COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59C
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 NOVEMBRE 2020
N° RG 19/04997
- N° Portalis DBV3-V-B7D-TKEX
AFFAIRE :
[W] [E]
C/
SCP MOESAN LE TRANOUEZ DUBUC RUBANY
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 4
N° RG : 18/02207
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Marion CORDIER
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [W] [E]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES vestiaire : 347 - N° du dossier 1603991
Me Vincent PERRAUT, avocat Plaidant,
APPELANTE
****************
SCP MOESAN LE TRANOUEZ DUBUC RUBANY anciennement dénommée SCP MOESAN LE TRANOUEZ CHALINE GOALEC
N° SIRET : 378 22 6 9 06
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1962410 -
Représentant : SELARL LAVAUR AVOCATS (C2052)
Agissant par l'intermédiaire de Me Virginie RABY de la SELARL LAVAUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 2052
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Président chargé du rapport et Madame Françoise BAZET, conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
La société Moesan Le Tranouez [F] Goalec a conclu avec Mme [W] [E] des contrats de remplacement en qualité d'infirmière, soit trois contrats d'une durée de six mois en date des 1er octobre 2014, 1er avril 2015 et 1er octobre 2015 puis quatre contrats d'une durée d'un mois en date des 1er avril, 1er mai, 1er juin et 1er juillet 2016.
Ces contrats comportaient la clause de non concurrence suivante : 'A l'expiration du contrat de remplacement, Mme [E] ne pourra en aucun cas, de manière directe ou indirecte, faire concurrence à la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec (et le cas échéant à ses successeurs) et, pour ce faire, s'engage à ne pas exercer en tant qu'infirmier à titre libéral dans les communes désignées ci-après :
[Localité 9] [Localité 15] [Localité 7]
[Localité 11] [Localité 8] [Localité 6]
[Localité 5] [Localité 13] [Localité 10] [Localité 14]
Mme [E] ne pourra non plus :
- exercer pour le compte de SSIAD de [Localité 12] à titre libéral ou salarié,
- exercer pour le compte des laboratoires de [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 11].
(...)
Cette interdiction prendra effet à dater de l'expiration du contrat, (...), ou du jour de la rupture et prendra fin à l'expiration de 2 (deux) années'
Par lettre du 25 juillet 2016, Mme [E] a indiqué à la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec ne pas accepter de signer un contrat d'un mois de plus.
Aux termes d'un courrier du 29 septembre 2016, son conseil a pris attache avec la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec. Il a contesté la qualification des contrats qu'il a estimé être des contrats de collaboration, invoqué une rupture de pourparlers dans le cadre d'une promesse d'association ainsi qu'un comportement déloyal et remis en cause tant le principe que l'étendue de la clause de non concurrence. Il a sollicité réparation du préjudice subi.
Par lettre du 17 octobre 2016, la société Moesan le Tranouez Goalec a contesté en tous points les reproches qui lui ont été adressés.
Le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers a été saisi d'une demande de tentative de conciliation. Une réunion de conciliation a été organisée le 2 mai 2017 mais a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de non conciliation.
Par acte d'huissier du 8 mars 2018, Mme [E] a assigné la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec devant le tribunal de grande instance de Versailles en requalification des contrats en contrats de travail à titre principal et en contrats de collaboration à titre subsidiaire ainsi qu'en dommages et intérêts et nullité de la clause de non-concurrence.
Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal :
- rejeté la demande Mme [E],
- l'a condamnée à payer à la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec la somme
de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée également aux dépens et autorisé leur recouvrement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
Selon déclaration du 8 juillet 2019, Mme [E] a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 1er septembre 2020, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
rejeté la demande subsidiaire de Mme [E] de requalification des contrats de remplacement en contrats de collaboration et la demande de dommages et intérêts subséquente à hauteur de la somme de 65 308,15 euros du fait de la perte de chance de développer sa patientèle professionnelle,
rejeté la demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros de Mme [E] du fait de la rupture fautive des pourparlers en vue de l'association,
rejeté la demande de nullité de la clause de non concurrence figurant au sein des contrats de remplacement et la demande de dommages et intérêts à hauteur de 18 659,48 euros,
condamné Mme [E] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et débouté Mme [E] de ses demandes formées de ces deux chefs,
et, statuant à nouveau, :
- juger que les contrats de remplacements conclus entre Mme [E] et la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec entre les 1er octobre 2014 et 31 juillet 2016 constituent des contrats de collaboration,
- condamner la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec à lui payer la somme de
20 525,60 euros de dommages et intérêts du fait de la perte de chance subie de pouvoir développer et conserver sa patientèle personnelle,
- juger que la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec a été fautive dans la rupture des pourparlers visant à l'associer au sein de la structure,
- condamner la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec à lui payer la somme de
20 000 euros de dommages et intérêts du fait du préjudice moral subi par Mme [E],
- prononcer la nullité de la clause de non-concurrence figurant au sein des contrats de remplacement conclus entre Mme [E] et la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec,
- condamner la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec au paiement de la somme de 18 659,48 euros au titre du préjudice résultant de la nullité de la clause de non concurrence par Mme [E],
- condamner la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec au paiement de la somme de
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction.
Par dernières écritures du 9 septembre 2020, la société Moesan Le Tranouez [F] Goalec prie la cour de :
à titre principal,
- confirmer en tout point le jugement,
- débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes,
à titre subsidiaire :
- ramener à de plus justes proportions le pourcentage de perte de chance retenu sans qu'il ne puisse excéder 5%,
- limiter le montant de la réparation de la perte de chance de pouvoir développer sa patientèle propre à la somme de 4 074 euros,
en tout état de cause,
- condamner Mme [E] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [E] aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2020.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la requalification en contrat de travail
Le tribunal a retenu que l'existence d'un lien de subordination juridique n'était pas établie et a rejeté les demandes au titre de la requalification en contrats de travail.
Aucun moyen n'est développé à l'encontre de ces motifs et Mme [E] ne sollicite pas devant la cour la requalification en contrat de travail. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Sur la requalification en contrat de collaboration et les dommages et intérêts pour perte de chance de développer et conserver une patientèle personnelle
Le tribunal a également retenu n'y avoir lieu à requalification en contrat de collaboration dès lors que Mme [E] ne contestait pas les affirmations de la défenderesse selon lesquelles elle n'était pas conventionnée et ne pouvait l'être avant deux ans de sorte qu'elle ne pouvait avoir un statut de collaboratrice. Il a par ailleurs observé que la non-conformité des contrats aux textes, notamment l'absence du nom de l'infirmière remplacée, relevait le cas échéant d'une sanction ordinale mais ne constituait pas un motif de requalification.
Mme [E] soutient, au visa des articles R. 4312-43 et R. 4312-45 alinéa 3 du code de la santé publique, que le contrat de remplacement, à défaut de mentionner le nom de l'infirmière remplacée et de prévoir la durée du remplacement en corrélation avec l'indisponibilité du remplacé, est illicite et passible de la requalification en contrat de collaboration. Elle note d'ailleurs que l'intimée n'a jamais produit aux débats les déclarations faites à l'organisme d'assurance maladie en application de l'article R. 4312-45 précité. Elle prétend qu'en réalité, il ne s'agissait pas de remplacement puisqu'elle travaillait en même temps que les membres de la société, de façon continue et exclusive pour celle-ci, et que les contrats litigieux ont permis à la société d'assurer une permanence à moindre frais. Elle expose qu'elle disposait de l'ancienneté requise pour être conventionnée et prétend que le statut d'infirmier non conventionné n'exclut pas le bénéfice du statut de collaborateur. Elle avance ainsi être fondée en sa demande de requalification et que le recours illégal à des contrats de remplacement lui a fait perdre l'opportunité de dégager un chiffre d'affaires complémentaire consécutif au développement d'une patientèle personnelle, laquelle a une valeur patrimoniale. Elle évalue les dommages et intérêts dus de ce chef à la somme de 20 525,60 euros, sur la base notamment d'une perte de chance de 80% d'obtenir les gains qui auraient été perçus grâce à la patientèle personnelle.
L'intimée réplique que les dispositions invoquées par l'appelante se rapportant aux mentions du contrat de remplacement ne sont pas des conditions de validité. Elle rétorque aussi que Mme [E] ne remplissait pas les conditions requises pour aspirer à une collaboration en l'absence de conventionnement dans la zone d'activité prévue. Elle fait valoir que l'affirmation de Mme [E] selon laquelle les associés exerçaient en même temps qu'elle n'est pas prouvée et qu'il en est de même de l'allégation suivant laquelle elle aurait travaillé exclusivement pour la société, arguant que cela ne lui a jamais été demandé et que le planning était fixé de façon à ce qu'elle ne travaille que sept soirs par mois. A titre subsidiaire, elle conteste le taux de perte de chance allégué, proposant d'appliquer un taux de 5% et de limiter l'indemnisation à la somme de 4 074 euros.
***
Aux termes de l'article R. 4312-43 du code de la santé publique, dans sa version applicable, le remplacement d'un infirmier ou d'une infirmière est possible pour une durée correspondant à l'indisponibilité de l'infirmier ou de l'infirmière remplacé. Toutefois, un infirmier ou une infirmière interdit d'exercice par décision disciplinaire ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction. Au delà d'une durée de 24 heures, ou en cas de remplacement d'une durée inférieure à 24 heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties.
Ces dispositions ne sont pas édictées à peine de nullité. La non-conformité des contrats conclus à ce texte n'affecte donc pas leur validité, étant du reste observé qu'en l'espèce, des contrats de remplacement ont bien été établis.
Par ailleurs, l'éventuel défaut d'information des organismes d'assurance maladie tel que prévu par l'article R. 4312-45 alinéa 3 du même code, dans sa version également en vigueur, est aussi sans incidence au regard de la validité des contrats.
Le juge n'a pas à s'attacher à la qualification donnée par les parties à leur convention et doit, en application de l'article 12, alinéa 2, du code de procédure civile, donner ou restituer leur exacte qualification aux actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé.
Au cas d'espèce, les contrats prévoient tous que 'l'objet du présent contrat est de procéder au remplacement des associées, par Mme [E] [W] qui exercera en leurs lieux et place et en leur absence dans le cabinet professionnel situé [Adresse 2]'. Ils stipulent aussi en leur article III : ' afin de ne pas perturber le mode de fonctionnement du cabinet, les dates de remplacement seront fixées d'un commun accord entre Mme [E] [W] et (...) les associées dans la SCP sus décrite' lesquelles 'fixeront en commun avec Mme [E] [W] les dates de ses interventions selon un planning établi d'un commun accord' et'en dehors des périodes de remplacements telles que convenues entre les parties, Mme [E] [W] pourra assurer des remplacements dans d'autres cabinets infirmiers'.
Les contrats font ainsi exclusivement référence à une activité de remplacement, Mme [E] étant censée intervenir aux lieux et place des associées, en leur absence.
La circonstance que les contrats de remplacement aient au total duré presque deux ans n'est pas de nature à contredire une activité de remplacement et à caractériser une collaboration. Il en est de même du fait que Mme [E] ait pu éventuellement travailler uniquement pour la société intimée, étant du reste observé que les contrats conclus n'imposaient pas une telle exclusivité et que Mme [E] ne justifie pas de ses interventions effectives pour la société. En effet, elle ne produit pas les plannings du cabinet, hormis pour les mois d'octobre à décembre 2014 et de juin ainsi que juillet 2016 (Mme [E] ayant cessé toute intervention pour le cabinet à la fin du mois de juillet 2016). Elle ne démontre donc pas que sa cadence de travail au sein de celui-ci l'occupait au point de ne pouvoir exercer ailleurs.
Enfin, l'affirmation de Mme [E] selon laquelle les associées de la société travaillaient en même temps qu'elle de sorte qu'il ne s'agissait pas de remplacements n'est pas justifiée. Comme déjà indiqué, Mme [E] ne verse aux débats que très peu de plannings au regard de la durée totale des contrats. En outre, elle ne fournit aucune explication précise sur ceux qu'elle produit. Or, celui des mois de juin et juillet 2016 n'est pas exploitable faute pour Mme [E] d'indiquer la signification des sigles qui y sont mentionnés. Quant à celui des mois d'octobre à décembre 2014, il est de nature à démontrer que Mme [E] intervenait pendant des périodes d'absence d'associées.
Les conditions d'exécution des contrats telles qu'elles apparaissent en l'état des pièces fournies ne contredisent donc pas la qualification de contrats de remplacement.
Partant, la demande de requalification en contrats de collaboration sera rejetée, de même que celle subséquente en indemnisation de la perte de chance de pouvoir développer et conserver sa patientèle propre, le jugement étant confirmé de ces chefs.
Sur la rupture fautive de pourparlers
Le tribunal a retenu que Mme [E] ne rapportait pas la preuve qu'une association était sur le point d'aboutir et que des pourparlers aient été rompus de manière abusive. Il a en conséquence rejeté la demande de dommages et intérêts pour rupture des pourparlers.
Mme [E] soutient qu'il était convenu d'une cession de parts sociales afin qu'elle accède au statut d'associé. Elle en veut pour preuve la multiplicité ainsi que la brièveté des contrats de remplacement, la formulation de la clause de non-concurrence faisant état de la possibilité pour elle de devenir associée, la transmission par le cabinet d'éléments comptables par nature confidentiels pour lui permettre d'obtenir un emprunt, les démarches entreprises par elle auprès de sa banque pour la finalisation d'un emprunt portant sur le rachat de parts et la lettre rédigée par ses soins le 25 juillet 2016 précisant clairement qu'elle ne souhaitait pas poursuivre les remplacements dès lors que le rachat de parts n'était plus envisagé. Elle reproche à la société son manque de bonne foi dans le déroulement et la rupture de ces pourparlers, sollicitant la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
L'intimée réplique qu'aucune discussion n'avait débuté et que si rupture il y a, elle est de la seule initiative de Mme [E]. Elle avance qu'elle a toujours fait part à Mme [E] de son souhait de finaliser préalablement le processus de cession de parts avec Mme [F] avant d'envisager une nouvelle intégration. Elle soulève par ailleurs que le statut de Mme [E] hors convention laissait présager de nombreuses difficultés.
***
Il appartient à Mme [E], qui se prévaut d'une rupture fautive de pourparlers, de prouver l'existence de ceux-ci.
Ni le nombre des contrats de remplacement, ni la brièveté des derniers d'entre eux ne sont un élément probant à ce titre. L'indication dans la clause de non-concurrence que celle-ci ne s'appliquerait pas en cas d'intégration de Mme [E] en qualité d'associée ne justifie pas non plus de l'existence des pourparlers invoqués. La détention par Mme [E] des déclarations fiscales 2012 à 2014 de la société est également insuffisante, faute pour l'appelante d'établir les circonstances dans lesquelles elle les a obtenues. L'attestation du Crédit industriel et commercial selon laquelle Mme [E] l'aurait sollicité dans le cadre d'un financement portant sur l'acquisition de parts de SCP d'infirmières à [Localité 15] n'est pas non plus probante, celle-ci datant du 8 novembre 2017, plus d'un an après la fin de la relation entre les parties. Enfin, la lettre du 25 juillet 2016 contredit même la réalité de pourparlers puisque dans celle-ci, Mme [E] reproche précisément à la société d'infirmières de ne pas lui proposer le rachat de parts.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour rupture fautive de pourparlers.
Sur la nullité de la clause de non concurrence et les dommages et intérêts afférents
Au visa de l'article R. 4312-87 alinéa 2 du code de la santé publique, le tribunal a retenu que seules les clauses de non concurrence imposées aux salariés devaient faire l'objet d'une contrepartie financière, que la clause litigieuse limitait uniquement la possibilité pour Mme [E] de travailler comme infirmière libérale individuellement ou dans le cadre d'une collaboration, qu'elle répondait à un intérêt légitime de la société et qu'elle était limitée dans le temps et dans l'espace. Il a jugé que Mme [E] n'avait aucune impossibilité de travailler en libéral dans une zone proche de son domicile, relevant que Mme [E] était domiciliée à [Localité 11] et le cabinet de la société à [Localité 15], au sud-est de [Localité 11], et que la totalité des villes mentionnées dans la clause se trouvaient à l'est de [Localité 11], sans qu'aucune des villes situées à l'ouest, telles que Mantes, au nord-est ou au sud, sud-ouest ne soit indiquée.
Mme [E] soutient que la clause de non-concurrence est illicite dans la mesure où le fait de lui imposer une interdiction générale d'exercer au sein des communes d'[Localité 9], [Localité 15], [Localité 7], [Localité 11], [Localité 8], [Localité 6], [Localité 5], [Localité 13], [Localité 10] et [Localité 14] est disproportionné. Elle observe également que l'empêcher d'exercer au sein du SSIAD (service de soins infirmiers à domicile) de [Localité 12], ville à l'ouest de [Localité 11], qui s'étend à plus d'une cinquantaine de communes du département lui interdisait d'exercer dans une zone géographique exorbitante. Elle sollicite la somme de 18 659,48 euros en réparation de l'illicéité de la clause.
L'intimée réplique que la clause de non-concurrence est parfaitement licite dans la mesure où celle-ci est limitée tant dans le temps que dans l'espace et qu'elle n'interdit pas à Mme [E] d'exercer dans les mêmes communes où est présent le SSIAD de [Localité 12] à condition toutefois de ne pas être liée par une clause de non-concurrence pour certaines d'entre elles. Elle soutient qu'elle était proportionnée au regard des intérêts à protéger.
***
La clause de non-concurrence ne doit pas rendre impossible l'exercice par le professionnel de son activité, elle doit être proportionnée aux intérêts légitimes qu'elle a pour objet de protéger et être limitée dans le temps et l'espace.
Le tribunal a à juste titre retenu que l'existence d'une contrepartie financière n'est exigée que pour les salariés, Mme [E] ne contestant pas ce point devant la cour.
La limitation dans le temps, de deux ans, prévue par la clause apparaît raisonnable et conforme aux règles de la profession.
Le tribunal a également justement relevé que la clause litigieuse n'empêchait pas Mme [E] de travailler comme salariée et/ou d'effectuer des remplacements dans les communes expressément désignées mais concernait ses possibilités d'installation comme infirmière libérale ou dans le cadre d'une collaboration dans lesdites communes.
Les communes désignées nommément dans la clause sont, outre [Localité 11], où Mme [E] résidait, toutes situées à l'est de cette ville ainsi que le tribunal l'a noté. Elles se trouvent dans un périmètre kilométrique réduit aux alentours du cabinet de [Localité 15].
Certes, la clause de non-concurrence prévoit aussi une interdiction d'exercice pour le compte du SSIAD de [Localité 12], à titre libéral ou salarié, et la ville de [Localité 12] se trouve, comme l'indique l'appelante, à l'ouest de [Localité 11]. Toutefois, la commune de [Localité 12] est à proximité immédiate de [Localité 15] et l'affirmation de Mme [E] selon laquelle le SSIAD de [Localité 12] étend son activité à plus d'une cinquantaine de communes du département n'est étayée par aucun élément de preuve. L'appelante s'abstient même d'énumérer lesdites communes et ne fournit aucune pièce justifiant de la zone d'activité du SSIAD ainsi que de ses modalités d'exercice. Il s'ensuit qu'alors que Mme [E] sollicite le prononcé de la nullité de la clause et qu'il lui appartient de prouver le caractère disproportionné de celle-ci, elle ne met pas en mesure la cour d'apprécier concrètement l'étendue de la restriction se rattachant à l'interdiction relative au SSIAD et de vérifier si, comme elle l'allègue, elle aboutit à lui interdire d'exercer son activité dans une zone géographique exorbitante, étant observé que l'intimée le conteste puisqu'elle affirme que Mme [E] a la possibilité d'exercer dans les communes où est présent le SSIAD, hormis celles limitativement énumérées.
En considération des éléments de preuve fournis, il n'apparaît pas que l'étendue du territoire faisant l'objet de l'interdiction soit disproportionnée au regard de la nécessaire protection contre toute concurrence de la part de Mme [E].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande de nullité de la clause de non concurrence. Sa demande de dommages et intérêts subséquente le sera également.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [E], qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'intimée la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais de procédure de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Ajoutant :
Condamne Mme [E] à payer à la société Moesan Le Traounez [F] Goalec la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Mme [E] aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,