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03/12/2020 | FRANCE | N°19/00011

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 03 décembre 2020, 19/00011


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 DECEMBRE 2020



N° RG 19/00011 - N° Portalis DBV3-V-B7D-S333



AFFAIRE :



[Y] [L]





C/

SAS METRIXWARE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 16/03313r>


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Karima SAID



Me Johann SULTAN







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 DECEMBRE 2020

N° RG 19/00011 - N° Portalis DBV3-V-B7D-S333

AFFAIRE :

[Y] [L]

C/

SAS METRIXWARE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 16/03313

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Karima SAID

Me Johann SULTAN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [L]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Karima SAID, Déposant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0446

APPELANT

****************

SAS METRIXWARE

N° SIRET : 401 810 437

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Johann SULTAN, Déposant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P490

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 12 octobre 2015, M. [Y] [L] était embauché par la SAS Metrixware en qualité de directeur des opérations par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseil, dite convention syntec.

M. [L] exerçait également un mandat social de directeur général délégué. Il était le subordonné de Mme [O] [M].

Le 26 novembre 2016, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien avait lieu le 8 décembre 2016. Le même 8 décembre 2016, M. [L] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il soutenait avoir subi un harcèlement moral et sexuel. Le 30 décembre 2016, l'employeur lui notifiait son licenciement pour motif économique. Le salarié acceptait le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle.

Vu le jugement du 23 novembre 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

- débouté les parties de leurs demandes ;

- condamné M. [L] aux éventuels dépens.

Vu l'appel interjeté par M. [Y] [L] le 2 janvier 2019.

Vu les conclusions de l'appelant, M. [Y] [L], notifiées le 2 avril 2019, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

A titre principal,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts exclusifs de la société Mextriware, et dire que celle-ci produit les effets d'un licenciement nul, conformément aux dispositions des articles L. 1153-1 et L. 1153-3 du code du travail.

En conséquence,

- condamner la société Metrixware au paiement des sommes suivantes :

- indemnité pour nullité du licenciement : 80 000 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 20 000 euros

- indemnité de congés payés y afférent : 2 000 euros

- dommages et intérêts pour harcèlement sexuel : 20 000 euros

A titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts exclusifs de la société Mextriware, et dire que celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- condamner la société Metrixware au paiement des sommes suivantes :

- indemnité pour licenciement abusif : 80 000 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 20 000 euros

- indemnité de congés payés y afférent : 2 000 euros

- dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de: 10 000 euros

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que la rupture du contrat de travail de M. [L] pour motif économique est dépourvue de toute cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

- condamner la société Metrixware au paiement des sommes suivantes :

- indemnité pour licenciement abusif : 80 000 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 20 000 euros

- indemnité de congés payés y afférent : 2 000 euros

En tout état de cause,

- dire et juger que la convention individuelle de forfait jours est nulle et/ou inopposable et, en conséquence, condamner la société Metrixware au paiement des sommes suivantes :

- rappel de salaires au titre des heures supplémentaires pour la période comprise entre le 12 octobre 2015 et le 16 novembre 2016 : 21 983,02 euros

- indemnité compensatrice de congés payés y afférent : 2198,30 euros

- rappel de salaires au titre du repos compensateur non accordé à M. [L] au titre de l'année 2016 :

- Si l'effectif de la société Metrixware est au moins de 20 salariés : 10 163,16 euros et 1 016,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent

- Si l'effectif de la société Metrixware est inférieur à 20 salariés : 5 081,58 euros et 508,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent

- indemnité forfaitaire de travail dissimulé : 48 589,44 euros

- condamner la société Metrixware au paiement de la somme de 6 000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions de l'intimée, la SAS Metrixware, notifiées le 30 mars 2020, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de:

- recevoir la société Metrixware en ses conclusions et l'y dire bien fondée ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 23 novembre 2018 en toutes ses dispositions.

Y faisant droit,

- constater que M. [L] ne rapporte pas la moindre preuve d'un agissement de Mme [M] laissant présumer l'existence d'une situation de harcèlement sexuel ;

- constater que la société Metrixware a respecté son obligation de sécurité ;

- constater la validité du motif économique de licenciement ;

- juger qu'il n'y avait pas lieu de faire application des critères d'ordre dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique de M. [L] ;

- juger avérées les difficultés économiques du groupe Metrixware ;

- constater la nécessité de la suppression du poste de Directeur des opérations ;

- constater l'absence de toute base légale et jurisprudentielle à une action en nullité du forfait-jours stipulée au contrat de travail de M. [L] ;

- constater l'opposabilité de la clause de forfait-jours à M. [L] ;

- constater l'absence de preuve de la moindre heure supplémentaire ;

- juger qu'il n'y a pas lieu à résiliation du contrat de travail de M. [L] ;

Et, par conséquent :

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [L] à la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2020.

SUR CE,

Sur le rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateurs et le travail dissimulé

M. [L] invoque la nullité de la convention de forfait en jours à laquelle il a été soumis, compte tenu de l'absence de garantie visant à assurer le respect des règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire et de l'absence d'entretien individuel portant sur la charge de travail qui doit pourtant être organisé deux fois par an, aux termes de l'article 4.8.3 du chapitre II de l'accord collectif du 22 juin 1999 relatif à la réduction du temps de travail annexé à la convention collective applicable. Au soutien de sa demande de rappel de salaire, il produit un tableau de décompte de son temps de travail, les relevés de ses consommations de péage autoroutier, le relevé des emails envoyés depuis sa messagerie professionnelle et la copie de son agenda électronique. Il réclame des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs non pris et la condamnation de l'employeur au titre du travail dissimulé.

La Sas Metrixware rappelle que M. [L] a pris ses fonctions en novembre 2015 et qu'il a fait l'objet d'un arrêt maladie dès le mois de novembre 2016, alors que les entretiens de suivi des forfaits en jours ont lieu en fin d'année. L'employeur ajoute que l'obligation de respecter les règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire était rappelée dans le contrat de travail de M. [L], lequel était en tout état de cause, en sa qualité de directeur général délégué, responsable de la bonne application de la législation au sein de l'entreprise, notamment en matière de durée du travail. Concernant les heures supplémentaires, l'employeur souligne que M. [L] ne produit aucun décompte précis des horaires qu'il aurait effectués sur la période litigieuse courant du 12 octobre 2015 au 16 novembre 2016 et que les éléments produits sont nettement insuffisants pour établir ses horaires de travail. Il relève en outre des incohérences affectant le tableau des horaires communiqué et rappelle que le salarié a bénéficié de jours de repos au titre des RTT. S'agissant du délit de travail dissimulé, il estime que la preuve de l'élément intentionnel n'est pas rapportée.

L'article 4.8.3 du chapitre II de l'accord collectif du 22 juin 1999 relatif à la réduction du temps de travail annexé à la convention collective Syntec dispose que : « Afin de se conformer aux dispositions légales et veiller à la santé et la sécurité des salariés, l'employeur convoque au minimum 2 fois par an le salarié ainsi qu'en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique.

Au cours de ces entretiens seront évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie privée et enfin la rémunération du salarié.

Lors de ces entretiens, le-la salarié-e et son employeur font le bilan sur les modalités d'organisation du travail du-de la salarié-e, la durée des trajets professionnels, sa charge individuelle de travail, l'amplitude des journées de travail, l'état des jours non travaillés pris et non pris à la date des entretiens et l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Une liste indicative des éléments devant être abordés lors de ces entretiens est également transmise au salarié.

Au regard des constats effectués, le-la salariée et son-sa responsable hiérarchique arrêtent ensemble les mesures de prévention et de règlement des difficultés (lissage sur une plus grande période, répartition de la charge, etc.). Les solutions et mesures sont alors consignées dans le compte-rendu de ces entretiens annuels.

Le salarié et le responsable hiérarchique examinent si possible également à l'occasion de ces entretiens, la charge de travail prévisible sur la période à venir et les adaptations éventuellement nécessaires en termes d'organisation du travail (') »

En l'espèce, la Sas Metrixware ne justifie pas avoir organisé l'entretien bi-annuel prévu par les dispositions précitées, alors que le temps de présence du salarié au sein de l'entreprise depuis son embauche l'exigeait. L'intimée ne saurait prétendre qu'en sa qualité de directeur général délégué, M. [L] était responsable de la bonne application de la législation au sein de l'entreprise, notamment en matière de durée du travail, dès lors qu'il incombait exclusivement à l'employeur de veiller au respect des dispositions légales et conventionnelles en la matière vis à vis de M. [L] en sa qualité de salarié.

En conséquence, la convention de forfait litigieuse doit être déclarée nulle et donc inopposable à M. [L].

Selon l'article L 3171-4 du code du travail, « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif a' l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarie' de présenter, a' l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non re'mune're'es qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre a' l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande, M. [L] produit :

- un tableau de décompte de son temps de travail ; cependant, cette pièce ne précise pas les horaires quotidiens du salarié ;

- un listing historique d'emails ; toutefois, en l'absence de communication du contenu du message, le salarié n'établit pas que les messages dont il se prévaut correspondent à un travail effectif ;

- le relevé de ses horaires de passage aux péages de Vélizy et Rueil sur l'A86 ; cependant cette pièce, qui ne débute qu'en janvier 2016, ne permet pas de déterminer les horaires de travail du salarié, dès lors que les heures de passage aux péages ne suffisent pas à rapporter la preuve des heures auxquelles M. [L] est arrivé à l'entreprise, puis en est reparti ; ainsi, et par exemple, la cour relève que le 10 mai 2016, le salarié a franchi le péage à 20 heures, alors qu'il ressort de son agenda électronique professionnel qu'il avait un rendez-vous chez le dentiste programmé de 18 à 19 heures ;

- son agenda électronique professionnel ; cependant cet élément, qui relate les différents réunions et rendez-vous ponctuels du salarié au cours de la journée, ne permet toujours pas de déterminer ses horaires quotidiens.

Dans ces conditions, M. [L] échoue à présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non re'mune're'es qu'il prétend avoir accomplies, ne permettant ainsi pas à l'employeur d'y répondre utilement. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Sur le harcèlement sexuel :

M. [L] prétend avoir été victime d'agissements de harcèlement sexuel de la part de Mme [M], laquelle, à compter du mois de février 2016, a développé des sentiments amoureux à son égard. Il explique que Mme [M] a persisté à lui imposer ses avances alors qu'il l'a éconduite explicitement les 24 février, 14 et 17 octobre 2016. Il conteste avoir eu un comportement ambigu ayant encouragé sa supérieure hiérarchique, soutenant s'être simplement montré sympathique et humain face aux difficultés qu'elle rencontrait. Il explique qu'à partir du 20 octobre 2016, date à laquelle Mme [M] lui a annoncé sa décision de démissionner, il a été la cible de reproches réitérés et quotidiens sur la qualité de son travail, sur son organisation ou encore sur la pertinence de ses décisions. Il explique que le 24 octobre 2016, elle a fait irruption dans son bureau et, en présence de ses collègues, lui a intimé l'ordre de « foutre le camp », en lui affirmant avec virulence qu'il serait « licencié ». Il indique avoir alerté les membres du conseil de surveillance des agissements qu'il subissait de la part de Mme [M] et de la dégradation brutale de ses conditions de travail à compter du refus de ses avances, sans réaction de leur part. Il souligne que le 16 novembre 2016 et pour la première fois, il n'a pas été convié à la réunion du conseil de surveillance, lequel a refusé la démission de Mme [M]. Il indique que dans ce contexte, il a fait l'objet d'un arrêt maladie d'un mois à compter du 18 novembre 2016 pour dépression et qu'à la suite du courrier de son conseil demandant à l'employeur de faire cesser le harcèlement sexuel qu'il subissait, il a été convoqué, dès le lendemain, à un entretien préalable à son licenciement. Il souligne que son poste a été supprimé sans application des critères d'ordre révélant ainsi la volonté de l'employeur de l'évincer.

La Sas Metrixware répond que les SMS que M. [L] et Mme [M] se sont adressés entre les mois de septembre 2015 et octobre 2016 excluent tout harcèlement sexuel et démontrent l'existence d'une relation suivie dépassant le cadre professionnel et même amical, par l'échange de propos très libres et de nombreux moments extra-professionnels passés en tête-à-tête.

L'employeur estime que ces messages démontrent que l'existence d'une relation amoureuse consentie entre les intéressés et que l'expression par Mme [M] de ses sentiments à l'égard de M. [L] ne peut s'analyser en un harcèlement sexuel. Il considère que la menace de licenciement imputée à Mme [M] n'est pas démontrée, que les courriels échangés dans le cadre professionnel ne relatent qu'une relation normale entre un président et un directeur général/directeur des opérations. Enfin, l'employeur indique que le salarié ne justifie d'aucun préjudice.

Aux termes de l'article L.1153-1 du code du travail, les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits.

Selon l'article L.1153-2 du code du travail, aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié ou le candidat concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [L] invoque trois séries de SMS que Mme [M] et lui se sont adressés les 24 février 2016, 13 et 18 octobre 2016. Ces échanges sont les suivants :

Le 24 février 2016, Mme [M] écrit : « (') Je n'aurais pas dû te parler de mon intimité ni t'offrir ce livre et encore moins écrire cette dédicace. Vendredi, j'ai réalisé mon problème et j'ai décidé de mettre de la distance émotionnelle dans notre relation professionnelle. Mais je ne veux pas que maintenant cela nous empêche de travailler en harmonie (') ».

M. [L] répond : « [O], je te remercie pour ce message, je comprends mieux maintenant. Je me suis beaucoup attaché à Metrixware Echoes. Je donne sans compter à ceux qui me font confiance, c'est ma nature naïve. Tu me donnes beaucoup et donc je donne en retour le meilleur de moi-même (j'essaye). (') Je vois que cela a peut-être été sottement fait mais sans autre intention de ma part, je m'en veux. Tu es ma boss et c'est comme ça que je te voie. Tu es aussi une personne hors du commun avec qui je suis fier de travailler. Je sais aussi ta fragilité que tu m'as dite, et j'y fais attention. Je t'ai dit aussi des choses de ma situation personnelle. J'aime travailler avec toi et ne pense qu'à notre succès. Cela n'empêche pas notre amitié ni le respect que je souhaite garder. Tu peux compter sur mon entier dévouement ».

Le jeudi 13 octobre 2016 à 20h20, elle lui écrit encore : « Je ne sais pas ce que c'est, ni à quoi ça ressemble, ni à quoi ça sert. Je ne sais pas te dire comment ça vient, encore moins si ça part. Je n'y comprends rien même si je crois bien que ce n'est pas pour moi. Mais si ce n'est pas pour moi, c'est pour qui alors ' Je ne sais pas te décrire à quel point ça me fait mal mais à quel point ça me fait du bien aussi. Je ne sais pas trop, c'est tout un tas de sentiments qui se mélangent, une boule dans le ventre. Tu sais je ne suis pas douée, vraiment pas. Ça ne finit jamais bien ce truc. Il y en a toujours un dans l'histoire qui est touché même s'il ne le montre pas forcément. Même s'il prétend que ça va. »

Elle précise ensuite le 17 octobre suivant : « Le message que tu n'as pas compris jeudi soir' Je parlais d'amour' Contrairement à toi, moi je n'arrive pas à parler, alors j'utilise l'écriture (emoticon qui fait un clin d''il). Désolée pour vendredi, je vais m'améliorer ! ».

A la suite de ce message, M. [L] a répondu : « Je pense ce que je t'ai déjà dit aujourd'hui : tu es ma patronne, je t'apprécie dans ce rôle et je souhaite sauvegarder notre amitié ».

Enfin, le 18 octobre 2016, Mme [M] écrit : « « Bon je n'arrive pas à te le dire, alors je vais te l'écrire, même si ce n'est pas le bon moment, j'ai besoin que ça sorte.

Cette journée est tout simplement horrible et interminable. J'ai l'impression une fois encore que ma vie se transforme en cauchemar. De ne pas arriver à gérer mon attachement et mes sentiments. Apprendre à gérer l'attachement que j'ai pour toi pour ne pas en souffrir. Alors oui, j'ai certainement besoin de grandir. Je dois te sembler pire qu'une adolescente en puberté ; je ne suis pas que chiante. Je suis drôle, gentille, coquine et respectable. Mais j'ai juste un tel besoin d'aimer et d'exister. J'en ai parlé avec [Z] hier soir. Elle m'a dit de lâcher prise, de laisser courir. J'en suis incapable. Je suis totalement désarmée face à notre situation. Et toi tu es tellement sûr de toi, tu as ta vie et je suis folle d'imaginer la moindre autre chose. Tu arrives à mettre une distance émotionnelle dont je suis incapable. Et je me sens si responsable de mon manque de maturité. Tu commences à me connaître. Je suis entière, je ne sais ni faire semblant, ni donner le change. Depuis hier, j'ai une boule au ventre qui ne me quitte plus. Parce que je sais que plus rien ne sera comme avant. Je prenais un tel plaisir à nos rendez-vous, nos soirées, nos échanges. Imaginant à chaque instant qu'un jour nous pourrions aller plus loin. Parce que cette règle « jamais au boulot » est absurde (les stat. disent le contraire).

Parce que j'avais l'impression que je ne te laisse pas indifférent malgré ma différence. Parce que je me suis imaginée que nous avions des moments vraiment à nous de bonheur partagé et que tu en avais autant besoin que moi. Des tas de petites choses, d'attentions réciproques, de moments que j'ai ressentis comme fusionnel même si j'ai toujours évité le contact physique (et c'est pas l'envie qui m'a manqué)' j'ai même cru que nous allions nous embrasser après la fontaine quand je t'ai ramené à ta voiture'J'aurais dû tenter.

Alors maintenant, je ne sais pas comment nous allons pouvoir continuer, cohabiter. Pas du tout de ton fait mais uniquement du mien. La dernière fois, il m'a fallu lutter, m'éloigner de la personne, vivre des mois de galère et l'écriture d'un livre pour reprendre pieds. Je ne vais pas te demander de partir, ça ne serait pas « fair », ça serait même injuste. (') Je n'ai pas non plus envie de vivre avec cette boule au ventre, ou pire, du ressentiment pour cette situation pourrie.

Je me demande juste si je ne dois pas tout simplement fuir très loin. Je dois survivre à cette journée, j'ai pris des engagements et je dois les tenir. Ensuite, demain, je ne suis plus sûre de rien. Ni de mes réactions, ni de mes décisions. Voilà ce que je voulais te dire. Une voie sans issue. [O]  ».

Le même jour, Mme [M] ajoutait : « On parlera demain ou plus tard, car pas sûre de passer. Je ne vais pas pouvoir continuer, c'est juste impossible pour moi. J'ai commencé à en parler sérieusement à [K] qui de toute façon avait besoin de parler.

Je sais que tu vas me dire mais c'est impossible. Tu as été clair, que je n'ai pas ma place dans ta vie et devoir travailler avec toi du matin au soir, tu peux quand même comprendre que je n'ai pas la force de subir ça. Et non ça ne va pas s'étioler avec le temps, ça ne peut qu'empirer. Je suis désolée mais je ne vois rien qui puisse me faire changer d'avis. Quand j'aurai un peu ingurgité tout ça, nous verrons comment s'organiser concrètement pour que la société ait une chance de se développer sans moi ».

Le 20 octobre 2016, Mme [M] a adressé ce nouveau message à M. [L] : « Troisième nuit d'insomnie, autant dire que je suis pas super fraiche. Et je ne savais pas que mon corps pouvait contenir autant de larmes. Tu te souviens du soir où nous avions mangé à la Casa ' En repartant, dans la rue, tu m'as attrapée dans tes bras pour un énorme câlin. Te souviens-tu de ce que tu m'as murmuré ' C'était comme l'amour que je donne à ma petite fille. Fort et inconditionnel. J'ai ressenti que nous aurions aimé que cette soirée passée ensemble dure une éternité. Ton geste, c'était un geste d'amour, pas un geste d'amitié. Tu es d'ailleurs très incohérent. Mardi encore tu me disais que tu avais énormément d'amour pour moi. L'amour ce n'est pas de l'amitié [Y]. Comment j'aurais pu deviner que ta définition est pourrie. Je suis tellement fragile, à fleur de peau avec mes émotions. Ce qui a été dit a été dit, ce qui a été fait a été fait. C'est impossible de revenir en arrière. De faire comme si de rien. Alors là, j'ai toujours ma boule au ventre. Elle se transforme. D'abord la peur de tout perdre. Ça s'est fait. Puis une infinie tristesse en prenant conscience que tu as fermé la porte. Et maintenant je suis en colère. En colère contre moi, en colère contre toi. Parce que nous devions faire ce super projet ensemble. Parce que c'était notre façon de fonctionner, d'être super fusionnel, sur le fil. Et tant pis et tant mieux si un soir trop arrosé nous avions dérapé.

Maintenant je lutte pour que cette colère ne se transforme pas en haine. Parce que je te trouve lâche devant la situation. Je voudrais tellement que nous trouvions une solution. Je suis perdue (') ».

M. [L] a alors répondu : « [O], je viens de lire ton message que je trouve fort déplacé. Je tiens à remettre les choses en place car je vois que tu distords la réalité. Je ne t'ai jamais pris dans mes bras en te faisant un énorme câlin et en te murmurant je ne sais quoi. Je ne t'ai jamais dit que je t'aimais. Tu es ma patronne ; comme je l'ai déjà dit, il est inconcevable pour moi que les relations dépassent le cadre du travail ; elles ne peuvent aller au mieux que jusqu'à l'amitié. Voilà, maintenant je ne sais pas où tu veux en venir mais je te le répète, je veux que nos échanges ne sortent pas du cadre professionnel ».

Mme [M] a achevé l'échange de la manière suivante : « Ok. Je distords la réalité. Je suis au plus mal et je reçois ça. Génial, j'imagine que c'est pour un dossier contre moi. Tu n'auras pas besoin, je ne veux aller nulle part puisque je vais me barrer. En écrivant ce mail ce matin je ne pensais pas recevoir une telle réaction. Finalement, tu es bien comme tous les mecs ».

Elle ajoutait « [Y], mon message de ce matin était effectivement déplacé dans le sens où le fil est cassé entre nous depuis lundi et j'ai sincèrement cru que nous pourrions trouver une solution, mais mon écriture n'était manifestement pas la bonne. Je le regrette. A la lecture de ta réponse, j'ai compris que tu n'assumais rien et j'ai donc décidé de quitter l'entreprise car je ne suis plus capable de travailler sereinement dans un tel contexte. J'ai quand même un peu de fierté à préserver. Je tiens à préciser aussi que je me mets fortement en galère financière mais que je suis suffisamment conne pour tenir les engagements que j'ai vis-à-vis de toi. Je ne regrette pas de t'avoir rencontré même si je nous en veux terriblement pour la tournure aussi rapide de la situation ».

Contrairement à ce que soutient le salarié, ces échanges de courriels ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel, dès lors que les messages de Mme [M] ne revêtent aucun caractère dégradant ou humiliant portant atteinte à sa dignité et ne créent à son encontre aucune situation intimidante, hostile ou offensante.

Mme [M] ne s'est livrée à aucune pression, chantage ou abus d'autorité à l'égard de M. [L] afin d'obtenir un acte de nature sexuelle. Au contraire, il ressort des messages précités que la supérieur hiérarchique, après avoir révélé et confirmé son attachement sentimental, a pris conscience de l'impossibilité de toute relation amoureuse avec son subordonné et a décidé de quitter l'entreprise : « Je ne vais pas te demander de partir, ça ne serait pas « fair », ça serait même injuste », « Quand j'aurai un peu ingurgité tout ça, nous verrons comment s'organiser concrètement pour que la société ait une chance de se développer sans moi », « j'ai donc décidé de quitter l'entreprise car je ne suis plus capable de travailler sereinement dans un tel contexte ». Mme [M] a ainsi présenté sa démission lors du conseil de surveillance du 27 octobre 2016.

Si Mme [M] concède avoir eu des propos déplacés lors de son avant-dernier message, il n'apparaît pas qu'ils ont eu pour but d'obtenir des faveurs sexuelles ou un avantage quelconque de la part de M. [L]. Il ne peut davantage être considéré qu'ils ont porté atteinte à la dignité du salarié.

Par ailleurs, il ressort de l'ensemble des messages échangés entre Mme [M] et M. [L] au cours de l'année durant laquelle ils ont travaillé ensemble qu'une relation d'amitié s'est rapidement développée entre les intéressés. Ainsi, ces derniers se sont adressés régulièrement des messages à des horaires tardifs ou durant le week-end, comme par exemple les 21 octobre, 14 décembre 2015, 14, 28 janvier, 4, 16, 17, 18, 25 février, 28 mars, 19 avril, 14 mai, 20 juillet 2016, évoquant régulièrement des questions personnelles.

Ils ont clairement exprimé le plaisir partagé à travailler ensemble, sur un ton personnel le 14 janvier 2016 :

Mme [M] à 19h43 : « merci pour ta bonne humeur et la dynamique que tu insuffles dans notre société grâce à toi, j'ai retrouvé la petite flamme en venant au bureau le matin. Bonne soirée ».

M. [L] en répond : « ça me fait chaud au c'ur ce que tu me m'écris et j'en suis très sensible. Je trouve moi aussi un énorme plaisir à travailler avec toi. Je t'en remercie. Dors bien et à demain »

La formulation des messages démontre que la nature de la relation entre les intéressés débordait le cadre de relations professionnelles. Ainsi, Mme [M] et M. [L] s'adressent les messages suivants le 8 janvier 2016 :

- Mme [M] à 21h57 : « Bon il faut que je reprenne un Mojito alors ;) »,

- M. [L] en réponse : « J'en aurais bien pris un moi aussi »,

- Mme [M] : « Quand tu veux mais au Jack Daniel's ou un Royal :) »,

- M. [L] : « Les 2 ».

Les messages des 14 décembre 2015, 18 février ou encore 24 mars 2016 établissent que les intéressés dinaient ensemble : « Merci pour ce dîner ! Une belle nuit et à demain en forme ! », « Merci pour cette belle soirée ». Le sms de Mme [M] du 15 février 2016 dans lequel elle écrit : « Je sais mais il faut bien rattraper notre après-midi de vagabondage vendredi ... » conforte le témoignage de M. [S] qui, aux termes de son attestation, explique que : « ' La relation entre Mme [M] et M. [L] a semblé rapidement bonne, M. [L] se comportant comme un réel support et ami. (') Personnellement, M. [L] admettait lui-même avoir soutenu Mme [M] dans son parcours et l'apprentissage de sa nouvelle identité. Cela s'est traduit par de très fréquents déjeuners, le plus souvent en tête à tête. Ces pauses ont eu tendance à s'allonger (sans avoir fait de statistiques, c'est l'impression qui s'en dégageait). A leurs retours, les humeurs guillerettes étaient évidentes. Etant en charge de la saisie des factures fournisseurs (dont les facturettes carte bleue), j'atteste de la régulière consommation de verres de vin et/ou champagne au cours des déjeuners (pratique qui est clairement l'exception dans le fonctionnement de la société). Ces ambiances détendues étaient, selon moi, le révélateur de la complicité croissante, et évidente pour tous, entre Mme [M] et M. [L] tout au long de l'année 2016 ».

Il apparaît même que les intéressés ont partagé des problèmes très personnels, voire intimes, puisque le 16 février 2016, Mme [M] a écrit à 21h19 : « Ton appel est adorable mais ne t'inquiète pas. J'ai mes émotions presque sous contrôle (sourire). Il y a encore pas mal de trucs pas clairs mais nous en discuterons tranquillement les jours prochains. Rome ne s'est pas faite en un jour, je suis impatiente de naissance. »

M. [L] a alors répondu : « Je suis au cours de théâtre Je finis tard. Après 23h00 peut-être tu dormiras ' ».

Mme [M] lui a alors indiqué : « Non c'est ok. ».

De même, le 18 mars 2015, Mme [M] écrit : « Désolée pour ce qui t'arrive dans ta vie perso. Tu as tout mon soutien. Tu dois vivre d'abord pour toi. Tes passions et tout ça. Et les filles sauvages et intelligentes, ça se trouve ' en étant attentif et libéré des contingences. Prends ta vie en main et bouge ! Commence par discuter avec ta femme. Tu arrives bien à me parler de tout ça, ce n'est pas plus dur ».

M. [L] a répondu : « ça me touche ce que tu viens de me dire. Tu as raison je n'arrive pas à lui parler mais j'ai là une occasion que je ne dois pas rater. Merci ».

Mme [M] lui a alors indiqué : « Je suis de tout c'ur avec toi ! Choisi avec soin le moment pour lui parler, ne fais pas ça entre deux portes (') Courage ! (si ça ne va pas ce week-end, tu peux m'appeler) ».

Le 20 avril 2016, alors que Mme [M] explique à M. [L] sa souffrance psychologique, elle lui écrit : « Je suis désolée je n'arrive pas à garder le contrôle, je ne devrais pas te dire tout ça. Mais à qui j'en parle » et M. [L] répond : « Je t'écoute. Tu peux me parler. T'inquiète ».

Au-delà de la relation de grande proximité nouée entre les intéressés, il ressort des sms communiqués qu'un certain nombre de messages, en dehors de ceux invoqués supra par le salarié, que Mme [M] a adressés à M. [L] témoignaient des sentiments qu'elle ressentait pour lui y compris après le courriel du 24 février 2016. Il doit à cet égard être relevé que Mme [M] adressait à M. [L] des poèmes, dont certains étaient manifestement évocateurs.

Ainsi, le 7 février 2016 :

« S'éveiller au désir d'écrire

Démangeaison à tout te dire

Se tenir silencieuse

Les mains spécieuses '.. »,

ou encore les 13 et 18 février 2016 :

« Emergeant d'un rêve sans fin,

Une rencontre lumineuse,

Ce jour-là on se réveille enfin,

La vie n'a plus la même saveur,

L'existence n'a plus aucun goût '.. »,

« Je m'assis à côté de toi, sur le pas de la cabane, au fond des bois. Nous regardions ensemble les étoiles et c'était si beau que nous fîmes silence. Alors tu reviras vers moi en me demandant de te raconter une histoire. « attends, il faut d'abord que j'écoute les étoiles » Tu attendis, un peu, puis je me mis à conter. -- Merci pour cette soirée, une belle nuit auprès des anges. »,

ce à quoi M. [L] a répondu : « Belle douceur pour m'endormir ».

Or, le 25 septembre 2016, après la révélation par Mme [M] de ses sentiments, elle lui adresse à nouveau un poème chargé de sens, sans que ce dernier ne réagisse :

« ' désir d'une chose impossible, précisément parce qu'elle est impossible

Nostalgie de ce qui n'a jamais été

Sensualité de ce qui aurait pu... ».

Le 19 avril 2016, alors que Mme [M] a subi un arrêt maladie, M. [L] lui envoie un message d'encouragement et de soutien auquel la supérieure hiérarchique répond par un émoticon en forme de c'ur rouge.

Il en va de même le 22 avril 2016 :

M. [L] : « ' Au fait : c'est cool de retrouver la [O] que j'aime !! »,

Mme [M] répond merci avec un émoticon en forme de c'ur rouge, sans réaction de M. [L].

Il ressort de ces éléments que le salarié avait nécessairement conscience de la persistance des sentiments de sa supérieure hiérarchique à son égard et qu'il avait accepté cette situation.

Bien plus, la cour relève qu'après la première déclaration de Mme [M] du 24 février 2016, alors que M. [L] sait que Mme [M] est amoureuse de lui, il a adopté un comportement qui a alimenté les espoirs de sa supérieure. Ainsi, comme évoqué supra, il a continué à diner avec elle, notamment les 24 mars et 20 juillet 2016. Lorsqu'elle lui envoie un message pour le remercier de la soirée du 24 mars, « Merci pour cette belle soirée », il répond : « C'est moi [O]. Nous passons de super soirées. A demain ». Le 20 juillet, il adresse à Mme [M] ce message à 2h25 : « ça y est bien arrivé. Super soirée. Biz ».

Il a maintenu une grande proximité avec Mme [M], en restant très présent lors des difficultés personnelles qu'elle a rencontrées.

Il lui écrit ainsi :

- le 20 avril 2016 : « Arrête, Tu dois avoir confiance en toi. Rien de ce que j'ai pu écrire ne peux te faire de mal. Et de toute façon je n'avais pas fini et ce n'était pas encore mure. Alors relax. Respire. On a besoin de toi »,

- ou encore à la même date : « Je t'écoute. Tu peux me parler. T inquiète »,

- le 21 avril 2016 : « [O], Personne ne remet en cause la stratégie au contraire. Alors reviens ou c'est moi qui viens te chercher !!! »,

- le 22 avril 2016, comme indiqué supra : « ' Au fait : c'est cool de retrouver la [O] que j'aime !! ».

Il lui adresse également des messages évocateurs, notamment lors de son retour de vacances en Asie le 24 août 2016 :

- M. [L] : « Hello [O], Comment vas-tu ' Je t'ai appelé hier mais tu n'étais pas dispo ' Appelle moi qd tu veux »,

- Mme [M] : « Après quatre semaines tu t'es souvenu que j'existe »,

- M. [L] : « Tu blagues ' J'ai souvent pensé à toi »,

- Mme [M] : « C'est comme les sms, les ondes ne se transmettent pas bien depuis l'Asie »,

- M. [L] : « Quels sms. Je n'ai rien reçu de toi »,

- Mme [M] : « ni moi de toi, bref »,

- M. [L] : « Où es-tu ' »,

- Mme [M] : « chez moi, je bosse pas mal sur le bp »,

- M. [L] : « On peut se voir ' »,

Mme [M] : « J'ai un créneau aujourd'hui vers 12h30. On peut se retrouver aux Terrasses ... »,

- M. [L] : « Alors je te rejoins. A tout à l'heure »

- Mme [M] : « ok »,

- M. [L] : « Je suis super content de te voir. J'avais peur que tu partes sans que l'on ne se voit ! »

- Mme [M] : « ça a failli ' 12h15 je suis en avance »,

- M. [L] : « Ok alors je pars de suite ».

Fin août, début septembre 2016, alors que Mme [M] est en vacances, M. [L] écrit le 2 septembre 2016 :« Hello [O], Comment ça va ' Retraite enrichissante ' ». En l'absence de réponse, il lui adresse ce nouveau message : « Hello [O], Sympa de penser à moi ' », et lorsque Mme [M] lui répond le 4 septembre 2016 : « oui j'y pense un peu trop ... », M. [L] ne réagit pas.

Le 5 septembre 2016, alors que les intéressés discutent d'un sujet professionnel, M. [L] écrit : « Possessive ' ». Mme [M] répond : « Très ! », alors M. [L] indique : « Je sais!!! J'adore! ».

Comme le soutient l'employeur, l'ensemble de ces éléments démontre que M. [L], conscient des sentiments amoureux de Mme [M] à son égard, a accepté d'entretenir avec elle une relation ambivalente, excédant les relations professionnelles et même amicales.

Concernant les mesures de rétorsion que M. [L] invoque, la cour constate que le témoignage de M. [U] ne permet pas de conforter la violente prise à partie de Mme [M] à l'égard du salarié le 24 octobre 2016, au cours de laquelle elle lui aurait hurlé de de « foutre le camp » en précisant qu'il serait « licencié ». En effet, M. [U] se contente de rapporter une dispute entre les intéressés, sans en préciser l'imputabilité, ni corroborer les mots attribués à Mme [M], ni même indiquer le motif de la dispute, dès lors que sur ce point, il ne rapporte que les dires de M. [L].

La lecture des courriels échangés entre Mme [M] et M. [L] à partir du 24 octobre 2016 ne permet pas de démontrer l'existence de reproches infondés de Mme [M] à l'égard du salarié. En effet, l'appelant ne produit aucun élément probant permettant de remettre en cause les observations formulées par la supérieure hiérarchique, étant observé que M. [L] n'est pas toujours le seul destinataire de ces emails, qui n'ont, au demeurant, pas été contestés.

Concernant le défaut d'application des critères d'ordre du licenciement, et alors qu'il appartient au salarié d'établir l'existence de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel, la cour constate que M. [L] ne démontre pas qu'il n'était pas le seul salarié dans sa catégorie professionnelle.

En revanche, le salarié soutient à juste titre qu'il existe une proximité temporelle entre la dénonciation par M. [L] des faits de harcèlement sexuel le 27 octobre 2016 et l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique le 26 novembre suivant. Par ailleurs, le compte rendu de la réunion du conseil de surveillance du 16 novembre 2016 établit que l'appelant n'y a pas été convié, alors qu'il avait participé aux deux réunions précédentes des 12 octobre 2015 et 27 octobre 2016.

Néanmoins, ces deux seuls faits ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

M. [L] reproche à l'employeur un manquement à son obligation de sécurité, dès lors qu'il a ignoré l'alerte concernant le harcèlement sexuel dont il était victime. Il considère que l'attestation de M. [S] établit que l'employeur était au courant de l'instabilité émotionnelle de Mme [M], dont il ne l'a pas protégé.

L'employeur conteste tout manquement à l'obligation de sécurité, expliquant que le conseil de surveillance, après avoir entendu quelques salariés et pris connaissance des échanges de sms en 2015 et 2016, s'est rapidement rendu compte de la stratégie de M. [L].

L'article L4121-1 du code du travail dispose que : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

Par ailleurs, l'article L. 1153-4 du code du travail prévoit que « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel ».

Il ressort du témoignage de M. [S] que M. [L] était informé de l'instabilité émotionnelle de Mme [M] : « ' Lors de la prise de fonction en novembre 2015, M. [L] a effectué de nombreux entretiens afin de connaître ses équipes et ses collègues. Sur la fin de l'année 2015, nous avons eu plusieurs échanges informels afin de transmettre un maximum d'informations et de clés pour réussir au mieux son arrivée. Nous avions évoqué des points importants comme l'histoire récente de la société, le rapprochement d'équipes aux mentalités et caractères différents ou la personnalité de Mme [M] et ses récentes et ponctuelles difficultés à gérer ses émotions ... ». Même si l'origine de ces problèmes n'a pas été révélée à M. [L], il n'en demeure pas moins qu'il était au courant de la personnalité particulière de sa supérieure hiérarchique. Il ne saurait donc reprocher à la Sas Metrixware l'absence de mesure de protection. Au surplus, le salarié ne justifie pas avoir informé l'employeur de difficultés relationnelles rencontrées avec cette dernière avant le conseil de surveillance du 27 octobre 2016, alors qu'à cette date, Mme [M] avait manifestement cessé d'adresser des messages à caractère personnel à M. [L].

Par ailleurs, compte tenu des motifs précités, il est établi que M. [L], informé depuis le 24 février 2016 des sentiments de Mme [M] à son égard, a non seulement accepté la situation, mais a adopté vis à vis de cette dernière un comportement particulièrement ambigu, qui n'a pu qu'alimenter les espoirs de sa supérieure hiérarchique.

Il doit en conséquence être considéré que les premiers juges ont, à juste titre écarté tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et débouté M. [L] de sa demande indemnitaire.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la demande de résiliation judiciaire

M. [L] considère que le harcèlement sexuel dont il a été victime justifie la résiliation judiciaire de son contrat de travail, qui doit produire les effets d'un licenciement nul.

Subsidiairement, il soutient que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité justifie la résiliation judiciaire de son contrat de travail, qui doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'absence de harcèlement sexuel et de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Sur le bien-fondé du licenciement économique

M. [L] considère que les difficultés économiques du groupe ne sont pas démontrées par les tableaux que l'employeur s'est constitués et qui, au demeurant, révèlent une croissance du résultat d'exploitation de l'ordre de 20 % entre 2015 et 2016. Il souligne que les bilans et comptes de résultat de la Sas Metrixware ne sont pas produits. Il conteste l'affirmation de l'employeur suivant laquelle le développement de la société Echoes Labs était sa mission principale, soulignant que les stipulations de son contrat de travail n'en font pas mention. Enfin, il reproche à l'employeur un manquement à l'obligation de reclassement, puisqu'il ne justifie d'aucune recherche.

La Sas Metrixware rappelle avoir fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 28 avril 2011, puis d'un plan de continuation adopté le 16 septembre 2011. Elle explique avoir procédé, en juin 2014, au rachat de la société Echoes Labs dans le cadre de la nouvelle stratégie de développement afin de commercialiser des offres innovantes, ce rachat impliquant l'embauche d'un directeur des opérations, dont une partie de la rémunération était refacturée à la société Echoes Labs. L'employeur relate que cette société a été confrontée à d'importantes difficultés économiques ayant mené à des licenciements à partir du mois de juin 2016. Il précise qu'elle fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis le 16 mai 2018 et que son plan de continuation a dû être modifié par jugement du 4 août 2016 en raison de son incapacité à faire face aux échéances convenues. Il indique qu'aux termes d'un rapport d'audit, le conseil de surveillance a décidé de fermer le centre R & D de la société Echoes Labs, accusant de fortes pertes, et de supprimer le poste de directeur des opérations. Il soutient que la situation économique du groupe justifiait le licenciement, précisant que le résultat au 31 décembre 2015 n'est pas significatif compte tenu des reprises de provisions, alors que le résultat catastrophique pour l'année 2016 confirme les difficultés économiques. Il souligne, s'agissant des critères d'ordre, que M. [L] était le seul salarié de sa catégorie et s'agissant de l'obligation de reclassement, qu'aucun poste de reclassement n'était disponible au sein du groupe.

L'article L.1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

La Sas Metriware affirme qu' « aucun poste n'était disponible au sein de la société Metrixware ni au sein de la société Echoes Labs qui procédait également à des licenciements pour motif économique ».

Par ailleurs, aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur indique que « Nous avons procédé à des recherches de poste de reclassement dans l'ensemble du groupe, mais compte tenu du contexte décrit ci-dessus, celles-ci se sont révélées infructueuses ».

Cependant, il ne produit au soutien de ses dires aucun élément probant justifiant que les recherches de reclassement auxquelles il se devait de procéder en application des dispositions précitées n'ont pas permis de formuler la moindre proposition de reclassement auprès du salarié. L'employeur ne communique ainsi aucune pièce, ni même aucun élément d'information concernant tant l'effectif de l'entreprise et du groupe, dont la composition n'est au demeurant pas justifiée ni même explicitée, que l'indisponibilité de tout poste, même de catégorie inférieure, privant ainsi le licenciement de M. [L] de cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières

En l'absence de paiement de l'indemnité compensatrice de préavis au salarié et en application de l'article 15 de la convention collective applicable fixant la durée de ce préavis pour les cadres à 3 mois, il convient de fixer la créance de M. [L] à ce titre, dans la limite de la demande, à la somme de 20 000 euros, outre les congés payés afférents, soit 2 000 euros.

Lors de la rupture du contrat de travail, l'ancienneté de M. [L] était inférieure à deux ans.

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L1235-3 du même code selon lesquelles il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement intervenant dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés. En cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

A la date du licenciement, M. [L] percevait une rémunération mensuelle brute de 8 098,24 euros. Il avait 52 ans et bénéficiait d'une ancienneté d'un peu plus d'un an au sein de l'entreprise. Il justifie avoir été indemnisé par Pôle emploi au titre de l'allocation de sécurisation professionnelle jusqu'au 31 août 2017, mais ne communique aucune information actualisée concernant sa situation professionnelle.

En conséquence, il convient d'évaluer à la somme de 25 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L1235-5 du code du travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la Sas Metrixware.

La demande formée par M. [L] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives au harcèlement sexuel, au manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et à la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Dit que le licenciement de M. [Y] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la Sas Metrixware à payer à M. [Y] [L] les sommes suivantes :

- 20 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 000 euros au titre des congés payés afférents,

- 25 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif ;

Condamne la Sas Metrixware aux dépens de première instance et d'appel

Condamne la Sas Metrixware à payer à M. [Y] [L] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 19/00011
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°19/00011 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;19.00011 ?
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