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25/11/2020 | FRANCE | N°18/02268

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 25 novembre 2020, 18/02268


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 NOVEMBRE 2020



N° RG 18/02268 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SMCO



AFFAIRE :



SARL IPSILON venant aux droits de la SAS BREMA-LOYER







C/

[E] [D] épouse [F]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT<

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Section : E

N° RG : F15/01549



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SELARL RACINE



AARPI ERGON Avocats







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 NOVEMBRE 2020

N° RG 18/02268 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SMCO

AFFAIRE :

SARL IPSILON venant aux droits de la SAS BREMA-LOYER

C/

[E] [D] épouse [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F15/01549

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELARL RACINE

AARPI ERGON Avocats

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL IPSILON venant aux droits de la SAS BREMA-LOYER

N° SIRET : 433 960 127

Le Centralis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Philippe ROGEZ de la SELARL RACINE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L301 -

APPELANTE

****************

Madame [E] [D] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Christophe RAMOGNINO de l'AARPI ERGON Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0380

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 mai 2009, Madame [E] [D] épouse [F] (ci-après Mme [F]) a été engagée à compter du 29 juin 2009 par le Cabinet Sueur et L'Helgoualch en qualité de juriste propriété industrielle.

À compter du 15 octobre 2012, une nouvelle organisation a été mise en place au sein de l'activité marques et modèles de l'ensemble du groupe Ipsilon auquel appartenait le cabinet qui a été absorbé par la société Brema-Loyer, autre société du groupe.

Le contrat de travail de Madame [F] a été transféré auprès de la société Brema-Loyer, aux droits de laquelle vient la société Ipsilon. Cette société exerce une activité de conseil en propriété industrielle.

En raison d'un congé maternité suivi d'un arrêt maladie, le contrat de travail de Madame [F] a été suspendu du 12 février au 3 mars 2013, puis du 16 avril au 20 juin 2013.

Madame [F] a repris le travail le 30 octobre 2013.

Selon elle, elle a alors occupé le poste d'une jeune juriste qui venait de démissionner et a subi une rétrogradation ainsi que des irrégularités dans la gestion de sa paie.

Le 27 décembre 2013, Madame [F] a observé un nouvel arrêt de travail qui a été prescrit par son médecin traitant. A compter de cette date, elle n'a plus repris son poste de travail.

Par lettre du 23 janvier 2014, Madame [F] a dénoncé la dégradation de ses conditions de travail depuis le 30 octobre 2013, date de son retour de congé maternité.

Madame [F] a ensuite saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 21 mai 2014 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Postérieurement, Madame [F] a été licenciée le 25 juin 2014 pour absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle brute de Madame [F] s'élevait à la somme de 4 460 euros et l'entreprise employait habituellement au moins onze salariés.

Par jugement du 6 avril 2018, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- dit que la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, s'appliquait à la relation contractuelle qui liait les parties ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat liant les parties aux torts exclusifs de la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer, avec effet au 25 juin 2014 ;

- dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer, à verser à Madame [F] les sommes suivantes:

- 13 380 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 338 euros au titre des congés payés afférents ;

- 14 684,53 euros à titre de complément de salaire pour la période allant de février 2013 à septembre 2014 dû au titre des arrêts maladie ;

- 10 269,83 euros au titre du complément de salaire dû au titre du congé maternité ;

- 3 121,66 euros au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 22 mai 2014, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- ordonné le remboursement par la société Ipsilon ,venant aux droits de la société Brema-Loyer, aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Madame [F] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 6 mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du code du travail et dit que le secrétariat greffe en application de l'article R 1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer, à verser à Madame [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R 1454-14 et 5 du code du travail selon lesquelles la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R 1454-14 et 5 du code du travail était exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R. 1454-28 ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 4 460 euros bruts ;

- condamné la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer, aux entiers dépens.

La société Ipsilon a relevé appel du jugement le 15 mai 2018.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 24 janvier 2019, la société Ipsilon demande à la cour d'appel de :

- dire et juger que la convention collective Syntec n'était pas applicable au contrat de travail de Madame [F] ;

- dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement permettant de justifier la demande de résiliation judiciaire de Madame [F] ;

- infirmer en totalité le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 6 avril 2018 ;

- dire et juger que le licenciement de Madame [F] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

- débouter Madame [F] de sa demande de résiliation judiciaire ;

- débouter Madame [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause :

- condamner Madame [F] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [F] aux entiers dépens.

En réplique, aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 4 septembre 2020, Madame [F] demande à la cour de:

- recevoir l'appel à titre principal interjeté par la société Ipsilon à l'encontre du jugement rendu le 6 avril 2018 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt mais le déclarer mal fondé ;

- recevoir son appel incident et le déclarer bien-fondé ;

A titre principal,

Vu les dispositions de l'article 1217 du code civil ;

Vu les dispositions des articles L 1152-1, L 1152-3, L 1235-1 et L 1235-3 dans leur rédaction applicable et L 2261-2 du code du travail ;

Vu les dispositions des articles 18, 41, 43 et 44 de la convention collective Syntec ;

- confirmer le jugement rendu le 6 avril 2018 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a :

dit que la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, s'appliquait à la relation contractuelle qui liait les parties ;

prononcé la résiliation judiciaire du contrat liant les parties aux torts exclusifs de la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer, avec effet au 25 juin 2014 ;

dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

condamné en conséquence la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer, à lui verser les sommes suivantes :

13 380 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 338 euros au titre des congés payés afférents ;

l4 684,53 euros à titre de complément de salaire pour la période allant de février 20l3 à septembre 2014 dû au titre des arrêts maladie ;

10 269,83 euros au titre du complément de salaire dû au titre du congé maternité ;

3 12l,66 euros au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée au titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 22 mai 2014, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

ordonné le remboursement par la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer, aux organismes concernés des indemnités de chômage versées du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 6 mois dans les conditions prévues à l'article L 1235-4 du code du travail et dit que le secrétariat greffe en application de 1'article R 1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel ;

condamné la société Ipsilon à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réformer le jugement rendu le 6 avril 2018 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il :

n'a pas dit que cette résiliation judiciaire prendrait les effets d'un licenciement nul ;

a condamné la société Ipsilon à lui payer la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Et statuant de nouveau,

- dire et juger que cette résiliation judiciaire prendra les effets d'un licenciement nul ou à défaut d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Ipsilon à lui verser la somme de 107 040 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite ou à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-3 du code du travail;

Vu les dispositions des articles L1235-1 et L 1235-3 dans leur rédaction applicable du code du travail ;

- dire que le licenciement prononcé par la société Ipsilon le 25 juin 2014 est nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la société Ipsilon à lui verser la somme de 107 040 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite ou d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Ipsilon à lui verser la somme de 13 380 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- condamner la société Ipsilon à lui verser la somme de 1 338 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis ;

En tout état de cause,

- condamner la société la société Ipsilon à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Ipsilon aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2020.

MOTIFS :

Vu les conclusions des parties,

Sur l'existence d'une convention collective applicable à la relation de travail :

Considérant que Mme [F] prétend que la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets de d'ingénieurs conseils et sociétés de conseils dite Syntec s'applique à la relation de travail alors que la société Ipsilon soutient que son personnel n'est soumis à aucune convention collective ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 2261-2 du code du travail 'la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur' ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Ipsilon fait observer à juste titre que le métier de conseil en propriété industrielle est une profession réglementée régie par le code de la propriété industrielle et que, selon le règlement intérieur de la compagnie nationale, les missions confiées aux sociétés de conseil en propriété industrielle sont essentiellement juridiques ; qu'il s'agit de 'rédaction et consultation, négociation, conseil en propriété industrielle mandataire, missions de justice en propriété industrielle' ;

Considérant qu'elle se prévaut de son objet social qui est le 'conseil en brevets, marques, dessins et modèles, propriété littéraire et artistique ainsi que le conseil en matière juridique' ; qu'elle verse également aux débats un document comptable selon lequel son chiffre d'affaires se répartit entre l'activité brevet pour 43 %, l'activité Marques pour 37 % et l'activité Annuité pour 20 % démontrant ainsi que l'activité réellement exercée par la société ne diffère pas de celle déclarée ;

Considérant qu'elle relève aussi que le code NAF qui lui a été attribué par l'INSEE est 69.10 Z correspondant au code des activités juridiques et que cette classification recouvre, selon l'organisme statistique, le conseil et l'assistance juridique de nature générale et la rédaction de documents juridiques tels que les brevets et droits d'auteur ;

Considérant que l'activité de conseil en propriété industrielle se distingue donc nettement de l'activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion entrant dans le champ d'application de la convention Syntec, selon l'article 1er de cette convention ;

Considérant que Mme [F] estime qu'en réalité, l'activité principale de la société Ipsilon ne serait pas juridique et qu'elle s'occuperait essentiellement de conseils dans la gestion et l'exploitation des droits liés aux brevets et aux marques ;

Considérant toutefois que l'activité juridique du conseil en propriété industrielle ne se limite pas à la préparation et au dépôt des brevets ou à l'enregistrement des marques mais comprend aussi tout le travail nécessaire au maintien et à l'exploitation des droits pendant toute la durée de ceux-ci ;

Considérant que dans ces conditions, l'aspect juridique du métier exercé par la société Ipsilon est prépondérant et ne se rattache pas à l'activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion relevant de la convention Syntec ;

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont fait application de cette convention et ont accueilli en conséquence les demandes salariales en résultant ainsi qu'un complément d'indemnité de licenciement ;

Que le jugement sera réformé sur tous ces points ;

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Considérant que la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée à la demande du salarié qu'en cas de manquements graves de l'employeur à ses obligations contractuelles empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'elle produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que lorsque postérieurement à la demande de résiliation, le salarié fait l'objet d'un licenciement, le juge doit d'abord examiner la demande du salarié qui, si elle est accueillie, produit ses effets à la date de la rupture du contrat de travail et, dans le cas contraire, se prononcer sur le bien-fondé du licenciement ;

Considérant qu'en l'espèce, Mme [F] demande la résiliation de son contrat de travail en raison d'une diminution importante de ses attributions qu'elle assimile à une rétrogradation, du harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime ainsi que des irrégularités commises à son détriment à l'occasion de la reprise de son travail et lors du versement de sa rémunération ; qu'elle demande en conséquence de juger que la résiliation produira les effets d'un licenciement nul ou à défaut ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1- Sur l'existence d'un harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié qui se plaint de subir des agissements répétés de harcèlement moral, de présenter des faits précis et concordants permettant d'en présumer l'existence et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, Mme [F] prétend avoir subi des pressions et remontrances injustifiées de la part de sa supérieure hiérarchique ;

Considérant qu'elle verse aux débats les attestations établies par deux collègues de travail dont son assistante jusqu'au mois de février 2013 et un échange de mails ainsi que des documents médicaux ;

Considérant cependant que ces attestations se bornent à des observations d'ordre général sans évoquer aucun fait précis ;

Considérant que de même, l'examen de la correspondance échangée entre la salariée et sa supérieure hiérarchique ne révèle qu'une divergence d'interprétation dans la gestion de certains dossiers et le ton employé par la responsable pour exprimer son désaccord ne présente pas de caractère agressif ou blessant ;

Considérant que s'agissant de la dégradation de l'état de santé de Mme [F], les pièces médicales versées aux débats ne font que reprendre les allégations de la patiente sur l'origine professionnelle de sa maladie ou retiennent une telle origine en l'absence de toute constatation personnelle des praticiens sur les conditions de travail de l'intéressée ; que l'existence d'un lien de causalité entre la détérioration de la santé de la salariée et l'exécution de son travail n'est donc pas matériellement établie ;

Considérant qu'ainsi, appréciés dans leur ensemble, les faits présentés par la salariée à l'appui de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral ne permettent pas d'en présumer l'existence ;

Considérant que le conseil de prud'hommes a donc justement décidé qu'en l'absence d'éléments de fait précis et concordants, le harcèlement moral ne pouvait pas être reconnu ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la demande de la salariée visant à ce que la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul et à recevoir une indemnité en réparation du caractère illicite de cette rupture ;

2- Sur les irrégularités invoquées dans l'organisation de la visite de reprise et lors du versement de la rémunération :

Considérant que Mme [F] fait d'abord grief à son employeur d'avoir tardé à lui faire passer la visite médicale de reprise à l'issue de son congé maternité ;

Considérant cependant qu'il est justifié qu'en raison des délais de rendez-vous, cette visite médicale n'a pu être organisée plus tôt que le 2 décembre 2013 et ce retard n'est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Considérant que de même, l'absence de visite à l'issue du précédent congé n'a pas non plus compromis la relation de travail qui a continué ensuite pendant plus de quatre années ;

Considérant qu'enfin, contrairement à ce que soutient Mme [F], la relation de travail n'étant pas soumise à la convention Syntec, la société Ipsilon n'a commis aucune faute en ne lui faisant pas bénéficier de la garantie de salaire prévue par cette convention ;

Considérant que de même, la retenue de salaire effectuée à tort par l'employeur au mois d'octobre a fait l'objet d'une régularisation dès le mois suivant comme cela est mentionné sur les bulletins de paie produit aux débats ;

Que, comme l'ont retenu les premiers juges, les irrégularités invoquées par Mme [F] ne sont donc pas suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

3- Sur l'existence d'une modification du contrat de travail :

Considérant que Mme [F] prétend avoir subi une modification de son contrat de travail lors de son retour dans l'entreprise à l'issue de son congé maternité ;

Considérant qu'elle estime en effet que les responsabilités qui lui ont été confiées en octobre 2013 n'étaient plus du tout les mêmes que celles qu'elle exerçait antérieurement à son congé maternité ;

Considérant que, selon elle, elle a été affectée au poste précédemment occupé par une jeune juriste qui venait de démissionner alors qu'antérieurement à son congé, il lui étaient confiées les responsabilités d'une juriste sénior ;

Considérant qu'en application de l'article L 1225-25 du code du travail, à l'issue du congé maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort du tableau récapitulatif des emplois qu'avant le congé de maternité de Mme [F], l'équipe de juristes du cabinet était composée de 3 personnes et qu'à son retour de congé, l'intéressée a repris ses fonctions plus une partie des missions dont était chargée la salariée démissionnaire qui n'a pas été remplacée et dont le portefeuille clients a été réparti entre les deux autres salariées restant dans l'entreprise ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme [F], la salariée qui venait de démissionner exerçait exactement les mêmes fonctions qu'elle à savoir celles de juriste propriété industrielle même si son ancienneté dans l'entreprise était inférieure et qu'elle n'avait pas encore validé son diplôme ;

Considérant qu'il n'est pas non plus établi que les responsabilités de cette dernière étaient moins importantes que celles confiées à Mme [F] ;

Considérant qu'il ressort aussi d'un mail de la directrice en date du 12 novembre 2013 qu'en raison de la forte baisse d'activité du cabinet, Mme [F] conservait tous les clients dont elle avait antérieurement la charge et ne reprenait qu'une partie des missions qu'avait assumées sa collègue de travail jusqu'à son départ ;

Considérant que la salariée n'a donc pas été affectée sur un autre poste de travail que celui qu'elle occupait précédemment et le seul changement intervenu à son retour de congé est la nouvelle composition de son portefeuille de clients qui n'a pas été vidé de sa substance mais est resté stable aux alentours de 200 000 euros comme l'atteste l'expert comptable de l'entreprise ;

Considérant que cette nouvelle répartition du portefeuille de clients de l'entreprise constitue un simple changement dans la distribution des dossiers mais pas une modification de son contrat de travail ;

Considérant que l'employeur justifie en effet du fait que la qualification, la classification professionnelle et la rémunération, les modalités et la durée de son travail de l'intéressée sont restées inchangées ; que de même, elle est restée sous l'autorité hiérarchique de la même personne;

Considérant que Mme [F] considère qu'en exigeant qu'elle s'occupe aussi de la gestion des noms de domaine de ses clients alors que la salariée démissionnaire en était chargée pour tous les dossiers, la société Ipsilon l'a rétrogradée mais l'exécution de tâches différentes de ses anciennes attributions ne constitue pas une modification du contrat de travail dès lors que ces tâches correspondent à sa qualification et étaient déjà exécutées par une juriste propriété industrielle senior ;

Considérant que dans ces conditions c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'à son retour de congé, la salariée n'avait pas retrouvé un poste similaire à celui précédemment occupé et qu'elle avait été employée à un poste subalterne jusqu'alors confié à une personne ne disposant pas du même diplôme alors qu'il n'y avait pas eu de modification de son contrat de travail mais simplement un changement dans la répartition du portefeuille clients rendu nécessaire par le départ d'une autre salariée ;

Considérant que dans ces conditions, l'évolution de son portefeuille clients et les nouvelles tâches confiées à son retour dans l'entreprise ne caractérisaient pas la volonté de la société Ipsilon de la rétrograder à un poste de travail inférieur et la salariée ne justifiait pas d'un manquement grave de son employeur faisant obstacle à la poursuite de la relation contractuelle ;

Que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il prononce la résiliation du contrat de travail de Mme [F] et lui accorde une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la salariée sera au contraire déboutée de ses prétentions ;

Qu'il n'y a pas non plus lieu de faire application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail et le jugement sera aussi réformé sur ce point ;

Sur la contestation du licenciement :

Considérant que le licenciement de Mme [F] lui a été notifiée le 25 juin 2014 en raison des perturbations provoquées dans le bon fonctionnement de l'entreprise à la suite de son absence prolongée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif ;

Considérant qu'en l'espèce, à l'époque du licenciement, Mme [F] était absente de l'entreprise depuis le 27 décembre 2013 et la date de son retour n'était pas prévisible ;

Considérant qu'il est également justifié du fait que l'activité de conseil en propriété industrielle requiert la présence d'un nombre de juristes suffisants pour assurer le traitement des dossiers et respecter les délais impartis ;

Considérant que la charge de travail supplémentaire résultant de l'absence de la salariée ne pouvait être absorbée par la seule juriste restant dans l'équipe et les autres juristes n'avaient pas davantage de disponibilités pour reprendre le poste de Mme [F] ;

Considérant que la société Ipsilon justifie aussi du fait qu'en raison de la nature très spécifique de l'emploi occupé par la salariée, elle n'a pas réussi à recruter en contrat à durée déterminée des juristes titulaires du diplôme de conseil en propriété industrielle mais seulement des juristes non diplômés dont le travail doit être supervisé en permanence ;

Considérant qu'un tel mode d'organisation ne pouvait persister sans compromettre gravement le bon fonctionnement de l'entreprise et non pas seulement son service comme le fait observer Mme [F] ;

Considérant que la société Ipsilon justifie avoir procédé à l'embauche en contrat à durée indéterminée d'un juriste titulaire du diplôme CPI pour remplacer définitivement Mme [F] ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la salariée, sa remplaçante n'a pas intégré l'entreprise avant son licenciement puisqu'elle a été engagée à compter du 3 juillet 2014 alors que le licenciement de Mme [F] lui a été notifié le 25 juin 2014 ;

Considérant qu'enfin, aucun élément ne permet d'établir un lien entre l'absence de la salariée et un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles ; qu'il n'est aucunement démontré que la dégradation de l'état de santé de l'intéressée résulte de ses mauvaises conditions de travail ;

Considérant que c'est donc également à tort que la salariée conteste son licenciement et demande le paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que contrairement à ce que prétend Mme [F], la période de préavis a bien été prise en charge par la société même si la salariée ne l'a pas exécutée en raison de son arrêt maladie ; qu'il est en effet justifié du versement du salaire jusqu'au 25 septembre 2014 sur le bulletin de paie de septembre 2014 ;

Considérant que le jugement sera donc infirmé sur ce point et la salariée sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi que des congés payés y afférents ;

Considérant qu'enfin, compte tenu de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges sera infirmée ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il rejette la demande de la salariée tendant à reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, voir juger que la résiliation du contrat de travail produira les effets d'un licenciement nul et obtenir une indemnité pour réparer le préjudice résultant du caractère illicite de cette rupture ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

- Dit que la convention collective Syntec n'est pas applicable à la relation de travail entre la société Ipsilon, venant aux droits de la société Brema-Loyer et Madame [E] [D] épouse [F] ;

- Déboute la salariée de ses demandes de rappels de salaire et d'un complément d'indemnité de licenciement résultant de l'application de cette convention collective ;

- Rejette la demande en résiliation judiciaire présentée par Mme [E] [D] épouse [F] ;

- Dit que le licenciement intervenu le 25 juin 2014 repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Déboute en conséquence Mme [E] [D] épouse [F] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Rejette également sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article L 1235-4 du code du travail;

- Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme [E] [D] épouse [F] aux dépens de première instance et d'appel ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02268
Date de la décision : 25/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°18/02268 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-25;18.02268 ?
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