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22/10/2020 | FRANCE | N°18/08107

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 22 octobre 2020, 18/08107


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 OCTOBRE 2020



N° RG 18/08107 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SZYJ



AFFAIRE :



SAS STEREAU





C/

SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Novembre 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :
>

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sophie CORMARY,

Me Claire RICARD,





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 OCTOBRE 2020

N° RG 18/08107 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SZYJ

AFFAIRE :

SAS STEREAU

C/

SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Novembre 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sophie CORMARY,

Me Claire RICARD,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS STEREAU

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sophie CORMARY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

Représentant : Me Jérôme MARGULICI et Me Audrey BELMONT de la SCP CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K020 -

APPELANTE

****************

SAS ROBERT HALF INTERNATIONAL FRANCE

N° SIRET : 388 358 905

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2018418 - Représentant : Me Gilles MOUSSAFIR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0562

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 17 Septembre 2020, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 24 août 2017, la société Robert Half International France (ci-après la société Robert Half) a mis à disposition de la société Stereau un salarié intérimaire, en la personne de Mme [O] [D], pour la période courant du 24 août au 29 septembre 2017. Le contrat a été prolongé par deux avenants successifs, le premier pour une durée de 2 mois du 30 septembre au 8 décembre 2017, le second pour une nouvelle durée de 14,5 mois, du 9 décembre 2017 jusqu'au 22 février 2019. La société Robert Half a signé avec Mme [D], à cette fin, des contrats de mission temporaire pour les mêmes durées.

A compter du mois de janvier 2018, plusieurs incidents ont émaillé la relation entre Mme [D] et la société Stereau.

Par courriel du 23 février 2018, et courrier du 26 février 2018 (portant toutefois la date erronée du 26 janvier 2018), la société Stereau a informé la société Robert Half de sa volonté de rompre le contrat avec Mme [D] ensuite des difficultés rencontrées avec elle (non-respect des horaires, hostilité, agressivité, refus de se soumettre à l'horaire de travail convenu...).

Par courrier recommandé du 7 mars 2018, la société Robert Half a pris acte de la rupture du contrat à l'initiative de la société Stereau, l'informant toutefois que la facturation des prestations serait intégralement due jusqu'au terme du contrat en février 2019.

Par courrier recommandé du 20 mars 2018, la société Robert Half a informé l'intérimaire de cette décision et du paiement de sa rémunération jusqu'à la fin du contrat, soit jusqu'au 22 février 2019, faute de pouvoir lui proposer, dans les conditions et délais impartis par la loi une autre mission.

Par courrier recommandé du 4 juin 2018, la société Stereau a refusé de payer à la société Robert Half les factures postérieures à la date du 23 février 2018, date de la rupture du contrat.

Par acte du 6 juillet 2018, la société Robert Half a fait assigner en référé la société Stereau devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, aux fins de condamnation au paiement d'une somme de 88.999,68 euros au titre de l'inexécution des obligations contractuelles à compter du 23 février 2018.

Par ordonnance du 24 juillet 2018, le Président du tribunal de commerce a renvoyé l'affaire au fond.

Par jugement du 14 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Condamné la société Stereau à payer à la société Robert Half la somme de 85.747,17 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- Ordonné la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamné la société Stereau à payer à la société Robert Half la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société Stereau de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- Condamné la société Stereau aux entiers dépens.

Par déclaration du 30 novembre 2018, la société Stereau a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2019, la société Stereau demande à la cour de :

A titre principal :

- Juger que la clause des conditions générales du contrat sur laquelle est fondée la demande de la société Robert Half doit être réputée non écrite ;

En conséquence :

- Infirmer le jugement entrepris ;

- Débouter la société Robert Half de ses demandes ;

- Condamner la société Robert Half à payer à la société Stereau la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A titre subsidiaire :

- Juger que la clause des conditions générales du contrat sur laquelle est fondée la demande de la société Robert Half est privée d'effet du fait de la résolution légitime de ce contrat ;

En conséquence :

- Infirmer le jugement entrepris ;

- Débouter la société Robert Half de ses demandes ;

- Condamner la société Robert Half à payer à la société Stereau la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A titre très subsidiaire :

- Juger que le quantum de la demande de la société Robert Half n'est pas fondé ;

En conséquence :

- Infirmer le jugement entrepris ;

- Apprécier la demande de la société Robert Half dans de plus justes proportions.

Par dernières conclusions notifiées le 20 mai 2019, la société Robert Half demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

- Dire que la société Robert Half est recevable en son action et bien fondée en ses moyens, fins et conclusions ;

- Constater que la société Stereau n'a pas exécuté ses obligations contractuelles ;

- Condamner la société Stereau à verser à la société Robert Half la somme de 85.747,17 euros ;

- Condamner la société Stereau à la capitalisation des intérêts ;

- Condamner la société Stereau aux entiers dépens ;

- Y ajoutant, condamner la société Stereau à verser à la société Robert Half la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mai 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article 1 d) des conditions générales annexées au contrat de mise à disposition et aux avenants que : ' date de début et de fin de mission : le non-respect de l'engagement de la durée prévue au contrat de prestation donne lieu à facturation normale jusqu'au terme du contrat initialement prévu (...)'.

En application de cette disposition, la société Robert Half sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Stereau au paiement de la somme de 85.747,17 euros correspondant au coût des prestations jusqu'au terme du contrat, soit jusqu'au 22 février 2019.

La société Stereau s'oppose à cette demande en soutenant, à titre principal que la clause des conditions générales doit être réputée non écrite en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties, à titre subsidiaire que la clause doit être privée d'effet du fait de la résolution du contrat provoquée par la faute de la société Robert Half. Il convient de revenir sur ces deux points.

1 - sur la demande tendant à voir déclarée non écrite une clause des conditions générales

Il résulte de l'article 1110 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties.

Il résulte de l'article 1171 du code civil que, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

En l'espèce, la société Stereau soutient que le contrat souscrit est un contrat d'adhésion et que la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif en ce qu'elle introduit des obligations au détriment quasi-exclusif de l'adhérent (elle-même), l'entreprise pouvant elle-même rester passive notamment en cas de comportement indélicat du salarié placé, et également rompre le contrat librement sans aucune indemnité. Elle fait notamment valoir que l'entreprise de travail temporaire est quasiment assurée d'être intégralement payée en toutes hypothèses.

La société Robert Half soutient pour sa part, en premier lieu, que le contrat litigieux n'est pas un contrat d'adhésion, et en second lieu qu'il n'existe pas de déséquilibre significatif entre les obligations des parties, notamment du fait que le contrat à durée déterminée prévoit toujours une exécution des obligations pendant la durée fixée, et que l'indemnité prévue en cas de rupture anticipée du contrat de mission constitue une obligation légale qui ne saurait dès lors être considérée comme déséquilibrée.

*****

Le contrat est composé, d'une part des conditions particulières conclues et négociées entre les parties (nom du salarié, motif du recours à l'intérim, durée du contrat....), d'autre part des conditions générales qui sont constituées d'un imprimé comportant de multiples clauses identiques pour tous les contrats.

Le seul fait que les conditions particulières aient été négociées ne permet pas de conclure que les conditions générales ont, elles aussi, fait l'objet d'une négociation.

En réalité, les conditions particulières du contrat comportent une mention pré-imprimée selon laquelle : 'l'utilisateur soussigné déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations figurant au verso qui font partie intégrante du présent contrat.' Le fait que la société Stereau ait ainsi accepté les conditions générales sans aucune réserve ne permet pas pour autant d'en conclure qu'elle disposait d'une possibilité de négociation.

L'adhérent n'a en fait pas d'autre choix que de 'prendre connaissance' des conditions générales, sans que lui soit laissée la possibilité de les négocier. Ces éléments font ainsi apparaître que les conditions générales du contrat sont déterminées à l'avance par la société de travail temporaire et soustraites à la négociation, de sorte que le contrat litigieux doit être qualifié de contrat d'adhésion.

Il convient dès lors de rechercher si la clause des conditions générales selon laquelle :'le non-respect de l'engagement de la durée prévue au contrat de prestation donne lieu à facturation normale jusqu'au terme du contrat initialement prévu' crée ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Ainsi que le fait observer la société Stereau, le non-respect de l'engagement de la durée prévue au contrat n'entraîne pas les mêmes conséquences si ce non-respect émane de la société Stereau ou de la société Robert Half.

Du côté de la société Stereau, le non-respect de l'engagement de durée entraîne la facturation normale jusqu'au terme du contrat, alors que du côté de la société Robert Half, celle-ci : 'peut mettre fin au contrat avec l'utilisateur si l'intérimaire met fin à son contrat avec l'entreprise de travail temporaire pour quelque raison que ce soit. L'entreprise de travail temporaire ne sera en aucun cas redevable d'une indemnité pour la fin du contrat'.

Le non-respect de la durée du contrat entraîne ainsi des conséquences radicalement différentes, selon qu'il émane de la société Stereau ou de la société Robert Half, ce qui implique un déséquilibre entre les obligations réciproques des parties.

Ce n'est pas le paiement intégral de la prestation jusqu'au terme qui est considéré, à lui seul, comme déséquilibré, mais le fait que cette obligation à la charge de la société Stereau ne trouve pas de contrepartie dans les obligations de la société Robert Half en cas de non-respect par celle-ci de la durée du contrat.

Autrement dit, le fait que la société Stereau soit contrainte de régler les prestations jusqu'au terme du contrat est effectivement conforme aux dispositions légales et n'est pas contesté en soi. Il n'est pas soutenu que cette clause déroge à une disposition quelconque du droit positif. C'est uniquement le fait que cette obligation ne trouve aucune disposition similaire en cas de non respect par la société Robert Half qui entraîne un déséquilibre entre les obligations réciproques.

Ce déséquilibre pourrait paraître significatif dans le cas particulier de la société Stereau dès lors qu'il aboutit à une facturation conséquente (plus de 85.000 euros). Pour apprécier le caractère significatif d'un déséquilibre, il convient toutefois d'adopter une approche généraliste et non pas une approche particulière.

Si l'on s'en tient à une approche généraliste, il n'est pas établi que le déséquilibre mis en évidence revête un caractère significatif, notamment dans le cas d'une mission de courte durée comme c'est le cas dans la grande majorité des cas. Cette clause trouve en outre son origine dans le principe même du contrat à durée déterminée qui implique l'exécution des obligations réciproques, et notamment du paiement, pendant la totalité de la durée du contrat.

La cour observe également que la loi (article L.1251-26 du code du travail) oblige l'employeur qui rompt le contrat de mission d'un salarié avant le terme prévu au contrat, sauf faute grave ou force majeure, à proposer à ce dernier un nouveau contrat, et à défaut à assurer au salarié une rémunération équivalente à celle qu'il aurait normalement perçue jusqu'au terme, de sorte que la répercussion de cette obligation de paiement de la rémunération sur l'entreprise utilisatrice n'apparaît pas totalement déraisonnable.

S'il est exact que, dans le cas particulier des relations contractuelles entre les sociétés Robert Half et Stereau, l'application de la clause litigieuse aurait un impact important sur les droits de la société Stereau, cette clause de paiement intégral n'apparaît pas déraisonnable dans le cas général d'un contrat à durée déterminée de courte ou moyenne durée, et ne permet donc pas de caractériser une menace à l'économie générale du contrat.

La cour observe enfin que l'absence d'obligation à versement d'une indemnité pour le non-respect de la durée du contrat, lorsque c'est la société Robert Half qui y met fin, est conditionnée par un élément extérieur, indépendant de la volonté de cette dernière, à savoir le fait que l'intérimaire met lui-même fin à son contrat avec l'entreprise de travail temporaire. Cela permet d'expliquer que les conséquences du non-respect de la durée ne soient pas les mêmes lorsque celui-ci est imputable à la société Stereau pour une raison qui lui est propre.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de rejeter la demande de la société Stereau tendant à dire que la clause litigieuse doit être réputée non écrite.

2 - sur la demande de résolution du contrat

Il résulte de l'article 1229 du code civil que la résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procurées l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En l'espèce, la société Stereau sollicite, à titre subsidiaire, la résolution du contrat de mission temporaire, au motif que la société Robert Half a commis une faute en s'abstenant délibérément d'exercer son pouvoir disciplinaire sur sa salariée, et de fournir tous les efforts utiles pour exécuter la prestation contractuellement prévue dans des conditions satisfaisantes. Elle lui reproche notamment de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité, en laissant la salariée tenir des propos virulents et incohérents sans réagir, et en ne réagissant pas à son insubordination lorsqu'elle a décidé de reprendre son travail en réduisant unilatéralement ses horaires, ce qui n'était pas en lien avec son état de santé et pouvait ainsi justifier une sanction de la société Robert Half.

La société Robert Half soutient au contraire qu'elle a parfaitement exécuté son obligation de moyens et qu'elle a été particulièrement diligente. Elle fait notamment valoir qu'elle n'est tenue d'aucune obligation postérieure au placement de la salariée, notamment quant à un éventuel licenciement de la salariée. Elle ajoute que l'entreprise utilisatrice est seule responsable notamment de la santé et de la sécurité au travail. Elle indique enfin avoir fait toute diligence, au-delà de son obligation, pour résoudre les difficultés avec la salariée.

*******

Ainsi que le fait observer la société Robert Half, celle-ci n'est débitrice à l'égard de la société Stereau d'aucune obligation contractuelle d'exercer son pouvoir disciplinaire sur la salariée, de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être imputé pour avoir omis d'exercer ce pouvoir.

S'agissant de la sécurité dans les relations de travail, les conditions générales prévoient expressément que : 'l'utilisateur est civilement responsable, en tant que commettant du personnel temporaire placé sous sa direction exclusive, de tous les dommages causés à des tiers sur les lieux ou à l'occasion du travail (...).', de sorte que c'est la société Stereau qui était débitrice de l'obligation de sécurité alléguée à l'égard des autres salariés.

Il n'en reste pas moins toutefois que la société Robert Half s'est engagée à mettre à disposition de la société Stereau une 'assistante ingénierie' pour une période de 14,5 mois selon un horaire journalier de 9 h à 18 heures, avec 37,5 heures de travail par semaine (soit 7,5 heures par jour).

Après un incident grave sur le lieu de travail le 29 janvier 2018 (Mme [D] s'étant enfermée dans son bureau en écoutant de la musique à un niveau sonore très élevé et en proférant des propos incohérents jusqu'à faire un malaise qui a donné lieu à l'intervention des services de secours), faisant lui-même suite à d'autres incidents ayant justifié l'intervention de la société Robert Half, Mme [D] a finalement fait l'objet d'un arrêt de travail sur la période du 31 janvier au 23 février 2018, le médecin du travail ayant notamment estimé que son état de santé n'était pas compatible avec la reprise du travail.

Le 23 février 2018, Mme [D] a écrit à la société Stereau qu'elle reprendrait son travail le lundi 26 février à 8 h30. Elle ajoutait : 'je poursuivrais (sic) ces horaires de 8 h 30 à 16 h30 toute la semaine pour l'harmonisation de ma paie et pour divers rendez-vous et je souhaite poursuivre le reste de ma mission sur cette amplitude d'horaire. Finir à 18 heures n'a aucun intérêt dans mon travail, cela est épuisant car je n'ai, plus que souvent, rien à faire pendant plus d'une heure et c'est juste de l'acte de présence ce qui est inutile à tout niveaux (sic) de plus la médecin du travail et (sic) pour ce changement.'

Il est cependant établi que cette modification horaire ne résulte d'aucune préconisation de la médecine du travail qui a attesté, le 23 février 2018, d'un état de santé compatible avec la reprise du poste, sans aucune réserve.

Le 23 février, la société Stereau a aussitôt répondu à Mme [D] qu'au regard des difficultés rencontrées, il n'était pas nécessaire qu'elle se présente sur son lieu de travail le 26 février.

Le même jour, la société Stereau a adressé un courrier à la société Robert Half pour l'informer qu'elle ne souhaitait pas poursuivre le contrat de mise à disposition, à la suite des nombreux et graves incidents dont elle rappelait la chronologie. Elle a confirmé sa volonté de résiliation dans un courrier recommandé daté du 26 janvier 2018 (en réalité 26 février 2018).

La société Robert Half a accusé réception de la demande de rupture du contrat, estimant toutefois qu'il s'agissait d'une rupture à l'initiative de la société Stereau entraînant la facturation de la totalité des sommes dues jusqu'au terme du contrat.

Force est ici de constater que la modification unilatérale des horaires de travail de Mme [D] qui consent à travailler de 8 h 30 à 16 h30 alors que la société Robert Half s'est elle-même engagée à mettre un salarié à disposition de la société Stereau de 9 heures à 18 heures, ainsi que cela ressort des conditions particulières du contrat, caractérise un manquement de la société Robert Half à ses obligations.

Contrairement à ce que soutient la société Robert Half, la société Stereau n'avait aucune obligation d'accepter la reprise de la salariée aux horaires que celle-ci avait unilatéralement décidés, et sa décision de rompre le contrat, bien que soudaine, n'est pas pour autant injustifiée.

La modification des horaires de travail de la salariée, en ce qu'elle porte sur une diminution d'une heure de travail par jour, et implique en outre une prise de poste 30 minutes avant celle contractuellement fixée, était d'une importance telle que la société Stereau était fondée à prononcer la résiliation du contrat de mise à disposition, à effet de la réception de la notification de cette résiliation, soit le 26 février 2018, au motif du manquement de la société Robert Half à son obligation de mise à disposition d'un salarié pour des horaires déterminés.

Il convient donc de constater la résiliation du contrat de mise à disposition au 26 février 2018, le jugement étant infirmé de ce chef.

Compte tenu de cette résiliation du contrat au 26 février 2018 aux torts de la société Robert Half, celle-ci n'est pas fondée en sa demande d'application de la clause contractuelle prévoyant la facturation des prestations jusqu'au terme du contrat. La société Robert Half sera donc déboutée de ses demandes. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Robert Half qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à la société Stereau une indemnité de procédure de 4.000 euros

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 novembre 2018,

Et statuant à nouveau,

Déboute la société Robert Half International France de ses demandes,

Condamne la société Robert Half International France à payer à la société Stereau la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Robert Half International France aux dépens de première instance et d'appel.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Madame Patricia GERARD faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/08107
Date de la décision : 22/10/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/08107 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-22;18.08107 ?
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