COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 NOVEMBRE 2020
N° RG 18/04926 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SQK6
AFFAIRE :
[W] [M] (APPELANT ET INTIME)
...
C/
SA 1001 VIES HABITAT, venant aux droits de Coopération et famille
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Mars 2018 par le Tribunal d'Instance de GONESSE
N° Chambre : 00
N° Section : 00
N° RG : 11-17-841
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 17/11/20
à :
Me Franck LAFON
Me Ondine CARRO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [W] [M] (APPELANT ET INTIME)
né le [Date naissance 2] 1942 à MAROC
[Adresse 5]
[Localité 4]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 18/05060 (Fond)
Madame [I] [T] épouse [M] (APPELANTE ET
INTIMEE)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 18/05060 (Fond)
APPELANTS ayant pour Représentant : Me Franck LAFON, Plaidant /Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20180291
****************
SA 1001 VIES HABITAT,
venant aux droits de Coopération et famille
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Ondine CARRO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C212 - Représentant : Me Sandrine BELLIGAUD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1971
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe JAVELAS, président, et Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL,
Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, Rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 31 octobre 2000, la société Hlm coopération et famille a consenti à M. [W] [M] et Mme [I] [M] née [T] un bail à usage d'habitation portant sur un logement situé [Adresse 5] à [Localité 6] (95).
Par acte d'huissier de justice du 1er août 2017, la société Hlm coopération et famille a assigné M. et Mme [M] devant le tribunal d'instance de Gonesse, aux fins de voir constater la résiliation du bail et d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- leur expulsion immédiate des lieux loués avec si nécessaire le concours de la force publique et le séquestre des meubles restés dans les lieux à leurs frais,
- leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 2 723,98 euros au titre des loyers et charges échus impayés au 8 juin 2017 avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2017,
- la fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à la libération des lieux loués, d'un montant égal au loyer et charges,
- leur condamnation solidaire au paiement d'une indemnité de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte d'huissier de justice du 1er septembre 2017, M. et Mme [M] ont assigné la société Hlm coopération et famille devant la même juridiction aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- la déduction de la somme de 2 558,26 euros des régularisations de charges,
- la condamnation du bailleur au paiement de la somme de 3 500 euros de dommages et intérêts,
- la condamnation du bailleur à changer la chaudière dans les 30 jours de la décision à intervenir,
- la condamnation du bailleur au paiement de la somme de 789 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 5 mars 2018, le tribunal d'instance de Gonesse a:
- ordonné la jonction des procédures n°l 7-841 et 17-992,
- constaté la résiliation de plein droit du bail consenti à M. et Mme [M] sur le logement situé [Adresse 5] à [Localité 6] (95), à compter du 4 mars 2017, date d'effet du commandement visant la clause résolutoire,
- fixé la créance de la société Hlm coopération et famille au titre de l'arriéré de loyers et charges échus au 4 janvier 2018 à la somme de 3 099,85 euros, et en tant que de besoin, condamné solidairement M. et Mme [M] au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2017,
- suspendu les effets de la clause résolutoire, et autorisé M. et Mme [M] à se libérer de la dette en 35 versements mensuels de 85 euros et un dernier versement soldant la dette, en sus du loyer courant, payables au plus tard le 10 de chaque mois, et pour la première fois, le 10 du mois suivant la signification du présent jugement,
- dit que faute pour M. et Mme [M] de respecter les délais ainsi accordés, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible, et la clause résolutoire reprendra son plein effet, entraînant la résiliation du bail, et permettant leur expulsion immédiate, ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec si nécessaire le concours de la force publique,
- dit que M. et Mme [M] seront redevables in solidum, en cas de résiliation, d'une indemnité mensuelle d'occupation égale à la somme de 538 euros et des charges jusqu'à la libération effective des lieux loués,
- ordonné à la société Hlm coopération et famille de faire procéder à la mise en conformité de la chaudière équipant le logement, au besoin en la remplaçant, dans le mois de la signification du jugement,
- condamné la société Hlm coopération et famille à verser à M. et Mme [M] la somme de 1.800 euros de dommages et intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté le surplus des demandes,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Par déclaration reçue au greffe en date du 11 juillet 2018, M. et Mme [M] ont relevé appel de ce jugement. Aux termes de leurs conclusions signifiées le 18 janvier 2019, ils demandent à la cour de :
- les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel,
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a notamment constaté la résiliation de plein droit du bail qui leur était consenti et fixé la créance de la société Hlm coopération et famille au titre de l'arriéré de loyers et charges échus au 4 janvier 2018 à la somme de 3 099,85 Euros condamnant solidairement les locataires au paiement de cette somme,
Et statuant à nouveau :
- dire n'y avoir lieu à prononcer la résiliation du contrat de bail,
- renvoyer la société 1001 vies habitat venant aux droits de la société Hlm coopération et famille à présenter un décompte des loyers perçus et des régularisations de charges indûment prélevées,
- débouter la société 1001 vies habitat venant aux droits de la société Hlm coopération et famille de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société 1001 vies habitat venant aux droits de la société Hlm coopération et famille à leur rembourser la somme de 2 558,26 Euros au titre des régularisations de charges indûment prélevées,
- confirmer pour le surplus la décision entreprise.
Y ajoutant :
- dire et juger que l'obligation pour la société 1001 vies habitat venant aux droits de la société Hlm coopération et famille de mettre en conformité la chaudière équipant leur logement, au besoin en la remplaçant, sera assortie d'une astreinte de 50,00 Euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- débouter la société 1001 vies habitat de son appel incident et de toutes fins qu 'il comporte,
- débouter en conséquence la société 1001 vies habitat de sa demande au titre des loyers impayés et charges mais également au titre de l'indemnité d'occupation,
- condamner la société 1001 vies habitat venant aux droits de la société Hlm coopération et famille au paiement d'une somme de 2 000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 17 avril 2019, la société 1001 vies habitat demande à la cour de :
- juger M. et Mme [M] mal fondés en leur appel et les débouter de leurs demandes,
- réformer le jugement en date du 15 janvier 2018 entrepris en ce qu'il a fixé de manière forfaitaire l'indemnité d'occupation et condamné Coopération et famille aux droits de laquelle se trouve 1001 vies habitat au paiement de 1 800 euros de dommages et intérêt,
Et statuant de nouveau :
- condamner solidairement M. et Mme [M] à lui payer une indemnité d'occupation au titre du local d'habitation correspondant au loyer actualisé augmenté des charges à compter de la résiliation du bail et jusqu'à parfaite libération des locaux par remise des clés, un procès-verbal d'expulsion ou de reprise,
- condamner solidairement M. et Mme [M] née [T] à lui payer la somme de 1 800 euros au titre des arriérés de loyers et charges, échéance de décembre 2018 incluse, selon décompte arrêté au 10 janvier 2019, avec intérêt au taux légal à compter du 2 mars 2018,
- confirmer le jugement en date du 15 janvier 2018 pour le surplus,
- lui donner acte à la communication des décomptes de régularisations de charges en pièces 7 à 7quater, 15, 16 et 31 et d'un décompte détaillé en pièces 22 et 29 ; en conséquence débouter M. et Mme [M] de leur demande de ce chef,
- débouter M. et Mme [M] de leur demande de condamnation de la société 1001 vies habitat à leur remboursement la somme de 2 558,26 euros au titre des régularisations de charges,
- lui donner acte de ce que la mise en conformité de la chaudière est intervenue le 20 octobre 2017 et contrôlée le 26 octobre 2017,
- débouter M. et Mme [M] de leurs demandes de mise en conformité de la chaudière, au besoin en la remplaçant, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 février 2020.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. et Mme [M] font valoir, au soutien de leur appel, que
- les sommes impayées ne sont pas constituées par des loyers mais pas des régularisations de charges pour les années 2011 à 2014, appliquées avec retard et contrairement aux dispositions contractuelles,
- la régularisation de charges correspondant notamment à la consommation d'eau a été calculée au prorata de la superficie de l'appartement, en dépit de l'existence d'un compteur individuel dans leur appartement,
- la facturation pratiquée par le bailleur était erronée, de sorte que les prélèvements effectués l'ont été indûment et qu'ils sont en droit d'en obtenir remboursement pour un montant de 2 558,26 euros,
- il appartient au bailleur de présenter un décompte exact des sommes réglées par M. et Mme [M], en déduisant les régularisations indûment pratiquées ; qu'ils sont à jour de leurs loyers,
- que la demande d'une pénalité mensuelle en application de l'article L442-5 du code de la construction et de l'habitation est infondée, puisqu'ils ont rempli le formulaire d'enquête,
- la bailleresse doit être déboutée de sa demande au titre d'une indemnité d'occupation, puisque ce montant a été fixé par le premier juge en considérant leur situation particulière.
La société Hlm 1001 vies habitat, aux droits de Coopération et famille, réplique que :
- le décompte locatif est constamment débiteur depuis le mois de janvier 2015, en dépit des relances,
- les causes du commandement n'ont pas été régularisées, au titre des loyers et charges impayés,
justifiant la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la suspension de ses effets,
- le décompte fourni est à jour et tient compte du paiement des dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée, par compensation avec la dette locative,
- la pénalité est due en l'absence de réponse de la part des époux [M] à l'enquête sur l'occupation du parc social,
- les époux [M] ne disposaient pas d'un compteur individuel et la bailleresse a, après avoir résilié le contrat de location maintenance et télé-relève des compteurs d'eau avec la société CRAM, continué d'utiliser un système de répartition des charges d'eau au prorata de la surface corrigée de l'appartement sur les millièmes généraux,
- ils sont prescrits à contester les charges générales pour la période antérieure au 1er septembre 2014, et n'ont pas critiqué les pièces mises à leur disposition pour contrôler les charges ; les charges sont toutes justifiées et les gratuités exceptionnelles qui ont bénéficié aux locataires n'avaient pas à être renouvelées, s'expliquant uniquement par des difficultés ponctuelles avec le prestataire,
- le montant de l'indemnité d'occupation ne saurait être fixé à un montant inférieur à celui de la valeur locative,
- la chaudière, qui présentait une non-conformité, dont la réparation incombait au locataire, a été mise en conformité par le bailleur et elle est en parfait état de fonctionnement depuis le 24 octobre 2017.
' sur la régularisation des charges récupérables
- sur la prescription
Le bailleur excipe de la prescription de la contestation des charges générales pour la période antérieure au 1er septembre 2014, compte tenu de la signification de l'assignation le 1er septembre 2017.
L'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, applicable à compter de l'entrée en vigueur de la loi ALUR le 27 mars 2014, dispose : ' Toutes les actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.'
Le point de départ de la prescription en matière de charges locatives est la date de la régularisation des charges et non la date de paiement des provisions dues ; la régularisation des charges de l'année 2011 a été transmise à M. et Mme [M] par courrier du 19 décembre 2014 et celles relatives aux années 2012, 2013 et 2014, par courriers datés des 13 avril 2015, 11 septembre 2015 et 30 octobre 2015. En conséquence, l'action de M. et Mme [M] introduite par la signification de l'assignation le 1er septembre 2017 a été engagée dans le délai de trois ans prévu à l'article 7-1 de loi du 6 juillet 1989, et aucune prescription ne peut leur être opposée pour la contestation des charges récupérables pour les années 2011 à 2014.
- sur la régularisation des charges
Selon l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, 'les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie :
1° Des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée ;
2° Des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d'un contrat d'entretien relatif aux ascenseurs et répondant aux conditions de l'article L. 125-2-2 du code de la construction et de l'habitation, qui concernent les opérations et les vérifications périodiques minimales et la réparation et le remplacement de petites pièces présentant des signes d'usure excessive ainsi que les interventions pour dégager les personnes bloquées en cabine et le dépannage et la remise en fonctionnement normal des appareils ;
3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.
La liste de ces charges est fixée par décret en Conseil d'Etat. Il peut y être dérogé par accords collectifs locaux portant sur l'amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable, conclus conformément à l'article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée.
Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation au moins annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l'immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.
Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires. Durant un mois à compter de l'envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues à la disposition des locataires(...)'
Il résulte de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 que les charges locatives ne peuvent donner lieu au versement de provisions que si elles font l'objet d'une régularisation annuelle par laquelle le bailleur réclame les dépenses réellement exposées sous déduction des provisions versées. A défaut de régularisation, les provisions sur charges ne sont pas dues et le locataire est fondé à réclamer le remboursement des sommes versées à ce titre. Il appartient au bailleur ou à son mandataire de justifier de cette répartition, de son mode et de fournir à disposition les pièces justificatives. Cette obligation légale est satisfaite par la présentation au locataire des différentes catégories de la répartition : charges générales, ascenseur, chauffage, etc. complétées par l'indication du total des tantièmes de chaque catégorie et de la part le concernant. Le bailleur peut justifier des charges à tout moment et en cours de procédure.
Le défaut de justification des charges est sanctionné par la restitution des provisions appelées et réglées par le locataire, sans que ce dernier ait à justifier d'un quelconque préjudice causé par le défaut de justification.
Les époux [M] critiquent le premier juge d'avoir estimé que les demandes présentées par le bailleur au titre des régularisations de charges étaient fondées, alors, selon eux, qu'elles étaient appliquées avec retard et contrairement aux dispositions contractuelles. Pourtant, ils ne sont pas fondés à critiquer les dates auxquelles les régularisations sont intervenues, dès lors qu'elles l'ont été dans les trois ans des périodes concernées. Ils ne peuvent pas non plus reprocher à leur bailleur d'avoir procédé à une évaluation de la consommation d'eau en proportion de la taille de l'appartement sur les millièmes généraux, se contentant d'affirmer, sans l'établir, que leur appartement était équipé d'un compteur individuel. L'évaluation de la consommation réelle faite en calculant la consommation de l'eau au prorata de la superficie n'est pas critiquable, en l'absence d'installation d'un compteur individuel, aucune stipulation contractuelle n'ayant d'ailleurs prévu une telle méthodologie. Le tableau présenté par les époux [M], établi à la main, ne permet en rien d'établir leurs allégations, ne faisant que reprendre des données chiffrées d'une prétendue consommation, dont ils n'expliquent pas de quelle manière ils ont pu l'apprécier. Pour l'année 2010, la bailleresse a renoncé à solliciter les charges pour l'eau froide, ce qui résulte de l'examen de la régularisation effectuée pour cette année-là, situation qu'elle explique, dans ses écritures devant la cour, par les difficultés rencontrées avec le prestataire en charge alors de la télé-relève en place dans l'immeuble, système qu'elle a choisi d'abandonner de ce fait, pour procéder à nouveau à une répartition par superficie. Si cet abandon est critiqué par les époux [M], il ne résulte pas des dispositions contractuelles, contrairement à leurs affirmations, que la télé-relève ait été prévue. De surcroît, la société bailleresse établit avoir procédé à un remboursement des sommes prélevées au titre du coût de la télé-relève à hauteur de la somme de 199,80 euros (12 x 16,65 euros prélevée chaque mois) pour les années 2011 à 2014 et pour le premier semestre de l'année 2015. Ces sommes ont été créditées au compte des époux [M] le 19 janvier 2015 (année 2011), le 29 juin 2015 (année 2012), le 30 octobre 2015 (année 2013), le 29 novembre 2015 (année 2014). Les époux [M] étaient fondés à s'interroger sur le montant des charges dues pour l'eau, puisqu'ils payaient chaque mois un montant pour consommation réelle d'eau (16,65 euros) et une provision mensuelle d'eau froide (47,63 euros), sans que ces deux montants soient explicités. Le remboursement du montant prélevé au titre de la consommation réelle correspondait en réalité à la facturation du service de télé-relève et a été remboursé du fait de la résiliation du contrat conclu avec le prestataire, à la suite de dysfonctionnements du service. Ces deux montants prélevés pour la consommation d'eau ont introduit une confusion, compréhensible, dans l'esprit des époux [M], qui ont cru être facturés doublement au titre de la consommation d'eau.
Les sommes facturées à la rubrique 'consommation réelle' ayant été remises au crédit du compte des locataires, le décompte produit par la bailleresse correspond au montant des échéances de loyers, provisions sur charges et régularisation sur charges. En cause d'appel, les époux [M] ne contestent pas autrement les sommes dues au titre des régularisation sur charges.
En conséquence, la demande formée par M. et Mme [M] de condamner la société 1001 vies habitat à leur payer la somme de 2 558,26 euros, au titre de charges irrégulièrement prélevées, n'est pas fondée et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
' sur la pénalité prélevée pour défaut de réponse à l'enquête d'occupation du parc social
Les époux [M] critiquent le prélèvement d'une somme de 7,62 euros mensuelle à titre de pénalité contractuelle depuis le mois d'avril 2018.
La société 1 001 vies habitat dit avoir adressé une enquête prévue par la loi tous les trois ans, à ses locataires, conformément à l'article 442-5 du code de la construction et de l'habitation, sans réponse de leur part, l'autorisant à prélever cette somme mensuelle.
Toutefois, la bailleresse ne démontre pas l'envoi de cette enquête, de sorte qu'elle n'est pas fondée à facturer la somme de 7,62 euros, qui devra être déduite, soit 7,62 x 6 = 45,72 euros.
' sur l'état de fonctionnement de la chaudière
Les époux [M] affirment que la chaudière ne fonctionne toujours pas et que la bailleresse n'a pas procédé à sa mise en conformité, au besoin en la remplaçant.
La société 1 001 vies habitat affirme au contraire avoir procédé aux réparations nécessaires. Elle verse pour en justifier les documents suivants :
- le courrier du 17 mars 2017 qu'elle a adressé aux époux [M] leur rappelant qu'un contrat d'entretien des chaudières a été signé avec la société Engie, laquelle intervient, sur demande des locataires, pour tout problème constaté,
- le certificat de 'conformité - remplacement d'appareil à gaz' du 5 avril 2017 attestant de la conformité de la chaudière installée dans l'appartement des époux [M] ;
- un courriel adressé par la société 1 001 vies habitat à la société Engie le 13 octobre 2017 demandant l'état de fonctionnement de la chaudière installée au domicile de M. et Mme [M], selon lesquels elle serait à l'arrêt depuis juillet 2017, au motif d'une absence de raccordement à la VMC,
- une lettre écrite le 9 août 2017 par la société 1 001 vies habitat à ses locataires afin de les aviser qu'ils doivent procéder au remplacement d'un tuyau flexible de gaz de la gazinière, lequel est périmé ainsi que l'a constaté le technicien Engie le 14 juin 2017,
- un courriel adressé par la société Engie à la société 1 001 vies habitat le 24 octobre 2017 transmettant des photographies pour expliquer les travaux réalisés chez M. et Mme [M] le 20 octobre 2017,
- le compte-rendu d'intervention en date du 22 juin 2018 en raison d'une panne totale de l'installation et faisant état d'une non-conformité de l'installation,
- l'attestation d'entretien pour l'année 2018 dressée le 5 mars 2019 ne relevant aucune anomalie.
Il est ainsi établi qu'une non-conformité a affecté la chaudière, au point de provoquer sa mise à l'arrêt, jusqu'à sa remise en fonctionnement à la suite de la remise en ordre de la situation par le prestataire en charge de l'entretien de cet équipement. A la date du 5 mars 2019, aucun dysfonctionnement n'est relevé et aucune autre pièce n'est versée par les époux [M] pour démontrer que, comme ils le prétendent, la chaudière présenterait un nouveau dysfonctionnement ou un dysfonctionnement persistant.
Il n'y a pas lieu à intervention de la bailleresse pour la remise en état de la chaudière, le nécessaire ayant été fait dans le courant de l'année 2018. Le jugement sera infirmé de ce chef.
' sur les dommages-intérêts
Le tribunal a par ailleurs condamné la bailleresse à verser aux locataires une somme de 1 800 euros à titre de dommages-intérêts, motif pris de ce que celle-ci n'avait pas fait le nécessaire, au jour de l'audience, pour remédier au dysfonctionnement de la chaudière, en dépit de son obligation à ce titre. Au jour de l'audience devant le 1er juge, le 15 janvier 2018, il est acquis aux débats que plusieurs dysfonctionnements ont été relevés sur la chaudière, qui a fait l'objet de diverses réparations ; par la suite, une non-conformité a été constatée par la société Engie en juin 2018, intervenant pour cause de panne totale de l'installation. La bailleresse ne conteste pas que des dysfonctionnements aient pu exister ni avoir dû procéder à des réparations, mais souligne que les locataires n'ont pas signalé ces difficultés, pas plus qu'ils n'ont contacté la société Engie, dont ils étaient informés pourtant qu'ils pouvaient la solliciter directement. Les locataires ne versent pas aux débats des pièces de nature à justifier qu'ils ont, à plusieurs reprises, informé la bailleresse d'anomalies, et ce vainement, de sorte que, s'il est établi que la chaudière a présenté des anomalies ou non-conformités, il n'est pas justifié que la bailleresse en avait été informée rapidement, sans pour autant réagir. Au contraire, il résulte des pièces versées que la bailleresse a pris les dispositions nécessaires pour procéder aux réparations urgentes et qui s'imposaient, dès qu'elle en a été informée. Il ne peut lui être fait le reproche d'avoir tardé à intervenir, alors que rien n'établit qu'elle avait reçu l'information par les locataires plus tôt, pas plus qu'il ne peut lui être fait grief de n'avoir pas procédé au changement de cette chaudière, dont au contraire il ressort des pièces qu'elle avait été installée neuve en 2017.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé et les époux [M] déboutés de leur demande de condamnation de la société 1 001 vies habitat à leur payer des dommages-intérêts.
' sur la résiliation du bail et l'expulsion
Le contrat de bail conclu entre Coopération famille, aux droits de laquelle vient la société Hlm 1001 vies habitat et M. et Mme [M] le 31 octobre 2000, comprenant une clause résolutoire, prévoyait le règlement d'un loyer mensuel de 2 660 francs en principal, outre une provision sur charges de 725,10 francs et 32,34 francs de frais annexe (télé-relevé). Le loyer s'élevait en principal à la somme de 566,94 euros et en provision sur charges à la somme de 197,88 euros à la date du 31 octobre 2016.
A la date du commandement de payer signifié le 4 janvier 2017, il est fait état par la bailleresse d'une dette locative d'un montant de 2 003,31 Euros. Il résulte du décompte produit aux débats que les loyers ont été régulièrement réglés, la dette étant constituée de sommes dues au titre de régularisations successives au titre de charges non réglées par les locataires.
Si les époux [M] ont contesté la dette, il a été jugé ci-dessus qu'ils étaient redevables d'une somme au titre des régularisation de charges, à la date du commandement de payer.
Les causes du commandement n'ont pas été régularisés dans les deux mois de sa délivrance, de sorte qu'il est justifié de constater l'acquisition de la clause résolutoire.
L'assignation a été régulièrement notifiée au représentant de l'Etat dans le département avant la première audience, la CCAPEX a été régulièrement saisie et le commandement de payer du 4 janvier 2017 est régulier.
La société 1 001 vies habitat sollicite la confirmation du jugement qui a suspendu les effets de la clause résolutoire.
En application de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifiée par la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, au locataire en situation de régler sa dette locative ; pendant le cours des délais ainsi accordés, les effets de la clause de résolution de plein droit sont suspendus ; ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.
Si le locataire se libère dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir jouée ; dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
Compte tenu du montant de la dette et de la date d'entrée dans les lieux des locataires, qui ont jusque-là, réglé régulièrement leur loyer en principal et charges, il convient de suspendre les effets de la clause résolutoire et leur permettre de se libérer de la dette selon les modalités ci-dessous précisées.
Il ne peut être fait le reproche aux locataires de ne pas avoir commencé à apurer la dette locative, du fait que la société 1 001 vies habitat a procédé à la compensation de celle-ci avec la créance de dommages-intérêts qui leur a été accordée par le premier juge.
Du décompte versé aux débats, il est établi que la somme restant à payer est, au titre des loyers, provisions sur charges et régularisation sur charges, d'un montant de 1 891,33 euros, dont il convient de déduire la somme de 45,72 euros pour la pénalité indue, soit une somme de 1 845,61 euros, arrêtée à la date du 16 octobre 2018, échéance d'octobre incluse. Les débiteurs seront autorisés à se libérer de cette somme en 35 échéances de 52 euros, selon les modalités précisées au dispositif. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 1er août 2017.
Les délais accordés par la cour ont pour effet de suspendre les effets de la clause résolutoire, laquelle reprendra ses effets à défaut de respect par M. et Mme [M] de ces dispositions, et permettra leur expulsion immédiate avec si nécessaire le concours de la force publique.
' sur l'indemnité d'occupation
Dès lors que l'indemnité d'occupation, de nature mixte compensatoire et indemnitaire, a pour objet de réparer l'intégralité du préjudice subi par le bailleur du fait de la privation de son bien, elle ne saurait être d'un montant inférieur à celui qu'aurait payé le locataire sans la résiliation du bail. En effet, en l'absence de prise en compte des éventuelles augmentations de loyers pratiquées conformément à la législation sur les baux sociaux, le locataire déchu de son titre d'occupation qui se maintient dans les lieux malgré la décision d'expulsion, serait amené à payer une somme inférieure, pour le même logement, que celle payée par un locataire parfaitement à jour de ses loyers. Par suite, le jugement déféré sera infirmé de ce chef et il convient de fixer, faute pour M. et Mme [M] de respecter les délais accordés par le premier juge, l'indemnité mensuelle d'occupation de la résiliation du bail à la libération des lieux au montant du loyer majoré des charges qui aurait été dû, en cas de poursuite du bail et de condamner M. et Mme [M] au versement de celle-ci. Le jugement sera infirmé de ce chef.
' sur les dépens et l'indemnité procédurale
Le jugement déféré est infirmé sur les dépens, les époux [M] sont condamnés in solidum à payer les dépens de première instance.
En cause d'appel, les époux [M] supportent les dépens de la procédure d'appel et sont condamnés in solidum à payer la somme de 1 000 euros à la société 1 001 vies habitat à titre d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS,
la cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] de leur demande de remboursement au titre des régularisations de charges, constaté l'acquisition de la clause résolutoire et suspendu ses effets, et ordonné l'expulsion en cas de non-respect des modalités de règlement de la dette locative,
STATUANT A NOUVEAU,
DECLARE recevable l'action de M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] au titre des régularisations de charges,
DEBOUTE M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] de leur demande en paiement formée contre la société 1001 vies et habitat,
CONDAMNE in solidum M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] à payer à la société 1 001 vies habitat la somme de 1 845,61 euros au titre des loyers et charges échus et impayés au 31 octobre 2018, outre intérêts au taux légal à compter de 1er août 2017,
REJETTE la demande de mise en conformité de la chaudière,
DEBOUTE M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société 1 001 vies habitat,
DIT que les effets de la clause résolutoire sont suspendus et autorise M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] à se libérer de leur dette locative en 35 mensualités de 52 euros, et un dernier versement soldant la dette, en sus du loyer courant, payables au plus tard le 10 de chaque mois, et pour la première fois, le 10 du mois suivant la signification du présent arrêt,
DIT que faute pour M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] de respecter les délais ainsi accordés, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible, et la clause résolutoire reprendra son plein effet, entraînant la résiliation du bail, et permettant leur expulsion immédiate, ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec si nécessaire le concours de la force publique,
FIXE, faute pour M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M], de respecter les délais accordés, une indemnité d'occupation mensuelle d'occupation due de la résiliation du bail à la reprise effective des lieux au montant du loyer majoré des charges qui aurait été dû en cas de poursuite du bail,
CONDAMNE in solidum M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] au paiement de celle-ci,
CONDAMNE in solidum M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE in solidum M. [W] [M] et Mme [I] [T] épouse [M] à payer à la société 1001 vies et habitat la somme de1 000 euros à titre d'indemnité procédurale.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,