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19/11/2020 | FRANCE | N°19/01140

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 19 novembre 2020, 19/01140


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 3CD



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 NOVEMBRE 2020



N° RG 19/01140 - N° Portalis DBV3-V-B7D-S624



AFFAIRE :



SAS SCAN IMPORT





C/

SASU DELABLI









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/08296



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Oriane DONTOT





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 3CD

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 NOVEMBRE 2020

N° RG 19/01140 - N° Portalis DBV3-V-B7D-S624

AFFAIRE :

SAS SCAN IMPORT

C/

SASU DELABLI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/08296

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Oriane DONTOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS SCAN IMPORT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 3919 - Représentant : Me Claire DE CHASSEY de l'AARPI TWELVE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1212

APPELANTE

****************

SASU DELABLI

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20190407

Représentant : Me Muriel ANTOINE LALANCE de la SELARL AL AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1831 -

par Me AITELLI

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DES MOTIFS

La société Scan import est spécialisée dans le commerce de gros et assure l'achat, la distribution, l'importation et l'exportation de produits des pays scandinaves.

Elle est titulaire de la marque verbale française 'comptoir de l'apéritif'n°3450674 déposée le 15 septembre 2006 et dûment renouvelée pour désigner en classes 29 et 30 les produits suivants:

'viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conserves séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes, oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; graisses alimentaires; beurre ; crustacés (non vivants) ; conserves et semi-conserves à base de viande, de poisson, d'oeufs de poisson, de volaille ou de gibier ; pâtes à tartiner à base de viande, de poisson, d'oeufs de poisson, de volaille ou de gibier ; fromages, pâtes à tartiner à base de fromage ; caviar de légumes ; tapenade ; charcuterie ; coquillages (non vivants); salade de légumes ; plats cuisinés à base de viande, de poisson, de mollusques, de crustacés, de volaille, de gibier ou d'algues ; plats cuisinés à base de légumes ; fruits secs, notamment cacahuètes, pistaches, noix de cajou ; olives conservées ; olives aromatisées ; anchois ; purée d'anchois .Café, thé, cacao, sucre, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisserie et confiserie ; glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments) ; épices, glaces à rafraîchir ; sandwiches, pizzas ; biscuiterie, gâteaux, biscottes ; petits-fours (pâtisserie) salés ou sucrés; piments (assaisonnement) ; quiche ; sauce à salade ; sushi ; taboulé ; tartes ; biscuits salés ou sucrés pour l'apéritif; chips à base de céréales, chips à base de riz, chips'.

La société DELABLI a notamment pour objet la fabrication de confiture, confiseries et alimentation générale, le commerce de la marée, la salaison.

Intéressée par l'exploitation du signe 'Comptoir de l'apéritif' dans le domaine agro-alimentaire et les services de restauration, elle expose avoir constaté que la société Scan Import était titulaire de la marque précitée, mais qu'il résultait de ses recherches une absence d'exploitation sérieuse de cette marque depuis son dépôt.

Elle a déposé le 31 mars 2016 la marque verbale française 'comptoir de l'apéritif' (n° 4261073) en classes 29, 30, 31, 35, 43, pour les produits suivants :

Lait et autres produits laitiers, préparations culinaires à base de produits laitiers et/ou de lait, préparations culinaires à base de fleurs, plats préparés ou cuisinés à base de gelées, de confitures et/ou de compotes Légumes conservés, séchés, cuits et surgelés, préparations à base de légumes conservés, séchés, cuits et surgelés, produits à base de pomme de terre, poissons, poissons conservés, poissons saumurés, anchois, crevettes (non vivantes), caviar, coquillages (non vivants), crustacés (non vivants), écrevisses (non vivantes), farine de poisson pour l'alimentation humaine, filets de poisson, hareng cabillaud, lieu, julienne, homard (non vivant),huîtres (non vivantes), langoustes (non vivantes), mets à base de poisson, plats préparés à base de poisson en particulier soupe et salade, mollusques comestibles non vivants, morue, sardine, saumons, thons, maquereaux, haddock, roll mops, brandade de morue, plats semi-préparés et préparés, plats à mijoter, plats préparés lyophilisés ou non à base d'un ou plusieurs des articles suivants : poisson, légumes dont pommes de terre, fruit préparé, fromage, pâtes, riz. Foie gras, viande, volaille et plats préparés à base de ces produits ; sushis, sashimis, makis ;

Sushi ; Riz ; Pâtes alimentaires ; Vermicelles ; Couscous [semoule] ; blé ; Soja ; Infusions ; Café, thé, cacao, chocolat , chocolats, sucre et succédanés du café ; Tapioca et sagou ; Farines et préparations faites de céréales ; pizzas, quiches, blinis, galettes, crêpes, pitas, muffins, scones, brioches , Pain, pâtisseries et confiseries ; Glaces et crèmes glacées ; Sucre, miel, sirop de mélasse ; Levure, poudre pour faire lever ; Sel ; Moutarde ; Vinaigre, sauces (condiments) ,

- Epices ; glaces à rafraîchir ; Plats préparés ou cuisinés à base de pâtes alimentaires et/ou de riz ; Desserts préparés à base de pâtisserie ; Glaces et crèmes glacées ; En-cas à base de riz ;

En-cas à base de céréales, Nouilles japonaises ; Sauces à salade ; Sauce soja ; Vinaigres ; Sauce d'huîtres ; Wasabi en pate ; Sauce wasabi ; Wasabi en poudre ; Pâte à gâteaux . Pâte à gâteaux ; Céréales en poudre ; Herbes séchées ; Herbes traitées ; Gingembre [condiment] ; Graines de sésame ; Entremets ; Pâte à gâteaux ; Pâte à gâteaux ; Tourtes et petits pâtés, préparation aromatique à usage alimentaire, farine de pomme de terre à usage alimentaire, mets à base de farine, condiments ; tous ces produits pouvant être en conserves ou semi conserves, surgelés, congelés/frais ;

Fruits et légumes frais, champignons frais, truffes fraîches, oeufs de poisson ; préparations à base d'oeufs de poisson, produits agricoles (ni préparés, ni transformés) ;

Services de vente au détail de produits alimentaires, à savoir de préparations à base de légumes conservés, séchés, cuits et surgelés, de produits à base de pomme de terre, de poissons, de poissons conservés, de poissons saumurés, d'anchois, de crevettes (non vivantes), de caviar, de coquillages (non vivants), crustacés (non vivants), écrevisses (non vivantes), de farine de poisson pour l'alimentation humaine, de filets de poisson, hareng, cabillaud, lieu, julienne, homard (non vivant), huîtres (non vivantes), langoustes (non vivantes), de mets à base de poisson, de plats préparés à base de poisson en particulier soupe et salade, mollusques comestibles non vivants, morue, sardine, saumons, thons, maquereaux, haddock, roll mops, brandade de morue, de plats semi-préparés et préparés, plats à mijoter, plats préparés lyophilisés ou non à base d'un ou plusieurs des articles suivants :poisson, légumes dont pommes de terre, fruit préparé, fromage, pâtes, riz. Foie gras, viande, volaille et de plats préparés à base de ces produits ; de sushis, sashimis et makis ; Services de publicité, distribution de matériel publicitaire à savoir prospectus, tracts, brochures, imprimés, diffusion d'annonces publicitaires, publicité télévisée et radiophonique, distribution d'échantillons, démonstration de produits, publicité par correspondance, études de marché, sondage d'opinion, organisation d'expositions et de foires à buts commerciaux ou de publicité, organisation d'opérations promotionnelles en vue de fidéliser la clientèle, gestion des affaires commerciales, consultation et aide pour la direction des affaires, gestion de fichiers informatiques, promotion des ventes, services de diffusion d'information commerciale et/ou publicitaire par voie radiophonique, télévisée, électronique, notamment par réseaux de communication mondiale (internet) ou à accès privé (intranet), informations et conseils commerciaux aux consommateurs, exploitation de base de données commerciales, publicitaires ;

Services de restaurants, cafés, cafétérias, snack-bars, Services de vente de plats à emporter ; Services de traiteur ; Fourniture de préparations à base depoissons et de plats préparés à base de poissons pour les bureaux ; Contrats de services de fourniture de repas ; Préparation d'aliments ; Préparation de plats et boissons à emporter.

Elle a envoyé un courrier recommandé à la société Scan Import le 20 avril 2016 lui indiquant que, sa marque n'étant pas exploitée, elle lui en proposait le rachat.

La société Scan Import répondait le 2 mai 2016 en indiquant faire valoir un usage sérieux et continu de sa marque depuis son dépôt, et en annexant une photographie de ses produits. Elle refusait toute cession de sa marque, et demandait à la société Delabli de procéder au retrait de demande de marque et de cesser tout usage du signe en cause.

Par courrier du 17 mai 2016, la société Delabli estimant la photographie insuffisante pour établir l'usage de la marque, a demandé à la société Scan Import de lui transmettre d'autres éléments permettant d'apprécier l'usage sérieux et continu allégué.

Le 8 juin 2016, la société Scan Import lui a adressé des exemples de brochures commerciales, qui démontrerait selon elle l'usage de la marque tout en réitérant les termes de son précédent courrier.

Le 22 juin 2016, la société Scan Import a formé opposition partielle à l'enregistrement de la demande de marque n° 4 261 036.

Par acte du 18 juillet 2016, la société Delabli l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre, en déchéance de la marque n°3 450 674.

Le 5 août 2016 le Directeur de l'INPI a suspendu la procédure d'opposition jusqu'à l'issue définitive du litige.

Par jugement du 30 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- prononcé la déchéance des droits de la société Scan Import sur la marque verbale française 'Comptoir de l'apéritif' enregistrée sous le numéro 3 450 674 pour l'ensemble des produits visés à l'enregistrement ;

- dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 20 octobre 2011 ;

- ordonné la transmission de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des marques, à l'initiative de la partie la plus diligente et aux frais de la société Scan Import ;

- déclaré la société Scan import irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;

- rejeté la demande de la société Scan Import au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la société Scan Import à payer à la société Delabli une indemnité de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Scan Import à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 18 février 2019, la société Scan Import a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 20 mai 2019, la société Scan Import demande à la cour de :

- déclarer la société Scan Import recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence, statuant de nouveau :

- constater que la marque française n° 06 3 450 674 « comptoir de l'aperitif » dont la société Scan Import est titulaire, a fait l'objet d'aucun usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans en France, de la part de son titulaire ou avec son consentement pour l'ensemble des produits qu'elle désigne,

- débouter en conséquence la société Delabli de toutes ses demandes, fins et prétentions,

Et reconventionnellement :

- déclarer la société Scan Import recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle,

- dire et juger que la société Delabli a commis des actes de contrefaçon par reproduction et imitation de la marque française « comptoir de l'apéritif » n° 06 3 450 674 dont la société Scan import est titulaire ;

En conséquence,

- interdire à la société Delabli de reproduire ou imiter, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, la marque française «comptoir de l'aperitif » n° 06 3 450 674 ;

- condamner la société Delabli à la somme de 1.000 euros sur le fondement de la contrefaçon de marque par reproduction et imitation ;

- dire et juger que la demande d'enregistrement de la marque française «comptoir de l'aperitif» ne peut valablement être adoptée comme marque du fait de l'existence de la marque antérieure française «comptoir de l'aperitif» n° 06 3 450 674 de la société Scan Import ;

- ordonner la transmission par le greffe du présent arrêt à l'institut national de la propriété industrielle (inpi), aux fins de transcription sur le registre national des marques, dès qu'il sera devenu définitif ;

- condamner la société Delabli à payer à la société Scan Import la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Delabli, aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître véronique Buquet-Roussel, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il n'est pas contestable que c'est par une erreur que la société Scan Import demande qu'il soit reconnu qu'elle n'a fait 'aucun usage sérieux' de sa marque, et que sa demande doit être interprétée en ce qu'elle tend à voir reconnu qu'elle a fait 'un usage sérieux' de sa marque.

Par conclusions notifiées le 13 août 2019, la société Delabli a demandé à la cour de :

- dire et juger la société Scan Import mal fondée en son appel à toutes fins qu'il comporte et la débouter de ses demandes, fins et moyens ;

- confirmer en conséquence, le jugement rendu le 30 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions ;

- condamner la société scan import au paiement de la somme de 15.000 euros au profit de la société Delabli en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société scan import en tous les dépens dont distraction au profit de maître Oriane Dontot conformément à l'article 699 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la déchéance de la marque française 'comptoir de l'apéritif' enregistrée sous le n°3450674

Après avoir fixé la période au cours de laquelle l'usage sérieux de la marque devait être justifié, le jugement a examiné les pièces versées et considéré qu'elles ne permettaient pas d'établir la réalité d'un tel usage, en retenant notamment que certaines n'étaient pas datées ou insuffisamment pour les relier à la période considérée, que d'autres manquaient de force probante, qu'il n'était pas justifié du marché pertinent ni des conditions dans lesquelles certaines pièces avaient été captées.

La société Scan Import liste les pièces de différentes natures qu'elle verse pour justifier de l'usage sérieux de sa marque, avant d'analyser ses photographies montrant la commercialisation d'une gamme de quatre produits sous la marque 'comptoir de l'apéritif' de 2009 à 2012, ainsi que les présentoirs utilisés pour présenter aux consommateurs les produits de cette marque. Elle fait état de factures allant de 2011 à 2016, qui démontreraient la distribution des produits dans huit départements et dans six enseignes différentes, par la commande de présentoirs de distribution, par les commandes de produits apéritifs Cruscana vendus sous la marque en cause, établissant un usage sérieux pour les produits visés par son enregistrement. Elle conteste l'insuffisance de ces pièces pour justifier de son usage sérieux, n'étant pas nécessaire d'établir des quantités importantes, alors qu'il convient de considérer les circonstances propres à justifier de l'exploitation de la marque, et déclare qu'elle a choisi un schéma de production spécifique de petite taille, qui ne peut être comparé à celui des géants de la distribution au rang desquels figure la société Delaby. Elle soutient que ses documents publicitaires attestent aussi de l'usage sérieux de la marque.

La société Delaby rappelle que l'usage sérieux prévu par l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle implique un usage à titre de marque pour désigner les produits ou services, et affirme que la société Scan Import ne le démontre pas par les documents produits. Elle souligne que les pièces versées par l'appelante consistent en majorité en des présentoirs, et que celles nouvelles en cause d'appel n'établissent pas un usage sérieux. Elle ajoute que les photographies ne portent pas de date, que celle figurant sur une page facebook ne peut être vérifiée, ce d'autant qu'il s'agit d'un document interne. Elle soutient que la société Scan Import essaie d'établir un lien entre les factures et les photographies, et que la présence d'un produit sur le libellé d'une facture ne justifie pas de l'exploitation effective des produits visés par cette marque. Elle affirme que 24 factures sur 5 années ne sauraient établir un usage sérieux de la marque, que l'appelante ne peut prétendre s'exonérer de cette preuve en invoquant la modicité de sa structure. Elle relève que la commande de présentoirs n'établit pas leur mise en circulation, allègue que les brochures ne sont pas crédibles et que les nouvelles pièces ne démontrent pas un usage sérieux de la marque. Selon elle, les produits de la société Scan Import ne sont vendus que sous la marque Cruscana, et 'comptoir de l'apéritif' ne saurait constituer une marque ombrelle.

Sur ce

L'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit que :

'Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage:
a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement;
b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif;
c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation.
La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés.
L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été seulement entrepris trois mois après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de la demande de déchéance.
La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu'.

Comme l'a relevé le jugement, la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques fixe comme point de départ du délai de cinq ans la date à laquelle la procédure d'enregistrement est terminée soit, s'agissant d'une marque française, la date de publication de l'enregistrement au bulletin officiel de la propriété intellectuelle, selon l'article R712-23 du code de la propriété intellectuelle.

La société Scan Import ne contestant pas la publication de l'enregistrement de sa marque au 20 octobre 2006, la période de cinq années courrait jusqu'au 20 octobre 2011.

La déchéance est encourue lorsque l'usage sérieux de la marque est commencé ou repris, après la période commençant à compter de la publication de son enregistrement, dans les trois mois précédant la période de déchéance, et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.

L'assignation introductive d'instance ayant été délivrée le 18 juillet 2016, il revient à la société Scan Import d'établir l'usage sérieux de sa marque pendant une période ininterrompue de cinq années s'achevant trois mois avant la date de l'assignation -date à laquelle elle a eu connaissance de la demande de déchéance-, soit la période allant du 18 avril 2011 au 18 avril 2016.

Il n'est pas contesté que la société Delaby, qui a déposé la marque 'comptoir de l'apéritif' n° 4261073 pour des produits dont il est allégué par la société Scan Import qu'ils sont similaires ou identiques à ceux visés par sa propre marque, a un intérêt à agir en déchéance.

L'usage sérieux suppose une exploitation du signe correspondant à la fonction de la marque, qui est de garantir au consommateur l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. 'L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque' (CJUE, arrêt du 19 décembre 2012, affaire C-149/11).

Il convient d'apprécier 'si l'étendue et la fréquence de l'usage de ladite marque'...sont ...'de nature à démontrer sa présence sur le marché d'une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe' (CJCE, arrêt du 13 septembre 2007, C-234/06).

La société Scan Import, sur laquelle repose la charge de la preuve de l'usage sérieux de sa marque, indique proposer notamment des produits tartinables pour l'apéritif vendus sous la marque CRUSCANA proposés dans les enseignes de la grande distribution, et lancer de nouvelles gammes de produits dont la gamme 'comptoir de l'apéritif' pour les produits apéritifs.

Elle verse des photographies de produits porteurs de la marque 'comptoir de l'apéritif', de présentoirs et de rayonnages de grandes surfaces sur lesquels se trouvent des produits porteurs de la marque 'comptoir de l'apéritif', mais ces photographies ne sont pas datées et ne permettent pas de retenir une période précise de commercialisation de produits porteurs de ladite marque.

Elle produit également plus de 20 factures émises au cours des années 2011 à 2016 qui, si elles ne permettent pas de faire le lien avec les photographies non datées des présentoirs de produits, attestent de la vente de produits porteurs de la marque 'comptoir de l'apéritif' auprès de grandes surfaces d'enseignes différentes, installées dans plusieurs départements.

Ainsi, ces factures établissent que la société Scan Import a vendu des produits revêtus de la marque 'comptoir de l'apéritif' :

- pour les mois utiles de l'année 2011, à un magasin Système U implanté à [Localité 21] (34), une société Mercure International Monaco sise à [Localité 18] (94), au comptoir savoyard de distribution d'[Localité 5] (74)

- en 2012, à deux centres Intermarché ([Localité 15] 75 et [Localité 20] 60), un centre E. Leclerc (95) et une société SLD Atton implantée à [Localité 13] (69)

- en 2013, à trois centres Carrefour ([Localité 17] 93, [Localité 16] 78, et Carrefour Market de [Localité 14] le roi 78) et un centre Cora de [Localité 14] (91)

- en 2014, à une grande surface sous enseigne Auchan (13) et un affilié (entreprise Kuene et Nagel implantée en 91) ainsi qu'à deux centres Carrefour ([Localité 12] 77 et [Localité 6] 91)

- en 2015, au magasin Auchan (13), au centre Carrefour de [Localité 12] (77), et à un magasin Intermarché de [Localité 11] (77)

- pour les premiers mois de l'année 2016, à deux magasins affilies à l'enseigne Système U respectivement implantés à [Localité 9] (44) et [Localité 21] (34), au magasin Auchan de [Localité 7] (62), une société Sodely de [Localité 8] (69), une société SLD [Localité 19] à [Localité 10] (95).

Si, dans leur grande majorité, les références des produits apparaissant sur ces factures avec la mention 'comptoir de l'apéritif' portent également le signe 'cruscana' placé devant, il n'en est pas pour le moins établi que la société Scan Import a utilisé la marque pour présenter et vendre, au titre de chacune de ces années, des produits alimentaires visés par l'enregistrement de sa marque.

Ainsi, il ressort de l'examen des factures que la société Scan Import a distribué sous sa marque 'comptoir de l'apéritif' différents produits correspondant aux 'tapenade ; caviar de légumes ; salades de légumes : pâtes à tartiner à base de poisson ; biscuits salés pour l'apéritif ; olives conservées ; olives aromatisées ; pâte à tartiner à base de fromage ; anchois ; purée d'anchois' visés par sa marque.

Toutefois, si la société Scan Import revendique expressément l'usage de sa marque pour ces produits, qu'elle vise spécifiquement, la marque doit être exploitée pour chacun des produits désignés par son titulaire, et son propriétaire doit justifier d'une exploitation sérieuse pour chacun d'eux. Or, la société Scan Import ne revendique ni ne justifie d'un usage sérieux pour les autres produits visés par l'enregistrement.

Il n'est pas nécessaire que l'usage soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux et, même minime, il peut être suffisant pour recevoir cette qualification à condition qu'il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marchés au profit des produits ou services en cause.

S'il s'agit de produits de grande consommation intervenant sur le marché de l'apéritif, et que la société Scan Import verse un article internet imprimé en 2019 portant sur le marché de l'apéritif en France, l'évaluant à 1,25 milliards d'euros en France et listant les acteurs les plus importants, la société Scan Import expose avoir fait le choix d'un modèle de production plus réduit, n'entrant pas en concurrence avec les principaux intervenants de ce marché, son expert-comptable attestant que le chiffre d'affaires total de cette société était de 8.757.413 euros en 2015 et de 7.098.525 euros en 2016.

Durant la période considérée, la société Scan Import justifie avoir vendu, au titre de chacune des années examinées, plusieurs centaines de produits sous sa marque 'comptoir de l'apéritif' à différentes enseignes de la grande distribution et dans plusieurs départements.

Est ainsi établi un usage sérieux de la marque, alors exploitée pour identifier l'origine des produits précédemment visés.

A titre surabondant, les brochures commerciales de 2012 et 2014 sur lesquelles figure la marque 'comptoir de l'apéritif', s'il ne s'agit que de photocopies de brochures non reliées et dont la diffusion auprès de leur public n'est pas justifiée de sorte qu'elles ne disposent que d'une force probante limitée, et les factures de la société SaicaPack portant sur plusieurs milliers de cartons-présentoirs 'comptoir de l'apéritif' entre 2012 et 2015, s'il n'est pas établi qu'ils ont été présentés au public à cette période, viennent corroborer les factures qui établissent l'usage sérieux de la marque.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement sur ce point, la déchéance de la marque n'étant prononcée , à la date du 20 octobre 2011, que pour les produits pour lesquels son usage sérieux n'a pas été démontré.

Sur la contrefaçon

La société Scan Import soutient que le seul dépôt de la marque, indépendamment de son exploitation effective sur le marché, est susceptible de constituer un acte de contrefaçon, en l'absence de tout commencement d'exploitation. Elle souligne l'identité ou la similarité entre certains produits visés par la demande d'enregistrement et ceux visés par sa marque. Elle fait état d'un risque de confusion accru du fait de l'identité des signes en cause.

La société Delaby affirme qu'il n'est pas acquis que le seul dépôt d'une demande de marque, indépendamment de son enregistrement et de son exploitation effective sur le marché, soit susceptible de constituer un acte de contrefaçon.

Sur ce

L'article L713-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que

'Sont interdis, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement'.

Indépendamment de son utilisation effective sur le marché, le dépôt d'une marque est susceptible de constituer un acte d'usage non autorisé d'une marque pré-existante, donc un acte de contrefaçon.

En l'espèce, les signes de la marque 'comptoir de l'apéritif' n°3450674 de la société Scan Import et de la demande d'enregistrement de la marque 'comptoir de l'apéritif' n°4261073 de la société Delaby sont identiques.

Les produits visés dans les classes 29, 30 et 31 par la demande d'enregistrement sont pour certains similaires à ceux visés par la marque antérieure pour lesquels elle n'est pas déchue, et présentent un lien étroit ou sont consommés ensemble avec ceux-ci, de sorte qu'ils sont associés par le public, lequel sera amené à penser qu'ils proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées.

En conséquence, la contrefaçon par le dépôt de la demande d'enregistrement de la société Delaby est établie, au vu de l'article L713-3 précité.

La société Scan Import formule une demande de dommages et intérêts, qu'elle n'explicite pas dans le corps de ses conclusions, et en sera déboutée.

Sur les autres demandes

Le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné la société Scan Import au paiement des dépens et au titre des frais irrépétibles.

La société Delaby sera condamnée au paiement des dépens d'instance et d'appel, ainsi qu'au versement d'une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement, en ce qu'il a prononcé la déchéance totale de la marque 'comptoir de l'apéritif' n °3450674 pour l'ensemble des produits visés par l'enregistrement, et en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce la déchéance de la marque 'comptoir de l'apéritif' n °3450674, à la date du 20 octobre 2011, sauf s'agissant des produits suivants : 'tapenade ; caviar de légumes ; salades de légumes : pâtes à tartiner à base de poisson ; biscuits salés pour l'apéritif ; olives conservées ; olives aromatisées ; pâte à tartiner à base de fromage ; anchois ; purée d'anchois'

Dit que la société Delabli a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque française 'comptoir de l'apéritif' n° 06 3 450 674 dont la société Scan import est titulaire,

Interdit à la société Delabli de poursuivre de tels agissements,

Ordonne la transmission par le greffe du présent arrêt à l'INPI, aux fins de transcription sur le registre national des marques, dès qu'il sera devenu définitif,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Delabli à payer à la société Scan Import la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Delabli, aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître véronique Buquet-Roussel, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01140
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°19/01140 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;19.01140 ?
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