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29/10/2020 | FRANCE | N°19/01956

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 29 octobre 2020, 19/01956


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°356



CONTRADICTOIRE



DU 29 OCTOBRE 2020



N° RG 19/01956

N° Portalis DBV3-V-B7D-TFAD



AFFAIRE :



[C] [Y]



C/



SA SAVENCIA





Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 12 Avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° RG : R 18/00131



Copies exécutoires et certifiées con

formes délivrées à :



- Me Mélina PEDROLETTI



- Me Martine DUPUIS







le : 30 octobre 2020



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arr...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°356

CONTRADICTOIRE

DU 29 OCTOBRE 2020

N° RG 19/01956

N° Portalis DBV3-V-B7D-TFAD

AFFAIRE :

[C] [Y]

C/

SA SAVENCIA

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 12 Avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° RG : R 18/00131

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Mélina PEDROLETTI

- Me Martine DUPUIS

le : 30 octobre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 2] - RUSSIE

Représenté par : Me Hubert MAZINGUE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0008 ; et Me Mélina PEDROLETTI, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

APPELANT

****************

SA SAVENCIA

N° SIRET : 847 120 185

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par : Me Florence RICHARD de la SELARL KERSUS, Plaidante, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0224 ; et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placé,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA Savencia exerce l'activité d'une société holding pour le groupe Savencia Saveurs et Spécialités, spécialisé dans l'agro-alimentaire. Elle emploie deux salariés.

Par lettre du 29 mars 2013. M. [C] [Y], né le [Date naissance 1] 1967, a été engagé par le groupe Soparind Bongrain, aujourd'hui dénommé Savencia, à compter du 1er avril 2013, en qualité de chargé de mission, responsable du développement des activités dans les pays de la CEI hors Russie, au sein de la filiale russe BEV, avec un rattachement hiérarchique au directeur général de l'activité CDMF (Compagnie des maîtres fromagers) PECO (Pays d'Europe centrale et orientale) de Bongrain SA.

Un contrat de travail a été signé le 1er mai 2013 entre M. [Y] et la société BEV, selon lequel il a été engagé par cette dernière en qualité de directeur général adjoint à compter du 28 mai 2013.

La société de droit russe BEV ayant procédé à son licenciement pour motif économique par lettre du 11 juillet 2016, M. [Y] a sollicité son rapatriement et sa réintégration au sein de la société Savencia, ce que celle-ci a refusé. Le salarié a alors saisi, le 9 novembre 2016, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Versailles d'une demande de réintégration.

Sur appel de l'ordonnance de référé qui avait rejeté sa demande au motif d'une contestation sérieuse, la cour d'appel a, par arrêt du 29 mai 2018 :

- infirmé l'ordonnance de départage de référé du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 13 juin 2017, sauf en ce que le conseil s'est déclaré compétent,

- constaté l'existence d'un contrat de travail entre la société Savencia et M. [Y],

- ordonné à la société Savencia de réintégrer M. [Y], dans un emploi comparable à celui précédemment occupé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête,

- condamné la société Savencia à payer à M. [Y] les sommes provisionnelles suivantes :

' 213 019,10 euros bruts au titre des rappels de salaire du 11 octobre 2016 au 23 janvier 2018, outre celle de 21 301,91 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 novembre 2016 sur les salaires dus au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois ;

' 143 253 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016,

- ordonné à la société Savencia de remettre à M. [Y] des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, sur la période d'octobre 2016 à fin janvier 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête,

- constaté que la société Savencia est redevable à l'égard de M. [Y] des salaires à parfaire au delà du 23 janvier 2018 en exécution du contrat de travail et doit lui remettre les bulletins de salaire afférents,

- condamné la société Savencia à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Savencia aux dépens de première instance et d'appel.

Par lettre de mission du 16 juillet 2018, adressée à la suite d'un entretien du 19 juin 2018 avec le directeur ressources humaines groupe, la société Savencia a proposé à M. [Y] d'occuper, à compter du 1er septembre 2018, le poste de directeur du développement de la région Afrique subsaharienne, moyennant une rémunération annuelle brute de 166 900 euros, outre une prime pouvant atteindre 20 % de cette rémunération, versée en fonction de la réalisation d'objectifs individuels et des résultats financiers collectifs ainsi qu'une prime additionnelle d'objectifs équivalente à 10 % de la rémunération annuelle brute.

Par courrier du 30 juillet 2018, M. [Y] s'est dit surpris de l'emploi proposé, dont il a indiqué qu'il n'était en rien comparable à celui qu'il occupait avant d'être licencié, et il a soulevé plusieurs questions relatives notamment au lien hiérarchique, au périmètre du poste, à la rémunération et aux conditions de son retour en France.

Par courrier en réponse du 29 août 2018, la société Savencia a dispensé le salarié de la prise effective du poste début septembre afin d'étudier d'autres pistes et solutions. Elle a continué de lui verser son salaire.

Après un entretien préalable qui s'est tenu le 14 novembre 2018, M. [Y] s'est vu notifier son licenciement pour impossibilité de reclassement par lettre du 19 novembre 2018 ainsi rédigée :

« Monsieur,

Vous avez été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par courrier du 2 novembre 2018.

Vous étiez présent et assisté à l'occasion de votre entretien préalable qui a eu lieu mercredi 14 novembre 2018, à 10 heures, à [Localité 7]. Vous étiez accompagné de Monsieur [W] [X], conseiller inscrit sur la liste établie à cet effet à la mairie du [Localité 5].

Nous nous sommes rencontrés à [Localité 7] le 19 juin 2018 pour envisager une solution de reclassement au sein du Groupe.

Nous vous avons alors fait part de la possibilité d'une solution de reclassement pour un poste de Direction basé à [Localité 9], celui de 'Directeur du Développement de la région Afrique Subsaharienne'.

Nous vous avons demandé si cette solution vous conviendrait au regard de votre situation personnelle (attache en Russie, vie familiale).

Vous avez indiqué être enthousiaste pour ce poste et n'avez pas manifesté une problématique liée à votre vie personnelle.

Suite à cet entretien, par courrier du 16 juillet 2018, il vous a été adressé une lettre de mission aux fins d'affectation à ce poste à compter du 20 juillet, pour une prise de fonctions début septembre, compte tenu de la nécessité de vous organiser et de la période estivale.

Le 30 juillet, vous nous avez écrit en manifestant votre désaccord sur un très grand nombre de points, qu'il s'agisse de la rémunération, de la stratégie du Groupe, du potentiel de la zone africaine, du poste de reclassement au regard de vos compétences de Direction Générale et de votre appétence pour d'autres zones du monde, du déménagement et du rapatriement de votre famille de Moscou en France, etc.

Vous nous avez également demandé une copie complète du plan de transformation et de réorganisation du Groupe.

Compte tenu de votre courrier, nous vous avons dispensé le 29 août - et temporairement - de prendre ce poste de reclassement aux fins d'envisager et d'évaluer des solutions alternatives. La réflexion a été élargie à l'ensemble du Groupe et notamment aux pays d'Europe Centrale et Orientale.

Toutefois, votre reclassement sur un poste de Direction à des fins de repositionnement s'avère à ce jour impossible.

Le Groupe n'a plus aucun poste de Direction comparable à celui que vous exerciez chez votre employeur russe BEV à vous proposer.

Votre reclassement s'avérant impossible, nous sommes contraints par la présente de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Votre contrat de travail avec la Société Savencia SA prend fin à la date d'envoi de cette lettre.

Votre préavis d'une durée de trois mois débutera à la première présentation de la présente lettre.

Nous vous dispensons d'exécuter votre préavis.

Votre indemnité compensatrice de préavis vous sera versée aux dates normales de paie, et à l'expiration du délai de préavis, nous vous remettrons vos documents de fin de contrat, ainsi que les salaires et indemnités qui vous seraient dus.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. »

Par requête du 18 décembre 2018, M.[Y] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de faire constater la nullité de ce licenciement, de voir ordonner sa réintégration et de voir condamner la société Savencia à lui verser à titre provisionnel un rappel de salaire et des dommages-intérêts.

Par ordonnance du 12 avril 2019, le conseil de prud'hommes a :

- dit que l'affaire de M. [Y] est recevable,

- constaté que les éléments de la qualification d'un trouble manifestement illicite ne sont pas évidents,

- constaté l'existence d'une contestation réelle et sérieuse,

- dit n'y avoir lieu à référé sur les chefs de la demande,

- laissé les dépens à la charge respective des parties.

M. [Y] a interjeté appel de la décision le 24 mai 2019.

Suivant arrêt rendu le 17 octobre 2019, la cour, qui avait été saisie par le salarié préalablement à son licenciement, a ordonné la liquidation de l'astreinte fixée par l'arrêt du 29 mai 2018 à hauteur de 30 000 euros.

Par conclusions adressées par voie électronique le 16 janvier 2020, M. [Y] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- constater la nullité du licenciement de M. [Y] notifié par la société Savencia le 19 novembre 2018 à raison de la violation du principe de l'égalité des armes et de l'atteinte au droit d'agir en justice,

- ordonner la réintégration de M. [Y] au sein de la société Savencia dans des fonctions et à un niveau de rémunération équivalents, à savoir moyennant une rémunération fixe de 16 940 euros bruts, à celle dont il bénéficiait dans les fonctions qu'il occupait en Russie et en Indonésie, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard courant dès le prononcé de l'arrêt à intervenir,

- condamner par provision la société Savencia à payer à M. [Y] la somme de 230 663 euros bruts à titre de rappel des salaires et congés payés dus pour la période courant du 19 février 2019 au 28 février 2020, somme à parfaire et augmenter à la date de l'arrêt à intervenir, l'ensemble majoré des intérêts de retard,

- ordonner la remise par la société Savencia des bulletins de salaire à compter du 19 février 2019, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard courant dès le prononcé de l'arrêt à intervenir,

- condamner par provision la société Savencia à régler à M. [Y] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires en réparation du préjudice subi,

- débouter la société Savencia de ses demandes principales et subsidiaires,

- condamner la société Savencia sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 12 000 euros en remboursement des frais à caractère irrépétible exposés par M. [Y] aux fins de faire respecter ses droits,

- condamner la société Savencia aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 30 décembre 2019, la société Savencia demande à la cour de :

A titre principal,

- constater l'absence d'un trouble manifestement illicite,

- confirmer l'ordonnance déférée,

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- prononcer la déduction des revenus de remplacement éventuellement perçus par M. [Y] à compter du 19 février 2019,

- enjoindre à M. [Y] de produire ses avis d'imposition, ainsi que les différents extraits de relevés de carrière délivrés par les autorités compétentes, françaises ou non, pour la période considérée,

En tout état de cause,

- condamner M. [Y] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 22 janvier 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction. L'affaire a été plaidée le 18 septembre 2020.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

En application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; même en présence d'une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; en outre, selon l'article R. 1455-7 du même code, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

M. [Y] invoque le trouble manifestement illicite que constitue selon lui son licenciement le 19 novembre 2018. Il estime, au visa des articles L. 1121-1 du code du travail et 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qu'au regard du motif énoncé au soutien du licenciement, la société Savencia a imposé sa solution au litige ayant donné lieu à l'arrêt de la cour du 29 mai 2018 et a ainsi privé ladite décision de toute effectivité, ceci en violation du droit d'accès au juge, du droit à un procès équitable et du principe d'égalité des armes ; qu'ainsi la décision de le licencier constitue une grave atteinte à ses droits.

Il rappelle qu'aux termes de la décision du 29 mai 2018, la société Savencia devait le réintégrer dans un emploi comparable, avec une rémunération comparable, à celui qu'il occupait à la fin de son emploi par la société BEV, soit le 11 octobre 2016. Or, ni l'emploi de directeur du développement de la région Afrique subsaharienne, ni les conditions figurant dans la lettre de mission du 16 juillet 2018 ne correspondaient à ses précédentes fonctions, le poste consistant dans une fonction commerciale au sein d'une équipe commerciale, et non dans une fonction ou à niveau hiérarchique de direction générale. M. [Y] soutient qu'il s'en est étonné, sans s'y opposer, au contraire de ce qui est allégué par l'employeur ; que c'est en réalité la société Savencia qui a refusé de revoir sa proposition et de répondre aux questions qu'il posait ; qu'il a, en vain, mis en demeure la société Savencia de le réintégrer par lettres des 2 septembre, 27 septembre et 27 octobre 2018 ; qu'en réalité la société n'a jamais souhaité le réintégrer ; que d'ailleurs, après lui avoir adressé le 31 octobre 2018 un courrier par lequel elle maintenait sa dispense d'activité, tout en indiquant que sa proposition était conforme à l'arrêt du 29 mai 2018, la société Savencia l'a, deux jours après, convoqué à un entretien préalable à un licenciement ; qu'il a été licencié le 19 novembre 2018 pour un motif directement lié à l'exécution dudit arrêt.

Il considère que la société Savencia ne démontre pas avoir procédé à des efforts sérieux et persistants de reclassement, et ce tandis que les effectifs du groupe ont augmenté en 2018 de plus de 400 personnes, ce qui prouve qu'il n'y a eu aucun gel des embauches, comme le prétend la société, ni restructuration ou réorganisation.

M. [Y] s'estime en conséquence bien fondé à solliciter la nullité de son licenciement et à demander sa réintégration sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ainsi que le versement par la société des salaires dont il a été privé depuis la fin du préavis.

La société Savencia s'oppose aux demandes de M. [Y], faisant valoir qu'elle lui a proposé un emploi comparable, pour un poste exercé en France, à celui qu'il occupait au sein de la société BEV jusqu'au 11 octobre 2016, qu'il a refusé ce poste, qu'elle a recherché des solutions alternatives pour reclasser le salarié mais qu'un reclassement sur un poste de direction générale est une mesure particulièrement difficile à mettre en oeuvre, au demeurant dans un contexte de réorganisation et de gel des embauches depuis 2017, qu'aucun poste de direction générale de filiale n'était disponible, que sa réintégration au sein de la société Savencia SA n'est matériellement pas possible dans la mesure où cette société holding compte seulement deux salariés, que c'est donc bien l'impossibilité de le réintégrer au sein du groupe qui a motivé le licenciement.

Elle ajoute que M. [Y], qui en est à sa quatrième action en justice en France, ne peut sérieusement prétendre qu'il a été privé du droit d'accès à un juge ou du droit à un procès équitable ; que contrairement à ce qu'il expose, elle n'a pas agi en réaction à la saisine par celui-ci du juge de l'exécution puisque le salarié a été convoqué à un entretien préalable le 2 novembre 2018 et que sa requête devant le juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte, en date du 8 novembre, a été déposée le 12 novembre 2018 ; que l'arrêt de la cour du 29 mai 2018 a été exécuté et M. [Y] rempli de ses droits au regard des condamnations prononcées ; que cette décision n'impose pas une réintégration forcée et n'interdit aucunement le licenciement, la société Savencia n'étant pas tenue à une obligation de résultat s'agissant de la réintégration du salarié.

Sur ce, la cour rappelle que l'arrêt du 29 mai 2018 a retenu que 'le lien de subordination étant établi entre M. [Y] et la société Savencia, et cette dernière n'ayant pas procédé, à la suite du licenciement économique de M. [Y] par sa filiale russe, à son rapatriement avec réintégration en son sein ou au sein d'une société du groupe, ou à son licenciement, le contrat de travail s'est poursuivi entre M. [Y] et la société Savencia'. L'arrêt énonce en outre que 'le fait pour la société Savencia de ne pas faire de proposition de rapatriement à M. [Y], en violation de l'article L. 1231-5 du code du travail, constitue un trouble manifestement illicite', et que 'la société Savencia devra le reintégrer en son sein, et lui trouver un emploi au sein d'une des sociétés du groupe Savencia, cet emploi devant être comparable à celui précédemment occupé en Russie et en Indonésie, avec une rémunération comparable'.

Le licenciement notifié le 19 novembre 2018 à M. [Y] est fondé sur l'impossibilité de le reclasser sur un 'poste de Direction comparable à celui qu'il exerçait au sein de la société russe BEV', et ce tandis que le poste de 'Directeur du Développement de la région Afrique Subsaharienne' basé à [Localité 9] qui lui a été proposé par lettre de mission du 16 juillet 2018 a suscité de la part du salarié un 'désaccord sur un très grand nombre de points, qu'il s'agisse de la rémunération, de la stratégie du Groupe, du potentiel de la zone africaine, du poste de reclassement au regard de vos compétences de Direction Générale et de votre appétence pour d'autres zones du monde, du déménagement et du rapatriement de votre famille de Moscou en France, etc.'

Le motif énoncé au soutien du licenciement, à savoir l'impossibilité de reclassement, se distingue manifestement du refus de rapatriement et de réintégration, tel qu'opposé antérieurement au salarié, ce refus ayant donné lieu à l'arrêt de la cour du 29 mai 2018.

Le motif du licenciement ne peut dès lors pas être assimilé, avec l'évidence requise en référé, au refus d'exécuter une décision de justice, ce qui exclut l'existence d'un trouble manifestement illicite.

Il convient par ailleurs de relever que les parties s'opposent sur le sens à donner à la réponse du salarié à la proposition de poste de 'Directeur du Développement de la région Afrique Subsaharienne' telle que développée dans son courrier du 30 juillet 2018, M. [Y] soutenant qu'il n'a pas refusé cette proposition mais qu'il a seulement posé des questions auxquelles la société Savencia a refusé de répondre au motif qu'elle y avait répondu lors de l'entretien du 19 juin 2018 qui a précédé l'envoi de la lettre de mission, tandis que la société Savencia considère qu'elle a tiré les conséquences du désaccord de l'intéressé en le dispensant de prendre le poste comme prévu début septembre.

La possibilité matérielle pour la société Savencia de trouver au sein d'une des sociétés du groupe, un emploi comparable à celui précédemment occupé par M. [Y] en Russie et en Indonésie, avec une rémunération comparable, se heurte en outre à une contestation sérieuse relevant de la compétence du juge du fond, étant au surplus observé que les parties sont en désaccord sur le montant du salaire de réintégration.

Dans ces conditions, l'ordonnance entreprise, qui a dit n'y avoir lieu à référé, sera confirmée en toutes ses dispositions.

Il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

L'appelant qui succombe supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 12 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Versailles ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] [Y] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président et par Madame Elodie BOUCHET-BERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01956
Date de la décision : 29/10/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°19/01956 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-29;19.01956 ?
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