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03/12/2020 | FRANCE | N°18/02309

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 03 décembre 2020, 18/02309


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H



5e Chambre











ARRET N°20/944



CONTRADICTOIRE



DU 03 DECEMBRE 2020



N° RG 18/02309



N° Portalis

DBV3-V-B7C-SMMR



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS





C/





SA COLAS ILE DE FRANCE NORMANDIE





Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 03 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires

de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° RG : 17-00457/V





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES



Me Isabelle RAFEL





Copies certifiées conformes délivrées à :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

ARRET N°20/944

CONTRADICTOIRE

DU 03 DECEMBRE 2020

N° RG 18/02309

N° Portalis

DBV3-V-B7C-SMMR

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

C/

SA COLAS ILE DE FRANCE NORMANDIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 03 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° RG : 17-00457/V

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES

Me Isabelle RAFEL

Copies certifiées conformes délivrées à :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

SA COLAS ILE DE FRANCE NORMANDIE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 - N° du dossier 2018-241 substituée par Me Rachel LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 - N° du dossier 2018-241

APPELANTE

****************

SA COLAS ILE DE FRANCE NORMANDIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Leila VOLLE, avocat au barreau de VERSAILLES,

vestiaire : 718

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valentine BUCK, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [D] [W] a été embauché le 2 avril 1990 par la société Colas Île-de-France Normandie (ci-après la 'Société'), en qualité de maçon VRD.

Le 14 octobre 2014, M. [D] [W] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (ci-après la 'Caisse' ou 'CPAM'), accompagnée d'un certificat médical initial établi le 17 septembre 2014 faisant état de 'pleurésies exsudatives gauches', aux termes de laquelle il est mentionné qu'il a travaillé auprès de différents employeurs :

- du 21/02/1966 au 01/10/1966 : Entreprise Huguet

- du 01/10/1966 au 30/06/1969 : Boulangerie Pâtisserie

- du 07/10/1969 au 28/02/1986 : Cables Lyonnais Alcatel

- du 01/12/1986 au 18/04/1987 : Sofitra

- du 21/04/1987 au 06/11/1987 : Secorail

- du 09/11/1987 au 30/11/1989 : SNC RCFC

- du 01/12/1989 au 31/03/1990 : MCM TP

Par courrier en date du 2 février 2015, la Caisse a informé la Société de la prise en charge de la pathologie de M. [D] [W] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier en date du 30 mars 2015, la Société a saisi la commission de recours amiable (ci-après 'CRA') afin de contester l'opposabilité de la décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 28 mai 2015, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (ci-après 'TASS') afin de contester la décision implicite de rejet de la CRA.

Par décision en date du 23 septembre 2005, la CRA a confirmé la décision de la Caisse.

Par jugement contradictoire en date du 3 avril 2018 (n° 17-00457/V), le TASS a :

- déclaré inopposable à la Société la décision de la Caisse du 2 février 2015 de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée par M. [D] [W] le 14 octobre 2014 ;

- débouté la Caisse de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la Caisse à payer à la Société la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la Caisse de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue 17 mai 2018, la Caisse a interjeté appel.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 25 novembre 2019. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 16 mars 2020, qui a été annulée. Les parties ont alors été convoquées à une audience fixée au 15 mai suivant, annulée également. Ils ont été finalement convoqués à l'audience du 18 septembre 2020 reportée au 12 octobre suivant.

Par conclusions reprises à l'audience, la Caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 3 avril 2018 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

A titre principal,

- dire et juger irrecevable le recours de la Société pour défaut d'intérêt à agir ;

A titre subsidiaire,

- débouter la Société de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la Société à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions soutenues à l'audience, la Société demande à la cour de :

- dire son action recevable ;

Pour le surplus,

- confirmer le jugement du TASS en date du 3 avril 2018 ;

- prononcer l'inopposabilité de la décision de prise en charge du 2 février 2015, à l'encontre de la Société ;

- condamner la Caisse sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 500 euros et aux entiers dépens ;

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner une expertise, aux frais avancés de la Caisse confiée à tel médecin qu'il plaira qui devra avoir pour mission de :

- convoquer le médecin conseil de la Caisse et l'employeur ;

- faire communiquer les pièces du dossier médical ;

- déterminer la date de première constatation de la pathologie déclarée par M. [D] [W] ;

- dire à quelle date M. [D] [W] a été informé d'un lien de causalité entre sa pathologie et son activité professionnelle.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir

La Caisse expose que lorsque la maladie professionnelle a été constatée dans un établissement qui n'expose pas au risque et que la maladie est contractée dans une autre entreprise, les dépenses engagées ne sont pas prises en compte dans la valeur du risque de l'établissement mais inscrites à un compte spécial. Elle soutient alors que la Société ne justifie pas d'une imputation de la pathologie sur son compte employeur, et ne dispose, en conséquence, d'aucun intérêt à agir pour solliciter l'inopposabilité de la prise en charge. Elle ajoute que ce moyen, qui n'est pas une nouvelle prétention au sens de l'article 564 du code de procédure civile, est recevable. Elle précise enfin que la législation lui impose de notifier à l'employeur la décision de prise en charge.

La Société réplique qu'en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, ce moyen est irrecevable comme soulevé pour la première fois en cause d'appel et n'entre pas dans les exceptions prévues par les dispositions de l'article susvisé. Elle estime que l'intérêt à agir existe indépendamment d'une inscription au compte spécial, car l'employeur a toujours intérêt à faire valoir sa position lorsque les conditions de travail au sein de son entreprise sont mises en cause.

Pour elle, la notification par la Caisse de la décision de prise en charge n'est pas qu'une simple information. Elle crée un intérêt à agir en inopposabilité. En outre, la Caisse ne prouve pas que les dépenses engagées ont été inscrites dans un compte spécial.

Sur ce,

Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention et est irrecevable toute prétention émise par une personne dépourvue du droit d'agir.

Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 123 du même code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.

Il est constant que l'intérêt qu'a une partie à exercer une action est apprécié souverainement par les juges du fond.

Et, l'existence de l'intérêt à agir s'apprécie à la date introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures.

Aux termes de l'article 564 de ce code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Enfin, il est constant que lorsqu'un salarié déclare une maladie professionnelle, celle-ci est imputable au dernier employeur connu chez qui la victime a été exposée au risque avant la première constatation de la maladie. Il en ressort que l'ensemble des frais relatifs à cette maladie professionnelle sera imputé au compte du dernier employeur connu et entrera dans le calcul de son taux de cotisations accidents du travail.

En l'espèce, la fin de non recevoir soutenue pour la première fois en cause d'appel est recevable puisqu'elle tend à écarter les prétentions de la Société.

Le 30 mars 2015, la Société avait saisi la CRA pour déclarer inopposable à son compte employeur la décision des services administratifs de la Caisse reconnaissant le caractère professionnel de l'affection déclarée le 17 septembre 2015 par M. [D] [W].

En l'absence de décision de la CRA, elle a, le 26 mai 2015, saisi le TASS pour contester la décision de la Caisse du 2 février 2015 et la décision implicite de rejet de la CRA.

Par conséquent, au moment où elle a introduit l'instance, la Société avait bien intérêt à demander que la décision de prise en charge lui soit inopposable, peu importe que postérieurement, par décision notifiée le 30 septembre 2015, la CRA ait confirmé la décision de la Caisse en précisant qu'elle n'est 'pas compétente pour se prononcer sur l'imputation des maladies professionnelles au compte spécial, cette question relevant à l'évidence de la fixation du taux de cotisation et donc de la compétence du contentieux technique définie à l'article L. 143-1 du code de la sécurité sociale' et que 'le service de tarification de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France confirme que l'affection (...) de M. [D] [W] a été inscrite sur le compte spécial'.

La fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir sera donc rejetée.

Sur la procédure d'instruction

La Société soutient que la décision de prise en charge lui est inopposable dans la mesure où la Caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire en lui envoyant un dossier incomplet postérieurement à la décision de prise en charge. Elle indique que suite à l'offre de la Caisse de consulter le dossier, elle n'a jamais pu obtenir un rendez-vous, la Caisse ne l'ayant jamais rappelée. Elle considère qu'en faisant droit à la demande de transmission du dossier, la Caisse a admis le bien-fondé de cette demande et a renoncé à exiger un déplacement. Elle devait donc permettre la consultation de manière effective et loyale, à moins de lui répondre dans le délai pour lui faire part de son refus de communiquer, auquel cas, la Société aurait encore pu prendre ses dispositions pour tenter d'organiser un déplacement. Elle reproche à la Caisse de ne pas avoir détaillé les modalités d'accès au dossier.

La Société fait valoir que le dossier finalement envoyé est incomplet puisqu'il ne communique pas les nombreuses pièces listées dans l'enquête administrative.

Enfin, elle reproche à la Caisse d'effectuer son instruction à des adresses sans cesse différentes.

Selon elle, la Caisse n'a pas garanti de façon effective et loyale le principe du contradictoire.

La Caisse rétorque que l'intégralité du dossier d'instruction a été mise à disposition de la Société lorsqu'elle lui a adressé la lettre de clôture de l'instruction du 13 janvier 2015 aux termes de laquelle il était précisé que l'employeur avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier avant la prise de décision qui interviendrait le 2 février 2015. Elle explique lui avoir adressé par deux fois une copie papier des pièces du dossier alors qu'elle n'avait aucune obligation de le faire et qu'une première copie a été adressée à la Société le 27 janvier 2015. Elle précise que si elle doit mettre à disposition le dossier, sa transmission n'est que facultative. Elle estime que la Société ne prouve pas avoir demandé un rendez-vous.

Enfin, la Caisse explique avoir à la demande de la Société envoyé ces courriers à des adresses différentes.

Sur ce,

L'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose que :

Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire.

Enfin, l'article R. 441-14 du même code précise :

Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la Caisse est tenue d'informer la Société et la victime des éléments dont elle est destinataire au cours de la procédure d'instruction puis, préalablement à une prise de décision, de les informer des points susceptibles de leur faire grief, à l'encontre desquels ils peuvent émettre des réserves motivées, des observations ou toutes autres informations complémentaires et enfin de leur laisser la possibilité de venir consulter le dossier.

La Caisse doit accorder un délai suffisant à l'employeur pour consulter le dossier afin de garantir le principe du contradictoire, à peine d'inopposabilité de sa décision à l'égard de l'employeur.

En l'espèce, le 14 octobre 2014 la Caisse a informé la Société qu'une instruction de la déclaration de maladie professionnelle était en cours et qu'une décision devrait être prise à cet égard dans un délai de trois mois. L'adresse à laquelle a été envoyée ce courrier était à [Localité 6], celle figurant dans la déclaration de maladie professionnelle.

Le 13 janvier 2015, la Caisse a informé la Société que préalablement à sa prise de décision qui interviendra le 2 février 2015, la société a 'la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier'. Dans ce courrier, elle a précisé le numéro de téléphone à composer pour prendre un rendez-vous. L'adresse à laquelle a été envoyée ce courrier était à [Localité 6].

Il n'est pas contesté que le 26 janvier 2015, la Société a demandé à la Caisse de lui adresser par courrier les pièces constitutives du dossier, en précisant une adresse à [Localité 5].

La Caisse produit un courrier daté du 27 janvier 2015 dans lequel elle indique à la Société qu'elle lui adresse une copie des pièces constitutives du dossier et qu'elle joint la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, le rapport employeur, l'enquête administrative, la synthèse, le colloque médico-administratif, un bordereau d'envoi joint au courrier devant être retourné signé. Cependant, en l'absence d'accusé de réception, elle ne justifie pas que ce courrier a bien été reçu par la Société.

De la même façon, la Société produit un courrier daté du 30 janvier 2015 dans lequel elle indique avoir téléphoné à plusieurs reprises à la Caissepour prendre rendez-vous, être dans l'attente d'un rendez-vous et des pièces du dossier, courrier que la Caisse reconnait, dans ses écritures, avoir reçu le 2 février suivant.

Or, le 2 février 2015, la Caisse a notifié à la Société la décision de prise en charge en adressant le courrier à [Localité 5].

Et, il n'est pas contesté que le 12 février 2015, soit postérieurement à cette décision, la Caisse a répondu à la demande du 26 janvier 2015 d'obtention d'une copie des pièces constitutives du dossier en y joignant la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, le rapport employeur, l'enquête administrative, la synthèse, le colloque médico-administratif et précisant que le bordereau d'envoi joint au courrier devra être retourné signé. Ce courrier a été adressé à [Localité 3], siège social de la Société.

Il résulte de ces éléments que la Société disposait d'un délai de 15 jours pour consulter le dossier et d'un numéro de téléphone pour prendre un rendez-vous, qu'en dehors du courrier adressé à la Caisse les 26 et 30 janvier 2015, dont elle s'est contentée, elle n'établit pas avoir pris d'autres mesures utiles pour pouvoir consulter le dossier mis à sa disposition depuis le 13 janvier comportant toutes les pièces médicales et administratives. Le moyen suivant lequel le dossier finalement envoyé par la Caisse le 12 février 2015 postérieurement à la clôture de l'instruction est incomplet se trouve inopérant dès lors que la Société avait 15 jours pour venir consulter le dossier ou en obtenir une copie.

Il en ressort également que la Société a bien pris connaissance des courriers de la Caisse adressés à [Localité 6], que sur sa demande, les courriers suivants ont été adressés à [Localité 5], qu'enfin, le dernier envoi à [Localité 3], lieu du siège social, ne fait pas en soi grief et est en tout état de cause postérieur à la décision de prise en charge.

La Société est donc mal fondée à reprocher à la Caisse un manquement au principe du contradictoire dans l'instruction de la demande de prise en charge.

Le jugement qui avait retenu un de ces moyens pour conclure à l'inopposabilité de la décision de prise en charge sera donc infirmé.

Il appartient dès à la cour de statuer sur les autres moyens d'inopposabilité.

Sur la prescription

La Société soutient que la reconnaissance de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnelle lui est inopposable du fait de la prescription. Elle reproche à la Caisse, à qui incombe la charge de la preuve, de se contenter, pour la date de connaissance du lien de causalité, de la date du 17 septembre 2014 figurant dans le certificat médical initial sans s'interroger sur une date antérieure à partir des éléments médicaux établis depuis le 10 décembre 2011 dont seule la Caisse avait connaissance.

A titre subsidiaire, la Société sollicite que la cour ordonne une expertise afin de déterminer la date à laquelle M. [D] [W] a été informé d'un lien de causalité entre sa pathologie et son activité professionnelle.

La Caisse réplique que la Société n'apporte aucun élément de preuve au soutien de sa demande. Elle fait valoir que le médecin conseil a fixé la date de la première constatation médicale au 11 juin 2014. Elle rétorque enfin qu'une expertise ne peut être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale,

Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :

1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1 ;

4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières. [...]

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi 98-1194 du 23 décembre 1998 , dispose que :

Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que la déclaration de maladie professionnelle doit être établie dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien entre sa pathologie et son travail.

En l'espèce, selon la déclaration de maladie professionnelle du 14 octobre 2014 établie par M. [D] [W], la première constatation médicale date du 17 septembre 2014. Mais, selon le certificat médical initial du 17 septembre 2014 établi par le docteur [H], la première constatation médicale est datée du 10 décembre 2011.

De son côté, l'enquête administrative a fixé la première constatation médicale au 11 juin 2014, correspondant à la date retenue par le médecin-conseil de la Caisse, le docteur [Y], dans le colloque médico-administratif. Celui-ci a mentionné que le document lui ayant permis de fixer cette date est 'CRH' sans autre précision. Or, il ressort du document de synthèse retraçant la carrière professionnelle de M. [D] [W] que la date du 11 juin 2014 correspond aussi à la date où il a pris sa retraite.

Alors que deux médecins ont donné des dates différentes pour la première constatation médicale, la Caisse ne pouvait se contenter de retenir celle de son médecin-conseil sans justifier d'éléments supplémentaires venant corroborer sa décision. Dans ses conditions, elle ne prouve pas que la déclaration de maladie professionnelle a été établie dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle M. [D] [W] a été informé par un certificat médical du lien entre sa pathologie et son travail.

La décision de prise en charge sera donc déclarée inopposable à la Société et le jugement sera alors confirmé, mais pour d'autres motifs.

La cour rappelle, à toutes fins, que les relations entre la caisse et la salariée sont indépendantes des relations entre la caisse et l'employeur ; la présente décision n'affecte donc pas les droits que M. [D] [W] tient de la décision de prise en charge de la Caisse.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant à l'instance, la Caisse sera condamnée aux dépens.

En revanche, la Société sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines le 3 avril 2018 (n° 17-00457/V) en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis aux dépens d'appel ;

Déboute la société Colas Île de France Normandie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02309
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/02309 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;18.02309 ?
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