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05/11/2020 | FRANCE | N°17/04840

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 05 novembre 2020, 17/04840


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°361



CONTRADICTOIRE



DU 05 NOVEMBRE 2020



N° RG 17/04840

N° Portalis DBV3-V-B7B-R33E



AFFAIRE :



EURL [K].[I]



C/



[J] [L]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : Commerce

N° RG : 15/00212



Co

pies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



- Me CARDONA Henri-joseph



- Me METIN David





Copie certifiée conforme délivrée à :



- POLE EMPLOI







le : 06 novembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°361

CONTRADICTOIRE

DU 05 NOVEMBRE 2020

N° RG 17/04840

N° Portalis DBV3-V-B7B-R33E

AFFAIRE :

EURL [K].[I]

C/

[J] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : Commerce

N° RG : 15/00212

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me CARDONA Henri-joseph

- Me METIN David

Copie certifiée conforme délivrée à :

- POLE EMPLOI

le : 06 novembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

EURL [K].[I]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Monsieur [I] [K], gérant

Représentée par Me Henri-Joseph CARDONA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1533

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [L]

né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

L'EURL [K]. [I], dont le siège social est situé à [Localité 8] dans les Yvelines, exploite un café-bar-restaurant sous l'enseigne Helio's Pub. Elle emploie moins de dix salariés et applique la convention collective des hôtels, cafés et restaurants du 30 avril 1997.

M. [J] [L], né le [Date naissance 4] 1986, a été engagé par cette société le 1er janvier 2010 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de serveur bar et salle.

La moyenne mensuelle de salaire s'élevait en dernier lieu à un montant de 1 930,45 euros (moyenne des douze derniers mois).

Après un entretien préalable prévu le 11 décembre 2014 auquel M. [L] ne s'est pas présenté et une mise à pied conservatoire, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour faute lourde par courrier du 7 janvier 2015 :

'Je fais suite à votre odieux, intolérable et malhonnête comportement du dimanche 23 novembre 2014.

Vous m'avez effectué un travail lamentable durant cette journée.

Je vous donne un simple exemple : comment pouvez-vous sortir fumer une cigarette alors qu'une famille attend son dernier dessert (un tiramisu - les autres desserts étant déjà sur table) ''' Puis, tranquillement revenir directement en cuisine pour amener, comme vous l'aviez décidé, quand bon vous semble, ce tiramisu tant espéré par les clients '

Vers 16h, excédé par votre travail, je vous ai indiqué que je ne supportais plus que vous travailliez de la sorte et qu'il fallait que vous changiez.

Vous m'avez répondu que vous ne changeriez pas. Je vous ai indiqué qu'alors vous ne travaillerez pas longtemps dans l'établissement. Vous m'avez répondu 'c'est ce qu'on verra !'.

Devant un tel aplomb et autant d'insolence, comme vous êtes de repos le lundi et le mardi, je vous ai demandé de rentrer chez vous (comme pour mieux vous calmer et réfléchir à vos propos) et revenir travailler mercredi.

Vous avez refusé catégoriquement. Calmement, je vous ai redemandé plusieurs fois de rentrer chez vous et de revenir mercredi. De votre côté, vous vous êtes énervé en vous donnant en spectacle, m'insultant par des propos que je ne retranscrirais pas dans ce courrier mais qui figurent dans mon audition par les services de police.

Ce refus inadmissible, ce comportement inacceptable constituent une faute grave.

Connaissant certains de vos 'états de service', lorsque vous êtes en colère (agression d'ASVP, agression d'un pompier, agression d'une grand-mère, sa fille et son bébé), j'ai eu peur de votre réaction et vous ai empoigné, vous maîtrisant pour tenter de vous calmer.

Je précise que je l'ai fait avec une force totalement maîtrisée et contenue et qu'en aucune manière votre sécurité n'était en danger.

Vous avez alors transformé cette brève maîtrise (trois secondes) en tentative de meurtre !!! ... Vous avez soutenu devant la police que je vous ai étranglé, pendant trente secondes, que vous deveniez bleu, que vous n'arriviez pas à respirer, que vous suffoquiez, etc ...

Un problème se posait à vous : vous n'aviez pas de marque sur votre cou !!! Qu'importe, vous vous êtes vous même infligé des marques sur le cou avec un objet (une clé ', une pièce ') pour étayer votre horrible manigance.

Comme vous le savez, l'établissement est sous vidéo-surveillance et les bandes ont été visionnées par les services de police ainsi qu'un huissier de justice.

Je tiens néanmoins à vous faire part de la réaction d'un policier lorsqu'il a vu les films : 'mais il ne savait pas qu'il était filmé '', 'les témoins, c'est une chose mais la preuve par la vidéo en est une autre !!!'.

Ce comportement inouï, mensonger et malhonnête, de falsification de la réalité, représente une autre faute grave et même lourde car vous l'avez commis dans le but de me nuire.

Enfin, le lundi 24 novembre 2014 une cliente m'a informé des faits suivants :

- Cet été, pendant mes vacances, vous avez refusé de servir trois touristes américains qui voulaient déjeuner, décrétant honteusement que la cuisine était fermée !!! Ces touristes étaient furieux. Quelle belle image de la France donnez-vous !!! Il est certain que vous préférez être payé à téléphoner plutôt qu'à servir les clients...

- Le samedi 22 novembre 2014, dans l'après midi, alors que je m'étais absenté, alors que des clients rentraient dans l'établissement, vous avez tenu à haute et intelligible voix, dans la salle, ces propos 'ils me font chier ces clients, ils ne peuvent pas aller boire ailleurs... '.

Ces faits constituent aussi une faute grave.

Comme vous en avez le droit, vous n'avez pas souhaité, ce qui n'est absolument pas un reproche de ma part, assister à l'entretien du jeudi 11 décembre 2014.

Je vous informe que je décide de vous licencier pour faute lourde'.

M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 18 février 2015.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 14 septembre 2017, la section commerce du conseil de prud'hommes de Versailles a :

- fixé la moyenne des salaires à 1 930,45 euros,

- condamné la société [K]. [I] à verser à M. [L] les sommes suivantes :

3 860,90 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

386 euros de congés payés afférents,

2 495 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

249,50 euros de congés payés afférents,

1 937 euros d'indemnité de licenciement,

507 euros au titre des congés payés acquis,

11 600 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

800 euros de frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- entendu la partie défenderesse en ses demandes reconventionnelles mais l'en a débouté,

- condamné la société [K]. [I] aux éventuels dépens d'instance,

- dit que les sommes porteront intérêts légaux à partir de 15 jours après la date du prononcé du jugement, soit le 29 septembre 2017, conformément à l'article 1153-1 du code civil.

La procédure d'appel

L'EURL [K]. [I] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 17/04840 du 12 octobre 2017.

Prétentions de l'EURL [K]. [I], appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 27 mars 2020, l'EURL [K]. [I] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour d'appel de débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

L'appelante sollicite en outre une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de M. [L], intimé

Par conclusions adressées par voie électronique le 27 mars 2020, M. [L] conclut à la confirmation du jugement entrepris excepté sur le quantum de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et demande à la cour d'appel, statuant à nouveau, de :

- condamner l'EURL [K]. [I] à lui verser la somme de 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'EURL [K]. [I] à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité.

Il sollicite en outre les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil et une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 1er juillet 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 24 septembre 2020.

MOTIF DE L'ARRÊT

Sur le bienfondé du licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, « tout licenciement pour motif personnel (') est justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La cause doit être réelle, objective et reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables. Elle doit également être sérieuse. Les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

La charge de la preuve en incombe à l'employeur qui doit démontrer la réalité des faits invoqués et leur caractère intentionnel.

Aux termes de la seule lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l'EURL [K]. [I] reproche à M. [L] plusieurs faits :

- avoir refusé de servir trois touristes américains au cours de l'été 2014,

- avoir tenu des propos désobligeants au cours du service du 22 novembre 2014,

- son comportement du 23 novembre 2014 conduisant son employeur à l'empoigner et d'avoir, dans le cadre de l'altercation s'en étant suivie, dénoncé une tentative de meurtre qu'aurait commise l'employeur ce dans le but de nuire à ce dernier.

Concernant le refus de servir trois touristes américains au cours de l'été et les faits du 22 novembre 2014

M. [L] dénie les premiers faits, il indique ne jamais avoir refusé de servir le moindre client et avoir tenu les propos repris dans la lettre de licenciement.

L'EURL [K]. [I] reproche par ailleurs à M. [L] d'avoir : « le samedi 22 novembre 2014, dans l'après midi (...) alors que des clients rentraient dans l'établissement, vous avez tenu à haute et intelligible voix, dans la salle, ces propos 'ils me font chier ces clients, ils ne peuvent pas aller boire ailleurs"... ».

Pour établir la matérialité de ces deux griefs, l'employeur se fonde sur l'attestation de Mme [O], cliente de l'établissement, laquelle indique : « Je soussignée, [O] [G], née le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant [Adresse 2], retraitée, atteste l'exactitude des faits suivants, pour en avoir été témoin direct : j'informe ce jour M. [I] des faits suivants : l'été passé, pendant la saison, M. [L] a refusé de servir trois touristes américains en leur disant que la cuisine était fermée. Ces touristes étaient furieux. Le samedi 22 novembre dans l'après-midi M. [L], voyant des clients entrer dans l'Helio's Pub a dit tout fort "ils me font chier ces clients, ils ne peuvent pas aller boire ailleurs" » (pièce 7 de l'employeur).

Cette seule attestation, purement affirmative, manquant de précisions quant aux circonstances des faits, empêchant de fait le salarié d'y répondre, ne peut être considérée comme probante et de nature à établir la matérialité des faits dénoncés.

Concernant l'altercation du 23 novembre 2014

Il s'agit du motif déterminant du licenciement du salarié.

A ce sujet, les versions des parties sont contraires.

M. [L] relate qu'avant la fin du service, M. [I] lui a demandé de quitter les lieux, qu'il a refusé de le faire avant la fin de sa journée de travail, que M. [I] s'est alors violemment emporté et l'a menacé tant verbalement que physiquement.

M. [I] quant à lui relate que le 23 novembre 2014, M. [L] a fourni un travail désastreux, qu'il l'a interpellé à ce sujet, que M. [L] a commencé à fulminer et s'est montré d'une insolence inadmissible à son égard, que compte tenu de l'état d'agitation et de colère du salarié, il lui a demandé de rentrer chez lui et de revenir à l'issue de ses jours de repos mais que M. [L] a refusé de partir, qu'au regard de l'agitation et de la colère du salarié, il l'a brièvement empoigné pour le maîtriser et le calmer.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est précisément reproché au salarié un comportement odieux, intolérable et malhonnête, d'avoir effectué un travail lamentable durant cette journée et d'être sorti fumer une cigarette alors qu'une famille attendait son dernier dessert. L'employeur explique qu'excédé par le travail du salarié, il lui a demandé de quitter les lieux, que M. [L] s'est énervé en se donnant en spectacle, que ces circonstances expliquent qu'il l'ait empoigné.

Il résulte des déclarations concordantes des parties dans le cadre de la procédure pénale que M. [I] a agrippé M. [L] au niveau du cou.

Il résulte du procès-verbal d'exploitation de la vidéo-protection du restaurant (pièce 20 de l'employeur) que : « A quinze heures cinquante-cinq, constatons sur la caméra donnant sur le bar du restaurant que M. [L] est accoudé sur le bar pendant le service. Entre quinze heures cinquante-cinq et seize heures, constatons que M. [L] et M. [I] discutent entre eux à travers le bar et que M. [L] fait de grands gestes. A seize heures, M. [I] passe devant le bar et agrippe pendant trois secondes M. [L] au niveau du cou puis le relâche. Puis constatons sur la caméra donnant sur la salle du rez-de-chaussée, M. [L] faisant des grands gestes et les cents pas. »

Aucun élément ne permet de retenir que M. [L] s'est énervé, qu'il était agité et en colère et qu'il s'est donné en spectacle, comme le soutient pourtant M. [I] pour expliquer son geste.

M. [I] ne démontre pas qu'il a empoigné le salarié en état de légitime défense, seule circonstance pouvant justifier son comportement, celui-ci ayant agi de surcroit soudainement et violemment alors que le salarié est mince et mesure 1,70m et que l'employeur est beaucoup plus grand et corpulent.

Les parties s'opposent par ailleurs sur l'origine des marques constatées sur le cou de M. [L], M. [I] soutenant que le salarié se les serait infligées volontairement. Certes, le procès-verbal d'exploitation de la vidéo-protection du restaurant (pièce 20 de l'employeur) mentionne : « Constatons qu'il ne présente aucune trace visible sur le cou. A seize heures onze, (') il se manipule le cou avec ses mains à plusieurs reprises en allant des oreilles jusqu'au menton ». Cependant, la pièce 14 de l'employeur titrée « photographie de M. [L] se mutilant » montre simplement le salarié se tenant le cou sans que l'on puisse en déduire qu'il se mutile. Ces marques ont fait l'objet de constatations médicales le jour même des faits ainsi qu'il résulte du certificat médical initial établi le 23 novembre 2014 par le service des urgences de l'hôpital privé de [Localité 8] (pièce 6 du salarié) sans qu'il ne soit relevé d'indices permettant de retenir une auto-mutilation et en toute hypothèse, à les supposer établies, ces circonstances ne seraient pas de nature à modifier l'appréciation du bienfondé du licenciement.

Au demeurant, M. [C], autre salarié de l'établissement, directeur au moment des faits, a adressé un message à M. [L] en ces termes : « Bonjour [J], pour moi quoi qu'il en soit il doit payer pour ce qu'il a fait. La violence contre un salarié doit être fortement réprimandée, je ne me souviens pas que tu ais fait une faute grave ou lourde. » (pièce 12 du salarié).

Au surplus, même s'il justifie avoir saisi la Cour européenne des droits de l'homme (sa pièce 39), il sera relevé que M. [I] a été condamné pénalement pour des faits de violences par le tribunal de police, cette condamnation ayant été confirmée en appel, par arrêt du 12 février 2018.

L'ensemble de ces éléments conduisent à considérer que le licenciement de M. [L] par L'EURL [K].[I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef de demande.

Sur l'indemnisation du salarié

Au vu de ses bulletins de paie, le salaire de référence de M. [L] doit être fixé à la somme de 1 930,45 euros.

Conséquence du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à différentes indemnités.

Indemnité compensatrice de préavis

L'article L. 1234-1 du code du travail dispose : « Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié ».

Conformément à ces dispositions, M. [L], bénéficiant d'une ancienneté de plus de deux ans dans l'entreprise, peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaires.

Il est en conséquence bienfondé à solliciter le paiement d'une somme de 3 860,90 euros outre une somme de 386 euros au titre des congés payés afférents, par confirmation du jugement entrepris.

Rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire

Par courrier du 24 novembre 2014, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement et a également été mis à pied à titre conservatoire à compter de cette date. Son bulletin de salaire du mois de novembre laisse apparaître un arrêt de paiement à compter du 23 novembre 2014. Son licenciement lui a été notifié le 7 janvier 2015. Il apparaît sur les bulletins de paie du salarié qu'au titre de sa mise à pied, les sommes suivantes ont été retenues de sa rémunération :

- novembre 2014 : 394,01 euros

- décembre 2014 : 1 707,40 euros

- janvier 2015 : 394,02 euros.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la période de mise à pied doit être rémunérée pour un montant de 2 495 euros à titre de rappel de salaire outre la somme de 250 euros au titre de congés payés afférents, par confirmation du jugement entrepris.

Indemnité de licenciement

L'article L. 1234-9 du code du travail dispose : « Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Le taux de cette indemnité est différent suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel.

Les modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire ».

L'article R. 1234-2 du même code dispose : « L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans ».

M. [L], qui justifie d'une ancienneté de cinq ans et six jours au sein de l'entreprise, peut prétendre au paiement d'une indemnité de 1 937 euros à ce titre par confirmation du jugement entrepris.

Indemnité de congés payés acquis

Conformément aux dispositions de l'article L. 3141-26 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il a droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 3141-22 et suivants du code du travail.

Au vu du bulletin de salaire du mois de décembre 2014, M. [L] bénéficie d'un solde de congés payés de 7,88 jours.

M. [L] est bien fondé à solliciter la somme de 507 euros à titre d'indemnité de congés payés acquis par confirmation du jugement entrepris.

Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9.

Au regard de l'âge du salarié au moment de son licenciement (29 ans), de son ancienneté (5 ans), de son salaire (1 930,45 euros), des conséquences du licenciement, il y a lieu de fixer les dommages-intérêts dus au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 11 600 euros par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'obligation de sécurité

En vertu des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il a été retenu qu'en l'espèce, M. [L] a été victime de violences physiques de la part de son employeur sur son lieu de travail.

M. [I] reconnaît avoir empoigné le salarié par le cou, sans qu'il puisse être retenu de provocation de la part de M. [L].

Alors qu'en sa qualité d'employeur, M. [I] était tenu d'assurer la sécurité des salariés et de protéger leur santé physique et mentale, il a empoigné violemment M. [L], commettant ainsi un acte dangereux envers l'un des salariés dans l'entreprise.

Cet acte a causé des blessures à M. [L] qui a bénéficié de soins le jour même par un médecin urgentiste.

Ainsi, l'EURL [K]. [I] a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de M. [L], lequel a subi un préjudice en lien avec ce manquement, justifiant l'allocation d'une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement qui a débouté M. [L] de cette demande, sera infirmé de ce chef.

Sur les indemnités de chômage versées au salarié

L'article L. 1235-4 du code du travail énonce : « Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ».

En application de cette disposition, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances contractuelles, soit en l'espèce le 9 mars 2015, et à compter de l'arrêt pour les créances indemnitaires.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

L'EURL [K]. [I], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [L] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 200 euros.

L'EURL [K]. [I] sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant publiquement et contradictoirement :

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 14 septembre 2017 excepté en ce qu'il a débouté M. [J] [L] de sa demande au titre de l'obligation de sécurité, statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE l'EURL [K]. [I] à payer à M. [J] [L] la somme de 8 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,

CONDAMNE l'EURL [K]. [I] à payer à M. [J] [L] les intérêts de retard au taux légal à compter du 9 mars 2015 sur les créances contractuelles et à compter de l'arrêt sur les créances indemnitaires,

ORDONNE le remboursement par l'EURL [K]. [I] aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [J] [L] dans la limite de six mois d'indemnités,

DIT qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle Emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail,

CONDAMNE l'EURL [K]. [I] à payer à M. [J] [L] une somme de 2 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE l'EURL [K]. [I] de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE l'EURL [K]. [I] au paiement des entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Isabelle Vendryes, présidente, et par Mme Elodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/04840
Date de la décision : 05/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/04840 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-05;17.04840 ?
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