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03/12/2020 | FRANCE | N°18/02428

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 03 décembre 2020, 18/02428


COUR D'APPEL DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°432



CONTRADICTOIRE



DU 03 DÉCEMBRE 2020







N° RG 18/02428

N° Portalis DBV3-V-B7C-SNAV







AFFAIRE :



[N] [G] [F]



C/



SASU ASSYSTEM ENGINEERING AND OPERATION SERVICES







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mai 2018 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT


N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 15/01683







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Alina PARAGYIOS



Me Martine DUPUIS



Le : 04 décembre 2020





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS...

COUR D'APPEL DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°432

CONTRADICTOIRE

DU 03 DÉCEMBRE 2020

N° RG 18/02428

N° Portalis DBV3-V-B7C-SNAV

AFFAIRE :

[N] [G] [F]

C/

SASU ASSYSTEM ENGINEERING AND OPERATION SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mai 2018 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 15/01683

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alina PARAGYIOS

Me Martine DUPUIS

Le : 04 décembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [G] [F]

né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 14] - CAMEROUN

de nationalité camerounaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Alina PARAGYIOS, plaidant/constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374, substituée par Me Anthony STEINITZ, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SASU ASSYSTEM ENGINEERING AND OPERATION SERVICES

N° SIRET : 444 159 164

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Andrée FOUGERE de la SELASU SELAS D'AVOCAT ANDRÉE FOUGERE, plaidante, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : J050, substituée par Me Agnès BONNES, avocate au barreau de PARIS et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Elodie BOUCHET-BERT,

Rappel des faits constants

La SASU Assystem Engineering and Operation Services dite Assystem EOS, dont le siège social est situé à [Localité 13], est spécialisée dans l'ingénierie et les études techniques. Elle emploie plus de deux mille salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

M. [N] [G] [F], né le [Date naissance 2] 1990, a été engagé par cette société le 8 septembre 2014 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'ingénieur, position 1.2, coefficient 100, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 667 euros.

Dans le cadre d'une surveillance renforcée liée à son statut de travailleur handicapé, M. [G] [F] a, le 21 juillet 2015, fait l'objet d'une visite médicale à l'issue de laquelle le médecin du travail a conclu qu'il était « souhaitable d'organiser le transport personnalisé domicile-travail par un transporteur qui s'adaptera aux horaires du salarié pour le travail ».

Le transport personnalisé domicile-travail du salarié a été mis en place et pris en charge par l'employeur par l'intermédiaire de son service Mission Handicap à compter du mois d'août 2015, sous la forme d'un remboursement des frais sur présentation de justificatifs à l'exception de la période du 8 au 30 septembre 2015 pour laquelle un contrat de transport personnalisé a été conclu avec la société Voyages & Business Transfert.

Après un entretien préalable fixé au 15 janvier 2016 auquel le salarié ne s'est pas présenté, le courrier étant revenu avec la mention « pli non avisé et non réclamé », M. [G] [F] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier du 22 janvier 2016, motifs pris de l'illégalité et la falsification des justificatifs de frais de taxi et de la disproportion des dépenses d'octobre à décembre 2015. Le salarié a par ailleurs été mis à pied.

M. [G] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en contestation de son licenciement par requête reçue au greffe le 5 octobre 2015.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 3 mai 2018, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- mis hors de cause la société Assystem France,

- débouté M. [G] [F] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SASU Assystem EOS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens éventuels à la charge du demandeur.

La procédure d'appel

M. [G] [F] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 18/02428 du 29 mai 2018 uniquement à l'encontre des dispositions du jugement relatives à la seule SASU Assystem EOS.

Prétentions de M. [G] [F], appelant

Par conclusions adressées par voie électronique le 31 juillet 2018, M. [G] [F] conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire que le licenciement dont il a fait l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en conséquence,

- condamner la SASU Assystem EOS à lui payer la somme de 711,20 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- condamner la SASU Assystem EOS à lui payer la somme de 2 667 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 266,70 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la SASU Assystem EOS à lui régler la somme de 1 270,03 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 127 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la SASU Assystem EOS à lui payer la somme de 4 754 euros au titre du remboursement des notes de frais de transport pour la période d'octobre à décembre 2015,

- condamner la SASU Assystem EOS à lui payer la somme de 64 008 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SASU Assystem EOS à lui payer la somme de 16 002 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.

L'appelant sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal et une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la SASU Assystem EOS, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 22 octobre 2018, la SASU Assystem EOS conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.

Elle sollicite enfin une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 7 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 octobre 2020.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, « tout licenciement pour motif personnel (') est justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La cause doit être réelle, objective et reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables. Elle doit également être sérieuse. Les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en rapporter seul la preuve. Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Par courrier du 22 janvier 2016, le salarié a été licencié pour faute grave dans les termes suivants :

'A titre liminaire, il convient de rappeler que vous bénéficiez d'une prise en charge de vos frais de transport domicile-lieu de mission chaque jour, compte tenu de votre reconnaissance de salarié en situation de handicap. Conformément aux règles de prise en charge des frais, il vous appartient de fournir à l'appui de votre demande de remboursement les justificatifs adéquats.

Vous nous avez adressé en date du 27 novembre 2015, un courrier électronique, qui n'a pas manqué de retenir toute notre attention. Vous y manifestez votre fort mécontentement concernant le non-remboursement dans les délais impartis, des frais susmentionnés pour les mois de septembre et d'octobre 2015.

A réception de vos notes de frais de septembre et octobre 2015, nous vous avions informé de notre incapacité à rembourser des frais de taxi à l'appui de bulletins de 'courses groupées' et nous vous avions invité à nous renvoyer des demandes de remboursements conformes. Ces informations vous ont été communiquées par email les 14/09/15 et 27/11/15, et à l'oral par moi-même les 15/10/15 et 16/10/15. Vous avez affirmé de façon péremptoire que vous ne changeriez pas votre façon de procéder. Vous saviez parfaitement, compte tenu de nos échanges, que vous pourriez être défrayé sur les bases transmises au risque de faire supporter à l'entreprise et à vous-même un risque Urssaf.

Considérant votre entêtement et votre courriel, nous avons mené une vérification approfondie de vos notes de frais de septembre et octobre 2015, puis de novembre et décembre 2015, transmises entre le 27 novembre 2015 et le 30 décembre 2015, date de votre mise à pied conservatoire et convocation à un entretien préalable. Nous avons constaté plusieurs faits graves :

- Vous avez établi de faux justificatifs à l'appui de vos demandes de remboursement en falsifiant des bulletins de course de compagnies de taxi, d'août 2015 à décembre 2015 inclus. Les factures de taxi présentées regroupent plusieurs courses sur un même bulletin et pour une période donnée. Ainsi peut-on relever :

Août 2015, 1 518 euros pour 21 trajets aller et 21 trajets retour,

Septembre 2015, 420 euros pour 6 trajets aller et 5 trajets retour,

Octobre 2015, 2 527 euros pour 10 trajets aller et 10 trajets retour,

Novembre 2015, 4 817 euros pour 18 trajets aller et 18 trajets retour,

Décembre 2015, 2 410 euros pour 9 trajets aller et 9 trajets retour,

- D'autre part, les montants mentionnés pour le mois d'octobre, novembre et décembre représentent des dépenses disproportionnées au regard du montant de la course moyenne estimée pour les trajets considérés.

- Nous avons contacté la compagnie de taxis afin de faire la lumière sur la pratique éventuelle d'un bon de course globale et par conséquent sur l'authenticité de ces documents. La compagnie de taxi nous a immédiatement répondu que la réglementation impose aux chauffeurs, d'établir un bulletin de course par trajet. Après enquête et auditions des chauffeurs, aisément identifiables par les numéros mentionnés sur les bons de course fournis, tous ont réfuté de manière unanime, être les auteurs des bulletins de course globaux. Tous ont également affirmé n'avoir perçu aucun règlement aux montants mentionnés.

Il est surprenant d'ailleurs de souligner que votre écriture inscrite sur votre contrat de travail (mentions de vos initiales et précédant votre signature) et celle portée sur les bulletins de course d'août 2015, septembre 2015, novembre 2015, décembre 2015 que vous avez transmis, présentent une possible similitude.

Au regard des faits qui vous sont reprochés ci-dessus, nous avons décidé de prononcer par la présente votre licenciement pour faute grave'.

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, M. [G] [F] se voit reprocher l'illégalité et la falsification des notes de frais d'une part et la disproportion des dépenses d'autre part.

La SASU Assystem EOS reproche en premier lieu à M. [G] [F] d'avoir produit des bulletins de courses illégaux et falsifiés.

Les parties s'accordent pour retenir que M. [G] [F] a produit des bulletins de courses « groupées ».

Or, la législation applicable, à savoir l'arrêté du 10 septembre 2010 relatif à la délivrance des notes pour les courses de taxi et l'arrêté du 6 novembre 2015 relatif à l'information du consommateur sur les tarifs de taxi, prescrit l'établissement d'une note pour toutes les prestations de courses de taxi, qui ne peut concerner qu'un déplacement unique.

Les bulletins de courses groupées produits par M. [G] [F] sont donc manifestement contraires aux règles de la profession.

M. [G] [F] conteste l'illégalité des bulletins de courses en faisant valoir d'une part que cette pratique aurait été autorisée et encouragée par la SASU Assystem EOS et que rien ne s'opposerait à la rédaction de factures groupées puisque la société Voyages & Business Transfert, filiale de la société G7, a procédé à une facture groupée des transferts réalisés sur la période du 8 au 30 septembre 2015.

Cependant, il est établi que la SASU Assystem EOS n'a ni autorisé, ni encouragé la pratique des bulletins de courses groupées, même si elle a procédé aux premiers remboursements avant de s'inquiéter de la situation.

Il résulte de l'historique des remboursements que la société a certes remboursé début octobre, les bulletins de courses groupées d'août et septembre 2015 pour des montants respectifs de 1 518 euros et 420 euros et qu'elle a consenti une avance de frais pour octobre, mais qu'après réception de la note de frais d'octobre et compilation des notes de frais précédentes, Mme [E], chargée de la Mission Handicap, a notifié à M.[G] [F] le rejet des justificatifs produits.

Par courriel du 27 novembre 2015, elle a en effet écrit au salarié : « ['] il ne peut y avoir une seule facture justifiant 10 allers/retours réalisés. Pour rappel, tu dois nous fournir un justificatif par trajet et non un global comme pour tout remboursement de note de frais. Je te propose de me faire parvenir les justificatifs détaillés de ces trajets afin de procéder au remboursement. Nous n'accepterons plus de justificatifs pour des frais de taxi groupés en forfait. Seuls les justificatifs par course individuelle seront pris en compte pour un remboursement. Pour ton information, nous avons contacté la société de taxi t'ayant fourni cette facture (qui aurait dû être éditée par trajet et non groupée) afin de comprendre ce qu'il s'est passé » (pièce 38b de l'employeur).

La facture groupée émise par la société Voyages & Business Transfert pour la période du 8 au 30 septembre 2015 s'explique par la nature spécifique du contrat souscrit consistant en une vente de prestations de transferts en taxi à un tarif forfaitaire prenant en considération un type de véhicule, les trajets à réaliser et leur fréquence, conclu entre une agence de voyage et un utilisateur et ne peut être rapprochée de la course de taxi.

Le caractère illégal des bulletins de courses est ainsi établi.

La SASU Assystem EOS reproche également à M. [G] [F] d'avoir falsifié des bulletins de courses afin d'obtenir des remboursements indus.

Pour établir cette falsification, l'employeur fait état de mentions manuscrites portées sur les bulletins et de la réfutation unanime de chacun des conducteurs de taxi concernés par lesdits bulletins des surcharges manuscrites relatives au trajet et au montant.

Il est d'abord justifié de la réfutation unanime de chaque conducteur de taxi d'être l'auteur des mentions manuscrites portées sur les bulletins litigieux.

La SASU Assystem EOS produit une lettre des Taxis G7 (sa pièce 24) rédigée en ces termes :

« Après audition des chauffeurs de taxi concernés, nous sommes en mesure de vous procurer les éléments d'information suivants. De façon unanime, les conducteurs de taxi concernés nient avoir modifié les fiches en question et avoir effectué plusieurs trajets. Le numéro d'immatriculation [Immatriculation 6] (octobre 2015) ne correspond pas à un chauffeur affilié... et semble avoir été passé au tipex. Sur le bulletin du taxi immatriculé [Immatriculation 8] (novembre 2015), il y a une surcharge concernant 18 allers/retours. Là encore, le chauffeur concerné réfute avoir été l'auteur de cette annotation... Sur le bulletin du taxi immatriculé [Immatriculation 9] (août 2015), il y a une surcharge des champs « lieu de départ et d'arrivée » ainsi qu'un message concernant 21 trajets allers/21 retours. Là encore, le chauffeur réfute avoir été l'auteur de cette annotation...En ce qui concerne le chauffeur [Immatriculation 10] (septembre 2015), nous vous confirmons que le chauffeur n'a effectué qu'un seul transport en date du 17/09/2015 pour une valeur de 36,90 euros payé en relevé sur votre compte, référence 182010821. Les chauffeurs concernés se réservent le droit de porter plainte concernant cette falsification de leurs bulletins de courses. »

Cette lettre est corroborée par la production aux débats des attestations de trois chauffeurs de taxi, à savoir M. [V], M. [Y] et M. [D], toutes concordantes pour indiquer qu'ils ont bien pris en charge M. [G] [F] et qu'ils lui ont délivré un bulletin de voiture pour une seule et unique course conformément à la réglementation des taxis parisiens.

Il est également constaté la falsification des bulletins par des surcharges manuscrites et leur imputation au salarié.

La SASU Assystem EOS produit à ce titre un rapport de comparaison d'écritures établi par Mme [C], expert près la cour d'appel de Paris, expert agréé par la Cour de cassation, qui a comparé l'écriture des mentions manuscrites ajoutées en surcharge sur les bulletins de courses litigieux avec l'écriture de documents manuscrits émanant de M. [G] [F].

Le rapport indique : « Même si nous n'avons pu observer les documents originaux, entre les écritures manuscrites en Q1, Q2 et 3 et les spécimens cotés C, nous n'avons relevé aucune différence significative dans les caractéristiques graphiques, mais au contraire, nous avons noté de nombreuses similitudes, notamment dans les proportions et les systèmes de liaison. Ainsi l'hypothèse que ces mentions puissent émaner d'un même scripteur peut être soutenue, n'émanent pas d'un même scripteur ne peut être soutenue [...] »

L'expert conclut : « Les écritures manuscrites apposées sur les trois bulletins de course sont vraisemblablement de la main de M. [G] [F]. Seul l'examen des spécimens en original permettra d'émettre un avis péremptoire. »

La SASU Assystem EOS précise qu'elle n'a pas en sa possession les bulletins de course en original, qu'elle les aurait, bien entendu, remis à l'expert si elle les avait détenus pour obtenir un avis sans réserves.

Au regard de ces éléments, il sera retenu que le premier grief tenant à l'illégalité et la falsification des bulletins de courses est matériellement établi.

La SASU Assystem EOS reproche en deuxième lieu à M. [G] [F] les montants disproportionnés du coût du transport aller-retour domicile-lieu de travail

Étant rappelé qu'aux termes de l'avis du médecin du travail, la prise en charge des frais concerne le trajet domicile-travail par un transporteur devant s'adapter aux horaires du salarié pour le travail, entre [Localité 12] et [Localité 11], la moyenne des trajets du mois de juillet 2015 ressortant à un peu moins de 28 euros (pièce 13 de l'employeur).

Les bulletins de courses groupées produits par M. [G] [F] font ressortir des coûts unitaires de trajet pouvant atteindre plus de 133 euros. Ainsi, pour août 2015, 1 518 euros pour 42 trajets, soit un coût unitaire de 36,14 euros, pour septembre 2015, 420 euros pour 11 trajets, soit un coût unitaire de 38,18 euros, pour octobre 2015, 2 527 euros pour 20 trajets soit un coût unitaire de 126,35 euros, pour novembre 2015,4 817 euros pour 36 trajets soit un coût unitaire de 133,81 euros et pour décembre 2015, 2 411 euros pour 18 trajets, soit un coût unitaire de 133,94 euros.

A titre de comparaison, même si la prestation n'était pas tout à fait identique, le trajet effectué par Voyages & Business Transfert au mois de septembre 2015 a été facturé 36,30 euros TTC.

Au regard de ces éléments, les notes de frais transmises par M. [G] [F] apparaissent d'un montant exorbitant.

Pour justifier pour partie de ces coûts, le salarié fait valoir qu'il a été hébergé par une amie demeurant à [Localité 7].

Cet argument ne peut cependant être retenu puisque M. [G] [F] demeurait toujours à L'Hay-les-Roses ainsi que cela résulte de ses conclusions de première instance et de l'acte de saisine du conseil de prud'hommes, la convention de prise en charge ne concernant que le trajet domicile-travail et non un autre trajet.

Ce deuxième grief est donc matériellement établi.

La falsification de justificatifs de frais destinée à faire supporter des remboursements indus à l'employeur implique un manquement du salarié à son obligation essentielle de loyauté et constitue donc une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Le licenciement de M. [G] [F] à l'initiative de la SASU Assystem EOS prononcé pour faute grave est bien fondé.

Le salarié sera débouté de ses demandes contraires, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la procédure vexatoire

M. [G] [F] soutient ici que le motif de son licenciement est particulièrement vexatoire en ce qu'il porte atteinte à sa réputation notamment auprès de ses collègues qui ont nécessairement dû avoir connaissance des accusations de faux portées à son encontre.

Compte tenu toutefois de la teneur de la décision rendue qui a retenu comme établies les falsifications reprochées au salarié, celui-ci ne justifie pas d'une faute de son employeur susceptible de commander l'allocation de dommages-intérêts.

Il n'allègue par ailleurs aucune circonstance, indépendamment de la cause réelle et sérieuse du licenciement, dans laquelle le licenciement a été prononcé pouvant être humiliante ou vexatoire.

M. [G] [F] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour conditions du licenciement vexatoires, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le remboursement des notes de frais

M. [G] [F] indique ne pas avoir été réglé de l'intégralité de ses notes de frais de transport et demande que la SASU Assystem EOS soit condamnée à lui payer la somme totale de 4 754 euros correspondant aux frais d'octobre, novembre et décembre 2015.

Faute toutefois de justifier de la réalité des frais de transport dont il demande le remboursement, compte tenu des falsifications retenues et des distances non prises en charge, le salarié sera débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

M. [G] [F], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à la SASU Assystem EOS une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 000 euros.

M. [G] [F] sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 3 mai 2018 et y ajoutant,

CONDAMNE M.[N] [G] [F] à payer à SASU Assystem EOS une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [N] [G] [F] de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE M. [N] [G] [F] au paiement des entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Isabelle Vendryes, présidente, et par Madame Elodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02428
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°18/02428 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;18.02428 ?
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