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08/10/2020 | FRANCE | N°19/03136

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 08 octobre 2020, 19/03136


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 OCTOBRE 2020



N° RG 19/03136 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TFJS



AFFAIRE :



Société COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS - CE GC





C/

Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières - SOCAF-









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Mars 2019 par le Tri

bunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2007F01198



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jack BEAUJARD

Me Pascal KOERFER







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU P...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 OCTOBRE 2020

N° RG 19/03136 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TFJS

AFFAIRE :

Société COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS - CE GC

C/

Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières - SOCAF-

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Mars 2019 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2007F01198

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jack BEAUJARD

Me Pascal KOERFER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS - CE GC

N° SIRET : 382 .50 6.0 79

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Jack BEAUJARD de la SELAS DLDA AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 543 - N° du dossier 20190081 - Représentant : Me Christofer CLAUDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières - SOCAF-

N° SIRET : B 6 72 011 293

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.31 - N° du dossier 17153175

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bruno NUT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières, ci-après dénommée « Socaf », est une société coopérative de caution mutuelle dont l'objet est de garantir, dans le cadre des dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi « Hoguet » et du décret d'application du 20 juillet 1972, le remboursement ou la restitution des sommes versées ou remises à ses adhérents, agents immobiliers ou gérants d'immeubles, dans le cadre de leurs activités professionnelles et ce dans l'intérêt de la clientèle du mandataire garanti.

La société anonyme Compagnie Européenne de Garanties et Cautions, ci-après « Cegc », société commerciale, a la même vocation.

Le cabinet Fabre Immobilier exerçait une activité régie par les articles 1 et suivants de la loi « Hoguet ».

La société Cegc, qui était son garant financier, lui a demandé divers documents, à défaut desquels, le contrat pourrait être résilié.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 janvier 2016, la société Cegc a demandé au cabinet Fabre Immobilier de lui « faire parvenir dans les plus brefs délais les registres légaux (...) afin de procéder à l'information individuelle de la cessation de notre garantie ».

Le cabinet Fabre Immobilier n'aurait pas répondu à ces demandes.

La société Cegc a alors décidé de cesser sa garantie et a procédé à la publication de cessation de garantie dans un journal du département dans lequel se situait le siège social de la société Cabinet Fabre Immobilier, le vendredi 15 janvier 2016.

Par lettre du 15 mars 2016, la société Socaf a notifié à la société Cegc qu'elle accordait sa garantie au cabinet Fabre Immobilier avec reprise d'antériorité, à effet du même jour.

Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 janvier 2017, le cabinet Fabre Immobilier a été placé en liquidation judiciaire.

Il s'est avéré que l'un des dirigeants du cabinet Fabre Immobilier avait détourné depuis 2013 d'importantes sommes d'argent ce qui a suscité un certain nombre de déclarations de créances.

Par lettre du 13 mars 2017, la société Socaf a informé les anciens mandants du cabinet Fabre Immobilier de son refus de garantie, leur indiquant que celle-ci n'avait pas pu prendre effet en application du décret du 20 juillet 1972, et les a invités à se rapprocher de la société Cegc.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 mars 2017, la société Socaf a informé la société Cegc de son refus de garantie.

Plusieurs copropriétés ont procédé à leurs déclarations de créances entre les mains de la société Socaf et se sont vues invitées par cette dernière à se retourner vers la société Cegc.

Par courrier du 4 mai 2017, la société Cegc a retourné à la société Socaf un certain nombre de courriers de réclamation adressés par divers mandants.

C'est dans ces conditions que par acte extrajudiciaire du 12 juin 2017, la société Socaf a assigné la société Cegc devant le tribunal de commerce de Nanterre, aux fins de voir reconnaître que sa propre garantie n'a pas pris effet et que celle de la Cegc n'a pas pris fin.

Par acte signifié le 6 décembre 2017 la société Socaf a assigné en intervention forcée le cabinet Fabre Immobilier, 'pris en la personne de son liquidateur judiciaire la Selarl BRMJ'.

Par jugement du 26 mars 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

-dit la société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières recevable en son action ;

-dit que la cessation de garantie de la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions est nulle et que la nouvelle garantie de la société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières avec reprise d'antériorité n'a pas pris effet ;

-débouté la société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières de sa demande de dommages et intérêts ;

-débouté la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de toutes ses demandes ;

-condamné la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions à payer la somme de 5.000 euros à la société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 26 avril 2019, la société Cegc a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 2 juin 2020, la société Cegc a demandé à la cour de :

- Recevoir la société Cegc en son appel,

- Et, l'y disant bien fondée,

- Infirmer le jugement rendu 26 mars 2019 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :

Jugé la société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières recevable en son action ;

Dit que la cessation de garantie de la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions est nulle ;

Dit que la nouvelle garantie de la société Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières avec reprise d'antériorité n'a pas pris effet ;

Débouté la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de toutes ses demandes, à savoir :

En ce qu'il a débouté la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de sa demande de condamnation au paiement d'une amende civile pour procédure abusive ;

En ce qu'il a débouté la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de sa demande de paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En ce qu'il a débouté la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de sa demande de condamnation de la société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 de 10.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Condamné la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions à payer la somme de 5.000 euros à la société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Foncières au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Et, statuant à nouveau,

Sur la cessation de la garantie de la société Cegc :

- Juger que la cessation de garantie accordée par la société Cegc à la société cabinet Fabre Immobilier a été publiée le 15 janvier 2016 et était donc effective au 18 janvier 2016 et donc valide ;

En conséquence,

- Débouter la société Socaf de sa demande ;

Sur la garantie de la société Socaf :

Sur l'irrecevabilité de la demande de la société Socaf,

- Rappeler que la société Cegc est tiers au contrat de garantie conclu entre la société Socaf et la société cabinet Fabre Immobilier ;

En conséquence,

- Juger que la société Socaf est irrecevable à agir à l'encontre de la société Cegc, tiers au contrat, pour remettre en cause ce dernier ;

A titre principal, sur le mal fondé de la demande de la société Socaf:

- Juger que la société Socaf n'est pas fondée à agir à l'encontre de la société Cegc en ce qu'elle réclame la mise à néant d'un contrat auquel la société Cegc n'est pas partie ;

En conséquence,

- Débouter la société Socaf de sa demande tendant à voir juger sans effet sa garantie ;

Sur la reprise d'antériorité :

- Juger que la société Socaf a stipulé s'engager à reprendre avec tous ses effets la garantie de la société Cegc au titre de la reprise d'antériorité ;

En conséquence,

- Débouter la société Socaf de sa demande tendant à voir juger sans effet la reprise d'antériorité ;

Sur les demandes subsidiaires de la société Socaf tendant à voir décaler le point de départ de sa garantie à la date du 15 mars 2016 et à voir proroger celle de la société Cegc jusqu'à cette date :

- La juger irrecevable ;

- A défaut, la juger mal fondée et rejeter ses demandes ;

Reconventionnellement, sur le caractère abusif de l'action enclenchée par la société Socaf,

- Condamner la société Socaf au paiement d'une amende civile pour procédure abusive ;

- Condamner la société Socaf au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- Condamner la société Socaf au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 15.000 euros au titre de la première instance ainsi qu'aux entiers dépens ;

Y ajoutant,

- Débouter la société Socaf de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société Cegc ;

- Condamner la société Socaf au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 7.000 euros au titre de la présente procédure d'appel ;

- Condamner la société Socaf aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selas DLDA avocats, représentée par maître Jack Beaujard, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 28 mai 2020, la société Socaf a demandé à la cour de :

A titre principal

- Déclarer la société Cegc irrecevable et mal fondée en son appel ;

- Constater que la société cabinet Fabre Immobilier, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la Selarl Brmj, a bien été appelée dans la cause en première instance ;

- Constater que la déclaration d'appel régularisée le 18 septembre 2019 par la société Cegc aurait dû également être effectuée à l'encontre de la société cabinet Fabre Immobilier pris en la personne de son liquidateur ;

- Constater que c'est avec malveillance et intentionnellement que la société Cegc a relevé appel partiellement omettant de remettre la société cabinet Fabre Immobilier dans la cause, sollicitant aujourd'hui l'irrecevabilité de la procédure pour défaut de mise en cause de la société Cabinet Fabre Immobilier ... par la société Socaf ('') ;

- Constater qu'au vu de la thèse développée par la société Cegc depuis le départ, c'est au contraire l'appel relevé par la société Cegc qui est entaché de nullité, celui-ci n'ayant pas été relevé à l'encontre de la société cabinet Fabre Immobilier prise en la personne de son liquidateur ;

- Prononcer la nullité de l'appel ainsi relevé par la société Cegc ;

Subsidiairement,

- Constater que si la cessation de garantie de la société Cegc a bien été publiée, en revanche l'avis de cette cessation de garantie s'accompagnant d'un changement de garant avec reprise d'antériorité aurait dû préciser les coordonnées du nouveau garant ainsi que le fait que le nouveau garant avait stipulé la clause prévue au dernier alinéa de l'article 22-1, c'est-à-dire la reprise d'antériorité ;

- Dire qu'il s'agit là d'une obligation légale dès lors qu'il y a reprise d'antériorité, obligation soulignée jurisprudentiellement ;

- Dire et juger qu'il y avait lieu en effet de procéder à publication d'un deuxième communiqué ;

- Constater qu'en raison de la violation de ces dispositions, la garantie de la société Cegc n'a pas pris fin ; il lui suffisait pourtant de ne procéder qu'à la simple publication d'un additif ;

- Constater que pour les mêmes raisons la garantie conférée par la société Socaf n'a pas pris effet, et a fortiori sa reprise d'antériorité ;

- Constater que la déclaration de créance régularisée par la société Cegc équivaut entre les mains du mandataire liquidateur de la société cabinet Fabre Immobilier, équivaut à reconnaissance de responsabilité;

A titre infiniment subsidiaire,

- Juger que la garantie de la société Socaf n'aura pris effet qu'à compter du 15 mars 2016, sans reprise d'antériorité du fait même de l'inopposabilité au tiers de cette reprise pour absence de publication, ce manquement étant dû à la négligence de la société Cegc ;

- Juger que la garantie de la société Cegc devra alors être prorogée au 15 mars 2016 ;

En tout état de cause,

- Constater que le tribunal de commerce de Nanterre a omis de statuer sur la question de l'opposabilité du jugement à l'encontre de la société cabinet Fabre Immobilier prise en la personne de son liquidateur, la Selarl Brmj ;

- Dire que l'arrêt à intervenir dans le cadre de la procédure en principal opposant la société Cegc à la société Socaf sera opposable à la société cabinet Fabre Immobilier prise en la personne de son liquidateur la Selarl Brmj et lui sera de facto dénoncé ;

- Condamner la société Cegc au versement d'un montant de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Condamner la société Cegc au versement d'un montant de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

Sur ce, la cour,

Sur la procédure

La recevabilité de l'appel est contestée 'in limine litis' par la société Socaf qui reproche à Cegc de ne pas avoir intimé le cabinet Fabre Immobilier pris en la personne de son liquidateur et n'invoque aucun moyen de droit à l'appui de sa demande. La société Socaf demande ensuite sur le même fondement que l'appel soit déclaré nul.

La société Cegc conclut au débouté de la demande d'irrecevabilité de l'appel en soutenant que la présence du cabinet Fabre Immobilier à la procédure d'appel n'aurait pas changé le fait qu'étant un tiers au contrat conclu entre Socaf et le cabinet Fabre Immobilier, les demandes tendant à voir remise en cause la validité de la garantie financière ne peuvent être dirigées à l'encontre de la Cegc et que la décision à venir sera opposable au cabinet Fabre Immobilier.

Le litige qui oppose les parties n'étant pas indivisible à l'égard du cabinet Fabre Immobilier, l'absence du mandataire judiciaire de cette dernière société dans le cadre de la procédure d'appel ne peut constituer une cause d'irrecevabilité de l'appel.

La société Socaf sera donc déboutée de cette fin de non recevoir et l'appel sera déclaré recevable.

La société Socaf qui conclut aux termes du dispositif de ses conclusions à la nullité de l'appel après avoir conclu à son irrecevabilité ne discute pas de cette prétention non formulée dans le corps de ses conclusions. Or, la partie devant récapituler dans le dispositif de ses conclusions les prétentions expressément formulées dans la discussion, et la cour étant tenue de statuer sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examinant les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, l'intimée qui n'a pas expressément conclu à la nullité de la déclaration d'appel ni invoqué aucun moyen de droit à l'appui de cette prétention dans la discussion et qui ne peut pas reprendre dans le dispositif de ses conclusions une prétention qui n'a pas été présentée dans la discussion, sera déboutée de son exception de nullité.

L'article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment, outre les mentions prescrites par l'article 57 (dans sa version en vigueur au 1er janvier 2020), et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il ressort de l'article 562 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Sur le fond

Sur la recevabilité de l'action de la société Socaf

La société Cegc soutient que la société Socaf est irrecevable à agir à son encontre au motif qu'elle est un tiers au contrat de garantie passé avec la société cabinet Fabre Immobilier.

La société Socaf considère que la cessation de garantie financière est totalement indépendante de la nouvelle garantie financière avec reprise d'antériorité.

La société Socaf ayant assigné la société Cegc en soutenant que cette dernière société n'avait pas respecté ses obligations légales en termes de publicité relative au changement de garant pour le cabinet Fabre Immobilier, et prétendant que sa garantie financière n'a pas été mise en oeuvre en raison de la nullité de la cessation de celle précédemment accordée par la Cegc, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Socaf était recevable en son action.

Ainsi, et faute d'indivisibilité du litige avec la société Cabinet Fabre Immobilier, la société Cegc sera déboutée de sa fin de non recevoir et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le changement de garant

L'article 44 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972, pris pour l'application de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet, énonce que :

La garantie cesse en cas de démission de l'adhérent d'une société de caution mutuelle, de dénonciation du contrat de garantie ou d'expiration de ce contrat.(...).

La cessation de garantie fait l'objet d'un avis dans un quotidien paraissant ou, à défaut, distribué dans le département où est situé le siège, dans le cas des personnes morales, ou le principal établissement, dans les autres cas, de la personne à laquelle a été donnée la garantie ainsi que, le cas échéant, dans le ou les départements où sont situés les établissements, succursales, agences ou bureaux qui dépendent de celle-ci. Cet avis mentionne le délai de production des créances prévu au troisième alinéa de l'article 45 ainsi que son point de départ. Lorsque la cessation de garantie s'accompagne d'un changement de garant, l'avis précise, le cas échéant, que le nouveau garant a stipulé la clause prévue au dernier alinéa de l'article 22-1.

La garantie ne peut cesser avant l'expiration d'un délai de trois jours francs suivant la publication prévue à l'alinéa précédent.

L'article 45 du même décret dispose que :

En cas de cessation de garantie, le garant informe immédiatement, par lettre recommandée avec avis de réception, les personnes ayant fait des versements et remises au titulaire de la carte professionnelle depuis moins de dix ans et dont les noms et adresses figurent sur le registre-répertoire prévu à l'article 51, ainsi que les personnes ayant donné mandat de gérer leurs immeubles et dont les noms et adresses figurent sur le registre des mandats prévus à l'article 65.

...

Dans tous les cas, la lettre mentionne le délai de production des créances prévu au troisième alinéa du présent article ainsi que son point de départ.

Toutefois, lorsque la cessation de garantie s'accompagne d'un changement de garant et que le nouveau garant justifie auprès de l'ancien avoir stipulé la clause prévue au dernier alinéa de l'article 22-1, l'avis mentionné au troisième alinéa de l'article 44 tient lieu de l'information prévue à l'alinéa précédent.

Toutes les créances visées à l'article 39 qui ont pour origine un versement ou une remise fait antérieurement à la date de cessation de la garantie restent couvertes par le garant si elles sont produites par le créancier dans un délai de trois mois à compter de la réception de la lettre prévue au premier alinéa, lorsque celui-ci est au nombre des personnes mentionnées par cet alinéa, ou, dans les autres cas, de la publication de l'avis prévu au troisième alinéa de l'article 44. Ce délai ne court que s'il est mentionné, ainsi que son point de départ, par la lettre ou par l'avis, selon le cas.

Il ressort des articles précités que la cessation de garantie doit faire l'objet d'une publicité et peut se faire sans changement de garant.

Il est produit un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 janvier 2016 adressé par la société Cegc au Cabinet Fabre Immobilier faisant état de la résiliation au 15 janvier 2016 des garanties financières au titre des activités de transactions et de gestion immobilière. La société Cegc justifie avoir ensuite procédé aux formalités de publication de cessation de garantie dans le quotidien Midi Libre, journal du département dans lequel se situait le siège social de la société Cabinet Fabre Immobilier, le vendredi 15 janvier 2016 à effets trois jours francs après la publication de l'avis, soit le 18 janvier 2016.

La société Cegc a en outre bien demandé au Cabinet Fabre Immobilier la communication des registres légaux afin de procéder à l'information individuelle des créanciers de la cessation de sa garantie. Ces registres ne lui ayant pas été adressés, elle s'est trouvée, par la faute du Cabinet Fabre Immobilier, dans l'impossibilité matérielle d'informer par lettre recommandée avec avis de réception, les personnes ayant fait des versements et remises à cette dernière société depuis moins de dix ans.

La société intimée, qui soutient que la Cegc aurait dû publier un communiqué indiquant que la société Socaf, en sa qualité de nouveau garant de la société Cabinet Fabre Immobilier, avait justifié reprendre avec tous ses effets la garantie financière de la Cegc, n'établit pas que la cessation de garantie de la part de la Cegc à la date du 18 janvier 2016 s'accompagnait à cette date d'un changement de garant. Ainsi, les dispositions du décret précité n'imposent pas à l'ancien garant de procéder à une telle publicité, ces dispositions ayant pour finalité d'informer les créanciers de la cessation de la garantie et non du changement de garant sauf lorsque la cessation de garantie s'accompagne d'un changement de garant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la cessation de garantie de la société Cegc est intervenue le 18 janvier 2016 et que la garantie de la société Socaf est intervenue deux mois après, le 15 mars 2016. En outre aucune disposition du décret ne prévoit, lorsque la cessation de garantie ne s'est pas accompagnée d'un changement de garant, l'obligation pour l'ancien garant de publier à posteriori un avis mentionnant le nom du nouveau garant et la reprise d'antériorité. Enfin, la demande de la Socaf de procéder à une nouvelle publication, qui n'est pas génératrice de droit, ne saurait créer d'obligation à la charge de la société Cegc.

Ainsi, les formalités de notification de la cessation de garantie par le garant prévues aux articles 44 et 45 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972, ayant pour seul effet de déterminer le point de départ du délai de trois mois imparti aux créanciers pour présenter leur réclamations et étant sans incidence sur la cessation de garantie qui intervient, en application de l'article 44 alinéa 3 du décret, à l'expiration d'un délai de trois jours francs suivant sa publication, les premiers juges ne pouvaient dire sans dénaturer ces articles que la cessation de garantie de la Cegc n'avait pas été effective et qu'elle devait être déclarée nulle.

Il s'en suit que la cessation de garantie de la société Cegc qui justifie avoir procédé aux formalités de publication de cessation de garantie dans un quotidien du département dans lequel se situait le siège social de la société Cabinet Fabre Immobilier, le vendredi 15 janvier 2016 en indiquant qu'elle prenait effets trois jours francs après la publication de l'avis, est valide. Il sera donc fait droit à la demande de la société Cegc et le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la cessation de garantie de la société Cegc est nulle.

Sur la garantie de la société Socaf, le point de départ de cette garantie et la reprise d'antériorité

La société Socaf qui reproche à la société Cegc de ne pas avoir publié un avis rectificatif informant les tiers de son engagement à reprendre la garantie du précédent garant a bien qualité pour demander subsidiairement que la garantie de la Cegc, précédent garant, soit prorogée.

La société Cegc sera déboutée de sa fin de non recevoir.

La société Socaf soutient que sa garantie n'a pris effet qu'à compter du 15 mars 2016 sans reprise d'antériorité.

L'article 22-1, dernier alinéa du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 énonce que :

En cas de changement de garant, le nouvel engagement peut stipuler que le garant reprend avec tous ses effets la garantie du précédent.

La société Socaf a, le 15 mars 2016, accepté de garantir la société Cabinet Fabre Immobilier à effet au 1er janvier 2016 en reprenant l'antériorité ainsi qu'il ressort des deux attestations de garantie.

Elle a également adressé le même jour un courrier recommandé à la société Cegc selon lequel elle :

-stipule expressément accepter de reprendre, avec tous ses effets, la garantie de la Cegc...

-s'engage à ce titre, à traiter et à prendre en charge directement les réclamations qui pourraient être adressées à la Cegc ainsi qu'à la garantir de tout règlement qu'elle serait dans l'obligation d'effectuer au profit d'un créancier, notamment du fait des condamnations qui pourraient être prononcées à l'égard du cabinet SARL Cabinet Fabre Immobilier, dans le cadre d'une procédure judiciaire et ce, dans la mesure où ces réclamations ou procédures judiciaires ne seraient pas connues à la date de la cessation effective de la garantie financière accordée par Cegc.

Cette reprise d'antériorité, exposée ci-dessus, est consentie par la Socaf à l'effet de dispenser la Cegc de l'accomplissement des formalités individuelles de cessation de garantie, conformément au deuxième alinéa de l'article 45 du décret du 20 juillet 1972.

La cessation de garantie de la société Cegc qui n'était accompagnée d'aucun changement de garant à la date du 18 janvier 2016 ne souffrant d'aucune irrégularité comme ayant été régulièrement publiée, l'engagement pris par écrit par la société Socaf le 15 mars 2016 de reprendre avec tous ses effets la garantie du précédent garant a pris effet et ne peut être contesté par la société intimée.

Ainsi, la société Socaf sera déboutée de ses demandes alors qu'il sera fait droit à celle de la société Cegc et le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la nouvelle garantie de la société Socaf avec reprise d'antériorité n'a pas pris effet.

Sur l'amende civile et les dommages et intérêts pour procédure abusive

La preuve n'étant pas rapportée que la société Socaf, quand bien même a-t-elle succombé en appel, a agi en justice de manière dilatoire ou abusive, il n'y a pas lieu de la condamner à payer une amende civile.

La société Cegc se bornant à solliciter des dommages-intérêts sans préciser en quoi la société Socaf aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir sera déboutée de cette demande.

Sur la demande d'opposabilité de l'arrêt à la société cabinet Fabre Immobilier

L'arrêt rendu par la cour ayant la force probante d'un acte authentique opposable, et la société Socaf étant libre de signifier l'arrêt à qui elle le souhaite, il y a lieu de débouter cette dernière de sa demande tendant à déclarer l'arrêt opposable à 'la société Cabinet Fabre Immobilier prise en la personne de son mandataire judiciaire'.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Etant par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de la société Cegc les frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Cegc à payer à la société Socaf la somme de 5 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile. La société Socaf sera condamnée à payer à la société Cegc une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance ainsi qu'une somme de 4 000 euros en application du même article pour les frais irrépétibles exposés en appel.

La société Socaf qui succombe en cause d'appel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant également infirmé en ce qu'il a condamné la société Cegc aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DECLARE l'appel recevable,

INFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières de ses demandes,

CONDAMNE la Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières à payer à la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions les sommes de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

CONDAMNE la Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières à payer à la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions les sommes de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières aux dépens de première instance et d'appel dont ces derniers pourront être directement recouvrés par la Selas DLDA représentée par Me Jack Beaujard, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03136
Date de la décision : 08/10/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°19/03136 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-08;19.03136 ?
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