COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 NOVEMBRE 2020
N° RG 18/01903 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SKCC
AFFAIRE :
[N] [X]
C/
SASU ESPACE ET VOLUME
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Février 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : 17/00293
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
M. [I] [Y]
Me Richard DAUDANNE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [X]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 4] (ROUMANIE)
de nationalité Roumaine
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : M. [I] [Y] (Délégué syndical ouvrier) muni d'un pouvoir
APPELANT
****************
SASU ESPACE ET VOLUME
N° SIRET : 540 071 701
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Richard DAUDANNE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 23
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 12 mars 2014, M. [N] [X] était embauché par la société Espace et Volume en qualité d'ouvrier professionnel par contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail était régi par la convention des ouvriers du bâtiment.
Le 3 janvier 2017, l'employeur notifiait à l'intéressé une mise à pied conservatoire en raison d'absences injustifiées.
Le 7 janvier 2017, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. Le 4 janvier 2017, le salarié contestait la mesure conservatoire. Le 2 février 2017, l'employeur lui notifiait son licenciement pour faute grave.
Le 7 février 2017, M. [N] [X] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation de son licenciement.
Vu le jugement du 23 février 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :
- fixé le salaire de référence de M. [N] [X] à la somme de 2 463,36 euros,
- constaté que le licenciement pour faute grave de M. [X] est fondé et débouté M. [X] de ses demandes subséquentes au titre du rappel du préavis et de l'indemnité de licenciement,
- condamné la société Espace et Volume à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros à titre de rappel de salaires à compter du mois de mars 2014 au 15 décembre 2016, cette somme portant intérêts à compter du 9 février 2017,
- ordonné à la société Espace et Volume à procéder à la délivrance d'un bulletin récapitulatif de salaire pour les mois de mars 2014 à avril 2017 avec l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail conformes dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision,
- dit qu'il n'y a pas lieu à prononcer une astreinte,
- débouté M. [X] du surplus de ses demandes,
- condamné M. [X] à verser à la société Espace et Volume la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [X] aux entiers dépens.
Vu l'appel interjeté par M. [N] [X] le 12 avril 2018,
Vu les conclusions de l'appelant, M. [N] [X], notifiées le 29 juin 2018, soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- infirmer partiellement le jugement déféré,
- confirmer le salaire de M. [X] à 2 463,36 euros,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Espace etVolume à payer à M. [N] [X] la somme de 3 207,91 euros à titre de rappel de salaires à compter du mois de mars 2014,
- dire et juger que le licenciement de M. [N] [X] est abusif,
- condamner, en conséquence, la société Espace etVolume à payer à M. [N] [X] la somme de 2 463,36 euros pour la mise à pied et 243,34 euros de congés payés y afférent,
- condamner également la société Espace et Volume à payer à M. [N] [X] la somme de 4 926,72 euros pour le préavis et 492,67 euros de congés payés y afférent,
- condamner également la société Espace etVolume à payer à M. [N] [X] la somme de 1 478,02 euros correspondant à l'indemnité légale de licenciement,
lesdites sommes portant intérêt au taux légal à compter du jour de la réception de la saisine du conseil,
- condamner la société Espace etVolume à payer à M. [N] [X] la somme de 14 781,78 euros en réparation du préjudice causé pour le licenciement abusif,
- ordonner la délivrance d'un bulletin récapitulatif de salaire pour les mois de mars 2014 à avril 2017, l'attestation Pôle emploi et certificat de travail sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la date de notification du jugement à intervenir, - se réserver la faculté de liquider lesdites astreintes,
- condamner la société Espace et Volume à restituer à M. [N] [X] 1 000 euros de sa condamnation à l'article 700 du code de procédure civile, et à lui payer sur le même fondement la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de la première instance, et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de l'appel,
- intérêt au taux légal,
- anatocisme,
- condamner, enfin, la société Espace et Volume aux entiers dépens,
Vu les écritures de l'intimée, la société Espace et Volume, notifiées le 27 juillet 2018, développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- débouter M. [N] [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé que le licenciement de M. [X] reposait sur une faute grave,
- condamné M. [X] à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Espace et Volume à un rappel de salaire ,
- condamner M. [N] [X] à payer à Espace etVolume la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] [X] aux entiers dépens,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 juin 2020,
SUR CE,
Sur les demandes liées au déroulement du contrat de travail
Le salarié réclame une somme de 5 207,91 euros à titre de rappel de salaire entre le mois de mars 2014 et le mois de décembre 2016.
A ce titre, le conseil de prud'hommes a accordé à l'intéressé une somme de 2 000 euros.
A titre préalable, le salarié soutient que la société ayant spontanément exécuté ce chef de jugement ne peut, à présent, en contester les termes.
Il doit être rappelé que selon l'article R 1454-28 du code de procédure civile est exécutoire de droit à titre provisoire le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre de rémunérations dans la limite de neuf mois de salaire.
Il se déduit de ces dispositions qu'en l'espèce la société était tenue de procéder à l'exécution du jugement intervenu sans que l'on puisse considérer que cette exécution a emporté de sa part acquiescement à la décision.
Dans ces circonstances, le salarié n'est pas fondé à nier à la société la possibilité de contester devant la cour la décision en cause.
Sur le bien fondé de la demande de rappel de salaire : selon le contrat de travail régularisé par le salarié (pièce 1 du salarié - article 5) la rémunération nette mensuelle était fixée à 2 000 euros tandis que le salarié revendique une somme de 2 463,36 euros sans produire la moindre justification sur ce montant.
Il apparaît que le conseil de prud'hommes a fait partiellement droit à la demande de rappel de salaire formée par l'intéressé en se référant à des heures supplémentaires qui n'étaient, pourtant, pas sollicitées et pour lesquelles, devant la cour, M. [X] ne forme aucune réclamation et ne verse aucune pièce.
Sur le rappel de salaire, le salarié a établi un tableau (ses conclusions page 5) faisant état de prime de panier dont le montant est inférieur à la somme lui ayant été, à ce titre, versée chaque mois (pièce 4 de la société) et l'on ne peut, en définitive comprendre dans quelle mesure il peut, à ce propos, prétendre être créancier de la société.
En tous cas les bulletins de paie mentionnent chaque mois sur toute la période d'emploi le montant du salaire qui était prévu contractuellement de telle sorte que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit, en son principe, à la demande de M. [X].
De ce chef, le jugement sera, en conséquence, infirmé et le salarié débouté de ses demandes.
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail. La preuve de la faute grave incombe exclusivement à l'employeur. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige (pièce 17 de la société) faisait état de l'absence injustifiée du salarié à compter du lundi 19 décembre 2016.
Le salarié ne conteste pas la réalité de cette absence mais il considère que le licenciement est cependant dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
D'une part, il prétend que dans la mesure où il avait déjà été sanctionné pour cette absence, la société ne pouvait invoquer ces mêmes faits au soutien du licenciement.
Il apparaît toutefois que les lettres recommandées avec accusé de réception en date des 21 décembre 2016 et 30 décembre suivant (pièces 9 et 13 de la société) contenaient une mise en demeure adressée au salarié de justifier de son absence et de reprendre ses fonctions et ne prononcaient aucune sanction, de telle sorte que la société n'avait nullement épuisé son pouvoir disciplinaire.
En outre, il doit être précisé que le 4 janvier 2017 (pièce 14 de la société), le salarié a été mis à pied à titre conservatoire dans le cadre d'un licenciement pour faute grave et il ne peut, à ce titre, considérer que la société ne pouvait plus, par la suite, se prévaloir de son absence pour motiver le licenciement.
D'autre part, le salarié prétend que son absence était justifiée dès lors que la société lui avait donné l'autorisation de s'absenter.
Il résulte toutefois des éléments versés aux débats que le 2 décembre 2016, le salarié avait oralement formé une demande de congés pour la période du 17 décembre 2016 au 2 janvier 2017.
Le 5 décembre 2016, en présence de Mme [T] qui témoigne en ce sens, l'employeur avait refusé de faire droit à cette demande d'une part, en raison de l'épuisement des jours de congés payés pour l'année en cours et d'autre part, au motif qu'un congé sans solde ne pouvait être envisagé compte tenu des chantiers en cours (pièces 6 et 7 de la société).
Dans de telles circonstances, M. [X] ne peut utilement prétendre qu'il avait été autorisé à s'absenter.
Il ressort de ce qui précède que son absence à compter du 17 décembre 2016 n'avait pas été autorisée et qu'il s'était trouvé, à compter de cette date, en absence injustifiée, ce qui avait eu pour conséquence de désorganiser le travail au sein de cette société qui comptait à l'époque des faits examinés, cinq salariés.
En conclusion, c'est à juste titre que les premiers juges ont validé le motif de faute grave retenu pour le licenciement et ont considéré que cette absence justifiait la cessation immédiate du contrat de travail.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail (rappel de salaire durant la mise à pied, indemnité compensatrice de préavis, indemnité légale de licenciement et dommages-intérêts pour rupture abusive).
Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure
Le salarié qui succombe sera condamné aux dépens et débouté de sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ce cadre, il convient de condamner le salarié à verser à la société une somme qu'il est équitable de fixer à 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre (section industrie) en date du 23 février 2018 en ce qu'il a condamné la société Espace et Volume à verser à M. [N] [X] la somme de 2 000 euros à titre de rappel de salaire entre le mois de mars 2014 et le 15 décembre 2016,
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que la demande de M. [N] [X] en rappel de salaire sur la période des mois de mars 2014 au 15 décembre 2016 est mal fondée et l'en déboute,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne M. [N] [X] à verser à la société Espace et Volume la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [N] [X] de sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [N] [X] aux dépens,
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRESIDENT