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10/12/2020 | FRANCE | N°18/00722

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 décembre 2020, 18/00722


COUR D'APPEL DE VERSAILLES








Code nac : 80A





6e chambre





ARRET N°452





CONTRADICTOIRE





DU 10 DÉCEMBRE 2020








N° RG 18/00722


N° Portalis DBV3-V-B7C-SEEC








AFFAIRE :





X... F...





C/





Société CATHAY PACIFIC AIRWAYS LIMITED











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le06 décembre

2017 par le Conseil de Prud'hommes


Formation paritaire de NANTERRE


N° Chambre :


N° Section : C


N° RG : 17/00852











Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Christophe VIGNEAU





Me Oriane DONTOT








Le : 11 décembre 2020








RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM D...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°452

CONTRADICTOIRE

DU 10 DÉCEMBRE 2020

N° RG 18/00722

N° Portalis DBV3-V-B7C-SEEC

AFFAIRE :

X... F...

C/

Société CATHAY PACIFIC AIRWAYS LIMITED

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le06 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes

Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 17/00852

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Christophe VIGNEAU

Me Oriane DONTOT

Le : 11 décembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur X... F...

né le [...] à AVIGNON (84)

de nationalité française

[...]

[...]

[...]

Représenté par Me Christophe VIGNEAU, plaidant/constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2128

APPELANT

****************

Société CATHAY PACIFIC AIRWAYS LIMITED

N° SIRET : 337 847 834

[...]

[...]

Représentée par Me Sophie UETTWILLER, plaidante, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P026, substituée par Me Cynthia CORCEIRO, avocate au barreau de PARIS ; et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 octobre 2020 les avocatsdes parties ne s'y étant pas opposés, devant MadameValérieDELARMINAT, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Elodie BOUCHET-BERT,

Rappel des faits constants

La société Cathay Pacific Airways Limited est spécialisée dans les transports aériens de passagers. Elle emploie plus de cinquante salariés et applique la convention collective nationale du personnel au sol desentreprises de transport aérien du 22 mai 1959.

M. X... F..., né le [...] , a été engagé par cette société au service commercial, aux termes de plusieurs contrats de travail à durée déterminée :

du 5 juillet 2001 au 31 janvier 2002,

du 31 janvier 2002 au 30 septembre 2002,

du 1er octobre 2002 au 31 mars 2003.

Le 24 février 2003, M. X... F... a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent des services commerciaux, statut employé, coefficient 210.

Puis par avenant du 31 décembre 2008, il a été promu au poste de chargé de clientèle ventes passagers 3, statut agent de maîtrise, coefficient 270.

Par courrier du 28 mai 2013, la société Cathay Pacific Airways Limited a notifié à M. X... F... un avertissement au regard du comportement 'inadapté' adopté envers sa supérieure hiérarchique, MmeT..., le 2 mai 2013. Il lui est reproché d'avoir «violemment élevé le ton», en contradiction avec «les règles de respect mutuel».

Après un entretien préalable fixé au 7 avril 2015, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle par courrier du 13 avril 2015.

M. X... F... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation de son licenciement, sollicitant sa réintégration et l'annulation de l'avertissement reçu, par requête reçue au greffe le 22 juillet 2015.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 6 décembre 2017, la section commerce du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- débouté M. X... F... de sa demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2013,

- dit que le licenciement de M. X... F... intervenu le 13 avril 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- débouté M. X... F... de sa demande de réintégration,

- condamné la société Cathay Pacific Airways Limited à verser à M. X... F... la somme de 24812 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. X... F... de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier de billets d'avion à tarif réduit,

- débouté M. X... F... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct,

- débouté M. X... F... du surplus de ses demandes,

- condamné la société Cathay Pacific Airways Limited à verser à M. X... F... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- laissé à la charge des parties les entiers dépens.

La procédure d'appel

M. X... F... a interjeté appel du jugement par déclaration n° 18/00722 du 23 janvier 2018.

Prétentions de M. X... F..., appelant

Par conclusions adressées par voie électronique le 30 septembre 2020, M. X... F... conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande donc à la cour, statuant à nouveau, de :

- annuler l'avertissement du 28 mai 2013,

- dire et juger que le licenciement dont il a fait l'objet est nul,

subsidiairement,

- dire et juger que le licenciement dont il a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse,

à titre principal,

- ordonner sa réintégration avec restitution de sa carte professionnelle Cathay Pacific et accès ausystème 'ijourney' permettant l'accès à tarifs préférentiels, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

- condamner la société Cathay Pacific à lui verser 33 096,05 euros de rappel de salaire sur la période demai2015 à août 2020,

- condamner la société Cathay Pacific à lui verser 3 309,60 euros de congés payés afférents,

- ordonner à la société Cathay Pacific de lui restituer sa carte professionnelle,

- condamner la société Cathay Pacific à lui verser 30 000 euros pour défaut de jouissance de la carte professionnelle de 2015 à 2020,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Cathay Pacific à lui verser les sommes suivantes :

50 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

30 000 euros au titre du défaut de jouissance de la carte professionnelle de 2015 à 2020,

- ordonner à la société Cathay Pacific de lui remettre une carte professionnelle Cathay Pacific et de lui donner accès au système 'ijourney' permettant l'accès à tarifs préférentiels,

en tout état de cause,

- condamner la société Cathay Pacific à lui verser la somme de 25 000 euros au titre du préjudice distinct subi,

- ordonner à la société Cathay Pacific de lui délivrer un billet annuel gratuit de 2014 à 2020,

- dire que les sommes mises à la charge de la société Cathay Pacific porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Cathay Pacific à lui verser la somme de 3 700 euros au titre des frais irrépétibles des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Prétentions de la société Cathay Pacific Airways Limited, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 12 octobre 2020, la société Cathay Pacific Airways Limited demande à la cour de :

- dire mal fondé l'appel de M. X... F...,

- l'en débouter intégralement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté M. X... F... de sa demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2013,

débouté M. X... F... de sa demande de réintégration,

débouté M. X... F... de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier de billets d'avion à tarif réduit,

débouté M. X... F... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct,

- le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle notifié à M. X... F... est établi et repose sur une cause réelle et sérieuse,

- fixer le salaire de référence de M. X... F... à la somme de 2 340 euros correspondant à la moyenne de ses douze derniers mois,

- débouter M. X... F... de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,

- condamner M. X... F... au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X... F... aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Dupont, JRF& associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 7 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 octobre 2020.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'avertissement

M. X... F... sollicite l'annulation de l'avertissement qu'il a reçu le 28 mai 2013. Il conteste avoir élevé le ton envers sa supérieure hiérarchique ou avoir fait preuve d'une attitude agressive. Il prétend avoir simplement souhaité obtenir des informations sur la fixation de ses jours de congés puisqu'il demeurait dans l'incertitude quant à la possibilité de prendre des congés entre le mois de juillet et le mois de décembre.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1333-2 du code civil, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La société Cathay Pacific Airways Limited explique que Mme T... a demandé à M. X... F... deréduire ses congés posés pour décembre 2013 s'il voulait que lui soient accordés les congés supplémentaires qu'il avait sollicités en juillet 2013, cela afin d'éviter un solde négatif.

Elle reproche à M. X... F... un «comportement inadmissible» à l'égard de sa supérieure hiérarchique,ses «vociférations», son «agressivité», son «dérapage».

Elle décrit les faits ainsi : «Alors que vous étiez dans son bureau, vous avez violemment élevé le ton, à unpoint tel que vous étiez audible sur tout le plateau. Cette attitude contrevient aux règles élémentaires derespect mutuel applicable à tous, sans même évoquer le fait que vous vous adressiez à votre supérieur hiérarchique.» (pièce 7 de l'employeur).

Au titre des éléments de preuve, l'employeur produit une attestation de Mme T... (sa pièce 8) laquelle indique : «Le 2 mai 2013, X... F... est venu me voir pour modifier ses dates devacances au mois de juillet. J'ai accepté sa demande et lui ai confirmé les nouvelles dates qu'il avait demandées. En mettant à jour le tableau des congés, je me suis aperçue que X... n'avait pas actualisé ses jours de vacances. Je suis allée dans son bureau pour lui demander de le faire afin de permettre à ses collègues de prendre des vacances sur les jours (...). X... s'est alors soudainement mis à hurler que les vacances c'était toujours compliqué avec moi, au milieu de ses collègues. Notre directeur France est sorti immédiatement de son bureau très choqué que X... puisse élever la voix ainsi au milieu du service réservation en plein travail. Après avoir pris connaissance de cet incident et de l'attitude anormalement agressive pour une demande légitime de X... F..., M. C... O... lui a adressé une lettre d'avertissement.»

De son côté, pour contredire les allégations d'agressivité, M. X... F... produit les attestations dedeuxcollègues, Mme LH... (ses pièces 15 et 29) et Mme J... (sa pièce 30) qui indiquent que celui-ci était réservé, calme et bien éduqué, qu'il faisait preuve de souplesse.

Toutefois, ces attestations reprenant des considérations générales, ne visant pas les faits précis de la journée du 2 mai 2013, ne sont pas de nature à remettre en cause l'attestation circonstanciée de Mme T... corroborée par les termes de la lettre d'avertissement rédigée par M. C... O... , qui a lui même assisté à une partie des faits.

Les faits reprochés au salariés sont matériellement établis.

L'avertissement délivré à M. X... F... est proportionné au regard du comportement manifestement excessif et injustifié du salarié ce jour-là rapproché toutefois de l'absence de comportement fautif antérieur.

M. X... F... sera débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement par confirmation du jugement entrepris.

Sur la discrimination

M. X... F... soutient ici que son licenciement a été prononcé en raison de son âge alors qu'il était âgéde51 ans, après plus de 14 ans passés au sein de la société et qu'il ne repose sur aucun motif sérieux, la société se prévalant d'une prétendue insuffisance professionnelle sans produire aucun élément objectif. Il prétend que son employeur a adopté une attitude vexatoire consistant à évincer les personnes d'uncertainâge depuis la prise de fonction de Mme T... au 1er janvier 2010 en qualité de directrice clientèle. Il souligne qu'il a fait l'objet d'un congédiement après 14 ans d'ancienneté à l'instar de sa collègue Mme E..., qui avait le même âge que lui au moment où elle a été licenciée, également pour insuffisance professionnelle, après 24 ans d'ancienneté. Il rappelle qu'il a fait sommation à son employeur de communiquer la lettre de licenciement de Mme E... et le registre du personnel, sans résultat satisfaisant.

L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose : «Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. ».

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Pour étayer sa demande, M. X... F... fait d'abord valoir que son licenciement ne reposant sur aucunecause réelle et sérieuse, il ne peut s'expliquer qu'en raison d'une discrimination liée à son âge.

Cet élément ne peut cependant être retenu, l'absence de bien fondé du licenciement ne suffisant pas, à lui seul, à laisser présumer une discrimination.

Il avance ensuite qu'une autre salariée a fait l'objet de la même discrimination que lui. Il explique que MmeE..., qui avait le même âge que lui, a également été licenciée pour insuffisance professionnelle après24 ans d'ancienneté. Il ne produit toutefois aucun justificatif, ni sur l'âge de l'intéressée, ni sur lesconditions de son départ de la société, l'unique pièce qu'il vise dans ses écritures à ce sujet (pièce21del'employeur) n'étant qu'un courriel adressé par une salariée à Mme T..., se plaignant de l'attitude de M. X... F... et de Mme E....

Il avance enfin que depuis 2010, «tous les nouveaux entrants sont des jeunes femmes à l'exception deMmeV...». Il considère que le registre du personnel produit par la société (pièce 43) est tronqué puisqu'il ne débute qu'en avril 2009 et ne permet pas d'apprécier la concomitance de sa date de licenciementet de celui de Mme E....

L'analyse des mentions du registre, sur la période allant d'avril 2009 jusqu'à juin 2015, montre que les embauches ont concerné plusieurs personnes nées avant 1980. Ainsi, Mme V... née le [...] , M. O... né en [...], M. D... né en [...], M. K... né en [...], Mme L... née en [...], M.W...néen [...], Mme R... née en [...], Mme I... née en [...], Mme J... née en [...], M. P... né en [...], Mme A... née en [...], M. YB... né en [...], MmeB...néeen [...], Mme G... née en [...], M. S... né en [...], Mme Q... née en [...], Mme N... née en [...], M. U... né en [...] et Mme H... née en [...], soit au total 19 salariés sur39 embauchés sur la période. Cette analyse contredit donc l'affirmation de M. X... F... selon laquelle la société embaucherait essentiellement des jeunes femmes.

Ainsi, les éléments dont se prévaut M. X... F... ne sont pas de nature à laisser présumer à son encontre une discrimination en raison de son âge.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... F... de sa demande de nullité du licenciement en raison d'une discrimination liée à son âge et des demandes subséquentes, notamment de réintégration.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-1du code du travail, «tout licenciement pour motif personnel (') est justifié par une cause réelle et sérieuse». La cause doit être réelle, objective et reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables. La cause doit également être sérieuse. Les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

L'insuffisance professionnelle est constituée par l'incapacité du salarié à remplir correctement ses missions du fait d'une inadaptation à l'emploi ou d'une incompétence. Elle constitue, en tant que telle, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

M. X... F... a été licencié par lettre du 13 avril 2015 dans les termes suivants : 'A la suite de l'entretien préalable du 7 avril 2015, au cours duquel vous étiez assisté par Madame M... Y..., représentante du personnel, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement motivé par :

Votre incapacité à prendre en compte les demandes expresses formulées à la fois par votre hiérarchie directe et indirecte, lors de l'entretien annuel d'évaluation 2014 pour vous alerter sur la nécessité d'améliorer la qualité de vos prestations à l'égard des agences et clients pour répondre réellement à leurs besoins et anticiper les problèmes plutôt que de les complexifier ou d'éviter les difficultés en impliquant les autres.

Vos carences caractérisent une insuffisance professionnelle qui n'est pas susceptible d'amélioration puisque vous considérez que votre niveau de service et d'implication est irréprochable, ce qui vous conduit à refuser toute remise en cause.

Par ailleurs, vous n'hésitez pas à revendiquer à votre compte, une initiative au bénéfice d'un client alors qu'elle incombait exclusivement à votre hiérarchie, ce qui est démontré par le mail de traitement de la demande. Pourtant ce constat parfaitement objectif ne vous a pas conduit à modifier votre position puisque vous persistez à considérer que la simple transmission du problème à votre hiérarchie matérialise votre empathie à l'égard du client !

En totale cohérence avec cette attitude incompatible avec ce qui est légitimement attendu par la compagnie de la part d'un chargé de clientèle de votre ancienneté et de votre expérience, vous commettez des erreurs de base que vous contestez sans discernement, notamment, sur le seul mois de mars dernier :

18 mars 2015 : Incident avec l'agence 37deux voyages, nouvellement accréditée par laCompagnie,qui vous appelle pour vérifier la date d'émission d'un billet classe N et à qui vousannoncez une émission possible jusqu'au 20 mars alors que la tarification N exige uneémissionimmédiate des billets (ou au plus tard dans les 72 heures) ce que vous ne pouvez ignorer. Cette erreur a contraint le siège à accepter un changement de classe parfaitement dérogatoire du fait de votre erreur grossière que vous avez ultérieurement tenté de masquer en envoyant le lendemain un mail de couverture à votre hiérarchie en affirmant avoir donné à l'agence la date du 16 mars et en soutenant qu'il incombait au client de vérifier lui-même !

18 mars 2015 : Vous avez suspendu un billet Bordeaux-Paris CDG-HK au lieu d'annuler et d'émettre un nouveau billet Paris-CDG/ HK correspondant à la modification demandée par leclient.Le service a été contraint de devoir gérer le billet de train non annulé, ce qui a complexifié inutilement la gestion du billet retour. Vous avez soutenu que vous ne faisiez jamais de suspensiondebillet de train sans l'accord de votre superviseur et qu'il était d'usage de suspendre un billetdetrain dont vous saviez qu'il ne serait jamais utilisé du fait de la modification du trajet.

19 mars 2015 : Vous n'avez pas accompli la totalité des opérations d'annulation d'un billet réservé pour le 23 mars en omettant de percevoir la différence de prix de 340 euros résultant de ce changement. Votre carence a conduit l'agent de comptoir de CG à intervenir auprès de votre hiérarchie pour lui demander de vous alerter sur la nécessité de finaliser les dossiers avant l'arrivée de clients à l'aéroport pour éviter toute difficulté. Vous avez indiqué que vous êtes déchargé de vos obligations sur un autre salarié.

A ces insuffisances récurrentes qui sont loin d'être exhaustives, s'ajoute un manque systématique d'entraideà l'égard de vos collègues dans la gestion des débordements. Il est sidérant de constater que vousrevendiquez cette attitude en considérant que vous n'avez pas à apporter votre aide sans une demande expresse, ce qui fait supporter à vos collègues toute la charge de travail supplémentaire, comme cela aétélecas les 23 et 24 mars 2015.

Vos dénis systématiques du bien fondé de toute remarque deviennent difficilement gérable, ce d'autant que s'y ajoute un mode de communication agressif à l'égard de votre hiérarchie qui avait déjà conduit à lanotification d'un avertissement, par lettre RAR du 28 mai 2013.

Compte tenu de ce constat objectif, nous n'avons plus d'autre option que de nous séparer de vous.'

Contrairement aux autres motifs de licenciement pour lesquels la lettre de licenciement doit être circonstanciée, il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle, motif matériellementvérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée. Il demeure que l'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective del'employeur.

Il est rappelé que M. X... F... a été engagé en 2001 en qualité d'agent des services commerciaux, statutemployé, puis a été promu le 31 décembre 2008 au poste de chargé de clientèle vente passagers 3, statut agent de maîtrise.

La société Cathay Pacific Airways Limited reproche au salarié une insuffisance professionnelle ressortant de la contestation de toute remarque sur des erreurs de base incompatibles avec son statut de chargé de clientèle senior, des plaintes ou manquements récurrents à l'égard des agences de voyages qui sont lesprincipaux clients du service réservation, d'un temps d'appel inférieur de 50% à ceux de ses collègues et du manque de collaboration et d'esprit d'équipe à l'égard des collègues du service.

Il est fait état, en premier lieu, d'erreurs de base incompatibles avec l'expérience de M. X... F... qui conteste systématiquement sa responsabilité.

Pour établir ce fait, société Cathay Pacific Airways Limited produit le compte rendu de l'entretienannueld'évaluation 2014 de M. X... F... (pièce 33) qui remet en cause sa qualité de service client et sa capacité à résoudre les problèmes. Il est ainsi indiqué : «offre sa sympathie mais n'aide pas lesclients, suggère qu'ils ne peuvent rien y faire et que ça ne relève pas de leur responsabilité. X... doit faire attention à certains aspects comme le ton de sa voix et son attitude. En résumé, apporter unservicecomplet aux passagers et à leurs besoins.» encore «Rend les choses compliquées, tendance à sur-analyser. Essaye d'impliquer tout le monde et est découragé par les difficultés. Quelquefois X... ne trouve pas de solution à des problèmes simples».

M. X... F... n'a apporté aucun commentaire aux observations de sa hiérarchie, laquelle a qualifiétroisrubriques sur neuf «doit s'améliorer», ce qui constitue une alerte sérieuse pour un salarié bénéficiant d'une ancienneté importante.

Cette évaluation est corroborée par différentes autres pièces versées aux débats.

Ainsi, il ressort d'un courriel de Mme T... à M. X... F... du 19 septembre 2014 (pièce42del'employeur) que le salarié ne tient pas compte des remarques qui lui sont faites par sahiérarchie, comme une demande d'annulation de billets, qui sera en définitive faite par une collègue duservice.

Il ressort encore d'un courriel de Mme R... du 24 octobre 2015 (pièce 27 de l'employeur) que M.X...F... a entendu faire gérer par sa hiérarchie les suites à apporter à l'incident qu'il a généré avec un client important à qui il a demandé de voyager en classe économique sans changement de tarif alors quelebillet du client était modifiable et annulable sans frais.

Il ressort encore d'un courriel de M. X... F... du 25 novembre 2014 (pièce 26 de l'employeur) que celui-ci a refusé de modifier le nom porté sur un billet pour ne laisser que le nom de femme mariée de la passagère, alors que cette modification était nécessaire pour correspondre au nom mentionné sur le visa de la passagère. Ce refus s'est aggravé par une fin de non-recevoir pour la même passagère concernant un vol et une dénégation des faits à l'égard de sa hiérarchie.

Pour établir l'insuffisance professionnelle alléguée, il est fait état, en deuxième lieu, de plaintes des agences de voyage concernant le comportement de M. X... F....

La société Cathay Pacific Airways Limited rappelle que les agences de voyages sont ses principaux clientsautitre du service réservation et sont donc des interlocuteurs réguliers qui connaissent l'ensemble descollaborateurs.

Elle justifie que trois agences de voyages ont évalué l'activité de M. X... F... de façon négative.

L'agence Selectour de Lyon indique : «Étant un grand utilisateur de la réservation Cathay Pacific à Paris, j'ai toujours eu un super service de la part de l'équipe à la hauteur de votre réputation sauf quand jetombaissur X... F... qui malheureusement ne donnait pas le service que l'on est en droit d'attendre d'une compagnie comme la vôtre et qui ne faisait aucun effort pour solutionner les problèmes» (pièce39del'employeur).

L'agence Asia de Lyon, ainsi que cela résulte du courriel d'une salariée de l'entreprise (pièce30del'employeur) qui indique : «XI..., Je viens d'avoir un appel de SD.../Asia Lyon. SD... a appelé il y a un instant et (est) tombé sur X... qui lui disait qu'il «l'entendait» pas bien et (a) raccroché. Il s'agissait de réservation de sièges pour deux classes affaires. Elle rappelle, tombe surmoi.Je l'entends très bien et je fais ses réservations. SD... me rapporte l'incident mais ne souhaite pas faire d'écrit. L'accueil de X... l'a fortement énervé, à très juste titre !! MF....»

L'agence «37deux voyages» n'a pu traiter qu'avec M. X... F... et a dû faire intervenir Mme T... pour finaliser la commande, ainsi que cela résulte d'un échange de courriels (pièce 23 de l'employeur).

Il est fait état, en troisième lieu, d'un temps d'appel inférieur de 50% à ceux de ses collègues.

Mme V... a adressé un courriel à ce sujet le 8 août 2014 (pièce 28 de l'employeur) duquel il résulte que si M. X... F... traitait le même nombre d'appels que ses collègues et qu'il n'avait pas «d'appelsperdus», elle avait beaucoup d'appels avec un temps de traitement inférieur de 50% à celui de ses collègues, par exemple, trois appels pris en une minute, avec un faible nombre de délivrance de billets. Ainsi, le 18 juillet 2014, M. X... F... a traité 26 appels en 1h30 sans vendre un seul billet. Mme V... dénonce la pratique de M. X... F... visant à mettre en attente les appels sans se présenter et sans motif véritable, ce qui est confirmé par Mme T... (pièce 41 de l'employeur) et qui a donné lieu à une discussion avec sa hiérarchie.

Ce fait est matériellement établi.

Il est fait état, en dernier lieu, d'un manque de coopération et d'esprit d'équipe à l'égard des collègues du service.

Cette difficulté a été soulignée lors de l'entretien annuel 2014 en ces termes : «Se porte rarement volontaire pour aider les autres, n'offre son aide qu'à certains membres de son équipe».

A titre d'exemple, ce manque d'esprit d'équipe a fait l'objet d'un courriel circonstancié de sa hiérarchie le24mars 2015 pour signaler qu'en dépit d'un effectif ponctuellement réduit à 50%, M. X... F... était le seul du service à n'avoir traité aucun courriel alors que tous ses collègues ont pris des appels, traité les mails et tout mis en 'uvre pour répondre au client. (pièce 22 de l'employeur).

Ce fait est également établi.

De façon générale, l'insuffisance professionnelle de M. X... F... se manifeste ici dans sesrépercussionsen tant qu'elle perturbe le fonctionnement du service, celui-ci n'exécutant pas correctement les tâches correspondant à sa qualification professionnelle, obligeant ses collègues et sa supérieure hiérarchique à intervenir. La cause du licenciement apparaît ainsi sérieuse.

L'ensemble de ces éléments conduit à retenir le bien fondé du licenciement prononcé parsociétéCathayPacific Airways Limited à l'encontre de M. X... F....

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et en ce qu'il a accordé différentes indemnisations ausalarié.M. X... F... sera également débouté de ses demandes relatives à la carte professionnelle, qui est l'accessoire du contrat de travail rompu valablement et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

M. X... F..., qui succombe dans ses prétentions, supportera les entiers dépens, de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code par Me HN..., JRF& associés.

M. X... F... sera en outre condamné à payer à la société Cathay Pacific Airways Limited une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1500euros. La condamnation de première instance sera infirmée.

M. X... F... sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 6 décembre 2017 excepté en ce qu'il a débouté M. X... F... de sa demande d'annulation de l'avertissement, de sa demande de nullité du licenciement fondé sur une discrimination liée à son âge, de sa demande de réintégration, de sa demande relative à la carte professionnelle et de sa demande relative à un préjudice distinct,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement prononcé par société Cathay Pacific Airways Limited à l'encontre de M. X... F... bien fondé,

DÉBOUTE M. X... F... de l'ensemble de ses demandes subséquentes,

CONDAMNE M. X... F... à payer à la société Cathay Pacific Airways Limited une somme de1500euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. X... F... de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE M. X... F... au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Me Dupont, JRF& associés.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Isabelle Vendryes, présidente, et par Mme Élodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00722
Date de la décision : 10/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°18/00722 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-10;18.00722 ?
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