Unibéton la somme de 7 500 € à titre de dommages et intérêts,

- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- condamné chacune des parties aux dépens, par tiers.

Par jugement rectificatif du 11 janvier 2019, le tribunal de commerce de Versailles a rectifié l'erreur matérielle contenue dans son précédent jugement et :

- supprimé dans le dispositif les mots : Condamne solidairement les sociétés BRN et Unibéton à payer à la société BRN la somme de 120.004,20 €,

- remplacés par les mots : Condamne solidairement les sociétés BRN et Unibéton à payer à la société NGE Génie civil la somme de 120.004,20 €.

Par déclaration du 11 avril 2019, la société BRN a interjeté appel des jugements des 16 novembre 2018 et 11 janvier 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2019, la société BRN demande à la cour de :

- Infirmer les jugements des 16 novembre 2018 et 11 Janvier 2019 en ce qu'ils ont :

- Condamné la société BRN à payer à la société NGE la somme de 120.004,20 € et les intérêts au taux légal majoré de 2 points à compter du 17 Mars 2017, solidairement avec la société Unibéton Italcementi Group,

- Condamné la société BRN à relever la société Unibéton de la condamnation prononcée à son encontre,

- Débouté la société BRN de son appel en garantie à l'encontre de la société Unibéton,

- Condamné la société BRN à payer à la société Unibéton une somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la société BRN au tiers des dépens,

- Débouté la société BRN de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

- Confirmer les jugements rendus en ce qu'ils ont condamné la société NGE à payer à la société BRN la somme de 97.390,50 € majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures.

En conséquence, statuant à nouveau :

- Débouter les sociétés NGE et Unibéton de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société NGE au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel,

- Dans l'hypothèse où la cour d'appel ferait droit aux demandes de la société NGE :

- Condamner la société Unibéton à relever et garantir la société BRN de l'intégralité des condamnations que la cour serait amenée à prononcer à son encontre en principal, intérêts et frais,

- Condamner la société Unibéton au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction en vertu de l'art 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 23 octobre 2019,la société NGE demande à la cour de :

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné conjointement et solidairement (sic) la société BRN et la société Unibéton à payer à la société NGE, la somme de 120 004.20 € TTC majorée des intérêts calculés au taux légal majoré de deux points à compter du 16 mars 2017 et jusqu'à parfait paiement.

- Constater que la société NGE n'a jamais contesté depuis l'origine du litige être elle-même débitrice à l'égard de la société BRN de la somme principale de 97.390.50 euros qu'elle a toujours proposé de régler par compensation avec sa créance d'un montant de 120.004.20 € en principal.

- Infirmant la décision entreprise de ce chef, ordonner la compensation entre les créances et dettes réciproques et connexes des sociétés NGE et BRN,

- Condamner l'appelante, société BRN au paiement de la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- La condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 5 juin 2020, la société Unibéton demande à la cour de :

- Confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

* Condamné la société BRN à régler à la société NGE la somme de 120 004,20 euros TTC avec intérêts,

* Condamné la société BRN à régler à la société Unibéton la somme de 7500 euros à titre de dommages et intérêts,

- Réformer partiellement le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés BRN et Unibéton à régler la somme de 120 004,20 euros TTC à la société NGE avec intérêts,

Et satuant a nouveau :

- Constater que la convention de groupement signée entre la société Unibéton et BRN ne prévoit pas d'engagement solidaire des membres à l'égard de NGE,

- Constater que la commande NGE ne prévoit également aucune solidarité entre les membres du groupement momentané d'entreprise,

En conséquence :

- Condamner seule la société BRN à payer à la société NGE la somme de 120.004, 20 euros avec les intérêts afférents,

A titre subsidiaire

- Confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

* Condamné la société BRN à garantir la société Unibéton de la condamnation prononcée à son encontre,

* Condamné la société BRN à régler à la société Unibéton la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts,

En toutes hypotheses

- Condamner la société BRN à régler à la société Unibéton la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouter la société BRN de son appel en garantie à l'encontre de la société Unibéton ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société BRN aux entiers dépens

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2020

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de relever, à titre préliminaire, que la question d'une unique déclaration d'appel pour les deux jugements des 16 novembre 2018 et 11 janvier 2019, ce dernier rectificatif, ne pose plus difficulté, ainsi qu'il ressort des notes en délibéré produites par les parties.

1 - sur la demande en paiement formée par la société BRN à l'encontre de la société NGE

Le premier juge a condamné la société NGE à payer à la société BRN la somme de 97.390,50 € au titre d'un solde de factures restées impayées. La société NGE demande à la cour de constater qu'elle n'a jamais contesté être débitrice de cette somme, qu'elle propose simplement de régler par compensation avec la créance qu'elle invoque à hauteur de 120.004,20 euros.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société NGE au paiement de la somme de 97.390,50 euros, en sus les intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures.

2 - sur la demande reconventionnelle formée par la société NGE à l'encontre des sociétés BRN et Unibéton

Le premier juge a condamné solidairement les sociétés BRN et Unibéton à payer à la société NGE la somme de 120.004,20 € correspondant à une facture du 31 janvier 2017 relative à des 'remises arrières' sur les quantités de béton effectivement livrées.

La société BRN conclut à l'infirmation du jugement sur ce point, soutenant, d'une part qu'elle n'a pas signé la convention du 18 juillet 2014 définissant ces marges arrière, d'autre part que la société Unibéton n'avait pas mandat de signer en son nom, et enfin qu'il n'existe aucun autre document permettant de justifier d'un accord sur les marges arrière. Elle soutient notamment que la convention prévoyait expressément la signature des deux représentants du groupement, de sorte que la société Unibéton n'avait pas le pouvoir de signer seule, en qualité prétendue de mandataire du groupement momentané d'entreprises. Elle ajoute qu'en tout état de cause la société Unibéton a outrepassé ses pouvoirs.

La société NGE rappelle la convention du 18 juillet 2014 par laquelle le groupement d'entreprise lui accorde une remise dont le principe et le montant sont expressément reconnus par la société Unibéton qui a payé sa part. Elle fait valoir que la société Unibéton a signé cette convention en qualité de mandataire du groupement constitué avec la société BRN. Elle soutient dès lors que les deux sociétés sont solidairement débitrices de la totalité des sommes dues au titre de la remise. Elle précise que la société BRN a toujours appliqué les tarifs définis à la convention, ce qui démontre qu'elle en avait pleinement connaissance, de sorte qu'elle ne peut écarter celle-ci pour l'application de la remise. Elle ajoute que le fournisseur défini à la convention est le groupement solidaire d'entreprises constitué des deux sociétés Unibéton et BRN, régulièrement représenté par la société Unibéton, de sorte que la société BRN est engagée par la signature de la société Unibéton, mandataire du groupement.

La société Unibéton sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société BRN au paiement de la somme de 120.004,20 euros au profit de la société NGE, soutenant toutefois qu'il n'existait aucune solidarité dans le groupement d'entreprise constitué avec la société BRN, de sorte que la demande formée à son encontre doit être rejetée.

Sur la demande formée par la société NGE à l'encontre de la société BRN

La société NGE fonde sa demande en paiement à l'encontre de la société BRN sur la convention qu'elle a signée le 18 juillet 2014 avec le groupement momentané d'entreprises constitué des deux sociétés Unibéton et BRN, cet acte étant signé par la société Unibéton en sa qualité de mandataire commun du groupement.

Le 12 mars 2013, les sociétés Unibéton et BRN ont conclu entre elles une 'convention de groupement momentané d'entreprises' dont l'objet était de : 'se regrouper pour étudier, soumissionner et exécuter la fourniture de béton prêt à l'emploi destiné à la réalisation du chantier BIOSAV', étant précisé que ce chantier représentait une quantité approximative de 170.000 m3 de béton. Il est prévu à l'article 6 de cette convention, intitulé 'mandataire commun' que la société Unibéton agira en tant que mandataire commun, notamment pour 'représenter les intérêts des membres à l'égard du client NGE', et pour 'négocier et signer, en accord avec l'autre membre, tous avenants à la commande'.

Le 18 juillet 2014, la société NGE a conclu avec le groupement momentané d'entreprises, composé des sociétés Unibéton et BRN - mais désigné comme étant une seule et unique partie, à savoir 'le fournisseur' - une convention par laquelle la société NGE confie au groupement d'entreprises : 'la fabrication et la livraison à pied d'oeuvre des bétons prêts à l'emploi dans le cadre des travaux de refonte de l'usine Seine Aval à [Localité 2]'. Cette convention comporte en annexe les cahiers des prescriptions techniques et particulières des bétons outre les conditions détaillées de délai, prix...Cette convention est signée, d'une part de la société NGE, d'autre part de la société Unibéton en qualité de 'fournisseur', étant précisé qu'elle est : 'représentée par M. [I] [N], agissant en qualité de Directeur Régional et dûment mandaté et qualifié pour signer les présentes.' (souligné par la cour)

****

Il résulte de l'article 1998 du code civil que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.

La cour observe en premier lieu que les seules parties à cette convention sont, d'une part la société NGE désignée comme étant 'l'entreprise', d'autre part le groupement momentané d'entreprises, désigné comme étant 'le fournisseur', de sorte que seul ce groupement a la qualité de signataire (et non pas chacune des sociétés Unibéton et BRN qui ne sont pas directement parties à la convention). C'est bien le 'groupement momentané d'entreprises' qui est signataire de cette convention, représenté par la société Unibéton qui agit en qualité de mandataire commun du groupement.

La société BRN soutient toutefois que la société Unibéton a excédé ses pouvoirs en signant cette convention, au motif que la mission du mandataire ne portait pas sur la signature de la convention de fourniture du béton, mais uniquement sur la négociation et la signature de tous 'avenants à la commande'. Elle soutient dès lors ne pas être tenue par les engagements contractés par le mandataire.

La société Unibéton répond qu'elle n'a aucunement outrepassé sa mission et qu'il est 'irréaliste, compte tenu de l'ampleur du chantier', que la société BRN soutienne ne pas avoir été associée aux discussions préalables à la commande tenant au prix du béton. Elle affirme que l'ancien directeur de BRN était au fait de tous les échanges avec la société NGE et qu'il a avalisé chaque décision. Elle fait valoir la mauvaise foi du nouveau directeur de la société BRN qui connaissait également les conditions de la convention, et tente de revenir sur les engagements acceptés par son prédécesseur. Elle fait notamment observer que la société BRN sollicite paiement de ses factures établies en vertu de la convention litigieuse dont elle extrait les seuls articles qui l'intéressent, excluant l'application de ceux qui la dérangent. Elle ajoute que la société BRN avait parfaitement connaissance de cette convention, dès lors que le groupement a été créé spécifiquement pour le chantier, et que les livraisons et factures sont intervenues durant près de trois ans sans que la société BRN ne pose la moindre question.

La convention de groupement d'entreprise fixe de manière précise les missions du mandataire commun, notamment celle de : 'négocier et signer, en accord avec l'autre membre, tous avenants à la commande' (souligné par la cour). Ainsi que le fait observer la société BRN, la convention litigieuse ne constitue pas un avenant à la commande, mais la commande elle-même, de sorte qu'en signant cette commande pour le compte du groupement, la société Unibéton est allée au-delà des pouvoirs qui lui avaient été confiés.

Les éléments du dossier font toutefois apparaître que la société BRN a appliqué durant 3 années l'ensemble des conditions de cette convention, énoncées sur 20 pages, outre 45 pages d'annexes détaillant très précisément les spécifications techniques des bétons, le programme des livraisons, les détails de prix et quantités, les conditions d'achat, la charte sécurité...., ce qui suffit à établir qu'elle en avait pleinement connaissance.

Ainsi que le fait observer la société Unibéton, il est totalement irréaliste, au regard de l'ampleur du chantier qui porte sur une fourniture de béton durant près de 3 années pour un marché d'environ 4 millions d'euros, de penser que la société BRN ait pu s'engager sans connaître précisément les attentes du client, et sans avoir connaissance des conditions précises, notamment tarifaires, de la commande, étant au surplus observé que cela n'est d'ailleurs pas soutenu par celle-ci qui ne conteste à aucun moment avoir eu cette connaissance et avoir appliqué les conditions de la convention.

Il apparaît que le chantier n'a posé aucune difficulté durant les trois années d'exécution, ce qui confirme que la société BRN avait parfaitement connaissance des conditions très précises de la commande et qu'elle les a appliquées rigoureusement. Elle a en outre appliqué à la lettre les différents tarifs figurant à l'annexe 4 de la commande, notamment les prix de 99 euros pour le béton 'ouvrages hydrauliques' et de 111,70 euros pour le béton 'recharges/renformis', outre les prix de transport et tous les autres prix.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que, même si la société Unibéton est allée au-delà des pouvoirs qui lui étaient confiés, la société BRN n'en a pas moins eu une parfaite connaissance de la convention signée, qu'elle a régulièrement appliquée durant près de trois années, ce qui suffit à caractériser sa ratification tacite, de sorte qu'elle est ainsi tenue d'exécuter les engagements contractés par le mandataire.

La société NGE est ainsi fondée à solliciter paiement des remises qui définies par la convention litigieuse et qui ne sont pas autrement contestées, dans leur principe ou leur quantum, par la société BRN.

C'est ainsi à bon droit que le premier juge a condamné la société BRN à payer à la société NGE la somme de 120.004,20 € en sus les intérêts au taux légal majoré de 2 points à compter du 17 mars 2017. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en paiement formée à l'encontre de la société Unibéton, et l'existence d'une solidarité entre les sociétés BRN et Unibéton

La société NGE sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Unibéton, solidairement avec la société BRN, au paiement de la facture litigieuse, soutenant que cette société est solidairement tenue avec la société BRN, ainsi que cela ressort de la convention de juillet 2014 qui précise que le groupement d'entreprises est un groupement solidaire, ajoutant que les membres du groupement doivent garantir réciproquement un éventuel manquement contractuel d'un des membres.

La société Unibéton s'oppose à cette demande, soutenant qu'il n'existe aucune solidarité, ni dans la convention de groupement d'entreprise, ni même dans la commande (convention de juillet 2014).

Il résulte de l'article 1202 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que la solidarité ne se présume point et qu'elle doit être expressément stipulée.

L'article 10-1de la convention de groupement - relatif à la responsabilité à l'égard du client (NGE) - précise : 'sauf à ce que la solidarité soit expressément prévue dans la commande, chaque membre exécutera sous sa seule et entière responsabilité la totalité de sa part de la commande (....)'.

La commande (convention du 18 juillet 2014) est passée auprès du 'groupement momentané solidaire d'entreprises' (souligné par la cour) constitué des deux sociétés Unibéton et BRN. Le préambule de cette convention est en outre ainsi rédigé : 'par le présent contrat, ci-après dénommé convention n°55/CST/IFC/329/2014-016-0 l'entreprise NGE Génie Civil, ci-après dénommée l'Entreprise, confie au groupement momentané solidaire d'entreprises Unibéton et BRN, ci-après dénommé le Fournisseur, la fabrication et la livraison à pied d'oeuvre des bétons prêts à l'emploi (...).' (Souligné par la cour).

Bien que la solidarité n'ait pas été prévue dans la convention de groupement d'entreprises, elle figure ainsi expressément dans la convention qui régit les relations contractuelles entre la société NGE et le groupement, de sorte que la société Unibéton, signataire de cette convention, n'est pas fondée à remettre en cause la solidarité qu'elle a expressément acceptée.

C'est ainsi à bon droit que le premier juge a condamné la société Unibéton, solidairement avec la société BRN, au paiement de la somme de 120.004,20 € au titre de la facture litigieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

3 - sur les appels en garantie respectivement formés par les sociétés Unibéton et BRN, l'une à l'encontre de l'autre

La société Unibéton sollicite, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il condamne la société BRN à la garantir de la condamnation prononcée à son encontre, faisant valoir que la facture dont la société NGE sollicite paiement est uniquement imputable à la société BRN qui n'a pas réglé sa part des remises.

La société BRN s'oppose à cette demande, et forme au contraire une demande en garantie à l'encontre de la société Unibéton sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, lui reprochant d'avoir signé la convention de fourniture de béton en outrepassant ses pouvoirs.

Il a été démontré que - même si la convention de groupement d'entreprise n'autorisait pas la société Unibéton à signer la convention de fourniture de béton - la société BRN avait pleinement connaissance de cette convention qu'elle a appliqué durant près de 3 années, manifestant ainsi la volonté de la ratifier, de sorte qu'elle n'est plus fondée à invoquer une faute de la société Unibéton. Sa demande en garantie sera donc rejetée.

Il est constant que la société Unibéton a réglé sa part des 'remises arrières' sollicitées par la société NGE en application de la convention, la facture dont cette dernière demande paiement étant uniquement imputable à la société BRN, de sorte que celle-ci doit garantir la société Unibéton de la condamnation prononcée à son encontre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

4 - sur la demande indemnitaire formée par la société Unibéton

La société Unibéton sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il condamne la société BRN à lui payer une somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait de l'altération de son image à l'égard de la société NGE, en ce qu'elle a été attraite en justice par cette dernière, uniquement du fait du refus de paiement de la société BRN.

La société BRN qui conclut à l'infirmation du jugement sur ce point n'invoque aucun moyen à l'appui de cette demande. Adoptant les motifs pertinents du premier juge qui a relevé que le refus de paiement de la société BRN à l'égard de la société NGE avait obligé cette dernière à agir également contre la société Unibéton, ternissant ainsi son image à son égard, ce préjudice pouvant être évalué à la somme de 7.500 euros, la cour confirmera le jugement de ce chef.

5 - sur la compensation de créances

La société NGE sollicite la compensation entre sa créance à l'encontre de la société BRN, et la créance de celle-ci à son égard.

La société BRN ne forme aucune observation à ce titre.

Il convient d'ordonner la compensation entre les créances détenues par les sociétés NGE et BRN jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société BRN qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à la société NGE une indemnité de procédure de 4.000 euros.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société Unibéton la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû assumer pour faire valoir son droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 16 novembre 2018, rectifié par jugement du 11 janvier 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de compensation,

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne la compensation entre les créances détenues par les sociétés Béton Rationnel Normand et NGE Génie Civil l'une à l'égard de l'autre, à hauteur de leurs quotités respectives,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Béton Rationnel Normand à payer à la société NGE Génie Civil la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Béton Rationnel Normand aux dépens d'appel.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02654
Date de la décision : 07/01/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°19/02654 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-07;19.02654 ?
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