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17/12/2020 | FRANCE | N°18/00650

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 17 décembre 2020, 18/00650


COUR D'APPEL DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°470



CONTRADICTOIRE



DU 17 DÉCEMBRE 2020



N° RG 18/00650

N° Portalis DBV3-V-B7C-SD45





AFFAIRE :



SAS SODICO EXPANSION



C/



[D] [V]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes

Formation paritaire de POISSY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG

: F17/529







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sandrine BOULFROY



Me Valérie LANES





Le : 18 décembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'app...

COUR D'APPEL DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°470

CONTRADICTOIRE

DU 17 DÉCEMBRE 2020

N° RG 18/00650

N° Portalis DBV3-V-B7C-SD45

AFFAIRE :

SAS SODICO EXPANSION

C/

[D] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes

Formation paritaire de POISSY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F17/529

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sandrine BOULFROY

Me Valérie LANES

Le : 18 décembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS SODICO EXPANSION

N° SIRET : 390 549 780

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Sandrine BOULFROY de la SCP BENOIST/REDON, plaidante/constituée, avocate au barreau de [Localité 6], vestiaire : 48

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [V]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, plaidante/constituée, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 novembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Elodie BOUCHET-BERT,

Rappel des faits constants

La SAS Sodico Expansion exploite un magasin Leclerc à [Localité 3] dans le [Localité 6]. Elle emploie plus de 150 salariés et applique la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

M. [D] [V], né le [Date naissance 2] 1964, a été engagé le 7 février 2011 par cette société dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chef de département produit frais, catégorie cadre moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 800 euros correspondant à un forfait de 217 jours par an.

Après un entretien préalable qui s'est tenu le 13 septembre 2016, M.[V] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier du 11 octobre 2016, motifs pris d'une absence de suivi d'un inventaire réalisé le 27 juillet 2016, d'une « casse » trop importante et du défaut de prise de commandes avant son départ en vacances.

M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 7 janvier 2017.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 19 décembre 2017, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Poissy a :

- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [V] par la SAS Sodico Expansion en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la Sodico Expansion à verser à M. [V] avec intérêts légaux à compter du 11 janvier 2017, date de réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la partie défenderesse, les sommes suivantes :

12 344,88 euros au titre de l'indemnité de préavis,

1 234,49 euros au titre des congés payés afférents,

7 327,34 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

3 500 euros à titre de rappel de prime de bilan,

350 euros au titre des congés payés afférents,

- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l'article R. 1454-14 alinéa 2 du code du travail,

- fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 4 114,96 euros brut,

- condamné la SAS Sodico Expansion à verser à M. [V] avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des obligations en matière de forfait jours,

- condamné la SAS Sodico Expansion à verser à M. [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SAS Sodico Expansion de remettre à M. [V] l'attestation Pôle emploi et les bulletins de paie rectifiés à compter de la notification du présent jugement et ce, sans astreinte,

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS Sodico Expansion de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SAS Sodico Expansion aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

La procédure d'appel

La SAS Sodico Expansion a interjeté appel du jugement par déclaration n° 18/00650 du 16 janvier 2018.

Prétentions de la SAS Sodico Expansion, appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 23 août 2019, la SAS Sodico Expansion conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau :

- dire et juger que le licenciement de M. [V] repose sur une faute grave,

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- limiter sa condamnation à de plus justes proportions.

L'appelante sollicite enfin une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de M. [V], intimé

Par conclusions adressées par voie électronique le 23 juillet 2020, M. [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris des chefs d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés, d'indemnité conventionnelle de licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer, dans son principe, le jugement des chefs de rappel de prime de bilan et congés payés afférents, sauf à en porter le montant du rappel de prime de bilan à la somme de 4 500 euros et celui des congés payés incidents à la somme de 450 euros,

- confirmer, dans son principe, le jugement du chef de dommages-intérêts pour non-respect des obligations en matière de forfait-jours sauf à porter le montant des dommages-intérêts alloués de ce chef à la somme de 10 000 euros,

- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

- dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la Sodico Expansion à lui payer la somme de 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite en outre les intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, leur capitalisation, la remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte et une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 7 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 5 novembre 2020.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, « tout licenciement pour motif personnel (') est justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La cause doit être réelle, objective et reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables. Elle doit également être sérieuse. Les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

M. [V] a été licencié pour faute grave par lettre du 11 octobre 2016, qui fixe les limites du litige, dans les termes suivants :

'Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave.

En effet, présent dans notre entreprise depuis le 7 février 2011, en qualité de chef de département produits frais, vous aviez pour missions de gérer ce secteur en respectant vos obligations professionnelles ainsi que vos fonctions commerciales et logistiques.

Or, nous avons été forcés de constater que :

- Lors de l'inventaire du 27 juillet 2016, les écarts n'avaient pas été contrôlés dans leur intégralité.

Seuls 20% ont fait l'objet d'un contrôle.

50% ont juste été corrigés d'après un listing et non d'après le réel notamment :

- jambon persillé de Bourgogne inventorié 0 validé 97 d'après le stock théorique

- jambon de Bayonne inventorié 0 validé 86 d'après le stock théorique

- Serrano 120 gr + 2 tranches inventorié 0 validé 61 d'après le stock théorique

- sandwich poulet caesar inventorié 0 validé 56 d'après le stock théorique

- jambon Serrano 120 gr inventorié 0 validé 119 d'après le stock théorique

- pâte brisée à dérouler tablier inventorié 0 validé 118 d'après le stock théorique

- saucisse Morteau 350 gr inventorié 0 validé 111 d'après le stock théorique

- 1328 références en surgelés ont été inventoriées, seules 9 ont été contrôlées d'après le stock théorique dont :

- nuggets poulet surg iglo 313 gr inventoriés 0 validés 77 d'après le stock théorique

- panés colin citron sur 448 gr inventoriés 0 validés 62 d'après le stock théorique

- brandade de morue Gastromer 600 gr inventoriée 0 validée 67 d'après le stock théorique

- crème s/ épaisse leg 18% 3x20 cl inventoriée 0 validée 124 d'après le stock théorique

- mini Babybel x18 inventorié 0 validé 40 d'après le stock théorique

- Bridelice ent. Fluide 30% 2x25 inventoriée 0 validée 114 d'après le stock théorique

- Bridelice légère 12% inventoriée 0 validée 114 d'après le stock théorique

- St Marcellin au lait cru inventorié 0 validé 66 d'après le stock théorique

- Le montant de la casse du 01/03/2016 au 31/07/2016 s'élève pour le secteur frais à la somme de 328 747 euros.

- Vous êtes parti en vacances, du 8 au 27 août 2016, en omettant de faire la saisie de vos catalogues, pour le 16/08/2016, notamment :

- le salon C014 offre 2563 Ventes géantes 5 surgelé

- le salon C014 offre 2564 Ventes géantes 5 ultra frais

- le salon C014 offre 2566 Ventes géantes 5 boucherie volaille

- le salon C014 offre 5062 Ventes géantes 5 crèmerie/saurisserie/'ufs

Catalogues saisis et validé par M. [E] [I] au 16/08/2016.

Or, ces faits constituent un manquement d'une extrême gravité à vos obligations professionnelles.

Vous avez donc été convoqué le 30 août 2016, pour un entretien fixé le 13 septembre 2016.

Lors de cet entretien, vous vous êtes expliqué en nous indiquant que vous ne preniez pas le temps, que vous ne pouviez pas tout contrôler, que vous aviez sûrement des torts mais que vous manquiez de moyens.

Nous avons entendu vos explications mais elles n'ont pas permis de modifier notre appréciation au sujet de la gravité des faits qui vous sont reprochés, lesquels rendent impossible votre maintien dans l'entreprise.

Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave (...)'.

Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur reproche au salarié plusieurs manquements qu'il convient d'examiner successivement.

S'agissant de l'inventaire du 27 juillet 2016

La SAS Sodico Expansion reproche à M. [V], dans le cadre d'un inventaire réalisé le 27 juillet 2016, de ne pas avoir contrôlé tous les écarts constatés.

Le contrat de travail fixe à M. [V] les fonctions suivantes : « (') Centraliser et vérifier les documents (inventaire, cahier de présence du personnel, remise de factures de participations, statistiques des achats et ventes, etc) avant leur remise à la comptabilité ou à la direction générale pour servir de tableau de bord (...) » (pièce 2 du salarié).

L'employeur produit les inventaires établis le 27 juillet 2016 pour les rayons crèmerie, volaille, saurisserie, surgelés et charcuterie (ses pièces 26 à 30).

M. [V] admet qu'il n'a pas validé les résultats de ces inventaires mais invoque, pour justifier cette carence, les conditions dans lesquelles l'inventaire a été réalisé, soutenant avoir été privé d'effectif et avoir été confronté à des dysfonctionnements du matériel.

Il ne produit toutefois pas de justificatifs des difficultés rencontrées, qui quoi qu'il en soit restaient ponctuelles, alors qu'il s'est vu adresser de nombreuses mises en garde et rappels à l'ordre à ce sujet sans qu'il ait mis en place d'actions correctives.

Le grief est matériellement établi.

S'agissant de la casse

La SAS Sodico Expansion reproche à M. [V] le montant trop important de la casse de mars à juillet 2016 inclus.

Ce montant s'élève à la somme de 328 747 euros, suivant tableau de suivi de la casse 2016/2017 (pièce 36 de l'employeur) et doit être comparé à la somme de 269 061 euros à la même époque l'année précédente (pièce 37). Ces données ne sont pas utilement contestées par M. [V], qui ne propose aucun autre outil pour mesurer la casse.

Au surplus, l'employeur avait déjà alerté le salarié à ce sujet le 28 avril 2016 (sa pièce 25).

Le grief est matériellement établi.

S'agissant de la saisie des commandes « catalogues »

La SAS Sodico Expansion reproche à M. [V] d'être parti en vacances sans avoir réalisé la saisie de ses commandes pour les catalogues promotionnels, celle-ci ayant été réalisée par le président de la société in fine.

Il ressort des attributions de M. [V] de : « s'assurer de la présence en linéaire des produits faisant l'objet d'une campagne publicitaire ».

Ce manquement est établi par la production d'un courriel de M. [E] du 8 août 2016 (pièce 34 de l'employeur) : « Bonjour, tu en feras ce que tu sembles être juste pour autant [D] [V] est parti le 6 en vacances pour un délai de trois semaines soit jusqu'au 28 août. Si je ne m'en occupe pas (et il n'a jamais été question avec M. [V] que je m'en occupe...) je voudrais bien savoir qui va passer les commandes pour le VG5... ».

M. [V] rétorque que les commandes en question devaient être passées le 16 août 2016, soit dix jours après son départ en congés, que la société ne peut pas prétendre qu'il aurait dû passer cette commande avant de partir en congés, alors qu'il ne connaissait pas les besoins du rayon. Cet argument est toutefois inopérant car, dans cette hypothèse non convaincante, il avait l'obligation d'anticiper cette difficulté et de confier cette tâche, qui relevait de ses fonctions, à une autre personne.

Le grief est matériellement établi.

Ces faits imputables au salarié constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail mais leur importance relative au regard des difficultés récurrentes rencontrées au sein du magasin ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Au demeurant, il sera relevé que M. [V] n'a pas été mis à pied à titre conservatoire.

Le jugement entrepris, qui a écarté la faute grave mais retenu la faute simple, doit être confirmé ainsi que les condamnations subséquentes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur la convention de forfait en jours

M. [V] fait valoir ici qu'il n'a pas bénéficié d'entretien annuel individuel, ce qui lui cause un préjudice qu'il évalue à la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts.

En application des dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Pour soutenir avoir respecté son obligation, la SAS Sodico Expansion produit certes les comptes rendus d'entretiens professionnels des 7 novembre 2013 et 7 novembre 2015 (ses pièces 31 et 32) mais il ne résulte pas de ces documents que les entretiens aient eu pour objet la charge de travail de M. [V] comme l'exigent les dispositions précitées.

Dès lors, il y a lieu de retenir que SAS Sodico Expansion a manqué à son obligation.

M. [V] indique être dans l'incapacité de produire un décompte des heures qu'il effectuait. Il allègue cependant avoir été exclu à tort des règles relatives à la durée du travail pendant toute la durée de la relation contractuelle.

Le préjudice ainsi caractérisé sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 2 500 euros par confirmation du jugement entrepris.

Sur la prime de bilan

M. [V] indique qu'il n'a perçu aucune prime de bilan alors que d'autres salariés de l'entreprise en ont perçu. Il reproche à son employeur de ne justifier d'aucun élément objectif quant à la fixation de cette prime. Il soutient encore que la société ne justifie pas que les critères dont elle fait état n'auraient pas été atteints.

La SAS Sodico Expansion s'oppose à cette demande. Elle soutient que l'obtention de cette prime repose sur des critères objectifs tels que l'assiduité, la qualité du travail, les résultats du rayon ou du département et l'atteinte des objectifs fixés, autant de critères que M. [V] n'a pas rempli.

La SAS Sodico Expansion reconnaît, aux termes de ses écritures, l'existence de la prime de bilan invoquée.

Il sera ici rappelé que les primes doivent être attribuées selon des critères objectifs, précis et vérifiables permettant de définir l'étendue et les limites de l'obligation de l'employeur.

Or, en l'espèce, la SAS Sodico Expansion ne justifie de tels critères par aucune pièce utile, pas plus des raisons pour lesquelles M. [V] n'a jamais perçu cette prime de bilan.

Ce faisant, elle a manqué à son obligation, justifiant ainsi qu'il soit alloué à M. [V] une somme de 3 900 euros à titre de rappels de prime de bilan outre la somme de 390 euros au titre des congés payés afférents. Le salarié rapporte en effet la preuve, sans être démenti, que Mme [F], qui bénéficie du statut cadre comme lui, a perçu, en juillet 2016, la somme de 1 300 euros à titre de prime de bilan (pièce 16 du salarié). Il convient de retenir cette somme sur une période de trois ans.

Le jugement sera infirmé sur le quantum.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances contractuelles, soit le 11 janvier 2017, et à compter de l'arrêt pour les créances indemnitaires.

Sur la capitalisation des intérêts

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt

M. [V] apparaît bien fondé à solliciter la remise par la SAS Sodico Expansion d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un bulletin de paie récapitulatif, l'ensemble de ces documents devant être conformes au présent arrêt.

Il n'y a pas lieu, en l'état des informations fournies par les parties, d'assortir cette obligation d'une astreinte comminatoire. Il n'est en effet pas démontré qu'il existe des risques que la SAS Sodico Expansion puisse se soustraire à ses obligations.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

La SAS Sodico Expansion, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

La SAS Sodico Expansion sera en outre condamnée à payer à M. [V] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 000 euros.

La SAS Sodico Expansion sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Poissy le 19 décembre 2017 excepté en ce qu'il a condamné la SAS Sodico Expansion à payer à M. [D] [V] la somme de 3 500 euros à titre de rappel de prime de bilan et la somme de 350 euros au titre des congés payés afférents,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion à payer à M. [D] [V] la somme de 3 900 euros à titre de rappel de prime de bilan outre la somme de 390 euros au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion à payer à M. [D] [V] les intérêts de retard au taux légal à compter du 11 janvier 2017 sur les créances contractuelles et à compter de l'arrêt sur les créances indemnitaires,

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

ORDONNE à la SAS Sodico Expansion de remettre à M. [D] [V] un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt,

DÉBOUTE M. [D] [V] de sa demande d'astreinte,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion à payer à M. [D] [V] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Sodico Expansion de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion au paiement des entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Isabelle Vendryes, présidente, et par Madame Elodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00650
Date de la décision : 17/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°18/00650 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-17;18.00650 ?
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