La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2020 | FRANCE | N°18/01808

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 29 octobre 2020, 18/01808


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 OCTOBRE 2020



N° RG 18/01808 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SJTU



AFFAIRE :



[V] [U]





C/

SAS GE HYDRO FRANCE anciennement dénommée ALSTOM HYDRO FRANCE











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mars 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre

:

N° Section : E

N° RG : F 14/03485



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Olivier KHATCHIKIAN



la AARPI TEYTAUD-SALEH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF OC...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 OCTOBRE 2020

N° RG 18/01808 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SJTU

AFFAIRE :

[V] [U]

C/

SAS GE HYDRO FRANCE anciennement dénommée ALSTOM HYDRO FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mars 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 14/03485

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Olivier KHATCHIKIAN

la AARPI TEYTAUD-SALEH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [U]

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Olivier KHATCHIKIAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0619

APPELANT

****************

SAS GE HYDRO FRANCE anciennement dénommée ALSTOM HYDRO FRANCE

N° SIRET : 327 948 907

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J125 - N° du dossier 20180140 - Représentant : Me Julie BEOT-RABIOT de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107 substitué par Me François-Xavier ANSART, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 1er juin 2011, M. [V] [U] était embauché par la société Alstom Hydro en qualité de responsable de projet zone France&Ibérique ' Turquie par contrat à durée indéterminée. En dernier lieu, et depuis le mois de juillet 2012, le salarié occupait les fonctions de responsable de projet avec une extension de son périmètre à la totalité de l'Europe.

Au deuxième semestre 2012, le groupe Alstom engageait une réorganisation de ses activités afin de sauvegarder la compétitivité de la branche Hydro.

Ce projet de réorganisation avait pour objet de transférer les principales activités siège alors situées à [Localité 7] sur le site de [Localité 6] ainsi que de transférer l'établissement de [Localité 11] sur ce même site de [Localité 6].

Par lettre recommandée du 25 février 2013, le salarié se voyait proposer la modification de son lieu de travail. Le 5 avril 2013, le salarié indiquait refuser cette modification.

Le 16 octobre 2013, la société Alstom Hydro France remettait à M. [V] [U] une notice d'information sur le congé de reclassement que ce dernier acceptait.

Le 16 décembre 2013, l'employeur lui notifiait son licenciement pour motif économique.

Le 1er décembre 2014, M. [V] [U] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre.

Vu le jugement du 6 mars 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

- dit et jugé que le licenciement économique de M. [V] [U] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;

- débouté M. [V] [U] de toutes ses demandes;

- débouté la société Alstom Hydro France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- laissé chacune des parties supporter les éventuels dépens pour ce qui les concerne.

Vu l'appel interjeté par M. [V] [U] le 9 avril 2018.

Vu les conclusions de l'appelant, M. [V] [U], notifiées le 3 mai 2018 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- dire et juger que le plan de reclassement prévu au PSE mis en place par la société Alstom Hydro France était insuffisant,

- dire et juger que le PSE dans le cadre duquel M. [V] [U] a été licencié est nul,

- dire et juger que le licenciement de M. [V] [U] prononcé dans le cadre de ce PSE est par conséquent également nul,

- relever le manque de pertinence des motifs économiques allégués par la société Alstom Hydro France pour justi'er la rupture pour motif économique du contrat de travail de M. [V] [U] ;

- relever que la société Alstom Hydro France n'a adressé aucune proposition de reclassement à M. [V] [U] ;

- dire et juger que la société Alstom Hydro France n'a pas exécuté de manière loyale son obligation de recherche de solutions individuelles de reclassement pour M. [V] [U] ;

- dire et juger que le licenciement pour motif économique de M. [V] [U] est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- relever que la société Alstom Hydro France n'a à tort pas appliqué les critères d'ordre du licenciement;

- dire et juger que la société Alstom Hydro France a exécuté de manière déloyale son obligation de reclassement externe, compte tenu des dispositions non respectées du PSE,

- relever qu'aucune offre valable d'emp1oi n'a été adressée à M. [V] [U],

En conséquence.

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse le licenciement économique de M. [V] [U],

- réformer le jugement dont appel :

- en ce qu'il a débouté M. [V] [U] de sa demande d'indemnité pour licenciement nul. subsidiairement licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre infiniment subsidiaire de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement,

- en ce qu'il a débouté M. [V] [U] de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par l'exécution déloyale de 1'obligation de reclassement externe,

- en ce qu'il a débouté M. [V] [U] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- condamner la société GE Hydro venant aux droits de la société Alstom Hydro France à verser à M. [V] [U] les sommes de :

- 156 750 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.

A titre indéfiniment subsidiaire :

- l56 750 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement,

- 52 250 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par l'exécution déloyale de l'obligation de reclassement externe,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner que ces sommes produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ; ainsi que la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil.

- condamner la société GE Hydro aux entiers dépens.

Vu les écritures de l'intimée, SASU GE Hydro, notifiées le 24 juillet 2018 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 6 mars 2018 en ce qu'il a jugé le licenciement pour motif économique de M. [V] [U] fondé sur une cause réelle et sérieuse.

- débouter M. [V] [U] de l'intégralité de ses demandes.

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 6 mars 2018 en ce qu'il a débouté la société Alstom Hydro France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [V] [U] à verser à la société Alstom Hydro France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [V] [U] aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de M. Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 29 juin 2020.

SUR CE,

M. [U] demande à la cour de dire que le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) dans le cadre duquel son poste de travail a été supprimé était insuffisant et incomplet de sorte que ce PSE est nul ce qui entraîne la nullité de son licenciement. À titre subsidiaire, M. [U] affirme que son licenciement était injustifié car il repose sur un motif économique invoqué par l'employeur qui est fallacieux et que la SASU GE Hydro a été grossièrement défaillante dans la mise en 'uvre de son obligation de reclassement.

Sur la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) :

M. [U] expose que le PSE reprenait « largement » les dispositions de l'accord de méthode conclu entre les partenaires sociaux le 28 mai 2013, celui-ci ayant été pris après un processus d'information et de consultation des instances représentatives du personnel des entreprises concernées par le projet de regroupement des activités Hydro Europe et France du site de [Localité 7] et [Localité 11] sur celui de [Localité 6], entre octobre 2012 et mars 2013 ; il soutient que la « complétude » du plan de reclassement, dont découle la validité du PSE, était conditionnée à celle de la liste des postes présentés dans ce PSE et sur l'intranet de la SASU GE Hydro et reproche alors que des postes manifestement disponibles dans le groupe pendant la période censée correspondre à la mise en 'uvre du plan de reclassement, car ouverts au recrutement en région parisienne, n'ont pas été intégrés aux listes envoyées aux salariés dont le licenciement allait être prononcé et que des postes ouverts au recrutement sur l'intranet, censés être des postes réservés en interne (PRI) pour le personnel d'Hydro [Localité 7], d'après la terminologie du PSE, n'ont en réalité nullement été gelés puisqu'ils ont été pourvus via des recrutements en interne voire même en externe et que même lorsqu'ils n'ont pas été pourvus, leur publication sur le réseau interne n'était que pur affichage puisque les salariés qui ont postulés n'ont pas reçus de réponse tandis que cette publication ne renseignait pas les postes à l'international alors qu'elle mentionnait les postes de stagiaire.

La SASU GE Hydro répond que l'accord de méthode a prévu un important dispositif pour reclasser en interne les salariés avec des mesures d'accompagnement significatives et une cellule de reclassement qui s'est mobilisée pour aboutir à un taux global de 67 % de salariés concernés reclassés. Elle conteste les critiques « inopportunes » apportées par le salarié puisque l'intégralité des postes vacants n'avaient pas vocation à figurer dans le portefeuille PRI puisque celui-ci ne devait contenir que les postes susceptibles de permettre le reclassement des salariés concernés qui devaient être adaptés à leurs compétences et le salarié ne rapporte pas la preuve que les postes PRI n'auraient pas été, comme il le prétend, réservés au seul personnel du site de [Localité 7]. Enfin, concernant l'absence de publication sur l'intranet des postes à l'international, celle-ci n'avait d'intérêt que pour les salariés ayant fait valoir leur mobilité internationale, alors que lui-même ne le demandait pas. Elle reproche au salarié de tenter de caractériser une insuffisance du plan de reclassement au regard de sa situation personnelle et non sur une carence du plan visant collectivement les salariés.

Sur ce, la cour rappelle qu'en application de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version alors applicable, le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel il appartient ; que l'employeur doit ainsi rechercher au préalable du licenciement, toutes les possibilités de reclassement existantes et proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fut-ce par voie de modification du contrat de travail, en assurant au besoin l'adaptation des salariés à une évolution de leur emploi ; si l'employeur ne justifie pas avoir satisfait à cette recherche de reclassement interne de ses salariés, préalable à tout licenciement économique, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Il résulte du dispositif institué par la SASU GE Hydro que des postes de reclassement ont été proposés aux salariés dont l'emploi était supprimé à [Localité 7] et [Localité 11] dans le cadre du plan de reclassement poursuivi par l'employeur ; il convient d'examiner les critiques portées par M. [U] sur le contenu de ce plan qu'il estime insuffisant.

Les reproches de M. [U] portent tant sur l'oubli de postes manifestement disponibles que sur le gel de certains postes PRI pour le personnel d'Hydro [Localité 7] ; elles reposent sur les pièces C33 à C40 de son dossier consistant en des « organigrammes Le Mière » sans qu'il ne soit expliqué le rapport avec la contestation du salarié et des notes d'organisation et de nomination en anglais non traduites qui ne peuvent de ce fait être prises en considération par la cour et dont il n'explique pas le rapport avec ses contestations ; quant au fait que le DRH de la société ait pu présenter comme solution externe identifiée, la retraite, lors de la réunion extraordinaire du CCE du 10/12/2013, cette sortie effective de l'entreprise ne permet pas à la cour de retenir que le plan de reclassement était insuffisant ; enfin, M. [U] ne justifie pas qu'il se trouvait concerné par les derniers postes PRI proposés en octobre 2013, tandis que l'employeur justifie qu'après que le salarié avait refusé d'accepter le changement de son lieu de travail de [Localité 7] à [Localité 6] le 5 avril 2013 (pièces 43 et 44), il lui avait fait le 8 juillet 2013 une offre de reclassement personnalisé en qualité de « head of project planning France Iberica » que le salarié avait refusée le lendemain et avait également refusé le 9 juillet 2013 de recevoir toutes offres de reclassement pour des postes situés à [Localité 6] ou à l'étranger (pièces 45 et 46 de l'employeur).

Il résulte au contraire des éléments versés que le dispositif mis en place avait prévu que la cellule de reclassement composé de 6 agents suivait les postes vacants au sein du groupe Alstom pour alimenter chaque semaine la liste des postes réservés en interne aux salariés de [Localité 7] (dont il faisait partie) et [Localité 11] pour que ces salariés bénéficient d'une solution de reclassement conformément à l'accord de méthode négocié avec les organisations syndicales ; des offres hors du territoire national étaient également proposées pour les salariés acceptant de s'expatrier ; la SASU GE Hydro justifie, sans être démentie, que ce plan de reclassement a permis à 53 salariés visés par une mesure de licenciement d'être reclassés en interne et 18 autres à l'externe, soit un taux important de 67 % de salariés reclassés ; aussi, les éléments apportés par M. [U] ne permettent pas à la cour de remettre en cause la pertinence du plan de reclassement négocié par les partenaires sociaux de sorte qu'il convient de confirmer la motivation pertinente des premiers juges à ce titre, de confirmer le jugement entrepris de débouter le salarié de sa demande de nullité de son licenciement pour insuffisance du PSE.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. [U] rappelle qu'il a été licencié par lettre du 16 décembre 2013 pour motif économique compte tenu de son refus de modification de son contrat de travail qui lui a été proposée dans le cadre de la réorganisation mise en place au sein de la société Alstom Hydro France pour sauvegarder sa compétitivité et en raison de l'absence de solution de reclassement ;

Sur le motif du licenciement :

Le salarié conteste à son employeur d'avoir mené ce projet de réorganiser l'entreprise pour lui permettre de supprimer les emplois d'un certain nombre de salariés dont il savait que, pour des raisons familiales, ils ne pourraient accepter une mutation à [Localité 6], permettant in fine de supprimer leur poste ; il indique que le registre du personnel de la société ne fait apparaître aucune embauche sur le site de Grenoble pour le poste qu'il a refusé et que la société est bien en peine de justifier, par la production des éléments contractuels, de l'embauche d'un salarié à Grenoble destiné à pourvoir son poste de travail. Aussi, il en conclut que l'élément matériel du licenciement n'est pas réel, son poste a tout simplement été supprimé.

Il reproche en outre à la société de fonder la mesure de licenciement sur des difficultés économiques remontant à 9 mois puisque la SASU GE Hydro se base exclusivement sur des indicateurs économiques centrés sur l'exercice clos le 31 mars 2013, soit une baisse du chiffre d'affaires monde de la branche Hydro de 11,8 % par rapport à l'exercice précédent, une baisse du résultat opérationnel Europe et des pertes d'exploitation dont il est précisé qu'elles ont été enregistrées pour la première fois sur l'exercice clos au 31 mars 2013, ce qui représente des difficultés passagères ne pouvant en aucun cas suffire à motiver son licenciement. Il affirme que consciente du problème, la société se réfugie de manière pour le moins évasive derrière de prétendus « indicateurs économiques ne permettant pas d'envisager une amélioration notable » ou « d'un manque de solidité et de stabilité de son carnet de commandes » et doute de la réalité et du sérieux des difficultés économiques mentionnées par la société.

Il conteste enfin les motivations mêmes de la société pour sa réorganisation, qui a présenté le projet comme devant faire du site de [Localité 6] le siège de la branche Hydro en Europe alors que les activités localisées à [Localité 5] n'ont pas été impactées alors qu'elles avaient les plus fortes interfaces avec les activités de [Localité 7] transférées à [Localité 6] et que ce transfert n'a été que partiel, les activités R&D en BOP ( (balance of plant soit corps de la centrale) étant maintenues à [Localité 7] alors qu'il n'y a plus de compétences en BOP sur le site (transférées à [Localité 6]).

La SASU GE Hydro soutient que le licenciement pour motif économique a été poursuivi, non pas en raison de difficultés économiques de l'entreprise, mais en raison de sa réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité ; elle rappelle qu'elle 'uvre dans le secteur de l'hydro-électricité qui a traversé une baisse de consommation hydro-électrique au niveau mondial à partir de 2012 entraînant une détérioration de ses résultats (résultats d'exploitation en baisse passant de 10,5 millions d'euros en mars 2011 à un déficit de 500 000 euros en mars 2013) ; c'est pourquoi, la société a entendu se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité face à la concurrence mondiale, l'opération de regroupement des activités et services à [Localité 6] étant l'un des moyens d'y parvenir ;

S'il n'appartient pas au juge d'apprécier la pertinence de la réorganisation poursuivie par l'employeur, il apparaît des rapports versés (rapport Secafi) sur le secteur d'activité du groupe auquel la société appartient (groupe Alstom), que l'hydroélectricité connaissait un résultat opérationnel négatif en 2013 alors qu'il était positif les années précédentes ; aussi, la décision de procéder à la réorganisation de l'entreprise par un regroupement à [Localité 6] du centre Hydro Europe correspondait à cette volonté de sauvegarder la compétitivité du secteur de l'hydroélectricité ; alors que la SASU GE Hydro verse son livre d'entrées et de sorties du personnel justifiant que les postes de travail proposés ont été réellement pourvus, seuls les refus des salariés d'accepter leur reclassement à [Localité 6] a pu entraîner provisoirement la vacance d'emplois reprochée ; néanmoins, la SASU GE Hydro justifie d'un nombre de poste de travail créé à [Localité 6] supérieur aux sorties dans l'entreprise, de sorte que les protestations du salarié sont inopérantes, comme le sont ses critiques sur les membres du comité de direction qui n'auraient in fine pas rejoint [Localité 6], sans qu'il soit besoin de ce fait d'examiner leurs affectations ;

Sur le respect de l'obligation de reclassement :

Le salarié reproche à ce titre à son employeur ne le lui avoir adressé aucune proposition de reclassement, autre que le rappel de sa proposition de transfert de son poste à [Localité 6], l'employeur ne pouvant limiter ses offres en fonction de la volonté présumée du salarié, ni même de ses préférences exprimées en réponse à un questionnaire.

La SASU GE Hydro conteste avoir manqué à cette obligation de moyen à son égard puisqu'elle a adressé à M. [U] une proposition de reclassement pour la fonction de head of project planning France Iberica à [Localité 6] que celui-ci a déclinée sans prendre la peine de lui répondre ; d'ailleurs le salarié a délibérément restreint les opportunités de postes de reclassement en refusant toute mobilité ; elle remarque d'ailleurs que M. [U] se contente de contester sur le principe, sans autre précision ni pièce justificative, les recherches de reclassement de son employeur, ne précisant pas les postes qui auraient dû lui être proposés ; d'ailleurs, elle note que 80 % des postes au sein du groupe Alstom se situent hors du territoire national français et M. [U] n'avait pas répondu sur l'offre de reclassement à l'étranger, ce qui réduisait le périmètre des recherches ; aussi, elle conteste avoir manqué à son obligation.

Sur ce, la cour rappelle que si l'obligation qui s'impose à l'employeur n'est effectivement qu'une obligation de moyen renforcée, il convient néanmoins que celui-ci l'exécute pleinement et loyalement ; il ne peut être demandé au salarié qui conteste la mesure prise d'indiquer les postes de reclassement qui auraient dû lui être proposés ; il ressort des pièces versées et des écritures des parties que dans le cadre du projet de réaménagement de la société, l'employeur avait demandé à M. [U], head of project planning France Iberica son accord pour une modification de son contrat de travail par courrier du 25 février 2013, lui proposant d'accomplir dorénavant ses tâches à [Localité 6] aux lieu et place de [Localité 7]. Le salarié a refusé.

Dans le cadre du PSE mis en place par l'employeur, celui-ci a proposé au salarié, le 9 juillet 2013, dans le cadre de la démarche de reclassement anticipé initiée par la société Alstom Hydro France, suite à son refus de la proposition de modification de son contrat de travail, le poste de head of project planning France Iberica à [Localité 6] avec missions identiques à celles exercées jusqu'à ce jour, sa rémunération, classification et durée de travail demeurant inchangées pour un emploi à compter de septembre 2013 ; M. [U] n'a pas donné son accord. Aussi, la cour considère que l'employeur a rempli les obligations qui s'imposaient à lui, sans qu'il soit nécessaire de le contraindre à proposer un autre poste de reclassement au salarié suite à ce premier refus.

En conséquence, il convient de débouter M. [U] de sa contestation du licenciement qui repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur le non-respect des critères d'ordre :

M. [U] indique que la SASU GE Hydro n'a pas fait correctement application de l'article L. 1233-5 du code du travail en ce qu'elle n'a pas appliqué les critères d'ordre, alors qu'elle n'est pas en mesure de verser le contrat de travail de son remplaçant à [Localité 6] et que même si le poste de travail de celui-ci a été modifié, elle devait appliquer les critères d'ordre.

La SASU GE Hydro soutient que la procédure de licenciement résulte non pas de la suppression du poste de travail de M. [U] dans l'entreprise mais de son refus d'accepter la modification de son contrat de travail de sorte qu'elle n'avait pas à mettre en 'uvre la procédure revendiquée.

Il apparaît que l'ensemble des salariés concernés par le transfert de leur poste de travail à [Localité 6] ont été destinataires d'une proposition de modification de leur contrat de travail pour motif économique, à l'exception de ceux qui ont démissionné de leur emploi, de sorte que l'employeur a mis en 'uvre la procédure de licenciement collectif pour motif économique pour ceux qui avaient refusé leur transfert ; cette procédure résultait donc du refus des salariés de la modification de leur contrat de travail et non pas de la suppression de leur poste de travail de sorte que l'employeur n'avait pas à mettre en 'uvre les critères d'ordre sus mentionnés, le licenciement ayant concerné tous les salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail et leur transfert à [Localité 6] ; enfin, M. [U] ne justifie toujours pas que son poste de travail a été supprimé comme il le soutient devant la cour, la SASU GE Hydro versant au contraire le registre du personnel démontrant que le poste de head of project planning France Iberica à Grenoble est pourvu. Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes à ce titre.

Sur le manquement au reclassement externe :

Le salarié reproche à la SASU GE Hydro de ne pas avoir respecté ses engagements pris au titre du reclassement externe dans le cadre du PSE puisque dans le cadre du congé de reclassement, le PSE prévoyait que les postes disponibles en interne continueraient à être diffusés et que les salariés concernés par la réorganisation bénéficieraient d'une priorité au reclassement. M. [U] expose qu'il n'a reçu aucune proposition de reclassement en interne et a au contraire fait part de son intérêt pour plusieurs postes pour lesquels il n'a reçu aucune réponse, à l'exception du poste de directeur des programmes formation pour lequel il a passé 6 entretiens en particulier avec le VP Talents Management, M. [Y] pour être finalement écarté au profit d'une salariée qui n'était pas concernée par la réorganisation, la société se contentant d'une réponse automatique. Enfin, il rappelle que la SASU GE Hydro s'était engagée à proposer aux salariés concernés par le PSE au minimum deux offres valables d'emploi (OVE) dans le cadre du congé de reclassement au cas où le salarié demeurait actif, ce qu'il était compte tenu de son investissement dans le processus de reclassement.

La SASU GE Hydro expose qu'elle a rempli ses obligations de reclassement externe puisqu'elle a poursuivi, par le biais du cabinet Right Mamagement, le suivi de M. [U], celui-ci lui ayant proposé le 15 janvier 2014 le poste de directeur technique pour la société Etna Industrie que M. [U] déclinait immédiatement (pièce 56) puis le lendemain, il lui était proposé un poste de planner à [Localité 4] qu'il déclinait également le 20 janvier 2014, limitant son acceptation à des postes situés à [Localité 13], [Localité 8] ou [Localité 12] (pièce 57). La société Alstom transmettait la candidature de M. [U] au poste de cost and planning manager à [Localité 10] puis pour celui de responsable planification matériel (pièces 59 et 60) qui n'aboutissaient pas tandis que le poste de global design Director pour lequel M. [U] avait candidaté et avait été reçu à des entretiens était finalement attribué à une autre salariée de la société Alstom Hydro France qui relevait également d'une obligation de reclassement de la part de son employeur. La SASU GE Hydro expose enfin que M. [U] a bénéficié de formations au cours de son congé de reclassement dont il disait tout l'intérêt et la satisfaction qu'il en avait tiré (pièces 68 et suivantes de l'employeur).

Il en résulte que la SASU GE Hydro justifie que M. [U] a reçu au moins deux OVE qu'il a refusées pour des raisons personnelles de sorte que l'employeur a satisfait à ses obligations, aucun engagement n'avait été pris que le salarié bénéficiant de ce plan signerait un contrat de travail à l'issue.

Le débouté de M. [U] de ce chef sera dès lors confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [U] ;

La demande formée par la SASU GE Hydro au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Déboute M. [U] de l'intégralité de ses demandes

Condamne M. [U] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [O] à payer à la SASU GE Hydro la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01808
Date de la décision : 29/10/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°18/01808 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-29;18.01808 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award