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02/12/2020 | FRANCE | N°18/01653

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 02 décembre 2020, 18/01653


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 DECEMBRE 2020



N° RG 18/01653 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SIVI



AFFAIRE :



SARL RETOUT & ASSOCIÉS IDF OUEST





C/

[X] [T]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Février 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

Section : AD

N° RG : 15:00505

r>
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



ASSOCIATION AVOCALYS



Me Mélina PEDROLETTI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 DECEMBRE 2020

N° RG 18/01653 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SIVI

AFFAIRE :

SARL RETOUT & ASSOCIÉS IDF OUEST

C/

[X] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Février 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

Section : AD

N° RG : 15:00505

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

ASSOCIATION AVOCALYS

Me Mélina PEDROLETTI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL RETOUT & ASSOCIÉS IDF OUEST

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - Représentant : Me Emmanuel DOUBLET, Déposant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 274

APPELANTE

****************

Madame [X] [T]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentant : Me Annabelle PLEGAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0056 - Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 janvier 2007, Madame [T] a été engagée par la société Révision Audit Conseil, nouvellement dénommée société Retout & associés IDF Ouest, en qualité d'assistante de cabinet.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes.

Madame [T] a été arrêtée du 26 mai 2011 au 15 avril 2012 à la suite d'une opération du genou qui a eu lieu le 25 mai 2011.

A compter du 16 avril 2012, Madame [T] a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique à domicile.

A partir du 26 juin 2012, elle a été placée à l'arrêt complet et a cessé de travailler.

A la suite de la première visite médicale de reprise du 3 mars 2014, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude en attendant l'étude du poste de travail de l'intéressée.

A l'issue de la seconde visite médicale de reprise du 18 mars 2014, Madame [T] a été déclarée inapte à son poste de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 avril 2014, l'employeur a proposé à Madame [T] un poste de reclassement qu'elle a refusé par lettre du 28 avril 2014.

Le 30 avril 2014, Madame [T] a été convoquée à un entretien préalable qui s'est déroulé le 13 mai 2014.

Madame [T] a été licenciée le 19 mai 2014 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle brute de Madame [T] s'élevait, selon elle, à la somme de 2 596,31 euros et à celle de 2 540,68 euros, selon l'employeur qui employait habituellement au moins 11 salariés.

Mme [T] a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Poissy qu'elle a saisi le 26 novembre 2015.

Par jugement du 13 février 2018, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- condamné la société Retout & associés IDF Ouest à verser à Madame [T] avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2015, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse, les sommes suivantes :

2 569,16 euros au titre de rappel de salaire du 19 avril au 19 mai 2014 ;

256,91 euros au titre des congés payés afférents ;

252,37 euros au titre de l'indemnité d'occupation ;

360,19 euros au titre de l'indemnité pour télétravail ;

1 229,45 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l'article R 1454-14 alinéa 2 du code du travail ;

- fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail à la somme de 2 540,68 euros bruts ;

- condamné la société Retout & associés IDF Ouest à verser à Madame [T] avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement les sommes suivantes :

100 euros au titre de l'indemnité au titre du défaut d'information quant à la portabilité de ses droits à la santé et à la prévoyance,

25 000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

100 euros au titre des dommages et intérêts en raison du retard imputable à la société quant à l'organisation de la visite de reprise et au classement de l'invalidité en 2ème catégorie ;

- condamné la société Retout & associés IDF Ouest à verser à Madame [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Madame [T] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Retout & associés IDF Ouest de ses demandes reconventionnelles ;

- ordonné à la société Retout & associés IDF Ouest de remettre à Madame [T] l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes au présent jugement, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard courant à compter de quinze jour après la notification de la présente décision ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la société Retout & associés IDF Ouest aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

La société Retout & associés IDF Ouest a relevé appel du jugement le 26 mars 2018.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 19 octobre 2020, la société Retout & associés IDF Ouest demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

l'a condamnée à verser à Madame [T] les sommes suivantes:

o 25 000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

o 2 569,16 euros au titre de rappel de salaire du 19 avril au 19 mai 2014 ;

o 256,91 euros au titre des congés payés afférents ;

o 252,37 euros au titre de l'indemnité d'occupation ;

o 360,19 euros au titre de l'indemnité pour télétravail;

o 1 229,45 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de l'indu de 15 234,60 euros ;

- l'a déboutée de sa demande de 1 euro au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; 

Et statuant à nouveau :

- dire et juger qu'elle a respecté son obligation de sécurité de résultat ;

- dire et juger qu'aucune indemnité d'occupation ou de télétravail n'est due ;

- dire et juger que la procédure de Madame [T] est abusive ;

- condamner Madame [T] à payer à la société Révision Audit Conseil la somme de 1 euros à titre de dommages et intérêts ;

Vu les articles 1302-1 et 1302-2 du code civil et L 3245-1 du code du travail ;

- condamner Madame [T] à restituer la somme de 15 784,69 euros indûment réglée pour la période de mai 2011 à novembre 2013 ;

- à titre subsidiaire, la condamner à restituer la somme de 8 892,81 € indûment réglée pour la période de mai 2011 à novembre 2013 ;

- condamner Madame [T] à restituer la somme de 335,28 euros indûment réglée au titre de l'indemnité de licenciement ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Sur l'appel incident de Madame [T] ;

- constater qu'elle a exécuté le contrat de travail de bonne foi ;

- dire et juger que les faits décrits par Madame [T] comme étant du harcèlement ne sont ni précis ni concordants et en tout état de cause prescrits ;

- dire et juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse;

- débouter Madame [T] de ses demandes incidentes ;

En tout état de cause,

- condamner Madame [T] à payer à la société Révision Audit Conseil la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [T] aux entiers dépens.

En réplique, aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 16 octobre 2020, Madame [T] demande à la cour de:

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy du 13 février 2018 :

sur la condamnation de la société au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

sur la condamnation de la société au titre de l'indemnité d'occupation ;

sur la condamnation de la société au titre de l'indemnité de télétravail à la somme de 360,19 euros ;

sur l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 1.229,45 euros ;

sur la condamnation de l'appelante à titre de dommages et intérêts en raison du retard imputable à la société quant à l'organisation de la visite de reprise et au classement de l'invalidité en 2ème catégorie;

sur le débouté de la demande reconventionnelle en paiement de l'indu de 15 234,60 euros ;

sur le débouté de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de 1 euros ;

- à titre d'appel incident, elle sollicite l'infirmation et demande à la cour de statuer à nouveau sur les demandes suivantes ;

- infirmer le montant alloué au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 50 000 euros ;

- infirmer le montant alloué au titre de l'indemnité d'occupation et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 403,80 euros ;

- infirmer le jugement au titre du rappel d'indemnité journalière, de prévoyance et de salaire et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 872,58 euros net ;

- infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de sa demande au titre du harcèlement moral et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts suite au préjudice lié au harcèlement moral et la somme de 35 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- à titre subsidiaire, à défaut de harcèlement moral ou en cas de réformation du jugement sur les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qui en a découlé;

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de violation de l'obligation de reclassement et de débouter des autres demandes au titre de la nullité du licenciement ou de la violation de l'obligation de sécurité de résultat, condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qui en a découlé ;

- en conséquence, en cas de nullité du licenciement ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 5 184,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et à la somme de 518,46 euros au titre des congés payés afférents ;

- infirmer le jugement et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé ;

- infirmer le jugement et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 2 000 euros net à titre des dommages et intérêts pour défaut d'information de la portabilité de ses droits à la santé et à la prévoyance ;

- infirmer le montant alloué au titre de la perte de pension d'invalidité depuis le 1er décembre 2013 jusqu'au 31 août 2013 et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 1 000 euros net ;

- infirmer le jugement au titre de la perte de chance quant au manque à gagner jusqu'à la retraite et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 3 000 euros net ;

- infirmer le jugement au titre de la perte de chance quant au manque à gagner pendant la retraite (sur 20 ans) et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 6 000 euros net ;

- infirmer le montant alloué au titre des dommages et intérêts en raison du retard imputable à la société quant à l'organisation de la visite de reprise et au classement de l'invalidité en 2ème catégorie et condamner la société Retout & associés IDF Ouest à lui verser la somme de 7 000 euros net ;

- assortir ces sommes à l'intérêt de droit au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Poissy et capitalisation des intérêts au bout d'un an conformément à l'article 1154 du code civil (article 1153 du code civil) ;

- en tout état de cause, condamner la société Retout & associés IDF Ouest à verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- dire et juger qu'en cas de demande de remboursement par la CPAM des indemnités journalières indûment perçues par la salariée pendant la période de suspension de contrat de travail, la société Retout & associés IDF Ouest devra lui verser les rémunérations correspondant à sa prestation de travail ainsi que les cotisations afférentes aux caisses ;

- ordonner la délivrance des documents légaux et bulletins de paie sous astreinte de 150 euros par document et par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;

- à titre infiniment subsidiaire, si votre cour venait à infirmer la somme allouée au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- limiter la somme à restituer à la société Retout & associés IDF Ouest à 85,88 euros au titre du trop-perçu.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 octobre 2020.

MOTIFS :

Vu la lettre de licenciement,

Vu les conclusions des parties,

Sur l'existence d'un harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié qui se plaint de subir des agissements répétés de harcèlement moral, de présenter des faits précis et concordants permettant d'en présumer l'existence et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, Mme [T] prétend avoir été victime de propos ou d'actions vexatoires de la part de ses collègues de travail qui se sont montrés agressifs envers elle ; qu'elle critique aussi l'attitude de son employeur qui montait les salariés les uns contre les autres et ne les traitait pas de la même manière ; qu'elle se plaint également de sa charge excessive de travail et de la dépréciation de ses fonctions à partir du moment où il lui a été demandé de travailler auprès de trois directeurs de mission alors qu'auparavant elle ne prêtait son assistance qu'à l'un d'eux; qu'enfin, elle évoque l'absence de soutien de l'employeur et le fait qu'il ne respectait pas son arrêt maladie ou son mi-temps thérapeutique ;

Considérant qu'elle estime que les mauvaises conditions d'exécution de son travail ont altéré sa santé tant physique que mentale ;

Considérant que la salariée verse aux débats une seule attestation émanant d'une ancienne employée ayant travaillé au sein de la société jusqu'au mois de mai 2010 qui déclare que sa collègue 'ne bénéficiait pas des mêmes avantages qu'elle et que les relations avec leur supérieur hiérarchique n'étaient pas non plus les mêmes, celui-ci faisant toujours des différences entre les employés au niveau relationnel et professionnel et ayant eu à plusieurs reprises un comportement agressif avec Mme [T], que l'ambiance au sein du cabinet était malsaine et que les heures supplémentaires n'étaient pas payées ' ;

Considérant que cette attestation se borne à évoquer de façon très générale l'ambiance du cabinet, les tensions et la disparité de traitement dont aurait été victime Mme [T] à l'occasion de son travail sans rapporter de faits précis et concordants permettant d'en vérifier la réalité;

que notamment, le comportement prétendument agressif du supérieur hiérarchique n'est illustré par aucun exemple concret et l'inégalité de traitement alléguée n'est pas davantage étayée, d'autant qu'à la même époque, l'employeur justifie avoir augmenté le salaire de l'intéressée de 20 % ;

Considérant que la seconde attestation produite par la salariée émane d'une comptable ayant travaillé dans le même cabinet de septembre 2006 à avril 2008 mais si cette personne se plaint d'avoir elle-même souffert d'un stress anormal et d'une surcharge de travail, elle n'évoque aucun fait dont aurait été victime Mme [T] à l'occasion de son travail ; qu'il en va de même pour les autres échanges de mails entre la salariée et ses collègues de travail qui ne font état d'aucun fait précis survenu au préjudice de l'intéressée ;

Considérant que de même les mails où l'intéressée se plaint a posteriori de sa charge de travail au sein du cabinet, sans autre précision, sont insuffisants à établir l'existence de pressions excessives de la part de l'employeur pour traiter les dossiers ;

Considérant que s'agissant de la dégradation de l'état de santé de Mme [T], les pièces médicales versées aux débats ne font que reprendre ses allégations sur son origine professionnelle ou retiennent une telle cause de façon hypothétique en l'absence de toute constatation personnelle des praticiens sur les conditions de travail de la salariée au sein du cabinet ; que l'existence d'un lien de causalité avec le travail ne peut se déduire d'aucun de ces documents ;

Considérant qu'ainsi, appréciés dans leur ensemble, les faits présentés par le salarié à l'appui de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral ne permettent pas d'en présumer l'existence ;

Considérant que dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [T] de sa demande indemnitaire pour harcèlement moral et ont rejeté sa demande en nullité du licenciement en raison du harcèlement qu'elle prétend avoir subi ;

Sur l'obligation de sécurité :

Considérant que Mme [T] reproche aussi à son employeur de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité en ne protégeant pas sa santé durant son travail ;

Considérant qu'elle présente une demande indemnitaire sur ce fondement et estime que le manquement de l'employeur étant à l'origine de son inaptitude à occuper son poste de travail, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1- Sur la demande indemnitaire en raison du manquement de l'employeur à cette obligation :

Considérant que la salariée considère que son employeur n'a pris aucune mesure pour préserver sa santé ;

Considérant cependant qu'il a déjà été constaté, lors de l'examen de sa demande fondée sur l'existence d'un harcèlement moral, que la politique managériale, la surcharge de travail, les pressions de la hiérarchie et le traitement inégalitaire dont la salariée prétendait avoir fait l'objet n'étaient en réalité pas établis ;

Considérant que Mme [T] soutient aussi qu'elle n'a pas bénéficié d'une visite médicale à son embauche mais seulement un an et demi plus tard ;

Considérant cependant que ce défaut remonte à 2007 à une époque où la salariée ne présentait aucun signe d'une dégradation de son état de santé; que lors de la visite médicale du 18 février 2008, le médecin du travail l'a d'ailleurs déclarée apte sans aucune restriction ;

Considérant que de même, il n'est aucunement établi, comme le prétend la salariée, que son employeur la pressait tellement pour qu'elle termine ses dossiers qu'elle n'a pas pu être arrêtée avant son opération du genou;

Considérant ensuite qu'il ne résulte pas non plus de l'échange de mails avec la société au début de l'année 2012 que cette dernière l'ait contrainte à travailler pendant la suspension de son contrat de travail ;

Considérant que la demande ponctuelle de renseignements adressée par son employeur à Mme [T] le 3 avril 2012 n'équivaut pas à l'exercice d'un travail salarié et s'explique par la mise en oeuvre prochaine d'un mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril qu'il convenait de préparer ;

Considérant ensuite que, selon les pièces médicales fournies par l'intéressée, la reprise de son travail à temps partiel à domicile dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ne lui a pas été imposée par la société mais a été prescrite par son propre médecin à compter du 16 avril 2012 et ce jusqu'au 15 juillet 2012 ;

Considérant que Mme [T] ne peut pas non plus soutenir que cette reprise partielle d'activité s'est faite sans l'aval du médecin du travail; qu'en effet, dans le compte-rendu de visite de pré-reprise du 3 avril 2012, le médecin du travail note que la salariée ' envisage avec l'accord de son médecin une reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 16 avril 2012" et l'intéressée fait elle-même état de l'avis favorable du médecin du travail pour cette reprise partielle dans une lettre du 10 avril 2012 adressée à son employeur ;

Considérant aussi qu'il ne ressort d'aucun élément objectif que durant la période de mi-temps thérapeutique, l'intéressée ait en réalité accompli un plein temps ;

Considérant que s'agissant de la durée véritable de cette période, l'employeur justifie n'avoir été prévenu de l'arrêt du mi-temps thérapeutique qu'à compter du 26 juin 2012 ; qu'il produit en effet le certificat du médecin traitant de l'intéressée qui précise que son 'état de santé nécessite la prolongation d'une activité en mi-temps thérapeutique' et non la fin de cette activité comme l'affirme la salariée ainsi qu'un relevé des indemnités journalières versées à la salariée sur lequel figure la prise en charge du mi-temps du 16 avril au 24 juin 2012 sans interruption ;

Considérant qu'il ne peut donc être reproché à la société Retout & associés IDF Ouest de ne pas avoir respecté le mi-temps thérapeutique prescrit à Mme [T] ;

Considérant qu'enfin, contrairement aux allégations de la salariée, les visites médicales de reprise ont bien été organisées par l'employeur comme l'exigent la réglementation applicable ;

Considérant que Mme [T] lui fait donc injustement grief de ne pas avoir mis en place des mesures concrètes propres à préserver sa santé alors qu'à sa demande, il lui avait permis de travailler à son domicile dans le cadre d'un mi-temps ;

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont décidé que l'employeur avait méconnu son obligation de sécurité à l'égard de la salariée et l'ont condamné à lui verser une indemnité à ce titre ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

2- Sur la contestation du licenciement en raison de l'exécution de cette obligation :

Considérant qu'en l'absence de manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité pouvant être à l'origine de l'inaptitude de la salariée, son licenciement ne peut être contesté pour cette raison ;

Sur la contestation du bien-fondé du licenciement :

Considérant qu'aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, 'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail'

Considérant qu'en l'espèce, la société Retout & associés IDF Ouest justifie avoir proposé à Mme [T], avec l'accord du médecin du travail, une solution de reclassement lui permettant d'exercer son travail à domicile ;

Considérant cependant que cette offre a été refusée par l'intéressée le 28 avril 2014 sans que celle-ci n'explique son opposition ;

Considérant que la salariée fait observer qu'elle ne pouvait plus avoir confiance en son employeur qui avait manqué à ses obligations contractuelles à son égard mais il a été vérifié que celui-ci les avait au contraire respecté ;

Considérant qu'en réalité, la solution de reclassement offerte par l'employeur permettait à la salariée de conserver les mêmes fonctions que précédemment en adaptant ses conditions de travail à l'évolution de son état de santé ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont décidé que la société Retout & Associés IDF Ouest avait respecté son obligation de reclassement ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses prétentions au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents auxquels elle n'avait pas droit en raison de son inaptitude et du caractère réel et sérieux de la rupture ;

Sur le travail dissimulé :

Considérant que la décision sera également confirmée en ce qu'elle rejette la demande indemnitaire pour travail dissimulé dès lors qu'aucun élément n'établit que son employeur ait intentionnellement employé Mme [T] sans respecter ses obligations en matière de déclaration des heures travaillées ;

Sur les autres demandes salariales et indemnitaires :

Considérant qu'il convient d'abord de constater que la contestation de la condamnation prononcée par les premiers juges sur le fondement de l'article L 1226'4 du code du travail, pour défaut de reprise du versement du salaire dans le mois suivant la déclaration d'inaptitude, n'est soutenue par aucun moyen ;

1- Sur l'indemnité d'occupation :

Considérant que l'employeur conteste devoir cette somme au motif que le travail à domicile a été mis en place pour éviter à Mme [T] de se rendre au cabinet et lui permettre une reprise à temps partiel dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ;

Considérant toutefois que cette circonstance ne dispense pas la société Retout & Associés IDF Ouest de compenser les contraintes auxquelles a dû faire face la salariée pour exercer son travail à son domicile ;

Qu'il n'existe en revanche aucune raison d'en augmenter le montant et l'indemnité accordée par les premiers juges à la salariée sera maintenue;

2- Sur l'indemnité de télétravail :

Considérant que c'est également à juste titre que les premiers juges ont accordé à la salariée le solde d'indemnité qui lui avait été promis en échange de son acceptation du télétravail ;

Qu'il n'y a pas non plus lieu d'en augmenter le montant et le jugement sera confirmé sur ce point ;

3- Sur le solde d'indemnité conventionnelle de licenciement :

Considérant qu'en revanche c'est à tort que le conseil de prud'hommes a alloué à la salariée un supplément d'indemnité de licenciement alors que celle-ci avait été correctement calculée en tenant compte de sa véritable rémunération et de son ancienneté déduction faite, comme le prévoit les règles applicables à la relation de travail, des périodes de suspension de son contrat de travail ;

Considérant que le nouveau calcul effectué par l'employeur fait apparaître un trop-perçu à ce titre ;

Que le jugement sera donc infirmé et Mme [T] sera déboutée de sa réclamation à ce titre et tenue, au contraire, de restituer la somme de 335,28 € indûment perçue ;

4- Sur le défaut d'information sur la portabilité :

Considérant que, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, l'employeur n'a pas informé la salariée de la portabilité de ses droits ;

Considérant que pour échapper à une condamnation, il considère que la salariée n'a subi aucun préjudice ;

Considérant toutefois, que l'intéressée devait faire face à de nombreuses dépenses de santé dont le remboursement a été rendu plus difficile par la négligence de son employeur ;

Que l'indemnité allouée par les premiers juges répare ce préjudice et le jugement sera confirmé de ce chef ;

5- Sur la perte de pension d'invalidité :

Considérant que le conseil de prud'hommes a décidé à bon droit que l'employeur n'avait commis aucun manquement de nature à priver la salariée de ses droits à pension d'invalidité ;

Considérant que l'ouverture de ses droits au titre de l'assurance invalidité ne dépend pas de l'employeur ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

6- Sur la demande indemnitaire pour retard dans la visite de reprise :

Considérant que Mme [T] ne justifie pas d'une négligence de la société Retout & associés IDF Ouest dans l'organisation de sa visite médicale de reprise ; qu'elle était encore en arrêt de travail lors de la notification de sa mise en invalidité ;

Que c'est donc à tort que les premiers juges ont condamné l'employeur à indemniser la salariée à ce titre ;

Que le jugement sera infirmé sur ce point et l'intéressée sera déboutée de cette prétention ;

7- Sur l'indemnisation de la perte de chance en matière de retraite :

Considérant que Mme [T] invoque une erreur de son employeur dans le calcul du salaire figurant dans la déclaration sociale transmise aux organismes sociaux, ce qui la priverait de ses droits ;

Considérant cependant qu'il lui appartient, le cas échéant, de faire procéder à la régularisation de ses droits à la retraite avant leur liquidation et en l'état, le préjudice allégué n'est pas établi ;

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

8- Sur l'indemnité au titre du rappel d'indemnités journalières, de prévoyance et de salaire :

Considérant que Mme [T] dont le salaire a été maintenu pendant toute la période de son incapacité ne justifie pas avoir subi un préjudice quelconque à ce titre ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Qu'il n'y a pas lieu non plus de prévoir à l'avance que la société Retout & associés IDF Ouest devra lui verser une rémunération en cas de demande de remboursement de l'assurance maladie dès lors que cette hypothèse ne s'est pas réalisée ;

Sur les demandes reconventionnelles de l'employeur :

Considérant que la société Retout & Associés IDF Ouest soutient avoir versé à tort la totalité du salaire dû à Mme [T] alors que le maintien du salaire n'est garanti que durant le premier mois après quoi la prévoyance prend en charge 80 % du salaire de référence ;

Considérant cependant qu'il n'est pas justifié que le maintien du salaire de l'intéressée pendant toute la période de son incapacité est intervenu contre la volonté de l'employeur et résulte d'une erreur dans l'appréciation de droits individuels de cette personne alors que la société Retout & associés IDF Ouest s'était jusqu'alors efforcée d'épargner à Mme [T] les conséquences financières de sa maladie ;

Que la décision de rejet de cette demande reconventionnelle sera confirmée ;

Sur les autres demandes :

Considérant que, comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire produiront intérêts à compter de la décision les accordant ;

Considérant que les intérêts échus pour une année entière produiront eux mêmes intérêts à compter de la date de la demande de capitalisation ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il ordonne la remise de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes ; qu'il n'était toutefois pas nécessaire d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte et cette disposition sera supprimée ;

Considérant que c'est par de justes motifs que le conseil de prud'hommes a débouté l'employeur de sa demande indemnitaire pour procédure abusive ;

Considérant qu'enfin, compte tenu de la situation respective des parties, il ne sera pas fait application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges sera maintenue ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statutant par mise à disposition au grefef et par arrêt contradictoire ;

- Constate que la contestation de la condamnation de l'employeur sur le fondement de l'article L 1226-4 n'est soutenu par aucun moyen ;

- Infirme les autres dispositions du jugement sauf en ce qu'il rejette la demande indemnitaire sur le fondement d'un harcèlement moral, déboute la salariée de sa demande en nullité du licenciement et de celle en contestation de son bien-fondé et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, l'indemnise comme il le fait pour l'occupation de son domicile, le télétravail et l'absence d'information sur la portabilité, rejette les demandes indemnitaires de Mme [X] [T] au titre de la pension d'invalidité, de la perte de chance en matière de retraite, du rappel d'indemnités journalières et au titre du travail dissimulé, déboute l'employeur de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive et trop-perçu de salaire et statue comme il le fait sur les intérêts, la remise de documents de fin de contrat et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

- Déboute Mme [X] [T] de sa demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

- La déboute de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement et la condamne au contraire à restituer à l'employeur la somme de 335,28 € trop perçu à ce titre ;

- La déboute de sa demande indemnitaire en raison du retard dans l'organisation de la visite médicale de reprise ;

- Rejette la demande de la salariée tendant à obtenir la garantie de l'employeur en cas de demande de remboursement des prestations versées par l'assurance maladie ;

- Dit n'y avoir lieu d'assortir la remise des documents de fin de contrat d'une mesure d'astreinte ;

- Dit que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts à compter de la date de la demande de capitalisation ;

- Déboute les parties de leurs demandes respectives en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne [X] Mme [T] aux dépens ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01653
Date de la décision : 02/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°18/01653 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-02;18.01653 ?
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