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26/11/2020 | FRANCE | N°19/07917

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 26 novembre 2020, 19/07917


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53H



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 NOVEMBRE 2020



N° RG 19/07917 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TR7T



AFFAIRE :



SA PEDINIELLI





C/

S.A. FINAMUR venant aux droits de la société UNICOMI









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mai 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

RG : 2014F00927



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Stéphanie TERIITEHAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2020

N° RG 19/07917 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TR7T

AFFAIRE :

SA PEDINIELLI

C/

S.A. FINAMUR venant aux droits de la société UNICOMI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mai 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2014F00927

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Stéphanie TERIITEHAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES le 5 décembre 2017

SA PEDINIELLI

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1962797

Représentant : Me Stéphane MOêLLER, Plaidant, avocat au barreau de DIGNES

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. FINAMUR venant aux droits de la société UNICOMI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 - N° du dossier 20190807

Représentant : Me Patricia ROY-THERMES MARTINHITA de la SCP CORDELIER & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0399,

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Novembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bruno NUT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Selon bail à construction du 21 mai 1990 conclu pour une durée de trente ans à compter du 23 mai 1990, la société civile immobilière La Malissole a donné à bail à la société Unicomi, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société anonyme Finamur, un terrain d'une surface de 7.316 m² situé à [Localité 8], zone d'activité de [Localité 7]. La société Finamur y a fait édifier un bâtiment à usage de garage d'une surface de 1.831 m2.

Le capital de la société la Malissole était réparti comme suit : Mme [X] [Z] détenait 240 parts sociales, et ses enfants, Mme [V] [Z] et M. [Y] [Z] détenaient chacun 30 parts sociales.

Le même jour, la société Unicomi a consenti à la société Etablissements [W] [Z], un contrat de crédit-bail pour une durée de quinze ans afin de lui permettre de jouir des bâtiments à usage de garage édifiés sur le terrain appartenant à la société La Malissole.

Le 10 octobre 1990, M. [W] [Z] et Mme [X] [Z], se sont engagés à l'égard de la société Unicomi en qualité de caution solidaire pour garantir la bonne exécution du contrat de crédit-bail.

Par jugement du 18 décembre 1992, le tribunal de commerce de Gap a prononcé le redressement judiciaire de la société Etablissements [W] [Z]. Ce redressement a ensuite été converti en liquidation judiciaire.

La société Unicomi projetait de saisir les parts de Mme [X] [Z] en garantie de sa créance sur les établissements [Z], mais cette dernière les a cédées le 28 octobre 1993 à Mme [V] [Z].

Par jugement du tribunal de grande instance de Gap du 27 août 1998, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 17 septembre 2001, cette cession de parts a été déclarée inopposable à la société Unicomi pour avoir été réalisée en fraude de ses droits.

Les actifs de la société Etablissements [W] [Z] étant insuffisants pour désintéresser la société Unicomi, celle-ci a obtenu un certificat d'irrecouvrabilité et a actionné les cautions.

Par arrêt du 13 mars 2002, la cour d'appel de Grenoble a condamné les cautions, à verser à la société Unicomi la somme de 361.681,85 euros à titre principal.

Par assemblée générale du 28 décembre 2006, les associés de la société La Malissole ont procédé à une augmentation de son capital, par la création de deux cent cinquante-deux nouvelles parts sociales, intégralement souscrites par M. [Y] [Z], de sorte qu'il détient désormais la majorité du capital social.

Dans ce contexte, la société Finamur a, par convention d'occupation précaire du 1er avril 1999, donné à la société anonyme Pedinielli la jouissance précaire portant sur le bâtiment à usage de garage pour une durée de douze ans et cent douze jours à compter du « 10 mars 1999 pour se terminer au plus tard le premier juillet 2011 » moyennant paiement d'une redevance annuelle de 240.000 francs hors taxe et hors charges.

La société Pedinielli soutient que cette convention comporte également une promesse de vente du bien immobilier par la société Finamur à son profit, à la condition que la société Finamur devienne elle-même propriétaire du terrain.

La convention d'occupation est arrivée à son terme le 30 juin 2011, sans que l'acquisition du terrain auprès de la société La Malissole ait été possible. La société Pedinielli s'est maintenue dans les lieux, sans régler d'indemnité d'occupation.

Par lettre recommandée du 18 décembre 2013, la société Finamur a mis en demeure la société Pedinielli de régler les indemnités d'occupation dues depuis le 1er juillet 2011 qui s'élevaient à la somme de 88.420,42 euros hors taxes hors charges, outre les taxes foncières au titre des années 2011, 2012 et 2013.

C'est dans ces conditions que par acte extrajudiciaire du 11 avril 2014, la société Finamur a assigné la société Pedinielli devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation. La société Pedinielli a formé une demande reconventionnelle en indemnisation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Finamur pour non-réalisation de la condition suspensive de la promesse de vente.

Par jugement du 19 mai 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné la société Pedinielli à payer à la société Finamur la somme de 103.665,32 euros au titre des occupations dues, du 1er juillet 2011 au 30 avril 2014, la somme de 3.048,98 euros à titre d'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er mai 2014 jusqu'à parfaite libération des lieux ;

- dit la société Finamur fondée à faire application de l'article X de la convention d'occupation précaire quant au paiement des charges et taxes dues depuis le 1er juillet 2011 jusqu'à parfaite libération des lieux ;

- ordonné à la société Pedinielli de libérer l'immeuble situé à [Localité 8] zone d'activité de [Localité 7] cadastré section [Cadastre 6], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] dans les 15 jours de la signification du présent jugement, et autorisé la société Finamur à entreposer à ses frais auprès de tel garde meubles, les objets et effets qui pourraient encombrer les locaux ;

- débouté la société Pedinielli de sa demande de condamnation de la société Finamur en paiement de la somme de 3.474.185 euros ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner une mesure d'instruction ;

- condamné la société Finamur à payer à la société Pedinielli la somme de 230.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné chacune des sociétés à supporter la moitié des dépens.

Par arrêt du 5 décembre 2017, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'expulsion de la société Pedinielli et autorisé la société Finamur à entreposer le mobilier dans un garde meuble, et en ce qu'il a condamné la société Pedinielli au paiement de la somme de 103.665,32 euros au titre des indemnités d'occupation pour la période du 1er juillet au 30 avril 2014, outre 3.048,98 euros à compter du 1er mai 2014 jusqu'à parfaite libération des lieux,

- infirmé le jugement pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

- dit que la société Pedinielli devra libérer les lieux dans un délai maximum de quatre mois après la signification du présent arrêt,

- condamné la société Pedinielli à supporter toutes les charges, prestations et fournitures, taxes et dépenses afférentes aux lieux loués, à l'exclusion toutefois des grosses réparations définies par l'article 606 du code civil,

- prononcé la nullité de la convention d'occupation précaire signée le 1er avril 1999,

- condamné la société Finamur à payer à la société Pedinielli la somme de 219.526 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et capitalisation des intérêts,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la société Finamur à payer à la société Pedinielli la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Finamur aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt du 12 septembre 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 5 décembre 2017 par la cour d'appel de Versailles, seulement en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Pedinielli à la somme de 219.526 euros, remis sur ce point la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

La société Pedinielli a saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration en date du 13 novembre 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 2 juin 2020, la société Pedinielli a demandé à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 19 mai 2016 en ce qu'il a limité l'indemnisation du préjudice de la société Pedinielli à la somme de 230.000 euros ;

- Juger que la société Pedinielli a subi des préjudices financiers réels pour un montant justifié de 782.663,90 euros outre mémoire ;

- En conséquence, condamner la société Finamur à l'indemniser de ses préjudices et la condamner à payer à la société Pedinielli la somme de 782.663,90 euros ;

- Dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l'arrêt du 5 décembre 2017 et à défaut de la décision à intervenir ;

- Juger que la société Pedinielli a perdu une chance de pouvoir acquérir la propriété de l'ensemble immobilier valorisé à la somme de 1.430.000 euros ;

- Juger que la société Pedinielli a perdu une chance de réaliser une plus-value de revente de l'immeuble, corollaire de la perte de chance d'acquérir l'immeuble ;

- Juger bien fondée la société Pedinielli à solliciter l'indemnisation de cette perte de chance ;

- Juger qu'en l'état de l'affirmation de la société Unicomi (dans la convention d'occupation précaire du 1 avril 1999) selon laquelle l'acquisition du terrain est en cours, et qu'en l'état de la preuve rapportée par la société Pedinielli qu'elle s'était acquittée de l'intégralité des loyers portés dans la colonne 3 du tableau annexé à la convention, qu'elle disposait de la trésorerie suffisante pour payer comptant le prix du terrain soit la somme de 700.000 francs (106.714,31 euros), que le seul aléa concernait l'échéance de cette acquisition ;

- Juger que la société Pedinielli assurée par la société Unicomi de devenir un jour propriétaire de l'immeuble dans son intégralité (terrain + bâtiment) a démontré sa réelle intention d'acquérir l'immeuble en réglant scrupuleusement les loyers d'indemnités d'occupation et en réalisant de lourds investissements ;

- Juger que la perte de chance d'acquérir le bâtiment comme de réaliser une plus-value en cas de revente peut être fixée à 81.70 % de la valeur de l'immeuble (terrain et bâtiment) estimée à la somme de 1.430.000 euros ;

- Condamner en conséquence la société Finamur à payer à la société Pedinielli la somme de 1.168.310 euros au titre de la perte de chance ;

- Juger que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts ;

- Condamner la société Finamur aux entiers dépens d'appel en ceux compris la note d'honoraire de l'expert Pascal de 5.144,60 euros toutes taxes comprises ;

- Condamner la société Finamur à payer à la société Pedinielli la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter la société Finamur de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Par dernières conclusions notifiées le 23 juin 2020, la société Finamur a demandé à la cour de :

- Déclarer la société Pedinielli mal fondée en son appel,

- Dire la société Finamur recevable et bien fondée en son appel incident,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Finamur à payer à la société Pedinielli la somme de 230.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau,

- Débouter la société Pedinielli de ses demandes au titre du préjudice financier et de sa demande fondée sur la perte de chance d'acquérir et la perte de chance de plus-value.

- Débouter la société Pedinielli de toutes ses prétentions.

Y ajoutant et en toutes hypothèses,

- Condamner la société Pedinielli à payer à la société Finamur la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Minault Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitehau, avocat au barreau de Versailles, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2020.

L'affaire appelée à l'audience du 15 septembre 2020 a été renvoyée par arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 15 octobre 2020 devant la même chambre autrement composée à l'audience du 10 novembre 2020 à 14 heures.

Sur ce, la cour,

Sur la procédure

La recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi n'est pas contestée et l'examen des pièces de la procédure ne révèle l'existence d'aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office.

Il est rappelé qu'en application de l'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Sur le fond

La Cour de cassation ayant cassé et annulé l'arrêt rendu le 5 décembre 2017 par la cour d'appel de Versailles uniquement en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Pedinielli à la somme de 219.526 euros, la cour d'appel de renvoi statuera sur les demandes de réparation des préjudices invoqués par cette dernière société en lien avec le dol ayant conduit à la nullité de la convention d'occupation précaire du 1er avril 1999 contenant promesse unilatérale de vente.

Sur la réparation du préjudice financier

La société Pedinielli soutient que la nullité de convention d'occupation précaire et la dissimulation des aléas tenant à l'acquisition du terrain par la société Finamur l'aurait placée dans une situation inextricable devant trouver un nouveau local pour y placer son fonds de commerce et que n'étant pas devenue propriétaire du fait de la faute définitivement jugée de la société Finamur, elle aurait dû s'organiser et acquérir des locaux, y faire des travaux et déplacer son fonds de commerce. Elle soutient que la faute de la société Finamur lui aurait fait perdre ses investissements réalisés dans l'ancienne concession pour un montant de 388.522,64 euros hors taxes, l'aurait contrainte à réaliser des travaux dans les nouveaux locaux pris à bail à hauteur de 125 430,19 euros HT, lui aurait imposé un coût de déménagement à hauteur de 12 088,25 euros et l'aurait obligée à payer des indemnités d'occupation pour une somme de 256 622,82 euros HT.

La société Finamur considère que la demande au titre des investissements réalisés à hauteur de 388 522.64 € HT ne serait ni fondée ni justifiée au motif que le préjudice n'est pas indemnisable en ce qu'il n'est ni justifié ni en lien de causalité avec la faute qu'elle a commise puisque les investissements réalisés ne sont que des dépenses courantes qui résultent de décisions de la société Pedinielli en lien avec son exploitation mais sans lien avec la promesse d'acquérir, que l'état des immobilisations produit est insuffisant à établir les dépenses, qui ont été réalisées pour la plupart après plusieurs années d'exploitation et qui ont fait l'objet d'une déduction sur le bénéfice réalisé, de sorte que la société Pedinielli ne saurait être dédommagée deux fois et que l'immobilisation à hauteur de 237 253.47 € est totalement inexpliquée et au demeurant amortie en totalité et donc déduite sur le bénéfice de la société Pedinielli.

La société appelante qui soutient qu'elle a perdu l'intégralité des investissements qu'elle aurait effectués dans les locaux qu'elle n'a pas pu acquérir par la faute de la société Finamur à hauteur de 388 522,34 euros ne produit aucune facture à l'appui de sa demande.

Par ailleurs, ni l'attestation du président directeur général de la société Pedinielli selon laquelle le 'montant des investissements réalisés dans l'ancienne concession et qui ne peuvent pas être transférés sur la nouvelle concession s'élève à 388 522,64 euros' inscrits à l'état des immobilisations dans les livres comptables de la société, ni celle de l'expert comptable qui déclare avoir 'procédé à la vérification des informations figurant dans les documents état des immobilisations et attestation' ne permettent de retenir que les travaux et achats apparaissant au titre des dépenses immobilisées sont en lien avec la promesse d'acquérir, la société intimée faisant justement observer que ces travaux constituent un choix de la société Pedinielli qui était nécessaire à l'exploitation de son fonds de commerce dont elle a tiré profit pendant douze ans.

Ces dépenses étant inhérentes à tout aménagement de locaux en vue de leur exploitation commerciale et sans lien avec le dol, la société Pedinielli sera déboutée de sa demande de ce chef. Elle sera également déboutée, pour les mêmes motifs qu'exposés au précédent paragraphe, malgré la production de quelques factures, de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 125 430,19 euros au titre des dépenses d'aménagement des nouveaux locaux telles que l'installation de ponts élévateurs et d'un pont ciseau nécessaires à l'entretien des véhicules ainsi que le réaménagement de la signalétique, ne rapportant au surplus pas la preuve que ce type de matériel et de signalétique n'est pas transférable.

La société appelante demande ensuite à être indemnisée du coût du déménagement qu'elle chiffre à 12 088,25 euros en raison du travail effectué par seize de ses employés. Toutefois, les attestations des huit salariés ne permettant pas de déterminer le nombre de salariés ayant procédé au déménagement et de distinguer la rémunération du travail objet du contrat de celle consacrée au déménagement, la société appelante sera déboutée de cette demande.

Enfin, la société Pedinielli ne saurait soutenir qu'elle a payé des indemnités d'occupation à fond perdu depuis le 1er juillet 2011 alors que ces indemnités sont dues en contrepartie de l'occupation de locaux qui lui ont permis de poursuivre son activité commerciale et ainsi de générer un chiffre d'affaires. Cette dépense ne constituant pas non plus un surcoût au titre de son activité, la société appelante sera déboutée de sa demande.

Sur la réparation de la perte de chance d'acquérir et de plus-value en cas de revente du bâtiment

La société Pedinielli soutient n'avoir pu acquérir le terrain et le bâtiment comme prévu à la convention d'occupation précaire, alors qu'elle avait déjà réglé l'intégralité des loyers sur les 12 années soit 439.053,17 € ( soit 2.880.000 francs). Elle ajoute qu'il ne lui restait qu'à verser le prix d'acquisition du terrain soit la somme de 106.714,31 € (700.000 francs) énoncé à la convention d'occupation précaire. Elle précise qu'elle disposait des fonds en trésorerie tant en 1999 qu'en 2011 et qu'elle pouvait sans difficulté réaliser la promesse. Elle conclut que la faute de la société Finamur lui a fait perdre une chance d'acquérir l'ensemble immobilier et d'en devenir propriétaire. Elle soutient qu'elle aurait ainsi acquis l'ensemble immobilier pour une somme totale de 545.767 euros et que privée de cette propriété valorisée selon un premier expert à la somme de 1.530 000 euros et par un second expert à la somme de 1 430 000 euros, elle aurait perdu une chance de la céder et de générer une plus-value et estime son préjudice à la somme de 1.250.000 euros représentant la perte de chance de pouvoir acquérir la propriété de l'immeuble.

La société Finamur conteste la demande d'indemnisation considérant que la société Pedinielli ne saurait d'un côté revendiquer la perte de chance d'acquérir le bien et de l'autre la perte de chance de le revendre qui ne serait qu'une possibilité dont la plus-value ne serait qu'éventuelle, reprenant le terme employé par la société appelante dans ses dernières conclusions.

La société Pedinielli ne peut se prévaloir d'un préjudice lié à la perte de chance de réaliser une plus value en cas de revente hypothétique du bien immobilier dès lors qu'elle n'avait pas la certitude de pouvoir réaliser une plus value au moment de la revente. Le préjudice allégué par la société Pedinielli n'est donc constitué que par la perte d'une chance de pouvoir acquérir la propriété du bâtiment dont elle avait déjà payé l'équivalent du prix à hauteur de la somme de 2 880 000 francs (439 053 euros), sous forme de redevances d'occupation, et du terrain au prix de 700 000 francs (106 714,31 euros).

La cour relève le caractère non-contradictoire de la réalisation des deux expertises ayant conduit aux rapports produits par la société appelante. Le premier rapport, dont l'absence de critique de la part de la société intimée ne peut valoir acquiescement à la valorisation du bien, se base sur une "valeur locative normale" inapplicable en l'espèce à défaut de bail commercial et le second rapport se base également pour moitié sur la valeur locative qui ne peut être retenue faute de bail commercial et l'autre moitié par comparaison directe avec une dizaine de locaux d'activités commerciales vendues durant les 5 dernières années sur la commune qui ne sont pas joints au rapport. Le mode de calcul de la réparation du préjudice souffert par la société Pedinielli ne pourra pas être retenu par la cour.

Il sera dans ces conditions fait une juste évaluation de la perte de chance de pouvoir acquérir le bâtiment dont elle avait déjà payé l'équivalent du prix à hauteur de 439 053 euros ainsi que de la perte de chance d'acquérir le terrain au prix de 106 714,31 euros à hauteur de 50% de ces sommes, en lui allouant la somme de 272 883,66 euros.

Le jugement dont appel sera donc infirmé quant au montant des dommages et intérêts accordés et le préjudice subi par la société Pedinielli sera fixé à la somme de 272 883,66 euros, somme à laquelle sera condamnée la société Finamur avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande présentée par la société appelante de capitalisation des intérêts qui seront échus depuis plus d'une année. La cour ordonnera la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Etant par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de la société Pedinielli les frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel, la société Finamur sera condamnée à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Finamur succombant en cause d'appel sera condamnée aux dépens lesquels ne peuvent comprendre les honoraires d'un expert non désigné par un juge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement dont appel quant au montant des dommages et intérêts alloués à la Sa Pedinielli,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la Sa Finamur à payer à la Sa Pedinielli la somme de 272 883,66 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la Sa Finamur aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 19/07917
Date de la décision : 26/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°19/07917 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-26;19.07917 ?
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