La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2020 | FRANCE | N°18/04304

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 16 décembre 2020, 18/04304


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 DECEMBRE 2020



N° RG 18/04304 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SWYL



AFFAIRE :



[K] [J]





C/



SNC SEDIFRAIS MONTSOULT LOGISTIC









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : Encadrem

ent

N° RG : 14/00462







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Florent HENNEQUIN



SCP DERRIENNIC & ASSOCIÉS



le :



Expédition numérique envoyée à Pôle emploi le 17/12/2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 DECEMBRE 2020

N° RG 18/04304 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SWYL

AFFAIRE :

[K] [J]

C/

SNC SEDIFRAIS MONTSOULT LOGISTIC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : Encadrement

N° RG : 14/00462

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Florent HENNEQUIN

SCP DERRIENNIC & ASSOCIÉS

le :

Expédition numérique envoyée à Pôle emploi le 17/12/2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222

APPELANT

****************

SNC SEDIFRAIS MONTSOULT LOGISTIC

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0426 substituée par Me Laurent CAILLOUX-MEURICE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0426

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY

FAITS ET PROCÉDURE :

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [K] [J] a été engagé à compter du 13 mai 2002 par la société Montsoult Services en qualité d'adjoint au responsable de la préparation.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

La société Montsoult Services a été rachetée en 2006 par le groupe Casino et est devenue Sedifrais Montsoult Logistic.

En décembre 2007, la responsabilité du service quais et expédition a été confiée à Monsieur [J].

Le 30 septembre 2011, Monsieur [J] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 10 octobre 2011 et une mise à pied conservatoire lui a été notifiée. 

Monsieur [J] a été licencié le 3 novembre 2011 pour faute grave. Il lui est notamment reproché des fautes de management, la mauvaise gestion des plannings des préparateurs, un manque de collaboration avec les chefs d'équipe, sa hiérarchie et le service des ressources humaines et le refus d'assurer la gestion du calcul des primes et des absences.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle brute de Monsieur [J] s'élevait à la somme de 5 153,75 euros et la société employait habituellement au moins onze salariés. 

M. [J] a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Montmorency qu'il a saisi le 17 avril 2014. 

Par jugement du 9 décembre 2015, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- dit qu'il n'y a pas lieu de reconnaître le statut de cadre à Monsieur [J] compte tenu de son refus d'y adhérer ;

- dit qu'il n'y a pas eu de différence de traitement concernant Monsieur [J] par rapport aux autres salariés de la société ;

- dit que le licenciement de Monsieur [J] est fondé sur un motif réel et sérieux ;

- dit que le motif du licenciement de Monsieur [J] ne constitue pas une faute grave ;

- dit que la société Sedifrais Montsoult Logistic, prise en la personne de ses représentants légaux, devra verser les sommes suivantes à Monsieur [J] :

9 516,30 euros à titre d'indemnité compensatrice du préavis et 951,63 euros à titre des congés afférents ;

3 075,24 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 307,52 euros à titre de congés afférents ;

9 792,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle du licenciement;

5 153,75 euros à titre de rappel de la prime annuelle ;

1 020 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que la société Sedifrais Montsoult Logistic devra remettre à Monsieur [J] les documents suivants, établis en conformité avec les dispositions du présent jugement :

les bulletins de paie rectificatifs ;

les documents sociaux ;

- dit que les sommes dues à Monsieur [J] en exécution du présent jugement porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la première comparution du défendeur devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la date de la mise à disposition au greffe du présent jugement pour la créance indemnitaire;

- dit que l'exécution provisoire aura lieu selon les termes de l'article R1454-28 du code du travail ;

- débouté Monsieur [J] du surplus de ses demandes ;

- mis les éventuels dépens à la charge de la société Sedifrais Montsoult Logistic.

Monsieur [J] a relevé appel du jugement le 14 janvier 2016.

L'affaire a été radiée pour défaut de diligence des parties.

Elle a ensuite été réinscrite en 2018.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 18 septembre 2019, Monsieur [J] demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency le 9 décembre 2015 en ce qu'il a :

dit que le motif de son licenciement ne constitue pas une faute grave ;

condamné la société Sedifrais Montsoult Logistic à lui verser les sommes suivantes :

9 516,30 euros à titre d'indemnité compensatrice du préavis et 951,63 euros à titre des congés afférents ;

3 075,24 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 307,52 euros à titre de congés afférents ;

9 792,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

5 153,75 euros à titre de rappel de la prime annuelle ;

1 020 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'infirmer pour le surplus ;

Statuer à nouveau,

- dire et juger que, compte tenu de ses fonctions de responsable, il devait bénéficier de la qualité de cadre, à tout le moins à compter du 22 septembre 2004 ;

- dire et juger qu'il a fait l'objet d'une différence de traitement injustifiée;

en conséquence,

- condamner la société Sedifrais Montsoult Logistic à lui attribuer de manière rétroactive la qualité de cadre ;

- condamner la société Sedifrais Montsoult Logistic à lui verser la somme de 61 846 euros (12 mois) à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L1222-1 du code du travail, pour violation du principe d'égalité de traitement ;

- dire et juger que son licenciement pour faute grave par lettre datée du 2 novembre 2011 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la société Sedifrais Montsoult Logistic à lui verser la somme de 123 690 euros (24 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail ; 

En tout état de cause,

- débouter la société Sedifrais Montsoult Logistic de toutes ses demandes, fins et conclusions ; 

- condamner la société Sedifrais Montsoult Logistic à délivrer des bulletins de paie et des documents sociaux conformes au jugement à intervenir et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document ;

- condamner la société Sedifrais Montsoult Logistic à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux, et ce sous astreinte de 250 euros par jour et par organisme ;

- se réserver le contentieux de la liquidation des astreintes ;

- dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal et anatocisme conformément à l'article 1154 du code civil;

- condamner la société Sedifrais Montsoult Logistic à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Sedifrais Montsoult Logistic aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.

En réplique, aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 24 juin 2019, la société Sedifrais Montsoult Logistic demande à la cour :

A titre principal de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 9 décembre 2015 en ce qu'il n'a pas retenu la qualification de faute grave justifiant le licenciement ;

- condamner Monsieur [J] à lui rembourser l'ensemble des sommes versées en exécution de la décision de première instance ;

A titre subsidiaire de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 9 décembre 2015 ;

En tout état de cause :

- débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Monsieur [J] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; 

A titre subsidiaire :

- réduire l'indemnisation de Monsieur [J] à de plus justes proportions.

MOTIFS :

Vu la lettre de licenciement,

Vu les conclusions des parties,

Considérant qu'à titre liminaire, il convient de constater que la condamnation de l'employeur en première instance au paiement d'un rappel de prime annuelle ne fait pas l'objet d'un recours en cause d'appel;

Sur le statut cadre et les conséquences financières en résultant :

1- Sur la nature de l'emploi occupé par M. [J]

Considérant que M. [J] soutient que les différentes responsabilités qui lui ont été confiées par la société Sedifrais Montsoult Logistic correspondaient à celles d'un cadre et qu'il aurait dû bénéficier de tous les avantages du statut réservé au personnel d'encadrement ;

Considérant qu'en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert ;

Considérant qu'en l'espèce, M. [J] fait valoir que son employeur l'a désigné comme 'responsable quais/expédition' et qu'en cette qualité, il avait la responsabilité du rangement, des quais, du chargement et du matériel ; qu'il ajoute qu'en mars 2008, il lui a également été confié le service 'préparation des commandes' ;

Considérant qu'il verse aux débats l'organigramme de l'entreprise sur lequel son nom figure comme responsable de ces deux services ainsi que la fiche de poste du responsable de secteur qui énumère les différentes tâches qu'implique cette fonction et notamment le management opérationnel de proximité avec délégation de commandement ;

Considérant que M. [J] indique également qu'en contrepartie de l'exercice de ses fonctions d'encadrement, il lui était versé une prime de responsable et qu'une centaine de salariés était placée sous sa responsabilité à l'expédition et à la préparation des commandes ;

Considérant qu'il justifie aussi du fait qu'en 2009, il a suivi une formation sur le management et 'les fondamentaux des chefs de service';

Considérant qu'enfin, il relève que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont toutes relatifs à l'exercice de ses fonctions de responsable et qu'en première instance, la société Sedifrais Montsoult Logistic a elle-même demandé que le litige soit porté devant la section encadrement du conseil de prud'hommes au motif qu'il 'exerçait des fonctions d'encadrement sur le personnel affecté sur ses services et notamment sur les chefs d'équipe et préparateurs de commandes' ;

Considérant qu'en défense, la société Sedifrais Montsoult Logistic reconnaît, dans ses écritures, que M. [J] occupait une fonction de manager mais explique que le statut cadre ne peut être reconnu au salarié à partir du moment où il a lui-même refusé son passage à ce statut ;

Considérant qu'elle fait en effet observer qu'un avenant en qualité de 'responsable de service de la préparation des commandes', statut cadre, position VII de la convention collective a été proposé à M. [J] mais que celui-ci l'a refusé ;

Considérant cependant que le mail du 16 septembre 2009 censé justifier l'existence d'une telle proposition n'est pas adressé à M. [J] et il n'existe en réalité aucune trace de l'envoi d'un avenant au contrat de l'intéressé et encore moins du refus prétendument opposé par le salarié à la modification de son contrat de travail ;

Considérant que dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont décidé que le salarié ne pouvait pas revendiquer le statut de cadre pour les fonctions de responsable quais/expédition et responsable préparation de commandes exercées au sein de l'entreprise Sedifrais Montsoult Logistic ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef et le statut cadre sera reconnu au niveau VII de la convention collective ;

2- Sur les conséquences financières de cette reclassification et l'application de la règle 'à travail égal, salaire égal' :

Considérant que M. [J] soutient que les autres responsables de service placés dans une situation de travail identique à la sienne et effectuant les mêmes tâches que lui avec les mêmes responsabilités bénéficiaient d'une rémunération plus avantageuse du fait de leur appartenance à la catégorie cadre ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort des bulletins de salaire produit aux débats que le responsable de la réception, placé dans une situation de travail identique à celle de M. [J], avec des responsabilités et des conditions de travail comparables aux siennes, percevait un salaire de base mensuelle de 3 500 € en décembre 2011 alors qu'à cette époque, le salaire de M. [J] s'élevait à 2 883,06 € ;

Considérant que la société Sedifrais Montsoult Logistic n'apporte la preuve d'aucun élément objectif permettant de justifier une telle différence de traitement entre ces deux personnes ;

Considérant que pour comparer la rémunération des deux salariés, il ne peut être tenu compte des heures supplémentaires effectuées par M. [J] faute de connaître l'ampleur exacte de la durée de travail de son collègue rémunéré au forfait jour ;

Considérant qu'en revanche, la société est fondée à demander que soit prise en considération la prime mensuelle de responsabilité de 230 € versée à M. [J] alors que son collègue cadre, mieux rémunéré au titre du salaire de base, n'en bénéficiait pas ;

Considérant qu'en l'état de tous ces éléments de comparaison cumulés, il existe effectivement une différence de traitement entre les deux salariés soumis aux mêmes conditions de travail et exerçant des fonctions comparables et ce au détriment de M. [J] ;

Considérant que pour réparer le préjudice résultant de l'inégalité de sa rémunération, M. [J] présente une demande indemnitaire, faute d'avoir obtenu l'ensemble des éléments nécessaires au calcul exact de la perte de salaire ;

Considérant que dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande du salarié de ce chef ;

Que le jugement sera infirmé et la société Sedifrais Montsoult Logistic sera condamnée à verser à M. [J] la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de l'article L 1222-1 du code du travail ;

Sur la contestation du bien-fondé du licenciement :

Considérant que dans la lettre du 3 novembre 2011 notifiant à M. [J] son licenciement pour faute grave, la société Sedifrais Montsoult Logistic lui fait trois griefs relatifs à la mauvaise gestion des plannings des préparateurs, au défaut d'animation des équipes et de communication avec les autres services de l'entreprise et au refus d'assurer la gestion du calcul des primes et absences des membres de ses équipes ;

Considérant que la faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation de ses obligations contractuelles d'une importance telle que cela rend tout de suite impossible son maintien dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Sedifrais Montsoult Logistic considère qu'eu égard à l'étendue des responsabilités qui lui étaient confiées, M. [J] a commis une faute grave en se désintéressant complètement de ses fonctions pourtant essentielles à la bonne marche de l'entreprise ;

Considérant qu'elle reproche d'abord au salarié l'organisation chaotique des plannings des préparateurs de commande ayant abouti à un sous- effectif important durant certaines semaines ou à des erreurs dans l'affectation des salariés aux jours où ils auraient du être de repos ;

Considérant cependant que le nombre de préparateurs nécessaire chaque jour dans l'entrepôt varie en fonction du volume prévisionnel des commandes à traiter lequel est très différent d'un jour à l'autre, passant de 37 à 59 salariés selon le tableau fourni en défense ; que le recours massif à l'intérim ne peut dans ces conditions être imputé au salarié comme le fait l'employeur ;

Considérant que de même, M. [J] fait observer à juste titre qu'il lui est reproché de ne pas avoir su planifier les jours de congés et de récupération des préparateurs alors que beaucoup de formulaires de demandes d'absences versées aux débats ne sont pas signés par lui mais par ses chefs d'équipe qui disposent aussi du pouvoir de les accorder ;

Considérant qu'il ne peut en être déduit que le salarié se serait défaussé de sa responsabilité sur ses chefs d'équipe et qu'il avait abandonné totalement sa responsabilité dans la gestion des plannings ;

Considérant qu'enfin, l'erreur citée par l'employeur concernant un salarié ayant été amené à travailler sept jours d'affilée constitue un cas isolé parmi la centaine de préparateurs de commandes dont devait s'occuper M. [J] tous les jours ;

Considérant que le salarié relève également à raison, que les problèmes d'effectifs dont se prévaut son employeur sont survenus à un moment où l'entreprise déménageait dans un entrepôt plus vaste et mettait en oeuvre une nouvelle organisation avec le passage en 2x8, la préparation de commandes en vocal et le déploiement de l'informatique embarquée pour les caristes, innovations entraînant en permanence le changement des plannings et nécessitant de recourir à des intérimaires ;

Considérant que compte tenu de ce contexte, le salarié ne peut être tenu pour responsable des dysfonctionnements apparus selon l'importance du volume de commandes à traiter ;

Considérant que l'employeur fait ensuite grief au salarié de ne pas avoir animé ses équipes et de ne pas avoir communiqué avec la direction comme il devait le faire ;

Considérant que plus précisément, il indique que M. [J] n'organisait aucune réunion d'équipe et n'entretenait pas de relation avec les services de ressources humaines pourtant nécessaires à la bonne gestion du personnel ;

Considérant toutefois que là-encore, la réalité et le sérieux d'un tel grief ne sont pas caractérisés ; que les attestations établies par les chefs d'équipe reprochant au salarié un manque d'implication à leur égard et les mails du service des ressources humaines lui signalant des erreurs ne suffisent pas à démontrer une faute grave du salarié dans l'animation de ses équipes et la communication avec les autres services ;

Considérant qu'enfin s'agissant du troisième grief relatif au refus de M. [J] d'assurer la gestion du calcul des primes de productivité et au retard dans la transmission des demandes d'autorisation d'absence, la société Sedifrais Montsoult Logistic estime que l'attitude du salarié confine à l'insubordination ;

Considérant pourtant qu'il résulte des propres productions de l'employeur que le salarié remplissait régulièrement les productivités des préparateurs dans une base de données 'prépa prod' servant à calculer le montant des primes allouées aux employés du service Préparation et Expédition ;

Considérant que les mails produits par l'employeur pour justifier de l'existence d'une faute grave révèlent seulement qu'en septembre 2011, le salarié n'avait pas mis à jour les moyennes de production du mois précédent sur le logiciel 'prépa prod' ;

Considérant que pour justifier ce retard, M. [J] indique qu'en raison du déménagement de l'entrepôt, le service informatique n'avait pas eu le temps d'adapter le logiciel utilisé pour les calculs de productivité ;

Considérant qu'il ne s'agissait donc pas pour lui de refuser d'effectuer l'une des tâches lui incombant et l'explication donnée par le salarié est confirmée par le fait qu'à la même époque, la société venait juste d'emménager dans le nouvel entrepôt de Gonnesse ;

Considérant que de même, la transmission tardive de certaines demandes d'autorisation d'absence ne traduit pas, comme le soutient l'employeur, une volonté délibérée de la part du salarié de mal faire son travail ;

Considérant qu'en réalité, l'ensemble des faits reprochés au salarié ne sont que des insuffisances professionnelles qui quand bien même seraient t-elles avérées, ne constituent pas des fautes et ne peuvent justifier un licenciement disciplinaire qui plus est pour faute grave ;

Considérant que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il écarte la faute grave et accorde au salarié les salaires, indemnités qui lui sont dues en l'absence d'une telle faute mais infirmé en ce qu'il retient l'existence d'une cause réelle et sérieuse au licenciement de M. [J] ;

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, étant employé au moment de la rupture dans une entreprise d'au moins 11 salariés et bénéficiant d'une ancienneté supérieure à deux années, le salarié est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Considérant qu'en l'espèce, compte tenu de l'âge du salarié au moment du licenciement, de ses 10 années d'ancienneté, de ses charges de famille et de sa situation depuis son licenciement, il lui sera alloué la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant qu'en application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la société Sedifrais Montsoult Logistic à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Sur les autres demandes :

Considérant que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire produiront intérêts à compter de la décision les accordant ;

Considérant que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts à compter de la date de la demande de capitalisation; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant que l'employeur devra remettre à M. [J] des bulletins de paie et des documents de fin de contrat conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte ;

Considérant que de même, il devra régulariser la situation de M. [J] auprès des organismes compétents pour les cadres sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte ;

Considérant qu'enfin, la société Sedifrais Montsoult Logistic devra verser à M. [J] la somme de 2 500 € pour la procédure suivie en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande à ce titre; que la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges sera maintenue ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;

- Constate que la condamnation au paiement d'une prime annuelle à hauteur de 5 137,75 € ne fait l'objet d'aucun recours de la part de l'une ou l'autre des parties ;

- Infirme les autres dispositions du jugement sauf en ce qu'il écarte la faute grave et accorde en conséquence à M. [K] [J] les indemnités de rupture qui lui sont dues ainsi que le rappel de salaire et de congés payés afférents à la période de mise à pied conservatoire et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

- Dit que M. [K] [J] devait bénéficier de la qualité de cadre, coefficient VII de la convention collective, à compter du moment où il lui a été confié la responsabilité du service Préparation des commandes ;

- Ordonne à la société Sedifrais Montsoult Logistic de procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé auprès des organismes compétents pour les cadres ;

- Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte ;

- Dit que le licenciement de M. [K] [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la société Sedifrais Montsoult Logistic à payer à M. [K] [J] les sommes suivantes :

- 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour compenser l'inégalité de traitement subie durant l'exécution de son contrat de travail ;

- 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Ordonne le remboursement par la société Sedifrais Montsoult Logistic à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

- Ordonne à la société Sedifrais Montsoult Logistic de délivrer à M. [K] [J] les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

- Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte ;

- Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que celles de nature indemnitaire produiront intérêts à compter de la présente décision les accordant à M. [K] [J] ;

- Dit que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts à compter de la date de la demande de capitalisation ;

- Condamne la société Sedifrais Montsoult Logistic à verser à M. [J] la somme de 2 500 €, pour la procédure suivie en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;

- La condamne aux dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04304
Date de la décision : 16/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°18/04304 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-16;18.04304 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award