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03/12/2020 | FRANCE | N°18/04411

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 03 décembre 2020, 18/04411


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 88H


5e Chambre





ARRET N°20/917





CONTRADICTOIRE





DU 03 DECEMBRE 2020





N° RG 18/04411





N° Portalis


DBV3-V-B7C-SXIC





AFFAIRE :





CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS





C/





SA BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE








Décision déférée à

la cour : Jugement rendu le 13 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES


N° RG : 13-01762








Copies exécutoires délivrées à :





-la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES





-la SELEURL Anne-Laure Denize








Copies certifiées conformes délivrées à :





-CAISS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

ARRET N°20/917

CONTRADICTOIRE

DU 03 DECEMBRE 2020

N° RG 18/04411

N° Portalis

DBV3-V-B7C-SXIC

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

C/

SA BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° RG : 13-01762

Copies exécutoires délivrées à :

-la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES

-la SELEURL Anne-Laure Denize

Copies certifiées conformes délivrées à :

-CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

-SA BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

[...]

[...]

représentée Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901

APPELANTE

****************

SA BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE

[...]

[...]

représentée par Me Anne-laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D276

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 08 Octobre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Morgane BACHE

Selon la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (ci-après, la 'CPAM' ou la 'Caisse'), M.L... T..., salarié de la société Bouygues Bâtiment Île-de-France (ci-après, la 'Société'), en qualité de boiseur, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une 'épicondylite gauche' le 19mars1997.

La Caisse indique avoir pris en charge cette affection au titre de la législation professionnelle.

Le 24juillet2013 la Société a sollicité l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie déclarée le 19mars 1997 en saisissant la commission de recours amiable (ci-après la 'CRA') de la CPAM.

En l'absence de décision prise dans le délai imparti, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (ci-après le 'TASS') à l'encontre de la décision implicite de rejet de la CRA, le 23octobre2013.

Par jugement contradictoire en date du13septembre2018 (13-01762/V), le TASS a rendu la décision suivante :

- rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la CPAM tenant à la prescription de l'action de la Société ;

- déclare la Société recevable en son recours et l'en dit bien fondée ;

En conséquence,

- déclare inopposable à la Société la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. T... du 19mars1997 par la CPAM ;

La CPAM a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue le 22octobre2018 par le greffe de la cour.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 28février2020. A l'audience, un renvoi en collégiale a été sollicité dans la mesure où la discussion portait notamment sur une éventuelle prescription de l'action de la Société, sur la base du droit commun de la prescription en matière de procédure civile. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 8 octobre 2020, date à laquelle l'affaire a été plaidée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et pièces déposées ou soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la demande de renvoi et de radiation

A l'audience, le conseil de la CPAM sollicite le renvoi de cette affaire à une date ultérieure, ou à défaut sa radiation, dans la mesure où il a conclu et communiqué tardivement ses pièces.

La Société sollicite le renvoi de l'affaire ou à tout le moins le retrait des pièces de la Caisse dans la mesure où elle n'en a pas eu connaissance et ne s'oppose pas à la radiation de l'affaire.

Sur ce

La cour rappelle que la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est orale. Rien n'impose à une partie de déposer des conclusions écrites, la cour veillant pour sa part, en tant que de besoin, à assurer le respect du contradictoire.

En l'espèce, lors de l'audience, la cour a rappelé que cette affaire avait déjà fait l'objet d'un renvoi lors de la précédente audience du 28février2020 dans la mesure où les parties n'avaient pas conclu et qu'une demande de renvoi à une audience collégiale avait été formulée.

Au demeurant, d'autres affaires concernant les mêmes parties ont également été convoquées à cette même audience, pour le motif précis qu'elles soulevaient des questions similaires.

La CPAM était donc pleinement informée et a d'autant plus disposé de tout le temps nécessaire pour pouvoir présenter une défense qu'elle est appelante.

En l'occurrence, la Caisse ne produit aucune pièce devant la cour et ne justifie pas en avoir transmis à la Société. L'affaire ayant été renvoyée, il y a plusieurs mois, la Caisse n'est aucunement fondée à solliciter un renvoi ou la possibilité de communiquer ses pièces à la cour dans le temps du délibéré.

Par ailleurs, la Société n'ayant pas eu connaissance des conclusions écrites de la CPAM, qui ont été déposées le jour de l'audience, celles-ci seront déclarées irrecevables.

En outre, la cour constate que la Caisse et la Société sont représentées à l'audience et peuvent donc faire valoir leurs observations.

Enfin, la cour relève que, depuis le renvoi octroyé en février 2020, elle a statué, dans des affaires similaires, sur la question de la prescription de l'action de l'employeur du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Chacune des parties a ainsi eu la possibilité de présenter à la cour les arguments qu'elle considérait les plus appropriés à la défense de ses intérêts.

Le renvoi n'étant pas de droit et ne devant pas être utilisé à des fins abusives ou dilatoires, et les parties étant présentes, il n'existe aucune raison objective pour faire droit à la demande de renvoi ou de radiation et retarder ainsi le prononcé d'une décision au fond.

En conséquence la demande de renvoi est rejetée.

Sur la prescription

La Caisse soulève à titre principal la prescription de l'action en inopposabilité de la Société.

Elle expose notamment que la Société verse aux débats la déclaration de maladie professionnelle de M.T... et qu'elle a été associée à l'enquête diligentée par la CPAM dans le cadre de cette maladie professionnelle.

Elle fait également valoir que la Société a établi une attestation de salaire en 1999 et qu'elle a réglé ses cotisations accident du travail/maladies professionnelles.

Elle considère donc que la Société avait connaissance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de M.T... au plus tard en 1999.

La Caisse fait également valoir que compte tenu du délai d'archivage de deux ans et demi, elle se trouve dans l'impossibilité de se défendre dès lors qu'elle ne dispose plus des éléments du dossier de ce salarié. Il y aurait donc une rupture de l'égalité des armes.

La CPAM indique que, compte tenu de la réforme de la prescription issue de la loi du17juin2008, entrée en vigueur le19juin2008, ramenant le délai de prescription de droit commun à cinq ans, la Société avait jusqu'au 19juin2013 pour saisir le TASS de sa demande d'inopposabilité et qu'en saisissant le tribunal le 23octobre 2013, la Société était donc prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil.

La Société expose qu'à supposer qu'il existe, le délai de prescription ne court qu'à compter d'une date certaine. Il appartient notamment à la Caisse de prouver qu'elle a informé l'employeur de la fin de l'instruction et qu'elle lui a notifié la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M.T..., déclarée le 19mars1997. S'agissant de l'attestation de salaire, la Société fait valoir que cela ne constitue pas un élément de preuve suffisant pour démontrer qu'elle avait connaissance du caractère professionnel de la maladie du19mars1997 dès lors que M. T... a souscrit plusieurs maladies professionnelles.

Sur ce

A titre préliminaire, la cour indique qu'elle est saisie d'un autre dossier relatif à la situation médicale de M.T... concernant une autre maladie professionnelle, également déclarée en 1997, et deux rechutes de cette autre maladie.

Une telle situation engendre objectivement un risque de confusion qu'il appartenait à la Caisse de contribuer à dissiper.

En l'espèce, la Caisse ne justifie en aucune mesure avoir adressé à la Société une copie de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M.T..., ni même une lettre informant la Société de la date à laquelle cette prise en charge est intervenue.

La Caisse ne produit pas davantage de document permettant de vérifier la date à partir de laquelle la Société a pu avoir connaissance de la prise en charge de la maladie professionnelle de ce salarié, comme un relevé des cotisations AT/MP sur lequel figurent habituellement les différentes occurrences justifiant le montant sollicité.

En d'autres termes, la Caisse ne soumet à l'examen de la cour aucun élément permettant de déterminer avec certitude la date à laquelle la Société a pu avoir effectivement connaissance de la décision de prise en charge par la Caisse de la maladie professionnelle de M.T....

La Caisse indique que la Société ne peut ignorer le caractère professionnel de la maladie de ce salarié dans la mesure où elle a été associée à l'enquête diligentée par la CPAM.

La circonstance que l'employeur ne l'ignore pas ne saurait faire courir à son égard une quelconque prescription, tant il se peut que, pour une raison ou pour une autre, l'employeur n'ait pas été destinataire de la décision en cause. Au demeurant, la circonstance qu'une enquête soit diligentée n'a pas nécessairement pour corollaire que la Caisse décide de prendre en charge la pathologie ayant fait l'objet de l'instruction dont l'employeur a été informé.

Il en résulte que, quelle que soit la prescription éventuellement applicable, aucune ne peut être opposée à la Société et il convient de statuer sur le fond.

Sur le fond

Il résulte de ce qui précède que la Société était fondée à estimer pouvoir contester, le 24juillet2013, la décision de prise en charge par la Caisse de la maladie professionnelle de M.T....

Aux termes de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur à l'époque des faits :

Hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.

En cas de réserves de la part de l'employeur ou en cas de contestation préalable par la caisse sur le caractère professionnel de l'accident, la caisse, en l'absence d'enquête légale, envoie avant décision un questionnaire simultanément à l'employeur et à la victime, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Le double de la déclaration de maladies professionnelles adressée par l'assuré à la caisse primaire est envoyé à l'employeur. Le double de la demande de reconnaissance de la rechute d'un accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence.

Aux termes de l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige :

Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

En vertu de ces dispositions, il existe bien une obligation pour la Caisse de notifier à l'employeur la nécessité d'une instruction.

Si la Caisse choisit de ne pas informer l'employeur de la décision qu'elle aura finalement prise, elle doit en supporter les conséquences en termes de recours éventuel puisque, par définition, dans une telle hypothèse, le délai pour le former n'a pas commencé à courir.

Si la Caisse choisit de notifier sa décision à l'employeur, ce qu'il lui aurait appartenu de faire au demeurant, c'est à elle qu'il appartient de pouvoir justifier, par tout moyen, de la date à laquelle cette notification est intervenue, en tout cas de la date à laquelle l'employeur a pu en avoir connaissance.

En l'espèce, la Société a versé aux débats, dans le cadre de la première instance, la déclaration de maladie professionnelle de M.T... du19mars1997 ainsi que la lettre d'information sur la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction de la CPAM du 9mai1997.

En revanche, la Caisse ne justifie en aucune mesure avoir adressé à la Société une copie de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M.T... le19mars1997, ni même une lettre informant la Société de la date à laquelle cette prise en charge est intervenue.

La cour rappelle que l'inobservation des formalités prescrites ci-dessus est sanctionnée par l'inopposabilité de la décision de prise en charge du caractère professionnel de la maladie de M.T....

En fait, la Caisse se trouve dans l'incapacité de démontrer qu'une décision de prise en charge serait intervenue, encore moins qu'elle l'a été.

La Caisse est d'autant moins fondée à reprocher à la Société de ne pas produire des pièces, comme des bulletins de salaire, contemporains de l'accident et des années qui ont suivi, dans la mesure où elle-même revendique de ne pas pouvoir produire de pièce pour le même motif du délai qui s'est écoulé depuis la décision de prise en charge.

En conséquence de ce qui précède, la CPAM ne justifiant pas avoir informé la Société de la prise en charge de la maladie professionnelle, ni respecté le principe du contradictoire résultant des articles R.441-11 et R.441-14 du code de la sécurité sociale, la décision de prise en charge de la maladie de M.T..., déclarée le19mars1997 est inopposable à la Société.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur les dépens

La CPAM, qui succombe à l'instance, supportera les dépens éventuellement exposés depuis le1erjanvier2019.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement (13-01762/V) du tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines en date du 13septembre2018, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis aux dépens éventuellement exposés depuis le 1erjanvier2019 ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04411
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/04411 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;18.04411 ?
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