COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30Z
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 NOVEMBRE 2020
N° RG 19/01229 - N° Portalis DBV3-V-B7D-S7EW
AFFAIRE :
SARL PHILIPPE AUGUSTE
C/
S.A. PROXISERVE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 20 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 16/13573
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL PHILIPPE AUGUSTE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1961291
Représentant : Me Henry RANCHON du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0008 - par Me ALCOUFFE
APPELANTE
****************
S.A. PROXISERVE
N° SIRET : 334 87 3 7 26
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 - N° du dossier 20190446 - Représentant : Me Laurent DE GABRIELLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0531
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Bruno NUT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 1er juillet 2010, avec effet au 1° janvier 2011, la société SCI rue de l'Est, aux droits de laquelle se trouve la société Philippe Auguste, a donné à bail commercial à la société Proxiserve pour une durée de 9 années, des locaux à usage de bureaux d'une surface de 1.706 m2, outre des parkings, situés [Adresse 5] (92). Ce bail faisait suite à un précédent contrat de location conclu en janvier 2008 qui a fait l'objet d'une résiliation amiable anticipée.
Le montant du loyer annuel du nouveau bail a été fixé à la somme de 604.980 euros HT et HC avec une franchise de 3 mois de loyer pour l'année 2011 et de 2 mois pour l'année 2012.
A la fin de l'année 2015 la société Proxiserve a sollicité la réalisation de travaux par la bailleresse. Le preneur et le bailleur se sont alors trouvés en désaccord sur la prise en charge financière de ces travaux (notamment remplacement de la climatisation). Deux autres désaccords concernaient la clause d'indexation du contrat que la société Proxiserve considérait comme illicite, et une demande de la société Proxiserve de remboursement des honoraires de gestion prévus par le bail.
Par courrier du 24 mai 2016, la société Proxiserve a mis en demeure la société Philippe Auguste de lui restituer le montant de l'indexation indûment réglée.
Par acte extrajudiciaire du 8 juin 2016, la société Proxiserve a délivré congé à la société Philippe Auguste pour le 31 décembre 2016.
Par acte du 4 juillet 2016, la société Proxiserve a fait assigner la société Philippe Auguste en référé afin d'obtenir une provision à valoir sur l'indexation indûment réglée sur la période de 2012 à 2016, du fait de la nullité de la clause d'indexation du bail. Par ordonnance du 26 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté cette demande.
Par ordonnance de référé du 17 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la société Proxiserve, a désigné un expert afin notamment de décrire les travaux à réaliser pour une restitution des lieux en bon état, l'expert devant 'distinguer les travaux d'entretien et les travaux de plus grande envergure'. L'expert a déposé son rapport le 25 septembre 2017.
Par acte du 12 octobre 2016, la société Proxiserve a assigné la société Philippe Auguste au fond devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'obtenir restitution d'une somme de 184.908.54 euros TTC correspondant aux frais facturés au titre de la gestion de l'immeuble. Elle a ensuite élargi sa demande au remboursement de l'indexation dont elle avait été déboutée en référé, outre une demande de remboursement des frais de remplacement de la climatisation.
Par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 146.930,45 euros HT, soit la somme de 176.316, 54 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016 au titre des frais de gestion,
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 262.942,30 euros HT soit la somme de 315.530,76 euros TTC, au titre des sommes versées indûment selon indexation, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016,
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 108.597 euros TTC au titre du coût de remplacement de l'installation de climatisation.
- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers des condamnations prononcées à l'encontre de la société Philippe Auguste.
- Condamné la société Philippe auguste aux dépens avec droit de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 21 février 2019, la société Philippe Auguste a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 5 mai 2020, la société Philippe Auguste demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 20 décembre 2018 ;
Et statuant à nouveau :
A titre principal
- Débouter la société Proxiserve de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ainsi que de son appel incident;
- dire et juger que la clause d'indexation stipulée à l'article 7 du bail n'est pas contraire aux dispositions de l'article L.112-1, alinéa 2 du code monétaire et financier et ne peut donc être réputée non écrite.
- débouter en conséquence la société Proxiserve de sa demande de condamnation formée à ce titre.
- dire et juger que la demande de restitution des honoraires de gestion fondée sur l'absence de cause est prescrite.
- déclarer en conséquence la société Proxiserve irrecevable en sa demande de condamnation.
- dire et juger que les travaux relatifs au changement du système de climatisation sont à la charge de la société Proxiserve
- débouter en conséquence la société Proxiserve de sa demande de condamnation.
A titre subsidiaire
- dire et juger que la clause d'indexation stipulée à l'article 7 du bail doit être considérée comme divisible et limiter, en conséquence, la demande formée par cette dernière à la somme de 50.248,80 euros HT, soit 60.086,80 euros TTC.
- constater que les honoraires de gestion facturés par la société Philippe Auguste correspondent à des diligences effectivement réalisées.
- débouter en conséquence la société Proxiserve de sa demande de restitution.
A titre infiniment subsidiaire
- dire et juger la demande en répétition de l'indu formée au titre des honoraires de gestion par la société Proxiserve se heurte à la prescription partielle.
- dire et juger en conséquence que la somme due à ce titre à la société Proxiserve par la société Philippe auguste est de 145.015,75 €.
- ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes dues par la société Philippe Auguste à Proxiserve à compter de l'assignation du 3 octobre 2016 pour les éventuelles condamnations relatives aux sommes versées au titre de l'indexation, et à compter de l'assignation en date du 12 octobre 2016 pour les éventuelles condamnations relatives aux sommes versées au titre des honoraires de gestion, s'il advenait que la cour d'appel confirme le jugement de première instance sur ces chefs de condamnations.
En tout état de cause
- condamner la société Proxiserve à payer à la société Philippe Auguste une somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société Proxiserve aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 8 juin 2020, la société Proxiserve demande à la cour de :
- Dire que la société Proxiserve a réglé sans cause ou sur une fausse cause la somme de 154.090,45 € HT à titre d'honoraires de gestion alors que la société Philippe Auguste ne peut justifier d'aucune action à ce titre.
- Confirmer la condamnation de la société Philippe Auguste à restituer la somme globale de 154.090,45 euros HT soit 184.908,54 euros TTC avec intérêts et capitalisation par année, la réformer sur leur point de départ et le fixer au jour des règlements, si besoin est à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation de ses fonds et la confirmer en toute hypothèse à compter de la mise en demeure du 24 mai 2016 ;
- Dire nulle la clause d'indexation du bail (art. 7);
- La dire nulle dans sa globalité par application des dispositions de l'article R 145-22, L.145-38 et L 145-15 du Code de commerce ;
- Confirmer la condamnation de la société Philippe Auguste à restituer la somme de 262.942,30 euros HT soit 315.530,76 eurosTTC avec intérêts au taux légal et capitalisation par année, la réformer sur leur point de départ et le fixer à compter du jour des versements, si besoin est à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation de ses fonds et le confirmer en toute hypothèse à compter de la mise en demeure du 24 mai 2016 ;
- Confirmer la condamnation de la société Philippe Auguste à verser à la société Proxiserve la somme de 108.597,00 euros TTC au titre des frais de remplacement de l'installation de climatisation, la réformer sur le point de départ des intérêts et le fixer au jour du règlement et ordonner leur capitalisation par année ;
- Condamner la société Philippe Auguste au paiement de la somme de 30.000 euros en remboursement des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Philippe Auguste aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise menée par monsieur [T], qui seront distraits et recouvrés dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 09 juillet 2020.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les demandes formées par la société Proxiserve portent sur trois points distincts qu'il convient d'examiner successivement.
1- sur la demande de remboursement des charges relatives aux honoraires de gestion
Il résulte de l'article 8 du bail intitulé 'remboursement des charges de fonctionnement de l'immeuble' que :' le bailleur entendant percevoir un loyer net de tous frais et charges, le preneur s'engage à acquitter sa quote-part de l'ensemble des charges de fonctionnement de l'immeuble qui comprendront notamment et sans limitation les dépenses afférentes aux catégories suivantes si elles existent : (...) La gestion, y compris les honoraires de gestion, à savoir le coût des frais et honoraires de gérance des lieux loués, ainsi que les honoraires liés à l'administration des charges. Ces honoraires sont intégrés dans le budget annuel de charges, et fixés à 4,5% hors taxes des loyers facturés hors taxes (...).'
Le premier juge a estimé que la demande de remboursement des honoraires de gestion était d'une part recevable car non prescrite, d'autre part bien fondée en ce qu'il n'existait pas véritablement de gestion du bien loué dès lors que la société Proxiserve est locataire de la totalité de l'immeuble.
Le bailleur conclut à l'infirmation du jugement sur ce point, soulevant à titre principal la prescription de l'action, et à titre subsidiaire le mal fondé de la demande.
* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le bailleur fait valoir que l'action introduite par assignation du 12 octobre 2016 est prescrite dès lors que le locataire avait connaissance, dès la signature du bail le 1° juillet 2010 de la clause prévoyant le paiement d'honoraires de gestion. Elle invoque, à titre subsidiaire, une prescription partielle de l'action pour les 1°et 2° trimestres de l'année 2011.
La société Proxiserve soutient pour sa part que son action en répétition de l'indû n'est pas prescrite, au motif que le point de départ de la prescription se situe à la découverte de l'absence de cause du règlement des charges, admise par le bailleur dans un courriel du 2 février 2016 (dans lequel il indique 'reprendre la gestion de l'immeuble' à cette date), comme l'a reconnu le tribunal.
L'action exercée par la société Proxiserve est une action en répétition de sommes qu'elle estime avoir indûment réglées au titre des charges constituées des honoraires de gestion.
Lorsqu'une dette est payable par termes successifs, comme c'est le cas en l'espèce s'agissant de charges, la prescription se divise comme la dette elle-même et court contre chacune de ses parties à compter de son échéance. Le point de départ de la prescription est ainsi la date d'échéance de chacune des dettes successives, et non pas la découverte de l'absence de cause pouvant résulter du courriel du 2 février 2016.
En l'espèce, la société Proxiserve a exercé son action par assignation du 12 octobre 2016, de sorte que sa demande est prescrite pour les charges échues avant le 12 octobre 2011. Sa demande sera déclarée recevable, mais uniquement pour les charges échues postérieurement au 12 octobre 2011. Le jugement sera infirmé de ce chef.
* sur le bien fondé de la demande en restitution des charges relatives aux honoraires de gestion
La société Proxiserve fait valoir qu'elle était locataire de la totalité de l'immeuble, et qu'elle en assurait seule la gestion, notamment le paiement des différentes charges, de sorte que la société Philippe Auguste n'a jamais effectué aucune tâche de gestion et n'a administré aucune charge, et qu'elle n'était donc pas fondée à solliciter paiement de charges relatives à des honoraires de gestion.
La société Philippe Auguste soutient pour sa part qu'elle a mené à bien sa mission de gestion en ce qu'elle est intervenue à plusieurs reprises entre 2011 et 2016 sur un plan technique, ajoutant que les honoraires couvraient également la gestion locative qu'elle a toujours assumée, aucune contestation n'étant émise sur ce point.
Il est exact, comme le fait observer la société Philippe Auguste, que les charges de gestion, telles que définies à l'article 8 précité, comprennent deux types de charges, à savoir d'une part 'le coût des frais et honoraires de gérance des lieux loués', d'autre part 'les honoraires liés à l'administration des charges'.
S'il est exact que l'administration des charges ne représentait qu'une tâche minime dès lors que la société Proxiserve était locataire de la totalité de l'immeuble et qu'elle assumait la plupart des charges, il n'en reste pas moins, d'une part que la société Philippe Auguste justifie toutefois avoir réalisé certaines interventions (remplacement de stores, réalisation d'un audit sur les équipements techniques), d'autre part qu'elle assumait également des frais et honoraires de gestion locative (établissement des avis d'échéances et quittances, suivi des règlements, autorisations de travaux données au locataire ...).
Au regard de ces éléments, il est établi que la société Philippe Auguste assumait une mission générale de gestion locative et qu'elle est intervenue ponctuellement pour des questions techniques, de sorte qu'elle était fondée à solliciter paiement de charges relatives à des honoraires de gestion conformément à l'article 8 du bail.
La demande en restitution des sommes réglées à ce titre, telle que formulée par la société Proxiserve, sera donc rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.
2 - sur la demande de nullité de la clause d'indexation
Il résulte de l'article L. 145-39 du code de commerce que si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.
Il résulte en outre de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier qu'est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.
En l'espèce, les parties ont prévu une révision du loyer chaque année suivant la variation de l'indice du coût de la construction, et pour la première fois le 1° janvier 2012. Il résulte de l'article 7 du bail intitulé 'indexation' que : ' l'indice de base retenu sera celui du 2° trimestre 2010, non encore paru au moment de la conclusion des présentes, l'indice de comparaison celui du 2° trimestre correspondant de chacune des années suivantes. L'augmentation en résultant sera applicable dès le 1° janvier de chaque année. Cette indexation annuelle ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse du dernier indice, le loyer ne pouvant en aucun cas varier à la baisse (....) (Souligné par la cour).'
Le premier juge a estimé que cette clause était nulle en ce qu'elle exclut la réciprocité de la variation. Il a en outre estimé qu'elle formait un tout indivisible, de sorte qu'elle était nulle dans son intégralité.
La société Philippe Auguste soutient que l'article du code monétaire et financier ne prévoit à aucun moment l'interdiction de stipuler un loyer plancher en dessous duquel le loyer ne pourrait descendre. Elle ajoute que l'aménagement contractuel n'a pas pour objet de fausser la stricte application de l'indice qui s'applique annuellement de façon automatique. Elle argue d'une liberté dans la rédaction des clauses d'indexation et d'une possibilité de négociation.
****
Les dispositions de l'article L. 145-39 précité sont d'ordre public de sorte que les parties ne peuvent y déroger.
La particularité d'une clause d'échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse et à la baisse, ce qui induit qu'une clause écartant toute réciprocité de variation fausse le jeu normal de l'indexation. La clause litigieuse qui écarte la variation du loyer à la baisse est donc contraire aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier. Elle contrevient aussi aux dispositions de l'article L.145-39 du code de commerce puisqu'elle ne permet pas une diminution du loyer. Cette clause doit être déclarée non écrite en application de l'article L. 145-15 du même code.
Les parties s'opposent toutefois sur les conséquences de cette illicéité, le locataire soutenant que l'intégralité de la clause doit être déclarée non écrite, tandis que le bailleur soutient que la clause est divisible et qu'il convient de cantonner l'illicéité à la seule stipulation d'une impossibilité de variation à la baisse. Le bailleur fait notamment valoir que cette stipulation peut parfaitement être retirée sans que le fonctionnement du reste de la clause en soit affecté.
L'article 7 précité du bail, relatif à l'indexation comporte un dernier alinéa ainsi rédigé : 'la présente clause d'indexation constitue une condition essentielle et déterminante sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté. En conséquence, sa non application partielle ou totale pourra autoriser le bailleur et lui seul, à demander la résiliation du bail, sans indemnités quelconques au profit du preneur.'
Il apparaît ainsi que l'intention même du bailleur était de faire de cette clause d'indexation, sans distinction de ses différentes parties, une condition essentielle et déterminante de son consentement, de sorte que l'on comprend mal comment la société Philippe Auguste accepte aujourd'hui qu'elle puisse être amputée d'une partie de son contenu. La société Philippe Auguste indiquait même que la non application partielle de la clause pourrait la conduire à demander la résiliation du bail, confirmant ainsi que tous les termes de cette clause revêtaient un caractère essentiel, conduisant ainsi à l'indivisibilité de ses termes et empêchant d'opérer un choix entre eux pour n'en conserver que certains.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a réputé non écrite en son entier la clause d'indexation figurant à l'article 7 du bail. Le jugement sera confirmé de ce chef, et en ce qu'il a condamné la société Philippe Auguste à restituer à la société Proxiserve le montant des indexations indûment réglées à hauteur de la somme de 262.942,30 euros HT soit la somme totale de 315.530,76 euros TTC.
Le premier juge a dit que les intérêts au taux légal commenceraient à courir à compter de la mise en demeure du 24 mai 2016. La société Proxiserve demande que le point de départ des intérêts soit fixé à compter du jour de chacun des règlements indûs. La société Philippe Auguste répond sur le point de départ de la capitalisation des intérêts qui ne fait toutefois pas débat, mais ne forme aucune observation sur le point de départ des intérêts eux-mêmes.
S'agissant d'une demande en remboursement de sommes indues, il résulte de la combinaison des articles 1153 et 1378 anciens du code civil que celui qui est condamné à rembourser une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande s'il était de bonne foi, et du jour du paiement s'il n'était pas de bonne foi. En l'espèce, la société Proxiserve n'allègue aucune mauvaise foi de la société Philippe Auguste, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a dit que les intérêts commenceraient à courir à compter du 24 mai 2016, et qu'il a ordonné la capitalisation de ces intérêts sauf à ajouter que cette capitalisation sera opérée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
3 - sur la demande en remboursement des frais de remplacement de la climatisation
Il résulte de l'article 1755 du code civil qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.
Il résulte toutefois de l'article 14.1 du bail relatif à l'obligation d'entretien que : 'le preneur devra tenir les locaux loués pendant toute la durée du bail en bon état et effectuer à ses frais tous travaux d'entretien, de réparation de l'immeuble, à l'exception des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil qui resteront à la charge du bailleur (...). Le preneur devra entretenir, réparer ou remplacer à ses frais tous les appareils, équipements, installations y compris, sans que cette liste soit limitative, les fenêtres, volets, portes, glaces, vitres, revêtements de sols et de murs, robinets, etc...usagés, vétustes ou périmés par suite d'exigence administrative ou par force majeure (...).'
Le premier juge a estimé que le remplacement de la climatisation vétuste devait être mis à la charge du bailleur dès lors que cette installation ne figurait pas dans l'énumération de l'article 14-1 du bail.
Le bailleur critique ce jugement, au motif d'une part que le preneur ne rapporte pas la preuve de la nécessité du changement de la climatisation du fait de sa vétusté, d'autre part que les parties ont entendu déroger à l'article 1755 précité, et enfin que la liste figurant à l'article 14-1 n'est pas limitative. Il ajoute que le remplacement d'une climatisation ne relève pas des grosses réparations à la charge du bailleur.
La société Proxiserve soutient pour sa part que l'article 14 du bail, en ce qu'il constitue une dérogation à l'article 1755 du code civil, doit être interprété de manière restrictive, ajoutant que l'énumération de l'article 14, si elle n'est pas limitative, vise exclusivement de petits équipements mobiles, auxquels la climatisation ne peut être assimilée.
S'agissant de la nécessité du remplacement de la climatisation, elle résulte du rapport d'expertise, non discuté sur ce point, qui précise : 'la nécessité de remplacer ce groupe froid est donc imposée par l'ancienneté de l'installation.' De même, l'audit de maintenance réalisé par le bailleur en mai 2016 fait apparaître que l'unité n'est plus fonctionnelle depuis 2013 du fait d'une panne et du vieillissement des appareils, étant au surplus observé que le système fonctionne avec un fluide frigorigène R22 désormais interdit à la vente.
L'article 14-1 du bail, en ce qu'il constitue une dérogation aux dispositions légales, doit être interprété de manière restrictive. S'il mentionne que le preneur doit remplacer à ses frais tous les appareils ou équipements usagés ou vétustes, il en fait une liste qui - bien que non limitative - ne porte que sur de petits équipements tels que 'fenêtres, volets, portes, glaces, vitres, revêtements de sols et de murs, robinets'. Ces équipements, de faible coût, ne peuvent en aucune manière être comparés à une installation complète de climatisation dont le coût s'élève à plus de 100.000 euros. C'est ainsi à bon droit que le premier juge a estimé que les travaux de remplacement de la climatisation, occasionnés par vétusté, devaient être mis à la charge du bailleur. Le jugement sera confirmé de ce chef, et en ce qu'il a condamné la société Philippe Auguste au paiement de la somme de 108.597 euros au titre du coût de remplacement de l'installation de climatisation.
S'agissant d'une demande en remboursement de sommes indûment versées, et en l'absence de mauvaise foi de la société Philippe Auguste, les intérêts au taux légal commenceront à courir à compter du 28 novembre 2017, date des conclusions par lesquelles la société Proxiserve a sollicité pour la première fois le remboursement de cette somme.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Philippe Auguste qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel. Les frais d'expertise seront partagés par moitié.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 20 décembre 2018 en ce qu'il a condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 146.930,45 euros HT, soit la somme de 176.316, 54 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016 au titre des frais de gestion,
Confirme le jugement pour le surplus,
Et y ajoutant,
Dit que la somme de 108.597 euros au titre du coût de remplacement de l'installation de climatisation portera intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2017,
Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Philippe Auguste aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile, étant toutefois précisé que les frais d'expertise seront partagés par moitié.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,